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lettres de la campagne

posté le 24-08-2009 à 19:19:14

Jean Vodaine, le passeur de mots.

Jean Vodaine. Un art brut. -



Armé d'une "machine à imprimer" de caractère artisanal, de caractères dont l'imprimerie commerciale ne fait plus usage, Jean Vodaine conçoit des ouvrages d'un aspect rustique d'une allure incroyable. L'aristocratie du pauvre.
Il est l'ami de Gaston Chaissac qu'il est l'un des premiers à célébrer, et de Dubuffet qui, plus que tout autre, regarde autour de lui et déniche des pépites dans le magma de la vie culturelle ( disant tout le mal qu'il pense de la culture bourgeoise). Jean Vodaine, dans les marches de l'Est, plus loin encore de Paris que ne fut l'ardennais Rimbaud, imprime les poèmes qu'il aime, les dessins qui en sont le doublement par la liberté de la main. C'est ferme sous les yeux, dru comme un matin d'hiver, un plein chant du soleil en été, sans chichi et d'une formidable élégance naturelle. On vient d'annoncer sa disparition. Naviguer sur Internet vous donne parfois des sueurs froides. On peut aller se promener dans ses jardins à travers google. Le voyage vaut la peine. Il n'y a pas de peine pour la vérité du coeur
 


 
 
posté le 23-08-2009 à 17:44:38

Le perroquet de Flaubert.

Il y en aurait deux. Un de trop. L'un dans une vitrine-musée, l'autre dans ce qui reste de la demeure de l'écrivain, une salle où l'on a réuni, tant bien que mal, des objets liés à sa vie. Un autre perroquet semblable au premier,  mais déplumé et en deuil de Flaubert qui l'avait en sa compagnie. C'était pour l'écriture de "Un coeur simple". D'ailleurs à l'Hôtel Dieu, à propos du premier on le précise :  " Perroquet emprunté par G. Flaubert au musée de Rouen pour être mis sur sa table de travail pendant la rédaction d'Un coeur simple où il s'appelle Loulou, le perroquet de Félicité, personnage principal du conte de Flaubert".
Même scénario chez Flaubert lui-même. Et le malicieux Julian Barnes l'auteur de ce livre délicieux "Le Perroquet de Flaubert", de reconnaître qu'après tout l'authenticité de la pièce invoquée n'avait qu'une importance relative, sinon pour celui qui aura fait, comme lui, une fixation sur l'objet fétiche. Lequel des deux a côtoyé la souffrance de l'écriture ?
De ce qui reste de l'écrivain, touchant son quotidien, il n'y a, de toutes manières, que des miettes, des laissés pour compte dans un changement radical de l'endroit et la ruine fatale de tout lieu qui, s'il n'est plus "habité" reste pourtant celui qui enveloppe une pensée, une action, un désir dont dépendra une oeuvre.
Toute relative est l'authenticité de ce qu'on nous montre dans ces nombreuses demeures d'écrivains qui ont fait l'objet de très  bon guides. Ce sont, de toutes manières, des lieux où est passée l'ombre du génie. Peut-être reste-il un  fantôme? Un perroquet ferait bien l'affaire. Mais on sait bien que les fantômes, c'est nous qui les inventons.

 


 
 
posté le 22-08-2009 à 16:58:24

Les Grands Boulevards et le monde de la galanterie.

Sur le tracé des anciennes murailles qui ceinturaient le Paris médiéval vont se développer les "grands boulevards". De la République à la Madeleine, une poussée de fièvre, où l'argent et l'amour perdent leurs repères et s'entrecroisent, où se font et se défont les réputations. Au rythme trépidant de la presse qui y implante ses plus importants journaux. La galanterie y dessine de séduisants chemins de mousseline et de soie, où règne la cocotte en ses parures de princesse de ce demi-monde qui veut défier l'ancienne hiérarchie où la noblesse de cour tenaient le haut du pavé. Ici le pavé est à l'audace, l'initiative, le talent, voire la rosserie. C'est le monde du ragot et des scandales. Et parmi les énergies d'un monde qui découvre la joie de la consommation, se glissent tous les talents dont ceux de séduire. Depuis les scènes des théâtres nombreux en l'endroit jusqu'aux tables des  cafés où se déploie le talent des gazetiers, chacun étant le Saint Simon de son monde. C'est déjà la "furia" de la rue, l'immense serpent des voitures qui se pressent. Paris y trouve les accents de la modernité.

 


 
 
posté le 22-08-2009 à 13:38:02

Le blanc du papier chez Mallarmé.

S'il a relativement peu publié de son vivant, Stéphane Mallarmé a très volontiers composé des maquettes de livres en projet, et apporté à ses manuscrits un soin qui annonce la perfection formelle des poèmes.
Sollicité par Léon Vanier (en 1886), Mallarmé projette de faire "quelque chose de très joli". Il conçoit une maquette "découpant ses poèmes parus dans divers journaux en 1872". Et c'est son ami, voisin et complice Edouard Manet qui doit en assurer l'illustration, d'autant qu'est joint à cet ensemble "Le Corbeau" ce poème légendaire qui le lie durablement à la légende d'Edgar Poe.
Avant de passer en vente (en 1986) la maquette avait fait partie de la collection d'Henri Mondor l'incomparable spécialiste du poète, celui à qui l'on doit tant de détails significatifs sur sa vie et son oeuvre.
Plus que manuscrit, maquette donc, cette étape essentielle entre l'état premier d'un texte (le jet initial) et sa mise en forme définitive, pour une lecture publique, largement partagée. On voit bien Mallarmé attentif plus que tout autre à cette mise en forme. L'existence du poème ne passe pas seulement pas un alignement des mots, mais une orchestration, une occupation des lieux réfléchie où même la blanc du papier prend toute sa valeur.
Mallarmé fait, du blanc du papier, une partie intrinsèque du texte.
Le poème est visible jusque dans son absence.

 


 
 
posté le 21-08-2009 à 12:36:49

Apollinaire chantre de l'avant-garde.

Le voilà dans toute l'énergie de son travail qui se porte sur la langue, lui trouvant de nouvelles vocations, de nouveaux visages. Il avait flirté avec les avant-gardes et bientôt ce sont elles qui vont l'invoquer comme un précurseur. Etrange destin que celui de ce enfant de l'aventure (père hypothétique, mère à moitié courtisane), qui aura vécu l'intensité des premières années du XX° siècle parmi les plus riches sur le panorama de la vie culturelle, où les arts se croisaient, se mêlaient pour une plus forte expression, cela allant en tous sens, avec l'énergie formidable d'une idée alors optimiste de la modernité (on en reviendra après).
Tel qu'il s'offre au clic-clac du photographe c'est tel qu'il séduit son milieu (peintres et poètes confondus). Avec un rien de moquerie, de morgue peut-être, d'innocence aussi, car il avait la candeur de celui qui "s'émerveille".
Il va traverser la guerre, dans les combats, les amours tumultueuses et décevantes. Il en sortira de beaux livres, comme sont beaux ceux que la douleur inspire, et les épreuves du quotidien.

 


 
 
posté le 21-08-2009 à 11:26:32

Iscan en pleine nature.

Du côté des boulevards extérieurs, dans ces maisons toutes semblables construites entre les deux guerres sur le tracé des anciennes fortifications de monsieur Thiers  le peintre Ferit Iscan se battait avec la peinture. Il avait trop d'idées, une énergie qui cherchait ses chemins. C'était dans les années 70, et il regardait plutôt du côté de Bacon, histoire de chairs, histoires d'hommes, une peinture tourmentée. Puis est venu le miracle. Quand on "se trouve" que la peinture gagne son rythme, sa respiration, à la ressemblance de celui qui la fait et non plus à celle de ce qui se fait. Miracle. Iscan est né. Tel qu'on l'a aimé. Les doux paysages de la Dordogne l'inspiraient. Il y avait une maison, des promenades tranquilles, des attentes douces pour voir la lumière faire ses bottes de saveur, ses jeux tremblants, ses miracles, que d'un pinceau sensible et d'une étrange sérénité il captait. Renouvelait. Transportait de toile en toile, pour le plaisir.
Il donnait la juste mesure du paysage et son immensité. Procédant par larges plans comme un cinéaste. Les détails étaient comme des notes de musique sur une partition. Il portait la musique de la nature dans la toile. Tout cela au passé. Bêtement Iscan est mort alors que la gloire l'attendait au coin de la rue. Il n'est pas trop tard.

 


 
 
posté le 20-08-2009 à 19:50:18

Montesquiou dans la pompe.

Sans doute on a la maison qui nous ressemble. On se fait un décor qui rend tangible nos rêves et le goût du paraître peut aussi être un motif qui inspire l'esprit de notre environnement. A la chaumière modeste préconisée par Jean Jacques Rousseau (voir le décor de ses vieux jours à Ermenonville), s'oppose le caractère ostentatoire de celui que Robert de Montesquiou se compose au Vesinet.
Un relent de Versailles. D'ailleurs, en perspective, outre le temple à l'amour et la mettant en valeur, la fameuse vasque dit de la Montespan provenant du château de Versailles qui était dans l'appartement des bains avant que celui-ci devienne celui du Dauphin. C'était une vasque de marbre, ronde, offrant la possibilité aux chasseurs de nettoyer leurs bottes en revenant de la chasse (sport et activité favorite des courtisans sous Louis XIV). Par une succession bien connue des historiens d'usage et de changement de propriété, elle devient celle de Robert de Montesquiou, flattant son snobisme et son goût du luxe. Elle avait d'abord orné son jardin de Neully dans ce qui fut le pavillon des Muses. (voir toute l'histoire de cette vasque légendaire sur : mapage.noos.fr)

 


 
 
posté le 20-08-2009 à 15:28:30

Proust en toutes lettres.

L'abondante correspondance de Proust offre un aperçu de sa complexe personnalité partagée entre un humour complice (ici avec Reynaldo Hahn auquel il avoue son amour) et les constantes allusions à ses bonnes relations dans l'aristocratie dont il recherche, non sans une certaine naïveté, les grâces et l'accueil en leurs salons. Un besoin de mondanité qui trahie le bourgeois mal dans sa peau de bourgeois et se sachant différent. Encore qu'il mettait dans l'aristocratie plus de charme et de pouvoir que la réalité leur en offrait, mais peut-être une certaine distinction de vie (toute en apparence) qui pouvait faire illusion. A y bien voir en son immersion dans un milieu autrement fermé et alourdi de préjugés, il en donne un tableau plutôt terrifiant de bêtise et de sotte vanité. Il aura été, comme son maître Saint Simon  (témoin du Versailles de Louis XIV), un juge, et parfois impitoyable. Ce qui donne à la lecture de la Recherche un sens nouveau, une profondeur sociologique qu'on aurait tendance à négliger, emporté par la musique de la phrase, la beauté intrinsèque du style.

 


 
 
posté le 20-08-2009 à 14:57:44

La magnifique solitude de Gauguin.

C'est dans la cadre de l'Exposition Universelle de 1889 que Gauguin organise une exposition dans le Café des Arts dont le directeur (Volpini) cherchait à décorer l'établissement qu'il  avait installé dans l'enceinte même de l'exposition. Il avait même prévu des miroirs quand Gauguin et ses amis y voient l'opportunité d'y exposer leurs oeuvres. Ce sera la "Groupe impressionniste et synthétique" où se côtoient des artistes plus liés par l'amitié qu'une réelle poussée commune vers la modernité que tous revendiquent à leur manière. C'est pour Gauguin une expérience qui s'avérera décevante mais bien dans l'esprit qui était le sien, tout au long de sa vie. La création d'une communauté (un phalanstère) d'amis s'estimant et travaillant dans une entente humaine plus qu'esthétique. Encore que la primauté de l'art sur la vie rendra l'expérience menée avec Van Gogh  vers un désastre absolu et sans issue.
Il est paradoxal de voir que l'artiste le plus tenacement soucieux de créer une communauté d'artistes (à Pont Aven, au Pouldu, à Tahiti, à Arles) sera le plus seul, le plus magnifique dans sa solitude. La condamnation des esprits les plus singuliers.

 


 
 
posté le 20-08-2009 à 11:59:57

L'histoire d'un tableau passe par l'envers.

Ainsi, "Combat de jaguar et cheval" coûte, en 1910, cent francs. Et le douanier Rousseau devait être bien content de recevoir de l'argent pour son art qui en dehors d'une petite élite de connaisseurs ne rencontrait que mépris et moqueries. Ses voisins qu'il réunissait pour d'innocentes petites fêtes où l'on jouait des charades et du violon aimaient l'homme qui vivait à leur façon et sans façon, avec seulement quelques petites manies qui marquent les hommes égarés dans leur quotidien. Dans une solitude un peu hautaine il poursuit une oeuvre que sa singularité même écartait de toute large audience.
Un modeste bout de papier, légalement timbré pour avoir effet, raconte le début d'une longue histoire : celle du tableau lui-même.
Y songe-t-on quand on admire une peinture (dans un musée) qu'elle a, comme tout individu a sa fiche à la police (du moins le dit-on) , un dossier qui raconte l'aventure d'un simple objet, devenu mythique par notre besoin de sacraliser, et la part de rêve qu'il peut susciter chez celui qui l'admire (le vénère).
De même que l'envers de chaque tableau raconte ses voyages, ses étapes de prestige dans les grandes, capitales, car un tableau a une vie de star.
Notre amour de l'art ne serait-il pas une version "culturelle" de notre appétit de people.

 


 
 
posté le 20-08-2009 à 11:27:50

Une cellule en plein ciel.

Est entrée dans la légende l'idée du fameux grenier à foin (aux Roches où sa mère avait une propriété agricole) dans lequel le jeune Rimbaud s'enferme durant quelques mois (en 1873) pour rédiger ce manuel de tous les vertiges "Une saison en enfer".
Qu'on n'aille pas croire qu'il y cherchait le pittoresque champêtre à la mode, mais l'isolement nécessaire à cet affrontement terrible (et épuisant) avec soi-même qui est le moteur même de son oeuvre.
"Rimbaud n'est pas de ceux qui, plume à la main, s'installent devant un paysage pour mieux s'y pénétrer du "sentiment de la nature". Il écrit  claquemuré, en tête à tête avec lui-même, ses pensées ricochant d'un angle à l'autre de la pièce. Il se met de son plein gré en loge, dans un lieu d'expérience où il ne peut plus tergiverser, où plus rien ne le protège de sa propre violence". (Jean-Luc Steinmetz).
Ira-t-on vers d'autres enfermements radicaux ? Celui de Pascal à la recherche de l'illumination intérieure  ;  de Sade, dans sa frénétique débauche imaginaire, tant au Château de Vincennes qu'à la Bastille où il écrit l'essentiel de son oeuvre.
La cellule d'un moine au Mont Athos semble alors relever du luxe le plus grand : son ouverture sur l'espace, dans les hauteurs où il s'est perché.
Plus près de Dieu ?


 


 
 
posté le 19-08-2009 à 15:10:41

L'imaginaire des ruines.

L'intérêt de l'ouvrage est contenu tout entier dans son titre situant la ruine comme incitateur de l'imaginaire et n'ayant de pouvoir sur l'esprit que dans cette distance qu'elle créé entre sa réalité (pratique, historique) et la leçon  qu'elle dispense. Chacun la contemple à l'aune de ses besoins, de ses rêves, de sa notion de la vie et des buts qu'il s'est assigné pour la bien guider.  
Lire les ruines c'est marcher d'un  pas de somnambule dans les chemins écartés d'une histoire qui n'a plus droit, dans les livres qui se prévalent le pouvoir de nous l'évoquer, qu'à quelques lignes savamment dosées, par un éminent professeur à la retraite qui se refait une jeunesse en enseignant le passé aux jeunes têtes penchées sur ses manuels scolaires.
L'hostilité     affichée des sols que l'on foule dans des champs suffoqués souvent de chaleur, avec, dans les hauteurs d'un  ciel d'été éternel,  les signes énigmatiques du vol lent des oiseaux aux ailes immenses (mais c'était là le livre ouvert des prêtres d'autrefois), le grand silence que l'on affronte comme le murmure des disparus surpris de notre intrusion, sont des éléments plus subtils pour une meilleure découverte de ce qui fut là l'orgueil d'une ville, l'affichage éhonté d'une puissance tyrannique, car si l'on évoque souvent la simplicité des moeurs antiques, et la grandeur d'un destin bientôt brisé par la décadence des malheureux sujets d'une société qui avait perdu son idéal, on perçoit, dans la majesté des ruines, la prix du sang et des cris qui les ont érigées. Toute ruine est une souffrance qui a la mémoire chancelante mais des veilleurs sont là, immobiles, invisibles, qui murmurent à nos oreilles la chronique du lieu. Une ruine, c'est un tout d'un groupe, on cherche souvent le destin d'un seul, car on a l'appétit grandissant des exemples et des modèles, des destins qui nous comblent, faute de pouvoir soi-même aller jusqu'au bout de nous-même. L'attrait des ruines ne serait-il par une recherche du temps perdu ?

 


 
 
posté le 19-08-2009 à 11:36:46

Raoul Hausmann à la campagne.

Eric Losfeld toujours à l'affût de ce que la littérature offre de plus rare, de plus insolite, avait drainé vers son catalogue le dadaiste Raoul Hausmann dont il publie
"Le Courrier Dada" (1958). Texte majeur dans l'histoire d'un mouvement qui a déterminé tout le "devenir" de la pensée artistique.
Raoul Hausmann vivait alors dans un petit village proche de Limoges et se livrait à une activité picturale relevant plus de l'abstraction lyrique que de ses travaux des années dada. Une facture libre, déchaînée, propre à traduire l'instant, et parfois rude. C'est cet aspect là, le moins connu de son oeuvre, que le Soleil dans la tête expose alors. La réception en fut marquée par un certain désarroi des amateurs qui attendaient un Raoul Hausmann qu'ils connaissaient bien, mais on peut le voir aujourd'hui au Centre Pompidou. L'exploration des à-côtés de son oeuvre restait à faire. Ne pas oublier le sensuel photographe qui offre des "nus" d'une suave et audacieuse tendresse.  
Les éditions Allia ont réédité le Courrier dada.

 


 
 
posté le 19-08-2009 à 11:02:22

Apollinaire banlieusard.

Qui n'y a pas vécu ne peut en comprendre le charme étrange, quand la banlieue était encore marquée par un soupçon de campagne et que l'on y dégustait une vie aux allures provinciales tout en étant à un "jet de pierre" de la capitale.
Dans les années 60 je faisais à Pierrefitte, qui était une charmante annexe de Montmartre (elle avait aussi sa "butte" et ses estaminets),  un court séjour dans une maison de famille avec son modeste jardin et ses pommiers et sur la pelouse, l'armée de sculptures d'amis (Ossa Sherdin, Rancillac...). On y créa la revue "Sens Plastique" et c'était par le train (gare du Nord) des virées au Quartier Latin. Souvenirs, souvenirs, et Apollinaire m'y conduit par le chemin de la mémoire et des pèlerinages qu'inspirent ceux qu'on admire. Au Vesinet, c'était une ville plutôt élégante où la mère du poète, extravagante et capricieuse, malmène son monde et transforme le lieu en zoo intime. Apollinaire n'y vient que le week-end, et devient un familier de la gare Saint Lazare (alors que la gare du Nord était pour moi liée au souvenir de Léon Paul Fargue). Le Vesinet, c'était une mythologie, des résidents de prestige et les moeurs bien ritualisées d'une bourgeoisie aisée qui jouait à la bergère et au jardinier. Apollinaire échappe aux manies du lieu. Il préférera la pétulance d'un  Paris qui grouille de talents, entre la Butte Montmartre et Montparnasse que les artistes sont en train de coloniser. Raymond Roussel n'était pas loin.

 


 
 
posté le 18-08-2009 à 19:58:41

Apollinaire annonce le livre de peintre.

Picasso à l'honneur quand il s'agit d'Apollinaire, qui rejoindra la cohorte de ces poètes qui vont survivre grâce à la critique d'art, dont André Salmon  et naturellement celui qui aura été le plus fidèle (et peu payé de retour) Max Jacob.
La légende veut que la rencontre des deux hommes appelés à confronter leur travail, aurait eu lieu dans un des cafés proches de la gare Saint Lazare.
Apollinaire critique d'art, c'est, grâce à lui, suivre toute l'actualité artistique de ces années de fièvre qui vont précéder la grande guerre et jeter les bases de  l'art du XX° siècle : de Derain à Delaunay, en passant par le douanier Rousseau et les futuristes italiens.
Apollinaire voit l'art sans sectarisme, ce qui fait l'attrait de ses écrits mais le dénonce aussi, aux yeux des puristes qui veulent une critique tracée sur une ligne droite, sans digressions ni éclectisme qui est la  menace de se faire traiter de futile. Il opte pour le ton familier, goguenard au besoin, et son écriture suit bien la marche, tant la critique d'art, suivant l'actualité entraîne l'art du piéton.
Le "Flâneur des deux rives" sait voir l'art dans le sens de la vie de ceux qui le font, dans une sorte de familiarité avec un milieu dont il connaît personnellement  tous les acteurs (Il aurait écrit "Les peintres cubistes" au logis des Delaunay rue de Savoie) . Alors il est devenu un modèle pour qui veut concilier l'écriture (voire la poésie) et un regard sur l'art qui lui est si proche. Il est significatif que pratiquement tous les poètes des générations qui vont suivre s'attacheront à commenter la peinture, à cohabiter avec elle. La pratique du livre où se rejoignent peintres et poètes en est une conséquence.

 


 
 
posté le 18-08-2009 à 12:54:59

La Porte Saint Martin, l'écho d'un triomphe.

Plus que le monument lui-même c'est la vision qu'on en a qui change. L'environnement, plus naturellement enclins à bouger, y est sans doute pour quelque chose, mais le regard qui le retient, le détaille, le fixe, contribue largement  à sa mise en situation d'autant plus s'il n'a pas de fonction pratique dans la vie quotidienne de la cité. On le conserve par respect du passé, de l'art dont il est un témoignage, et  bientôt des pans entiers de la vie s'y rattachent et lui donnent une vie autonomie. Les surréalistes le voyaient d'un mauvais oeil. Dénonçant son caractère funèbre. Ne va-t-on pas jusqu'à affirmer qu'il génère une forme de malaise.  
La pollution se charge de souligner son grand âge. La ronde silencieuse des prostituées  côté Seine (et la rue Saint Denis n'est pas loin), les primeurs turcs et les fruits et légume à petit prix  côté gares, sans oublier la nonchalance des cinémas qui furent ceux des avatars western avant de faire une brève étape dans le sillon de la pornographie, voilà le décor planté pour ce qui est de la vie quotidienne. On a perdu le sens de la grandeur des Entrées Royales pour lesquels la Porte avait été conçue. Comme les empereurs romains, revenant victorieux parmi ses populations en délire, le roi de France, entouré de sa cour et de ses maréchaux, s'offrait à l'admiration béate (pas trop longtemps) des foules qu'on enivrait pour donner du tonus aux hourras, et qui agitaient des mains qui n'étaient pas encore celles d'assassins.

 


 
 
posté le 18-08-2009 à 11:33:58

Pannini au milieu de la circulatiion automobile.

Ici Pannini, ailleurs Hubert Robert, ils sont tous, et tant d'autres avec eux, les fervents piétons d'un passé qui a oublié dans le paysage des pans entiers de ses rêves, et de faux témoins de sa grandeur, car en tout constructeur de la cité il y a un rêve de puissance qui s'affiche, et que le temps va meurtrir comme il menace tout destin individuel. Une ville n'est pas mieux disposé à survivre que les êtres qui l'habitent et ceux qui l'on rêvée.
Rome, toute bruissante de vie et même frénétique quand le nuit y apporte un peu de douceur après un soleil ravageur qui cogne sur la pierre comme sur un gong, n'échappe pas au grand sentiment de nostalgie qui gagne une présence aussi constante de quelques siècles brisés par la hargne des vainqueurs. Tout vaincu aura le droit à une stèle mais une ville anéanti contient ses stèles en elle-même, semble en être faite comme le corps de l'homme l'est des maladies qui l'attendent et vont le courber jusqu'à sa tombe.
Panini moins en splendeur qu'en charme, car au milieu des pierres qui ont tant de mémoire on a coeur à se mettre au diapason de leur prix de souvenir. Alors si le quotidien s'y trouve un décor pour donner plus d'agrément à ce qui est autrement tellement banal (aller chercher l'eau au puits, surveiller l'animal qui broute les mauvaises herbes, ou tout simplement converser avec son voisin - y amorce-t-on des aventures amoureuses ?) on usera de tous les poncifs qui ont charge de nous donner une idée paisible du bonheur. Echappe-t-elle à la mélancolie ?
La Pyramide de Cestius subsiste dans la rumeur automobile. L'odeur infecte de l'essence à moins d'attrait que celle, subtile mais furtive, des plantes  qui poussent avec mollesse (avec respect) sur des pierres patinées par les éléments. Les brisures se prêtent bien à cette croissance végétale sauvage. Mais sauvage au nom de l'innocence et c'est bien la seule ici aujourd'hui. La policeman conduit avec vigueur la ronde des voitures, j'en ai vu un, aux heures de pointes, qui chantait, à tue-tête un opéra de Verdi en brassant, d'un geste large et généreux, la montée de l'acier au milieu d'un souvenir de pierre.

 


 
 
posté le 18-08-2009 à 00:28:55

Stèles jardinières.

Le mot même de "stèle" a le pouvoir d'évoquer la ferveur qui a gagné la pierre quand elle n'était encore qu'informe et que brute, juste sortie du sol (ou de quelque carrière profonde). L'ornement est la fantaisie du sculpteur, sa phrase intime quand il porte avec son stylet l'empreinte de ses plus secrètes et pieuses pensées. On s'étonne toujours devant l'admirable invention des décors religieux qui font des édifices de n'importe quel culte un espace de méditation, de retour sur soi.
Stèle veut aussi dire mémoire. Détachée de son destin architectural, (que fut-elle en son dessin premier) toute pierre sauvée du désastre et de l'oubli (oh le charme intense des musées lapidaires! ), reprend une valeur nouvelle selon qu'on en fait un usage qui retrouve sa vocation première, d'afficher une foi, une loi, un culte.
C'est d'un grand-père (qui avait couru le monde pour gagner ses galons) et le soir de sa vie venu, recueillant çà et là, comme on recueille des animaux perdus, des pierres qui furent d'abbayes, d'église ou peut-être de châteaux, que je tiens ce respect pour ce qui n'est pourtant plus que débris, souvent informes, encore que la grâce, le style, d'une chose qui fut de noble ambition, subsiste jusque dans le morcellement qui précipite normalement sa chute.

 


 
 
posté le 14-08-2009 à 11:10:21

Une lettre de Sade.

L'abondante correspondance de Sade révèle une part plus humaine d'un homme dont l'oeuvre, volontiers "outrée", pouvait donner une image parfois effroyable, encore qu'aux yeux de ses défenseurs, c'est dans cette outrance même, serait-elle purement imaginaire, qu'il ouvre de nouvelles perspectives philosophiques, ce qui réhabilite totalement son oeuvre, (la justifiant) au delà des tracasseries administratives qui l'occultait  et en interdisait la diffusion.
Lettre pourtant fortement liée à ses démêlés judiciaires et relative aux accusations du père d'une jeune domestique, Catherine Treillet,  que Sade avait engagée lors d'un de ses séjours au château de Lacoste, et dont il s'inspirera pour son personnage de Justine.
Plaidoyer pour sa défense, mais Sade n'aura pas gain de cause. Il s'en suivra un enfermement à Vincennes, le 13 février 1777. Un séjour qui durera seize mois durant lesquels il entretiendra une abondante correspondance où il révèle les aspects les plus humains de son complexe caractère.

 


 
 
posté le 13-08-2009 à 15:22:14

L'écriture éclatée.

Est-ce un faille pour celui qui veut se vouer à l'écriture, ne vit que par elle, que ne pas être capable (de ne pas avoir l'envie) d'écrire un roman. Un vrai. Avec des personnages, des situations explosives, des rebondissements, des paysages plantés comme des décors. Bref, une organisation du monde qui soit le reflet (l'écho) de la société. Du côté de Balzac (un monde à lui seul), de Zola (quel journaliste !). Ne pas être capable. Ne pas vouloir.
Alors écrire revient à jeter sur le papier des phrases qui se cherchent une raison d'être, qui se fabriquent des petits bijoux. Vain exercice mental ?
Je n'aime la littérature qu'en fragments, marges, éclats d'une grande chose qui n'existe pas. Une littérature qui ne fait pas que raconter mais se faufile dans les plis les plus secrets de nos émois, de  nos sensations, ou encore qui émiette la réalité moins pour raconter que croquer les gens, les situations.
On ira de Cioran à Gaston Chaissac (un exemple). Point de contradiction en cela. Ecrire au fil de la plume en  passant d'une simple notation à une réflexion (modeste) sur les angoisses qui nous assaillent car je ne pense pas qu'un esprit dégagé de toute inquiétude se complaise à perdre son temps dans l'écriture qui peut aussi être une épreuve. On y peine, on s'y essouffle, on s'y tue.
Alors Proust ?
Un cas. Il ne faut pas lire simplement la Recherche (s'attarder sur la force du terme employé ici) pour suivre une histoire ( de gens plutôt méprisants et méprisables) mais lire entre les lignes, dénicher des saveurs, des couleurs, des odeurs qui se justifient à elles seules. Sont des perles dans la coulée des mots, le déploiement élastique des phrases.
Alors la poésie peut-être. La poésie oui. Mais quel gâchis, de poèmes faussement suaves, dégoulinants d'idées reçues, tournant autour de l'amour comme seul sujet. Qu'on se souvienne de ce texte de Georges Bataille  : "La Haine de la poésie". Nous voilà fixés. Et pourtant à bien chercher dans la masse confuse, que de levées exemplaires sur la sagesse, la grandeur de la vie (quand elle est menée avec art). La poésie c'est l'auberge espagnole de la littérature. On y trouve de tout et surtout ce qu'on y amène. Et tout le monde n'est pas René Char ou Apollinaire, Rimbaud ou Cendrars, Pessoa ou René Guy Cadou. Il y a de tout là dedans, mais autant de portes ouvertes sur le monde tel qu'on le rêve.

 


 
 
posté le 13-08-2009 à 15:00:27

Alechinsky face au doute.

La gravure illustrait un poème dont le titre, "L'espace d'un  doute", ne plaisait pas à Alechinsky. Pourtant, conciliant, il accepta de donner cette gravure pour le petit tirage qu'en fit Pierre André Benoit (PAB) et qui compte parmi ses  beaux livres jusque dans sa modestie, car tel était aussi le but de l'opération. Offrir une page arrachée à un  carnet de notes (notes et poèmes) qui tournaient autour de la difficulté d'être et de créer.
Le doute est au coeur de toute création, encore faut-il qu'il en sorte autre chose d'une simple plainte. Il peut déboucher sur des projets positifs, constructifs. D'ailleurs, pour l'illustrer, Alechinky a choisi ces figures agitées et souvent inspirées par le folklore belge, qu'il lance, avec audace, dans l'espace, parmi un fatras de formes plus ou moins définies, comme l'est tout destin humain.
Sont-ce des masques de carnavals, les fameux "Gilles" qui chahutent et agitent des clochettes dans un tohu-bohu qui est autant celui des enfers que de la liesse. Ambiguïté qui joue pour beaucoup dans la portée poétique d'une oeuvre sans cesse motivée, inspirée, soutenue par le mot, et sa force et son rôle d'arme contre l'inertie mentale, sans doute la mort.

 


 
 
posté le 13-08-2009 à 11:28:46

Atget dans les Passages parisiens.

Soucieux de tout enregistrer, promeneur impénitent, Atget ne pouvait échapper au prestige des Passages qu'il a soigneusement retenus par la photographie, saisissant ceux-ci dans le rythme de leur quotidien. Promeneurs, flâneurs (et l'on est porté à croire qu'ils avaient la préférence d'Atget) y jouent une figuration discrète mais efficace comme quoi le lieu n'est pas qu'un décor et que la vie s'y déroule sur un rythme qui leur est propre. Moins dans l'esprit d'une société de consommation ( ce pour quoi ils avaient été conçus) mais pour donner libre cours à la nonchalance "éveillée" de tout vrai flâneur.
La vocation du Passage, avec le temps s'est affinée même si elle a perdu progressivement  son caractère pratique. Les commerces qui s'y rassemblent ne sont pas de première nécessité, mais plutôt de l'ordre du passionnel. On y vend (y marchande) des choses qui relèvent d'une manie (d'une passion, comme celle du collectionneur) allant du timbre poste au bouquin d'occasion en passant par des frivolités exquises qui agrémentent une promenade, et relèvent de la surprise, de la découverte. Il est comme la caverne de tous les rêves, et sans doute (Aragon l'avait dans un très beau texte souligné), un incitateur de tous les fantasmes. Il pourrait être une sorte d'antichambre de quelque lieu surprenant, inattendu, et vaguement clandestin.

 


 
 
posté le 11-08-2009 à 15:35:29

Lucie Delarue Mardrus était à la mode.

L'Amazone plurielle.

Enfant gâtée, bien née, douée, brillante, elle parachève par un mariage de prestige avec le docteur Mardrus (traducteur des "Mille et une Nuits") un départ fulgurant dans la vie mondaine et le cercle des écrivains qui firent les beaux jours de l'édition dans "les Années folles". Une production pléthorique où le meilleur côtoie le pire. Il semblerait qu'après avoir écrit "pour le plaisir" elle doit le faire pour subvenir à ses besoins après s'être séparée de son époux, marquant par ailleurs une nette préférence pour les femmes et multipliant les conquêtes de ces amazones hardies qui défient les préjugés bourgeois et affichent leur sexualité.
Une oeuvre sans contenu essentiel et des notations charmantes, révélant une nature ardente, parfois mutine, une adhésion réelle et profonde avec la vie dans sa sensualité première. Ce qui fait tout le prix d'une prose sans relief et qui a perdu beaucoup de son attrait.

 


 
 
posté le 11-08-2009 à 12:06:52

La Plume s'envole.

La perte d'hégémonie du Salon qui avait assuré jusqu'alors la réputation de ceux qui y étaient admis, va entraîner une multiplicité de manifestations et de publications qui vont animer la vie artistique et littéraire "fin de siècle".
Créée par Léon Deschamps en 1889, La Plume va largement s'ouvrir aux nouveaux courants artistiques et privilégier l'art de l'affiche alors naissant. Eugène Grasset, Alfons Mucha y font leurs débuts.
Les sommaires y sont éblouissants. Côté peinture avec Willette, Forain, Toulouse-Lautrec, Pissarro, Signac, Seurat, Redon, Maurice Denis, Gauguin, Claude Monet, Félicien Rops ; côté lettres avec Verlaine, Jean Moréas, Jules Laforgue, Mallarmé, Léon Bloy, Willy.
En 1899 Léon Deschamps laisse la place à Karl Boès qui la dirige jusqu'en 1914.
 A la revue s'ajoute bientôt un salon (des Cents) qui s'ajoute aux multiples expositions d'indépendants. Il se tient dans les locaux de la revue (rue Bonaparte).

 


 
 
posté le 11-08-2009 à 11:03:37

Robert Desnos et la décalcomanie.

Comme la plupart des manuscrits de poètes ceux de Robert Desnos sont abondamment illustrés. Sans qu'il y ait de rapport logique entre images et mots le passage de l'un à l'autre se faisant dans la fantaisie du moment, les pauses de l'inspiration ou encore une espèce de frénésie de l'écriture qui s'empare de tous les modes possibles.
Pour ce texte, "Longtemps après...hier", publié en 1947 avec des illustrations d'Yvette Alde, Desnos fait usage de décalcomanies. On y perçoit alors le caractère artisanal de l'écriture qui fait appel à des diversions, des récréations à seul fin d'orner une page. Comme le copiste médiéval se plaisait à orner les pieuses écritures des ouvrages religieux. Ou encore, comme le faisaient aussi peintres et poètes quand la technologie postale le rendait possible, ornant leurs enveloppes de dessins, de fantaisies graphiques qui n'entraient pas dans la stricte obéissance à des règles pour mieux maîtriser la détection d'une adresse. Aujourd'hui cette pratique (qui peut devenir une expression artistique, c'est le Mail Art) se raréfie, prend tous les risques  de condamner l'enveloppe ainsi traitée de "rester en rade", la technologie a horreur de la fantaisie, de l'inattendu.

 


 
 
posté le 11-08-2009 à 10:42:06

Germain Nouveau dessine.

Germain Nouveau écrivant à Verlaine (en invoquant les souvenirs d'un pèlerinage commun à la maison de Saint Benoit Labre), le remercie des dessins que ce dernier lui avait adressé et suggère un "concours" de dessins entre lui et quelques amis communs. "Envoyez en souvent, et tenez ! une idée : tâchez de garder le même format pour tous, ce sera  une collection amusante à revoir pour nous plus tard"
Ornant sa lettre d'un dessin qui relate ses propres occupations, Il est à l'hôtel, sa table est encombrée de papiers divers, la bonne entre, portant le petit déjeuner et une lettre. La légende le souligne :

"La Bonne - Monsieur, il y a une lettre.
Moi - Veine !
La Raison : Et de qui ?
La Rime : de Verlaine !  "

 


 
 
posté le 10-08-2009 à 14:55:42

Léon Paul Fargue, en ses Refuges.

Histoire d'un livre.
Je l'ai trouvé, coincé parmi des romans à l'eau de rose, dans un carton siglé tomate La Provence. Solide, et de ceux dont font usage les brocanteurs pour exposer leurs produits à vendre. Payé 50 centimes d'euros avec le sourire complice du vendeur qui affirmait  -Vous avez fait le bon choix. A comprendre que je pouvais choisir les biographies de Charles Trenet ou de Simone Signoret (un fort volume, au même prix) ou encore une vie très privée de quelque princesse du gotha européen dont m'importe peu les amours et les souffrances. Bref, ce fut un Léon Paul Fargue un peu fatigué mais dont le titre seul (eu-t-il été de n'importe qui) ne pouvait que séduire. "Refuges".
Il y a là quelque chose qui tient des Mémoires, de la chronique, cette forme de  littérature dont je me suis toujours dit qu'elle prônait à la première place sur le podium des oeuvres que nous laissent ceux qui se croient le droit de donner aux mots tous leurs pouvoirs et que l'on a pris au sérieux.
L'éditeur en est Emile Paul. Je connais cette cour à l'allure pro

vinciale, rue de l'Abbaye, dans le 6, où il tenait ses bureaux. Aux abords de l' église  Saint Germain des Près dont chaque immeuble en l'endroit est un peu une survivance de ce que fut une formidable abbaye.
On n'est pas loin de l'admirable jardin du "musée Delacroix", où le gravier fraîchement disposé sur le sol, comme un tapis, donne tout son prix à la marche, et réveille  tous  les fantômes
Emile-Paul, un éditeur comme il n'y en n'a plus. Où les auteurs (P-J Toulet, Tristan Derème, Rainer Marie Rilke) faisaient partis d'une grand famille.,,

 


 
 
posté le 10-08-2009 à 14:24:38

Nathalie Barney, une Sapho "fin de siècle".

Un souvenir d'abord, flou. C'était dans le cadre d'une de ces grandes soirées du Paris où l'art se confond avec les mondanités. Quelque vernissage de prestige au Grand Palais. Jean Chalon, frétillant, galant, soutien une très vieille dame qui peine à gravir le majestueux escalier plutôt conçu pour des entrées (ou sorties) triomphales. Impossible de mettre un nom sur cette forme vague, emmitouflée qui n'est pas loin de "la folle de Chaillot". Mais une rumeur enfle, parvient jusqu'à mes oreilles et j'y distingue : - C'est Nathalie Barney.
Stupeur (et tremblement), voici, à la dure réalité de son grand âge, celle qui fut l'Amazone de Remy de Gourmont, la beauté incarnée, et l'insolence sexuelle, et le fanion de la liberté, et Sapho célébrée par une horde de beautés peu vêtues (même la pétulante Colette, alors madame Willy,  en était) qui faisaient des rondes à connotation culturelle et antique dans ce fameux "Temple de l'Amitié", caché au regard du commun derrière la porte cochère du 20 de la  rue Jacob.
Il suffisait, dans les années 60, de franchir le seuil, on découvrait un jardin en friche, et les colonnes d'un bâtiment qu'entourent les légendes. Ne va-t-on pas dire qu'il fut offert par le maréchal de Saxe (un ancêtre de George Sand) à la coquette Adrienne Lecouvreur, actrice adulée en son époque;
De sordides histoires immobilières salissent la mémoire du lieu. Un ancien ministre du général de Gaulle et sa digne famille, précipitent Nathalie Barnay (une légende vivante) dans les fosses de l'ignominie en la rejetant d'un lieu dont elle avait créé l'esprit et ciselé de son génie propre l'attrait. Il y a du génie à savoir attirer à soi le monde le plus raffiné des arts et des lettres. Ce qu'elle avait fait sans prétendre pour autant se mêler de créer. Etant sa propre création. Des portraits subsistent qui en témoignent .

 


 
 
posté le 10-08-2009 à 13:53:31

Lautréamont visité par Magritte.

Les Chants de Maldoror offrent le plus formidable territoire de fantasme dont peut rêver un peintre. L'homme des mots, serait-il le plus subtile des poètes, butera sur le verbe incantatoire, inimitable, qui fait tout l'attrait du texte ;  un peintre, un homme d'images surtout (comme Magritte), y trouvera la source incomparable pour se livrer à toutes les spéculations qui cernent le texte, l'enrobent de leur excès même, car tout ici invite celui qui s'y risque à de forcenées escapades imaginaires. Tous les éléments s'en mêlent et le climat de catastrophe nous y est bientôt familier. Un comble. Comment rendre lisible, absorbable, le chant le plus dément, le plus sadique, le plus brûlant qui soit, et nous invective sans cesse, et nous bouscule et nous provoque, et nous précipite dans nos derniers retranchements. Quand la lecture est une guerre de tranchée (on peut se réfugier dans les réserves que l'on s'accorde, les petites omissions que l'on s'invente). Là rien. On est en terrain découvert. Seul à errer dans cette couse folle, impitoyable, fatale. Alors le peintre (ici Magritte) se mêle à l'aventure et distribue, ça et là, des images comme  on en glisse dans un bréviaire, pour scander les psaumes. On s'y arrête un instant, pour souffler.


 


 
 
posté le 08-08-2009 à 16:22:33

Cocteau habille les mythes.

La pratique du dessin, chez Cocteau, suit étroitement l'écriture. Il se créé une circulation naturelle et vivifiante, de l'un à l'autre. Dans un constant va-et-vient qui suit l'idée, la nourrissant des apports fécondants d'une plume qui sait adopter tous les rythmes, se glisser dans les mythes comme dans l'intimité. D'où cette habitude d'habiller ses amis des  oripeaux de la mythologie qu'il modernise en revanche, faisant jouer les grands classiques en "costume de ville".
Ses amours (Raymond Radiguet, Jean Desbordes, Jean Marais) deviennent facilement des figures mythologiques. Il transcende le moment, la réalité physique de ceux qu'il aime, en les projetant dans les mythes qu'ils animent, qu'ils enjolivent, leur charme donnant chair à l'idée que l'on peut en avoir. On reconnaîtra ici Jean Marais incarnant Oedipe roi (créé au Théâtre Antoine en 1937).

 


 
 
 

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