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lettres de la campagne

posté le 08-08-2008 à 13:23:45

La peinture amoureuse.

Au coeur de la peinture amoureuse.

Les cimaises des musées qui ne sont pourtant pas interdites au moins de 18 ans, recèlent un nombre considérable d'oeuvres vantant les charmes du corps féminin et par conséquent les fastes de l'amour. Qui n'est pas toujours seulement courtois, mais entraîne avec lui tous les fantasmes que les différentes cultures lui attachent et dont il est souvent la marque indélébile de ses ressorts les plus secrets.
Il était intéressant de tenter une lecture thématique de cette ouverture de l'art sur les alcôves et leurs délices. Et leurs complexes.
Attaché à l'expression du corps l'art tendra (jusqu'à la fin du XIX° siècle) à le magnifier, et rares seront les peintres qui oseront le blasphémer. N'est-il pas à l'image de Dieu ? Pourtant, trop séduisant, il devient le complice de Satan.
C'est au détour d'une représentation (qui se prétend simplement réaliste) que se joue le passage  vers l'une ou l'autre de ces deux forces antagonistes, de ces deux courants où se précipite le destin de l'homme.
Peindre l'amour à travers la femme c'est surtout peindre le plaisir. On souligne son aspect charnel, la pente délicieuse du péché.
Intervient alors les canons que l'on décrète pour définir la beauté. Ils varient, sont la conséquence d'une multitude de données souvent étrangères à la logique anatomique, souvent la défiant, osant des interdits. Il reviendra à l'artiste de justifier tel choix, telle orientation esthétique et les poussées inconscientes d'une société pour les imposer. Longtemps le personnel de la mythologie greco-latine peuplera les scènes inventées pour exalter la beauté de la femme (d'autres civilisations useront pareillement de leurs propres références). Même en se limitant à la culture occidentale les variations sont infinies et subtiles, significatives et pleines d'enseignement. Mais, au final, n'est-ce-pas la mise en vedette de la femme-objet ?

 


 
 
posté le 08-08-2008 à 12:42:22

Stèle pour Adam de la Halle, avec Bertini.

Deux mots de biographie : né à Arras, il entre au service de Robert d'Artois (le neveu de Louis IX) en 1280. La voilà proche  de la cour, dans le sillage des "grands" de son temps. Il suit  son maître en Italie (à Naples, où règne Charles d'Anjou, frère de Saint Louis). Il a la fonction de musicien. Il écrit des chansons mais le théâtre l'attire. L'époque est aux spectacles grandioses, chargés de symboles et volontiers bavards pour souligner l'action, la rendre compréhensible par tous.
On aime la farce, le trait épais, la mascarade. Adam de la Halle glisse dans le jeu donné et voulu par le genre (et le public) une vision bien personnelle de la société où il se fait critique et souvent acerbe.
C'est la vision large qu'il a de la société (pour la ridiculiser, la critiquer) qui confère un caractère si moderne à son entreprise littéraire.
Il était difficile de ne pas amorcer une tentative d'écriture sans, sinon se référer au contenu de son oeuvre, du moins à la mémoire de l'homme ardent qu'il a été, d'où "Stèle pour Adam de la Halle" qu'avait audacieusement illustré Gianni Bertini.

 


 
 
posté le 06-08-2008 à 14:51:42

Paul Fort, le troubadour de Montlhéry.

Le troubadour de Montlhéry.

On le rencontrait parfois dans le village avec sa cape et son béret basque, le masque marqué et les yeux intenses. Alors qu'on ânonnait l'Histoire de France, feuilletant les manuels scolaires qui faisaient défiler rois et chevaliers, Paul Fort, menant sa promenade quotidienne dans les environs de la célèbre tour de Montlhéry faisait, à sa manière, le pèlerinage de ce passé chatoyant dont il traduisait si bien la splendeur en des vers simples comme ceux d'une chanson, et tendres comme ceux d'une berceuse.
C'était le dernier troubadour de la France dans la conscience qu'elle se gardait d'elle-même. Poète entier, et loin de tout ce qui se faisait alors, lui qui héritait de Verlaine et des symbolistes, était dédaigné par les artisans d'un langage plus hardi, plus ambitieux. Il avait connu toute la génération "fin de siècle" alors qu'il n'était encore qu'un adolescent entreprenant, alliant dans une action poétique peintres et poètes, de Vuillard, Bonnard, Maurice Denis,  à Maurice Maeterlinck, Mallarmé et tous ceux qui,  dans ces années fastes, chantaient les affres de l'âme et le charme des filles-fleurs. Il entreprend ensuite, à son compte une manière d'épopée où défilent les rois chamarrés comme lors de leurs entrées triomphales dans des villes de miniature médiévale.  Il a trouvé son "ton", son style et son sujet, parant l'Histoire de France des grâces et des mélancolies de ses légendes.

 


 
 
posté le 05-08-2008 à 16:10:18

Man Ray, René Crevel, "aller-retour"

Man Ray - René Crevel "aller-retour".

Non que Crevel ait eu des rapports plus importants avec Man Ray qu'Eluard par exemple, mais quelques jalons de leur collaboration subsistent dont un dessin que Man Ray m'avait offert pour illustrer un petit d'hommage que j'avais organisé pour la revue belge Temps Mêlés qui fut, dans les années 50, un brûlot sympathique et fort ouvert à la poésie.
Crevel assimilé à une lampe, un étrange jeu de miroir et l'énigmatique boule qui semble être le sujet de cette allégorie. Pourtant il ne faut pas tenter une lecture trop attachée à une création graphique qui peut n'exister que pour elle-même, dans sa magnificence et son mystère.
Le portrait de Crevel sur la couverture de la biographie de Michel Carassou est également de Man Ray. N'a-t-il pas laissé une étonnante galerie de portraits des personnalités de sa génération. Un formidable témoignage où il scrutait l'âme de ceux dont il fixait le visage. Derrière la beauté "angélique" de Crevel il n'a pas oublié de souligner l'état d'angoisse qui l'habitait. Il en fait une sorte d'icône de ce romantisme des "années folles" où une certaine jeunesse brillante, à la dérive, filait vers la mort en empruntant tous les chemins des expériences les plus osées, les plus risquées. Un suicide ne pouvait qu'être l'aboutissement d'une telle quête amère.

 


Commentaires

 

1. amnesy  le 05-08-2008 à 20:43:14

le suicide est une tradition romanesque charmante, dont il serait insensé de déroger le perpétuement pour convenances personnelles

 
 
 
posté le 01-08-2008 à 16:06:59

La recherche du temps perdu de Virginia Woolf.

Encore une lecture de hasard. Le livre, trouvé parmi d'autres dans le grand désordre des déballages propres au vide-grenier. La jubilation d'une fouille, d'une découverte, d'une rencontre. Avec un livre. Celui ci, dont j'ignorais l'existence m'en étant tenu aux "Vagues " à "La promenade au phare : "Les Années" de Virginia Woolf. Un roman compact. Virginia Woolf le reconnaît dans son Journal. Une grande difficulté à en venir à bout. Deux années de travail, d'obsession, tenue par son sujet. Une famille sur plusieurs générations. De 1880 à 1918 et, en bouquet final, "Le temps présent" ( encore Proust ). Chaque ouverture est le prétexte à un vaste panoramique climatique où se situent les personnages dans des scènes brèves mais qui les définissent, leur donne corps. Une sorte de cinémascope littéraire traversé par une vision symphonique. L'équivalent d'une mélodie qui serait reprise sur divers registres, La passion de Virginia Woolf pour l'atmosphère s'y donne de belles notations avec une précision d'orfèvre dans les détails.
Les personnages illustrent la variété des caractères à l'intérieur d'une famille qui tente de garder son unité en dépit des écartèlement de la cellule originelle par les mariages (encore qu'il y ait un culte de la vieille fille bien typique de la littérature anglaise).On va de l'un à l'autre avec des fils conducteurs qui sont des repères de souvenirs partagés. La bouquet final est le regroupement des personnages découverts au fur et à mesure de la progression romanesque. Mais totalement changés, jusque dans leur apparence. Virginia Woolf se risque dans une assez terrible description d'un groupe familial mué en une sorte d'animalerie bizarre et quelque peu inquiétante. On sort de ce livre terrassé par une sorte d'indicible tristesse, pire encore, une once de désespérance.

 


 
 
posté le 31-07-2008 à 17:09:19

Claude Pélieu, la rage du dessin.

La plupart des commentateurs qui évoquent Claude Pélieu (mort en 2002) et qui vivra aux Etats Unis, comme membre influent (et seul français) de la beat generation, négligent son séjour parisien dans les années 50, alors qu'il se cherchait encore, venu du surréalisme qu'il avait rencontré dans sa toute première jeunesse comme tous ceux de sa génération (né en 1934).
Il était alors aide-libraire du poète Jean François Chabrun qui avait repris, rue de l'Odéon, la fameuse libraire d'Adrienne Monnier.
J'allais lui rendre visite et il dessinait d'étranges paysages d'une plume noire et incisive, moins fantastique que cruelle pour détailler les éléments d'une réalité banale qui en devenait mystérieuse. Il avouait aimer le douanier Rousseau sans suivre son influence mais en affichant comme lui en son époque une totale indépendance vis à vis de ce qui se faisait autour de lui. Non qu'il y fut indifférent mais "ailleurs", dans ses propres terres poétiques.
C'était un  dessin rageur et apparemment égal à lui même, dans une sorte d'énumération horizontale d'un paysage de nulle part. Sans doute de son propre imaginaire.

 


 
 
posté le 31-07-2008 à 17:04:14

Maupassant mis à nu.

Tant par sa vie et le lent calvaire de son agonie, que la force de son expression, Guy de Maupassant connaît une destinée littéraire hors pair. Il est probablement, avec Balzac, Alexandre Dumas, Zola et son "père spirituel" Gustave Flaubert, un des écrivains de la fin du XIX° siècle le plus lu, loué, analysé.
Il prête à des exercices contestables dans la genre "vie passionnée" qui n'évite pas l'anecdote facile, les approximations, une vision puérile de ce qui est, autrement, la marque d'un destin formidable et tragique.
Car toute la vie de Maupassant repose sur la lutte contre la maladie qui le ronge : la syphilis qui le conduira aux gouffres de la démence, et au martyr  d'une horrible souffrance.
Le mérite de l'ouvrage d"Olivier Frébourg (outre qu'il est agréablement et nerveusement écrit) réside dans le souci constant de nous mettre dans les pas de son modèle. Dans sa Normandie natale, à Paris où il invente le personnage de "Bel Ami", sur le Côte d'Azur enfin. Avec méticulosité on retrouve les lieux où il vit et travaille, et parfois mêmes des reliques de son  passage. Des témoins s'avancent, complètent un portrait à la fois précis et chaleureux
C'est un modèle de biographie qui se cache derrière un titre un peu racoleur. Ce Maupassant n'a rien de clandestin. Il est seulement mis à nu. Avec ferveur.

 


 
 
posté le 31-07-2008 à 16:52:40

Nasser Assar la tête dans les nuages.

La tradition de la calligraphie iranienne.

On le retrouve en première ligne dans l'aventure du "Nuagisme" théorisé par le critique-poète Julien Alvard dont la plume acérée savait cerner les problèmes de l'art de son temps (les années 50-60) alors que régnait l'art informel, les expériences de la matière et cette recherche plastique qui s'appuyait sur l'indicible, le fugace, l'esprit de l'air qu'avait si bien analysé Gaston Bachelard.
Nasser Assar expose sous cette étiquette qui donnait aux peintres de ce groupe un petit air d'impressionnistes new look.
On y captive l'air et ses frissons, ses modulations et les jeux subtils de la main qui caresse la matière picturale jusqu'à la plus extrême transparence, traduisant les effets atmosphériques en même temps que l'émotion du peintre, la danse de la main écrivant le ciel, les tempêtes ou au contraire cette "sérénité crispée" dont parle René Char, un poète qu'il revendique volontiers tout comme Yves Bonnefoy qui ne se montre pas insensible à son art et pose des mots en face de ses images.

 


 
 
posté le 18-07-2008 à 11:37:06

Coup d'oeil sur le faubourg Poissonnière.

C'était, là, quand Louis XIV festoyait à Versailles, une terre de garenne, une succession  de maisons de galanterie où les grands seigneurs, dorés sur tranche et le coeur endurci par l'orgueil de leur nom, entretenaient de petites danseuses au pied léger et à la main experte. Majestueux, labyrinthique en son développement le magasin de Menus plaisirs, cette caverne d'Ali-Baba où l'on entreposait les ornements des fêtes royales, les décors des opéras, côtoie la galanterie sans complexe. Morcelé aujourd'hui, ici Conservatoire, là salle de théâtre, il s'est noyé dans le tohu-bohu du faubourg Poissonnière qui n'est plus la voie du poisson frais venu de Boulogne mais celle des fourreurs qui ont encore l'accent d'Europe Centrale et affichent avec une fière ostentation  leur condition juive : une revanche sur une douleur.
Henri Heine (est-ce une légende ?), habitait l'endroit quand Gérard de Nerval lui rendait visite pour des affaires de traduction. Et Kafka s'est étonné, en se rendant sur les Grands boulevards, de la présence des marchands ambulants qui vantaient leur marchandise. Aujourd'hui ce sont des sans abris (sans papiers ?) qui cherchent les sources de chaleur pour dormir tandis qu'au Mac Donalds, qui a pris place de ce qui fut le siège des Lettres Françaises (je vois encore Aragon franchissant le seuil de l'immeuble pour gagner sa voiture avec chauffeur qui l'attendait près de l'abri-bus) des banlieusards en goguette s'échauffent avant de s'engouffrer dans le Grand Rex qui affiche un concert branché.
Ainsi va, à la dérive, un lieu qui a ses attaches dans notre mémoire.

 


 
 
posté le 17-07-2008 à 11:57:29

Le service des promenades (au pays de La Fontaine).

Le Service des promenades.

Une enfance très encadrée, les rites quasi militaires qui qualifient les sorties des pensionnaires de "l'ancienne école", donnent une idée très organisée de la promenade qui est alors purement hygiénique. L'adolescence s'invente des circuits de fantaisie, ce sont ceux qui balisent une ébauche de vie amoureuse. La promenade du retraité, souvent solitaire, répond plus à une quête parfois nostalgique des lieux qui marquèrent une vie. Elle se gonfle  de souvenirs.
Le service promenades fonctionne bien à tous les étages et pour toutes les bourses. Au catalogue, celles qui se glissent dans le sillage d'une pensée, d'une aventure, d'un destin, d'une oeuvre qui s'y est accomplie, qui les a nourrie et peut-être en sont-elles le reflet. D'où l'attrait de celles qui nous conduisent "sur les pas" des grands hommes dont nous chérissons la mémoire.
En voici une, des plus charmantes et fort aisée, laissant toute liberté à celui qui l'entreprend de s'égarer dans les marges, de fouler les bas-côtés de ce qui après tout n'est qu'un sentier courant à travers bois et prairies, donne quelque splendeur et grandeur de forêt à quelques modestes bosquets bien fournis de ce feuillage qui frémit à notre approche, et se fait familier à celui qui sait l'apprécier.
Je veux parler des promenades sur les sentiers de La Fontaine.
C'est un pays de doux et soyeux vallons, ici le cours paresseux du Petit Morin dessine un chemin d'eau capricieux où courent le castor et d'autres petits rongeurs qui font des bains de bons entre rivage et courant pour construire leur maison.
Des sentiers naissent timidement aux bords des routes départementales. Ce sont ceux des chasseurs qui l'ignorent sans doute, autrefois La Fontaine les empruntait pour exercer son métier. A cheval, allant de fermes en hameaux pour rendre une sorte de justice sommaire jouant sur des arpentages, des querelles de clochers et comptabilisant les impôts en nature. Pas de quoi y perdre son latin et le temps accordé de suivre d'un oeil malicieux le saut du lièvre et la démarche pesante de la tortue, ou encore, levant les yeux vers les ramages, s'inventer des petits drames humains tant la gente animale retrouve (ou annonce) nos bizarrerie de caractère, nos faiblesses et notre mauvaise nature.
En somme une promenade philosophique à bon compte, même si on n'a jamais lu un livre de philosophie.

 


 
 
posté le 17-07-2008 à 11:38:37

Le soleil de Cécile (Cécile Miguel)

Le Soleil de Cécile.
On l'a déjà dit, ce fut la première exposition au Soleil dans la tête. Jean Rousselot, le poète de l'Ecole de Rochefort avait donné une belle préface pour cette artiste plutôt familière des lieux culturels de la Côte d'Azur, et qui faisait une percée modeste au Quartier Latin à Paris. On découvrait une artiste entièrement enveloppée de la chaleur et du crépitement des cigales de Saint Remy de Provence où elle travaillait, dans le souvenir de Van Gogh sans la dose d'angoisse qui marquait ce dernier, et donnant plutôt l'idée d'une nature épanouissante, accordée au jeu du quotidien.
On la retrouva chez elle ( à Saint Etienne du Grès) en compagnie de son mari le poète André Miguel (également dessinateur comme peuvent l'être les poètes, c'est à dire dans le prolongement du mot, on y viendra). C'était dans un mas d'une sereine et sobre construction plusieurs fois centenaire, ancré dans un sol de rocaille et de terre chauffée par l'intensité du soleil local. Dans les vastes salles claires se déroulait sur les murs l'épopée de la matière picturale que Cécile brassait avec fougue, car elle avait évolué et abordait la peinture non plus comme une représentation (ré-invention) de la réalité mais un terrain de fertilité, quelque chose comme l'aventure du sol lui-même. Une expression de la germination, du tremblement très doux de la terre qui enfante et cela dans une festivité colorée, une jubilation intense.


 


 
 
posté le 12-07-2008 à 18:13:09

Alphonse Karr misogyne.

Dois-je dire que j'avais entendu parler d'Alphonse Karr dans une étude sur Louise Colet, l'insupportable maîtresse de ce pauvre Gustave Flaubert qui "en a bavé" avec cette folle (et de son  corps et de sa littérature). Elle avait eu des démêlés avec Alphonse Karr alors que celui-ci (elle l'avait d'abord courtisé) était un personnage influent dans Paris (directeur du Figaro et animateur d'un journal satirique : Les Guèpes où il prenait à parti les gens qui lui chatouillaient l'humeur).
Louise Colet aurait tenté de blesser Alphonse Karr avec un couteau (on ne dit pas s'il était de cuisine) se prenant pour la Charlotte Corday en son immense courroux parce que, sans doute, elle l'avait trouvé peu galant à son endroit. Ou quelque chose du même genre, la dame ayant ses humeurs et fort susceptible, estimant que tous les hommes devaient être à ses pieds (certains y furent dont Alfred de Musset par exemple).
Le coup ne portera pas mais Alphonse Karr en bon humoriste prendra pretexte pour "moucher" l'intrépide amazone. C'est dire qu'il n'avait pas une très haute estime de la femme, surtout quand elle était représentée par l'espèce d'une Louise Colet. Il va s'étendre sur le sujet et commettre un petit livre fort savoureux : "Les femmes" où il fait étalage de sa conception (légèrement machiste) et de sa verve.

 


Commentaires

 

1. amnesy  le 15-07-2008 à 22:55:32

Pas d'article depuis trois fois vingt-quatre heures. En vacances, ou absorbé par quelque lecture ? Avez-vous lu "la nuit du sérail", de Michel de Grèce ?

 
 
 
posté le 11-07-2008 à 15:02:16

Katherine Mansfield, l'écriture modeste.

C'est curieux comme les plus petits incidents de la vie, jusqu'aux tracasseries du quotidien, qui nous mangent le tempérament comme disaient les grands-mères, nous ramènent au souvenir de Katherine Mansfield. Non qu'elle apporte des solutions à nos problèmes mais la grâce particulière de son écriture, son attitude même d'écrivain (si modeste) devant sa tâche, nous servent de repères dans notre propre désarroi et bien des questions que l'on se pose devant la stupidité des problèmes que l'on doit aborder.
Elle a pourtant traîné sa maladie (la tuberculose) comme un boulet, allant de chambres de pension de famille en hôtels de modeste standing, écrivant ça et là, avec la patiente d'un petit animal qui construit sa case, d'un oiseau qui bâtit son nid. On l'aime pour cette simplicité de comportement face à un mal de vivre que nous pouvons partager avec elle. Elle attire plus la sympathie que de la pitié. On se voudrait complice de sa propre névrose qui alimente son écriture qui ne manque pourtant pas d'humour. Une humour délicat, une sorte de tendresse pour les autres, et un regard si fraternel avec les solitudes qui se croisent, qui s'abîment dans la banalité du quotidien. Il faut déguster ses textes avec la lenteur qu'elle exprime, la minutie du coeur que tout atteint et l'intelligence que tout explique.

 


 
 
posté le 10-07-2008 à 18:27:51

Le 4 juillet le dormeur du Val s'appelle Robert Desnos.

Le 4 juillet le dormeur du val s'appelle Robert Desnos

Ce siècle n'avait pas d'âge, que la promesse d'en avoir et la virginité qu'il perdra bien vite. Dans ce quartier des Halles qu'il chantera si bien, imprégné du souvenir de Gérard de Nerval, naît en ce jour de fête solaire, le petit Robert Desnos, dont le père est mandataire pour la volaille et le gibier. Dans la rue Saint Martin flottent les odeurs croisées et entêtantes des fruits et de boucherie, joyaux de ce "Ventre de Paris" qu'avait chanté (avec une fougue forcée et un souci de vérité qui l'écrasait), le bon monsieur Zola qui avait passé là des nuits, carnet en main, à observer le mouvement.
Robert Desnos sera plutôt de la race des errants, nez en l'air et regard malicieux, mais bientôt mélancolique.  C'était son romantisme à lui.
On le verra vivre jusqu'aux risques de s'y perdre les fameux sommeils préconisés par André Breton et qui permettent de vivre totalement ses rêves.
N'est-on pas là, justement, dans le voisinage de Gérard de Nerval qui confondait rêve et réalité au point d'y perdre la raison.
On ne peut se promener autour du Centre Beaubourg, plaqué sur ce quartier encore médiéval en quelques unes de ses parties les plus secrètes, sans penser au Robert Desnos des nuits illuminées par la magie des mots
Il donne à la poésie ce ton inimitable qui tient de la ritournelle et du rébus, qui se joue des sensations par pudeur et se risque dans les zones non balisées du rêve.
Le surréalisme s'incarne en lui plus qu'en tout autre. Mais son tragique destin lui donne l'allure d'une sorte de martyr. Né pour la poésie il est mort pour la liberté.

 


 
 
posté le 09-07-2008 à 14:27:00

Brigitte Lahaie n'est pas Nadja, dommage.

Brigitte Lahaie n'est pas Nadja, hélas.

Elle s'est essayée au cinéma. Mauvaise actrice elle s'est contentée de vivre sa sexualité devant des caméras. Elle en fait une carrière. Son atout ? Un certain éclat du visage, un physique hardi et séduisant. On s'était pris à rêver. Lâchée dans le monde de la poésie elle aurait pu être une sorte de Nadja qui attendait son André Breton pour avoir une vie mythique, ou le Nusch d'Eluard toute de sensusalité rayonnante. Ceux qui l'appréciaient, que son physique attirait, étaient bien incapables de se prendre pour Breton. La plume trempée dans l'encre du désir pour la célébrer il faisaient jouer la vulgarité, la banalité contre la fascinante beauté de l'amour comme nous l'avait appris le surréalisme.  
Elle est devenue le porte-drapeau et le symbole de la liberté sexuelle, non celui de son mystère et de ses charmes cachés. Au lieu de traverser les pages d'une poésie qu'elle aurait pu inspirer, elle exalte les passions de la petite bourgeoisie qui s'encanaille.    
Le temps passe. Elle est devenue une sorte de Macha Béranger de la nuit, sur Europe 1, distribuant des conseils pour mieux jouir (et sans honte). Un conformisme sexuel affligeant et qui détruit la part mythique qu'on lui accordait.
De trop vouloir faire carrière sur la sexualité (et rien qu'elle) peut détruire l'être le plus chargé de mystère. L'ayant aperçue dans des reportages j'ai constaté qu'elle vieillie fort bien.  Son charme est moins acide, plus assuré. Un rien pourrait lui donner la chance d'être autre chose qu'une réplique de sa jeunesse "scandaleuse". Pourquoi ne tente-t-elle pas cet ultime défi ?


 


Commentaires

 

1. cybel  le 10-07-2008 à 10:45:22  (site)

Cher Sorel ! Et moi qui vous prenais pour un barbare !

 
 
 
posté le 09-07-2008 à 11:59:56

Lecture furtive.

Lectures furtives.

Le culte que l'on entretenait dans ma famille pour Francis Carco chantre du Quartier Latin et de Montmartre (mes parents avaient vécus une jeunesse montmartroise) m'amènera, jeune encore, à aborder son oeuvre (on y reviendra). Multiforme, passant des petites frappes de Pigalle au charme du Valois à travers Gérard de Nerval, elle va aussi révéler l'existence d'une minuscule école poétique qui, sans lui, aurait sombré dans l'oubli. C'est celle des "fantaisistes". Une poésie totalement à contre-courant des lignes de forces de la littérature du siècle. Elle emportait avec elle, outre son caractère provincial avec des saveurs prenantes, les ultimes sursauts de la sensibilité du XIX° siècle alors que se bâtissait une ère de force et d'angoisse, un curieux mélange de fascination pour la modernité et une prise de conscience des eaux glauques de l'inconscient. Entre la construction mécanique (et analytique) du cubisme et les délires verbaux du surréalisme. Née avant celui-ci, mais à des années lumières de cette avancée dans l'art de l'écriture alors qu'elle se complaît à des facéties innocentes, et de Paul Jean Toulet (la vedette du groupe) à Jean Pellerin ou Tristan Derème, distille des sentiments marqués  par la légèreté d'être. Un brin de jeu verbal et une attitude de dandy (fut-il, en sabot et sous les tonnelles de son village). Une poésie aimable et facile pas éloignée de la chanson.   


 


 
 
posté le 08-07-2008 à 17:12:55

Un musée intime.

Les rayonnages d'une bibliothèque n'accueillent pas que les livres. Ils ne sont pas la seule histoire de nos lectures mais le réceptacle de ces menues choses que l'on assemble (après les avoir sélectionnées) et qui composent notre musée intime.
La hasard joue autant que les accidents de la vie, les trouvailles, les achats furtifs, les héritages  (tout un patrimoine familiale s'éclate ainsi et trouve sa place d'exposition dans l'émiettement même de la famille, offrant une image sensible du sort des objets dans l'espace du temps).
Il n'existe pas un véritable logique dans le voisinage des livres et des objets qui les accompagnent. Ils n'en sont pas non plus le reflet, mais une autre histoire qui se superpose à celle que les livres composent pour celui qui organise sa bibliothèque. La compose comme l'on compose une symphonie.
L'ajout des objets aux livres est une histoire indépendante mais qui a finalement aussi sa logique. Elle est celle de l'utilisateur de la bibliothèque.
Un souvenir pour s'en convaincre : la bibliothèque d'Apollinaire ( que l'on connaît par la photographie). Un fouillis d'objets nègres, de choses dérisoires, et les pipes dont il semble qu'il collectionnait les formes les plus extravagantes. Il n'y manquait plus que le fameux chat qu'il évoque dans ses poèmes. Mais les objets disposés dans la bibliothèque sont aussi un poème pour celui qui les regarde.


 


Commentaires

 

1. annielamarmotte  le 08-07-2008 à 17:35:48  (site)

passage de marmotte

2. Cybel  le 08-07-2008 à 20:14:56

en exode perpétuelle j'ai pu garder quelques dictionnaires et un Zippo.
Ma croix de baptême je l'ai fixée sur ma poupée en chiffon.
Si j'avais une étagère j'y rangerai tournevis, marteau, pince universelle, clefs de toutes sortes.
Est-ce qu'il faut mettre un S à toute(s) sorte(s) ? Merci

 
 
 
posté le 08-07-2008 à 14:35:38

Le Louvre un mille feuille de l'Histoire.

Le Louvre, l'Histoire en mille feuilles.

Parce qu'il était le palais de la monarchie, le symbole du pouvoir, la carte de visite du prestige royal, le cadre des festivités qui marquent son  autorité, son rôle auprès de la nation, le Louvre, depuis son érection comme forteresse de défense de Paris, a évolué en suivant le cours de l'Histoire, la faisant, la célébrant. Mais cette transformation est une succession, une accumulation de projets, de réalisations ambitieuses qui agrandissent sans cesse un bâtiment sans renier totalement la formulation qui précède (excepté la destruction du Louvre médiéval, encore qu'il ait longtemps subsisté au milieu du perpétuel chantier des transformations, et que l'on a mis aujourd'hui en valeur ce qui en restait). Curieusement, il trouvera son unité jusque dans la diversité des styles qui le composent. Cette unité est dans son plan d'ensemble, l'ampleur de son développement soulignant le rôle qu'il joue jusque dans la topographie parisienne comme symbole architectural et comme une sorte de sceau sur le terrain même de la ville, en son centre, dans la dynamique de sa croissance, infléchissant le développement de Paris dans une trajectoire est-ouest, suivant la marche du soleil.
On trouvera la même dynamique symbolique (et solaire) à  Versailles, autre architecture liée à l'Histoire et ayant un rôle qui dépasse la simple logique de sa fonction d'habitat, lui donnant la forme et le prestige d'un monument symbolique.

 


 
 
posté le 08-07-2008 à 14:25:04

Julien Torma en doute.

Souvent, par malchance, ignorant des moeurs qui accompagnent la vie littéraire, certains écrivains ne le deviennent aux yeux de l'opinion (et de l'Histoire) qu'après leur mort. On découvre dans les papiers qu'ils ont laissés des liasses d'écrits, et parfois des héritiers, des amis soucieux de sauvegarder un acte de création qu'ils estiment, travaillent à la publication de ce qui, autrement, aurait été oublié, emporté dans le flot de ces choses qui disparaissent et retournent au chaos originel.
Julien Torma est un écrivain posthume, même si, de son vivant, quelques textes de lui paraissent, grâce à l'obstination et le  dévouement d'un ami (Jean Montmort).
Lui-même peu reconnaissant de ce geste de sympathie néglige ses publications (fort légères et discrètes) voire les renie.
Au point qu'on met en doute son existence et on va jusqu'à penser qu'il est une mystification du collège de Pataphysique (dévoué à la mémoire d'Alfred Jarry) et qui serait là dans la logique de sa démarche qui mélange le sérieux et l'esprit potache.
Il serait né à Cambrai le 6 avril 1902 et mort dans le Tyrol le 17 février 1933. En fait il aurait disparu dans la montagne et on ne retrouvera pas sa trace.
Il aurait été "découvert" par Max Jacob, ce qui n'est pas une originalité vu que le généreux Max (pour les amis) était coutumier du fait. Il aurait  "fréquenté" René Crevel, Robert Desnos, Jean Vigo, René Daumal. Se situant en marge du surréalisme où l'on ne trouve pas trace de lui, et dans ce noyau d'une poésie expérimentale qu'il illustre, pour sa part avec La Lampe obscure (1919), Le Grand Troche (1925), Coupures (1926) et Euphorismes (1926). Le Collège de

Pataphysique se chargeant de publier les papiers retrouvés Lebordelamer, Le Bétrou, Porte Battante, le Grabuge, et, significativement Ecrits définitivement incomplets (en 2003).
Se trouve-t-on devant une imposture ? Alors qui se cache derrière la photographie de cet homme à la mine résolue, encore que perce une certaine malice qui pourrait être le signe donné au lecteur du jeu qui l'a mené jusqu'à lui. Qui n'existe pas !
 


Commentaires

 

1. Cybel  le 08-07-2008 à 20:20:14  (site)

pourriez-vous nous parler de Charles Duits (le pays de l'éclairement - livre à la texture fantastique, au sujet de son expérience du peyotl). merci

 
 
 
posté le 07-07-2008 à 16:14:55

Premiers propos sur la forêt.

La Magie de la forêt.

Pénétrer dans une forêt (surtout lorsque les arbres sont immenses et l'ombre intense) est un  acte magique. On s'empare d'un domaine vierge qui s'est laissé gagner par la nuit.
C'est de la permanence des ombres qu'elle entretient qu'une forêt peut revendiquer une virginité qu'elle perdra aux agressions de la lumière, signe avant coureur de l'intrusion humaine. Le soleil est, dans sa quiétude ombrée, une blessure dans sa chair végétale.
S'y glisser, non sans risque, c'est, à sa manière, violer un espace que l'on a, pour conjurer les terreurs qu'elle suscite, sacralisé.
Dans les premiers âges on y célébrait les réunions sacrificielles. On s'y pénétrait de la grandeur insondable des forces qui nous gouvernent, et on peuplait cet espace nocturne des divinités propres à en maîtriser les forces alors que l'on y entretenait de mémoire rapportée de génération en génération, la prééminence de monstres qui s'y tenaient à l'affût, prêts à fondre sur tout visiteur impétueux ou imprudent.
Les images de terreur pullulent qui peuplent les halliers surtout fréquentés par l'enfance de menaces incarnées par des animaux. Elle y rencontre le loup, elle y trouve aussi, pour les plus acharnés à poursuivre le fil de leurs rêves fertilisants, les clairières magiques et la splendeur délabrée de châteaux cachés, avec leurs belles endormies.
Gustave Doré s'est glissé derrière Altdorfer. La puissance végétale est une prison autant qu'une tentation. Un piège.
C'est le labyrinthe. Une figure de l'enfermement progressif. Et dont l'issue ne peut qu'être la mort. La forêt touffue qui invite à la pénétration par le jeu des allées que l'on y a creusées, est la version végétale du labyrinthe. L'arbre de la forêt n'a pas de fruits (contrairement à celui du paradis terrestre), ou sauvages.
L'arbre de la forêt est confusément plongé dans une masse qui paraît s'être immobilisée, pétrifiée dans l'étendue du temps. Dans son immensité même la forêt donne l'impression d'une immobilité qui est moins celle de la mort que de l'attente.
(extrait d'un ouvrage en préparation : "Le ministère des forêts")
Avec le thème du Petit Poucet  Gustave Doré offre un sujet de réflexion pour toute personne qui s'engage dans l'écriture. Celle-ci, incarnée dans le Petit Poucet ,n'est-elle pas une manière (fragile et peut-être dérisoire) de laisser des traces de son passage sur le chemin de la vie qui nous mène vers l'inconnu.

 


 
 
posté le 07-07-2008 à 15:30:05

La belle endormie.

Souvent, les femmes des contes sont des "dormeuses" en attente (Ophélie coulant vers la mort, la  belle en son château endormie). Ce qui donne à l'homme qui la découvre, la "réveille", le rôle bien important du créateur. Ainsi s'est établi un lien entre celle qui est dans l'attente et celui qui promet. En lui l'espoir d'un monde autre que celui d'une condamnation, puisque l'endormissement est la conséquence d'un mauvais sort, d'une vengeance, parfois d'un destin.
L'image qu'en donne Gustave Doré est plus que toute autre convaincante et tous les éléments qui entrent dans la composition du conte s'y retrouvent. La château déjà couvert par la végétation, celle-ci en principe barrière pour interdire l'accès. Dans un esprit médiéval, avec toute la fantaisie que peut y mettre l'imaginaire, Doré propose une scène qui a des allures d'opéra avec les jeux savants de la lumière. Si le lit du Petit Chaperon rouge est déjà celui d'un crime, avec la Belle au bois dormant il est celui d'un doux plaisir promis.


 


 
 
posté le 05-07-2008 à 19:19:29

J.M.A.Paroutaud, avis de recherche.

J.M.A. Paroutaud. Avis de recherche.

On retrouvait souvent le nom de J.M.A. Paroutaud dans les revues d'avant-garde dans les années 50. Ce fut d'abord dans le sillage du surréalisme puis dans le cercle plus restreint des écrivains "fantastiques" autour de Marcel Béalu et sa prestigieuse librairie Le Pont Traversé (en hommage à Jean Paulhan) et que fréquentaient la poètes de l'époque au même titre que Le Soleil dans la tête.
Paroutaud ne frayait pas avec la gente littéraire parisienne. C'était un homme discret, secret, mystérieux. Il habitait Limoges et René Rougerie, le prestigieux éditeur d'une presse à bras qui opérait dans la région, recueillait ses textes, après que ce furent des petits éditeurs qui se repassaient les textes de Paroutaud comme de précieuses et mystérieuses recettes d'émerveillement.
Curieusement, l'homme mort (dans les années 70) son oeuvre disparaît des catalogues et se fait rare. Ses livres ressortent cependant, à petits tirages, chez des éditeurs confidentiels, souvent sous des couvertures différentes. Ce qui rendra les recherches bibliographes le concernant bien délicates et chaotiques. C'est la carrière (exemplaire ?) d'une oeuvre qui affichait farouchement son indépendance, son originalité, hors des écoles, des modes et des bastions de la popularité. J'ai toujours préféré les écrivains cachés à ceux qui tiennent boutique sur les grands boulevards de la renommée.


 


 
 
posté le 05-07-2008 à 17:06:24

Le Petit Chaperon rouge, le lit du crime.

Bien qu'absurde et tendant à une équivoque que seule la psychanalyse peut explorer ( exploiter !), l'image de l'enfant couchée près du loup qui la menace reste plausible grâce à la magie de l'interprétation qu'en donne Gustave Doré. Nombreux sont ceux qui gardent, en leur mémoire, et la théâtralité un peu grandiloquente qui entoure la scène n'en fait que renforcer la force de persuasion, cette image qui est bien du type de celles dont s'enchantait  Baudelaire. Un léger décalage interdit qu'il les connaisse dans son enfance (il est né en 1821 et Doré en 1832), mais la magie relève d'un même phénomène. Ce sont des images qui "frappent" et s'impriment dans notre mémoire.


 


 
 
posté le 05-07-2008 à 11:44:21

Rendez-vous manqué avec Michel Leiris.

Une rencontre manquée.
Adolescent, déjà, j'avais été frappé par le ton des ouvrages de Michel Leiris et les lisait, avec ferveur, dans la petite ville de Laon, à l'ombre du lycée où Jean Paul Sartre (un ami de Leiris) avait été professeur de philosophie.
Bien des années après, Jean-François Kahn me propose pour les Nouvelles Littéraires, une rencontre qui couronnait à mes yeux une vieille admiration qui ne s'était pas éteinte.
Rendez-vous fut pris, quai des Grands Augustins, où Leiris réside depuis bien des années. L'accueil est tendu, froid, ma timidité y grimpe d'un cran et je suis déçu par le cadre dénonçant une vie bourgeoise dans ce qu'elle a de plus conventionnel, l'idée qu'il vécu en un lieu à sa ressemblance s'étant imposée à moi. En revanche les murs étaient couverts de tableaux prestigieux (Picasso, Masson, Giacometti, Juan Gris, Bacon). Autour d'une table de salle à manger d'une affreuse banalité les mots viennent difficilement, tant pour lui que pour moi. Je ramasse quelques bribes de phrases, pensant (c'était mon métier) pouvoir en "faire quelque chose".
Leiris ne le voyait pas de cet oeil là ( il l'avait terriblement  scrutateur) et revenu au journal on me précise qu'il avait téléphoné en interdisant qu'on fasse usage de ce qu'il avait dit (en fait n'avait pas dit). Je suis resté avec mes pages griffonnées.

 


 
 
posté le 04-07-2008 à 15:11:58

L'exercice de la solitude de Michel Leiris.

Même s'il affiche une retenue qui l'isole Michel Leiris n'a pas dédaigné, surtout durant sa jeunesse, les amitiés qui fortifient un individu en formation et permettent d'établir le réseau indispensable à qui veut créer et rencontrer une certaine audience, publique. André Masson aura été l'élément décisif pour le sortir d'un milieu bourgeois, étouffant, qu'il dénonce dans ses textes (en particulier dans "L'âge d'homme"). S'en suivra la rencontre d'André Breton et l'adhésion ( fortuite) au mouvement surréaliste qu'il quitte bientôt pour rejoindre l'électron libre qu'est Georges Bataille.
Il fera sa "carrière" dans le monde de l'ethnographie et travaillera au Musée de l'Homme qui sera, pendant la dernière guerre, un haut lieu de la résistance.
Marié à la fille de Daniel Kanhweiler (le marchand de tableau), il aura une approche privilégiée dans le domaine de l'art et consacrera quelques textes importants sur des peintres amis : Masson, Giacometti, Francis Bacon.
Il participe à une mission en Afrique (sous la direction de Maurice Griaule) avec le peintre Gaston Louis Roux qui aura une carrière marginale, volontariste et à contre courant des modes et des oukas.
La photo:
André Masson, Michel Leiris, Roland Tual et Juan Gris (de bas en haut),  dans le jeu de l'ardeur fraternelle qui contribue largement à la création artistique et littéraire dans l'entre deux guerres.


 


 
 
posté le 04-07-2008 à 11:11:44

Ordre et chaos d'une bibliothèque.

René Char évoquait le " bibliothèque en feu", voici la bibliothèque bouleversée. Suite à des travaux de peinture on aura mis les livres en désordre dans l'attente d'un reclassement car l'occasion est trop belle pour ne pas envisager des changements dans l'ordre donné des livres, créant de nouveaux voisinages, risquant de nouvelles familles. C'est toujours passionnant (et c'est un exercice enrichissant) que de classer des livres. Surtout quand ils reviennent d'un entassement hasardeux, arbitraire, qui aura nié les genres, nargué la logique, aura délivré le livre de sa vocation première pour le rejeter dans le magma de la chose imprimée.
On affronte le tas comme un territoire à conquérir. Prenant un à un les ouvrages, les redécouvrant, et ce n'est pas un mince plaisir que de retrouver  des livres oubliés, que l'on ignorait posséder. C'est un exercice aussi excitant que de fouiner chez un bouquiniste. Cette chasse incite à entreprendre de nouvelles lectures. Elles aussi dans le désordre, uniquement inspirées par la venue sous nos yeux d'un livre qui a retrouvé la fraîcheur de notre première rencontre avec lui.
La chaos de la bibliothèque se transforme, peu à peu, en un ordre qui reflète nos pensée du moment, notre état d'esprit, un peu de notre maturité grandissante tant nos rapports avec le livre reflètent l'état de notre culture évoluant avec l'acquisition progressive du savoir qu'il nous dispense.
La bibliothèque  idéale serait celle qui souligne l'étendue du savoir qu'elle a dispensé. Un juste portrait de celui qui l'a composée.

 


 
 
posté le 01-07-2008 à 15:19:58

L'imaginaire de Gustave Doré.

Sur des eaux lourdes et nocturnes une barque suit lentement le cours du fleuve. A son bord un cadavre et le naute comme dans les légendes antiques. Une ville fortifiée se détache sur une lumière étrange et vaguement inquiétante. L'univers de Gustave Doré épouse étroitement la force des rêves les plus fous, les plus marqués par des références littéraires ( chez lui la Bible, Dante, et l'univers inépuisable des contes).
A comparer avec les versions nombreuses et si bien inspirées des dormeuses, et d'Ophélie dont le corps flotte au fil de l'eau dans une lente et irrépressible descente vers l'univers des ombres éternelles.
Gustave Doré traduit admirablement le mystère de l'architecture et plus encore celui de la forêt. On sait, qu'enfant, il la parcourait (en Alsace), sous la tendre protection d'un parent. L'impression faite par la majesté des arbres, leur architecture qui va justement inspirer les architectes des cathédrales gothiques, marque fortement l'imaginaire de celui qui découvre cet univers et surtout s'il est à l'âge où l'on enregistre ces impressions premières.
La résonance des contes en est plus profonde. On reviendra sur la magie de l'illustration des ouvrages pour les enfants. On se constitue ainsi tout un catalogue fabuleux d'images qu'il est toujours émouvant et troublant de retrouver. C'est alors le miracle de la fameuse madeleine de Proust. Une plongée dans le passé qui revient au niveau d'un présent qui en est tout illuminé.

 


 
 
posté le 30-06-2008 à 15:13:32

Cocteau en dessin pour les mots.

Il était passé au Soleil dans la tête, vagabond, lunaire, et pourtant sachant déjà qu'il attirait les regards. Sans modestie mais sans arrogance il vérifiait l'importance de sa présence dans les rayonnages de la librairie. Par bonheur, il y avait quelques éditions rares, dont lui même s'étonnait qu'elles circulent encore. Les bibliophiles sont fort gourmands des éditions de Jean Cocteau et sa cote sur le marché du livre de bibliophilie est assurée.
Vint l'instant de la confidence. Il connaissait bien l'endroit, le quartier dans ses replis les plus cachés. Il lui arrivait de faire des pèlerinages littéraire. Celui de Verlaine passait par la rue de Vaugirard, et celui de Robert de Montesquiou aussi quand il venait justement rendre visite au clochard céleste dans son bouge du 6 de  la rue de Vaugirard, un hôtel sordide comme il en subsistait encore, dans ces années là.
J'avais choisi dans les rayonnages un exemplaire d'un de ses livres (c'était "Les  Enfants terribles", un des Cocteau que je préfère). Sortant un stylo de sa poche, avec une grande simplicité, sur la page de garde, il laisse un dessin dont il a le secret : simple, délié, et pourtant d'une grande fermeté dans l'énoncé d'un visage.
Quand les poètes dessinent c'est tout le problème du mot qui est remis en question.

 


 
 
posté le 30-06-2008 à 11:43:13

Le bizarre Raymond Roussel.

Roussel en toutes lettres.

Un visiteur attendant "le maître" s'étonne du bruit de pas nerveux que l'on entend à l'étage. Le maître d'hôtel très stylé, pour le faire patienter, de préciser :
 - C'est monsieur qui corrige son style.
La scène pourrait être inventée, elle a tout pour plaire dans son comique un peu pincé qui est bien dans l'art et la manière de Raymond Roussel même si, cette fois ci, il s'agit sans doute de lui, et qu'il est le personnage d'une scène qu'il aurait pu inventer..
L'homme dans son étrangeté se préparait à devenir une légende. Le voulait-Il ?
Les surréalistes l'adoraient. C'est Robert Desnos qui, au théâtre, applaudissant avec force une pièce de Roussel, se faisant qualifier de "claque", d'en donner une à l'insulteur, et d'ajouter - Et vous, vous êtes la joue.
Mais celui qui approchera le plus l'auteur de tant de livres d'une construction aussi folle que conduite avec sa logique, c'est bien Michel Leiris dont le père était l'agent financier de Roussel par ailleurs fort riche (dit-on !).
Coïncidence familiale mais, plus encore, rencontre au niveau du mot, dont l'un et l'autre tente d'extirper la vérité. Allant au fond de sa signification, le dénudant pour l'offrir dans sa force première, souvent déconcertante.
Jeux de mots, jeux de l'esprit, et le récit progresse tant bien que mal sur ces étranges béquilles que sont les mots dépouillés de leurs habitudes, détachés des habitudes que nous avons de les concevoir.
Ce qui est paradoxal, c'est que pour conduire cette sarabande de mots dépoussiérés Roussel fait le choix d'anecdotes éculées, d'un charme désuet, dans la tradition de la littérature enfantine (et colonialiste) dont il avait été grand consommateur.
J'ai souvenir d'un poète venu des îles me semble-t-il, (Jean Chatard), grand amateur de Roussel, qui avait rencontré ses descendants (de biais, lui-même étrant mort sans enfant). Il en avait tiré un portrait à la fois puéril et pathétique. L'homme si savant pour décortiquer les mots comme un fruit dont on trouve la gangue, se conduisait d'une manière puérile et vaguement snob dans la vie quotidienne.

 


 
 
posté le 29-06-2008 à 16:15:21

Pour un piéton.

Le promeneur de Paris.

La tradition de la promenade urbaine se coule bien dans le contexte parisien. Par sa configuration même, ses lambeaux du passé, son passé justement ça et là encore visible, perceptible à qui le veut. Il suscite une large et riche "production" littéraire qui offre une succession de tableaux, tableautins et témoignages d'une grande séduction.
Jean-Jacques Rousseau y mène ses pas de rêverie vers ces paysages encore campagnards au-delà des "grands boulevards". Il y vit même un accident qui est devenu une légende propre à fortifier l'idée de la rêverie en milieu urbain et ses risques. Louis-Sebastien Mercier et Restif de la Bretonne y font entrer les remous de la Révolution. Leurs notations sont d'une incontestable saveur. Les romantiques n'échappent pas à la séduction de la ville, Charles Nodier y place ses manies de fouineur de brocante et Gérard de Nerval y compose avec les prémices de sa folie.
Plus proche de nous c'est Léon Paul Fargue, le fabuleux "Piéton de Paris" qui donne les règle d'un regard insolite et gourmand. Le suit, de près, un  Jacques Réda attiré par les marges de la ville, les talus, les pentes herbeuses. André Breton l'avait choisi comme itinéraire presque initiatique pour déployer les affres d'un amour impossible (Nadja).
C'est, aujourd'hui, le photographe qui poursuit cette quête ardente et quotidiennement vécue. Elle nous entraîne vers un Paris des secrets, des lambeaux et de l'errance inspirée.

 


 
 
 

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