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lettres de la campagne

posté le 15-02-2010 à 13:27:37

John Forrester et les écritures antiques.

Ce fut, au début des années 60, l'émergence dans la paysage artistique parisien de John Forrester que je considérais alors comme un événement. Il avait fait une exposition avenue de l'Opéra chez Viviane Vallée, libraire éclairée où régnait le culte de la littérature (sous le nom de Viviane Forrester elle s'imposera bien après comme l'une des biographes les plus avisées de Virginia Woolf).
Forrester pratiquait une peinture qui puisait dans le passé ses sources d'inspiration, mais revues et corrigées par la modernité de l'écriture.
D'ailleurs "Forrester avait conservé le goût des inscriptions. Elles sont liées au cérémonial qui accompagne la mort, gravées dans la pierre, mais avec le temps rendues illisibles : cadences de lettres au dessin noble simple et grandiose. Le latin serait-il la langue de l'oubli au noms du souvenir ?"
C'était une interrogation formulée alors, et qui s'inscrit aujourd'hui dans un courant artistique qui aura perduré pour autant qu'il trouve dans le fait littéraire (ou au moins dans le phénomène de l'écriture) un sens et une source d'inspiration.
C'est à la jonction de la peinture et de la littérature que se trouve une solution à tous les problèmes que l'art se pose dérivant souvent vers des provocations sans souci esthétique. Du plaisir de peindre que reste-il ? Alors qu'avec Forrester, en deçà d'une contenu riche et sans doute codé, le plaisir de la peinture n'est pas nié ni gâché par l'exigence du contenu, ambitieux, et qui trouve sa logique, sa continuité, et exerce toujours la fascination nécessaire pour trouver un regard attentif.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 15-02-2010 à 16:48:08  (site)

Joli tel un Manuscrit de Qumrân !
Le paysage "antique" de douarnenez, je l'ai placé pour demain, si vous désirez aller voir ce que vous connaissez peut-être...

 
 
 
posté le 15-02-2010 à 11:10:31

Mario Prassinos parmi les écorchés.

Prassinos parmi Les écorchés.

Sous la lumière froide de l'occupation la peinture française a  curieusement évolué vers un style privilégiant les accents vifs, voire une écriture écorchée qui traduisait aussi bien les heures sombres, la faim, la peur, une vision agressive de la réalité la plus banale. On peut feuilleter une anthologie de la peinture qui se faisait alors et y croiser, aussi bien Francis Gruber que Roger Toulouse, et encore Jacques Hériold, Jacques Lagrange, Lucien Coutaud, Le Moal, et le jeune Mario Prassinos qui, dans le même temps va donner des illustrations encore plus marquées par la violence du moment, une sorte de désespérance (Sartre, Queneau).
C'est le règne des figures hagardes, des couteaux tendus comme des armes, des lumières blessantes, et jusqu'aux objets qui prennent cette allure pointue. Le temps de la Métamorphose dont Kafka (que l'on découvre alors) avait donné une version hallucinante. Les objets devenaient des bêtes abominables.


 


Commentaires

 

1. saintsonge  le 15-02-2010 à 13:35:59  (site)

Je m'en serais fait un ami ; entre "écorché vif", se comprendre est plus facile;... Bon lundi...

 
 
 
posté le 14-02-2010 à 15:08:20

Et voici les Baliseurs.

La peinture a ses  baliseurs.

C'était dans les années 76-77, la peinture connaissait une de ces crises qui la font évoluer, et offrent aux jeunes talents le moyen d'affirmer leur spécificité, l'apport de leur nouveauté.
Surgissent, dans le paysage conventionnel "les baliseurs".
"Aux ardeurs gestuelles qui ont fait les beaux jours de l'après-guerre, à un art de débordement, succède une peinture de la précision, de la retenue, de la rigueur, excluant tout automatisme, toute spontanéité aveugle, tout mouvement irréfléchi. L'image apparaît sertie dans un dessin tenu d'une main qui s'appuie sur la photographie et vise une qualité scientifique. A l'art de l'effet succède l'art du constat."
Qui sont-ils les artisans de cet effort vers un art discipliné ? Une exposition ("Les baliseurs", galerie Isabelle Lemaigre-Dubreuil) les avait réuni. Jürgen Ehre, Antonio Garcia-Mulet, Lucio Del Pezzo, Jean Zolkiev, Albin Woehl, Raymond Waydelich, Nicolas Hondrogen, Marc Giai-Miniet.
On est là dans l'héritage du dessin d'architecture, et de vues de monuments et de cités antiques, qui connaît alors un véritable regain d'intérêt tant il offre des "visions" idéalisées d'une antiquité reconstituée comme exemple d'ordre social. L'archéologie est aussi la recherche de l'or du temps évoqué par André Breton. Dans la rigueur d'un dessin qui encadre autant qu'il désigne, les baliseurs s'inventent de nouveaux territoires de fiction. Avec des promesses d'émerveillement.


 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 14-02-2010 à 18:45:16  (site)

Merci de votre "balisage" en mon blog (voyez que vous y êtes arrivé !) ; à l'heure de votre "passage"-commentaire, j'étais en l'altérité de Paul Ricoeur , en somme , nous communiquions par télépathie ?.. La photo de mon fils date de mon ancien appartement quand il jalousait la machine sur laquelle j'ai "écrit" force livres (manuscrits en cartons), je n'avais - et ne voulais pas - d'internet !... Je dois reconnaître que l'outil du diable oeuvre avec le monde, ce que le tempo de ma machine, quand je composais romans ou poésies, ne pouvait m'offrir (la solitude était doublement plus grande, de fait ! Mon fils vint peu sur douarnenez... (je placerai bientôt deux photos du lieu même de cet appartement, et, le port de douarnenez, si vous revenez en mon blog...) Aujourd'hui, si le philosophe de l'altérité me venait voir, je lui dirai que j'apprends à "accepter la mort", du moins "faire l'expérience de la mort afin de l'intégrer dans son acceptation", ici, sur Tréboul où peu d'âmes vivent, sinon passivement passéistes !.. Je suis près de la dernière demeure de G. Perros, aussi, ajoutons !.. Merci encore de votre passage, qui réveilla du coup mon esprit tant soit peu faillible...à la schiele !

 
 
 
posté le 14-02-2010 à 11:49:42

Revue Topiques, l'art de la débrouille.

On annonçait "Lance Flammes", une anti-revue, elle deviendra "Topiques". Elle était confectionnée par quelques lyonnais déjantés et leurs complices venus d'un peu partout, la solidarité étant forte et brisant les distances, dans les revues de poésie des années 50. Autour d'Henry Collone, on trouvait là :  Lydia Laine, Pierre Larue, Claudie Marion, Raymond Fievet, Philippe Dereux (qui deviendra par la suite un artiste reconnu dans le style "art brut"), avec parfois des contributions complices (de prestige) Caradec, Raymond Queneau, Roger Rabiniaux, Marcel Béalu, Claudine Chonez, Noël Arnaud, Maurice Raphaël, Charles Piquois, Louis Scutenaire.
Une nette coloration post surréaliste qui était alors la  note dominante dans un après guerre encore secoué par l'horreur de l'Histoire et le surgissement d'une génération qui revivait ce qu'avait vécue la génération qui donnera "dada" et le surréalisme autour de Breton, Aragon, Soupault .
Mais le charme de la revue tenait surtout à la manière dont elle avait été éditée. Sans moyens apparemment et s'en tenant à la ronéo de bureau qui était en ces années encore fort peu techniques, l'instrument le plus courant d'édition de ce type de publication.
On y sentait l'encre et la main qui calligraphie le titre de la couverture. Quelque chose de spontané, le ton de l'amateurisme qui est alors le style de la passion. 


 


 
 
posté le 14-02-2010 à 10:48:49

Vita Sakville West à l'heure de Lesbos.

Vita dans l'univers de Lesbos.

Une première lecture de la biographie consacrée à Vita Sakville-West m'avait donné l'impression que l'écriture (pourtant abondante) chez cette femme capricieuse, répandue dans le monde et ravageuse des coeurs féminins, n'était qu'un innocent hobby que sa fortune lui permettait d'exercer, assurée de trouver audience dans un milieu où elle régnait par son opulente beauté et le renom de sa lignée.
Il faut rendre justice à l'effort que représentait, en fait, la pratique de l'écriture chez une mondaine qui savait sacrifier ses loisirs pour un roman en cours, et même placer celui-ci en ligne de mire de son quotidien, l'écriture étant, pour elle, le moyen de conjurer le mal qui la ronge : n'être pas en mesure d'hériter (parce que femme) du fabuleux domaine familial, le château de Knole où elle passera sa jeunesse et qui sera le cadre privilégié de la fiction de Virginia Woolf dédiée à celle qui avait été sa maîtresse (Orlando).
Mais, avec la complicité de son fils qui ouvrira les archives familiales à l'auteur (Victoria Glendinning), l'ouvrage révèle un aspect plus intime de Vita. Sa riche vie sexuelle placée sous le signe de Lesbos, avec l'arrogance que lui permettait sa classe sociale. Y défile une quantité de femmes qui s'illustrent dans les lettres, le journalisme, les mariages blancs, les voyages somptueux. Figures d'un cinéma du coeur et de l'esprit qui ne manque ni de charme, ni de chic.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 14-02-2010 à 11:12:04  (site)

Il y a une chose très étonnante, c'est que je viens d'ouvrir votre page en ayant la même pose que la photographie de votre article, comme si mon reflet s'était soudainement affiché, effet plus que stupéfiant, je vous assure !..

 
 
 
posté le 12-02-2010 à 14:12:20

Maurice Sachs, dernières heures.

La fin ignominieuse de Maurice Sachs est bien dans l'esprit de sa vie. A en croire Andre du Dognon, qui semble avoir de bonnes informations, Sachs, d'abord pourvoyeur de dénonciations dans l'Allemagne nazie qui s'effondre, est fait prisonnier par ses complices mêmes. Convoyé aux heures sombres de la débâcle il est tué d'un coup de pistolet dans la tempe. Mais, détail horrible, il paraîtrait que son corps aurait été "jeté aux chiens".
Ainsi cumule-t-il le destin des prisonniers (François Villon, Sade Jean Genet)) pour outrage aux moeurs ou toute autre atteinte aux lois sociales, et la mort sordide d'un Héliogabale.
Dans la vaste mythologie qui entoure les années noires sous le signe sinistre de l'aigle nazie la figure de Maurice Sachs prend un relief singulier. A croire que l'époque se fardait de son mal, de son cynisme pour répondre à la nature profonde qu'il développe déjà dans l'insouciance des Années folles.

 


 
 
posté le 12-02-2010 à 10:27:25

Maurice Sachs au Boeuf sur le toit.

Tout aura été dit sur Maurice Sachs, et en dépit des aspects peu ragoûtants du personnage on est fasciné par son parcours et sa manière si singulière qui  prévoit la chute assurée. Car nul doute que dans son agitation tous azimuts Sachs sentait bien que tout cela finirait mal et en remettait-il dans l'ignominie parce que le destin l'avait frappé comme quelque figure de la mythologie antique condamné, et mené par une force qui le dépasse. Reniant ses ascendances juives, il adopte le nom de sa mère. Homosexuel affranchi, il vagabonde dans un milieu qui s'en targue et pilote les gloires les plus respectables de Gide (à qui il fait la cour) à qui il consacre une étude, à Cocteau (dont il force l'antichambre), faisant la roue au Boeuf sur le toit, et la guerre venue, l'occupation l'ayant frappé en plein fouet, se livrant à des trafics en tous genres. Il faudra y revenir.
Les nombreux biographes additionnent les termes censés bien cerner l'étrange personnage : aventurier, escroc, séducteur, jouisseur, voleur, opportuniste, irresponsable, ivrogne, amoral, dilettante, snob, ivrogne, charmeur, cynique, naïf, menteur, hédoniste. Au choix, et selon l'angle privilégié il peut remplir tous les rôles, répondre à toutes les injures.
Snob et mondain, le voilà donc au coeur des Années folles et au rythme de ses fêtes, à la pointe des libertés, des affronts, des défis, des provocations. Il découvre, et plus vite que tout autre, plus pleinement, toutes les nouveautés de l'art et des lettres et la liberté des moeurs qui sert de lien à cette orgie de l'esprit :  de l'art nègre au jazz en passant par le cinématographe qui passe entre les mains de Man Ray ou de Cocteau. Au Boeuf sur le toit, cette cathédrale de l'art en marche, il figure aux tables les plus prestigieuses, là où il convient d'être vu. Dans l'intimité affichée de Cocteau, Max Jacob, Picasso, Coco Chanel, Gaston Gallimard, Francis Poulenc, Picabia. On les retrouvera, pour certains, épinglés avec hargne et  non sans humour dans les pages brillantes de "Au temps du Boeuf sur le toit"

 


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1. Saintsonge  le 12-02-2010 à 13:55:58  (site)

Deux fois "ivrogne", écrivez-vous, eh bien, il dut être bien fâcheux, malgré son renom ; mon père l'est, et, je sais de quoi je parle..., de quoi il en retourne, ignoble ce côté-là de tout homme !

 
 
 
posté le 11-02-2010 à 14:11:54

La NRF et son destin.

De toutes les revues attachées à l'histoire littéraire du XX° siècle, la NRF est la plus prestigieuse. Née au début du siècle dans un petit groupe d'amis réunis autour d'André Gide (Henri Ghéon, Jacques Copeau, Jean Schlumberger, Maurice Drouin) elle donne d'emblée le ton : "Ici, la littérature a tous les droits. Rien ne lui est opposable. Ni la religion, ni la politique, ni les moeurs, ni la morale, ni la tradition,  ni la mode. La parole des écrivains y est impunie parce qu'insoumise et irresponsable. Sans prévention d'école ni de parti..." (selon l'histoire de la revue Alban Cerisier).
La tonalité protestante cependant va déterminer une ligne de conduite guidée par Jean Schlumberger : purification des moeurs littéraires, bon usage de la langue, autonomie de l'art et renouvellement du roman, qu'illustrera la publication de l'ouvrage de Gide : "La porte étroite".
Les directeurs successifs de la revue : Jacques Copeau, Jacques Rivière, Jean Paulhan, Marcel Arland, Georges Lambrichs, Jacques Réda vont infléchir l'esprit de la revue mais sans jamais la faire chavirer dans les excès des combats idéologiques, ni les aspects les plus expérimentaux de la création littéraire. Ce qui la fait absente de certains combats historiques, mais maintient le niveau respectable d'une littérature qui assume sa maturité.
Sa survie laborieuse au choeur d'une évolution confuse de la littérature (et de sa fonction sociale), traduit bien l'énorme fossé qui s'est creusé entre le public et l'univers d'une création de qualité et détachée des tares sociales 

 


 
 
posté le 11-02-2010 à 10:37:39

Méryon à la morgue.

D'ordinaire, Méryon voit en plan large, avec une vue vertigineuse sur le ciel, pour y déployer de vastes envolées d'oiseaux. Il offre une vision crépusculaire de Paris, des séquences dramatisées. Le voici s'enfonçant dans les ombres inquiétantes de la morgue qui, installée sur les bords de la Seine, permet l'évacuation quasi clandestine des cadavres. Pensons, au passage, à l'inhumation presque honteuse d'Isabeau de Bavière dont le catafalque posé sur une barque filait le long du fleuve pour échapper à la colère populaire.
Méryon s'est placé face à l'Hôtel-Dieu, qui a aujourd'hui disparu, porté, par les soins de Viollet-le-Duc, de l'autre côté de la place, laissant l'espace libre pour y dresser l'orgueilleuse statue d'un Charlemagne impérieux.
Quand Méryon le voit, c'est un ensemble de bâtiments vétustes, en partie délabrés, où l'on entasse jusqu'à six les malades dans un seul lit, parfois un agonisant près d'un mort, et un malade pas loin de l'être aussi.
Méryon est bien là dans son monde d'horreur muette, impassible et sombre, dans un Paris qui est resté médiéval en nombre de ses endroits et surtout aux abords de la Seine, cette route aquatique complice de tant d'horreur honteuse, et propice aux crimes. Un Paris que réinventera Eugène Sue, qu'esquissa d'une plume ardente Victor Hugo. Et dont Baudelaire s'inspire pour alimenter son spleen. 


 


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1. Saintsonge  le 11-02-2010 à 11:19:20  (site)

Avouer son ignorance, c'est s'en guérir, ici, sincèrement, je ne le connaissais pas ! Merci de l'apport.

 
 
 
posté le 10-02-2010 à 14:17:01

Soupault regarde le douanier Rousseau.

Comme la plupart des surréalistes Philippe Soupault est très attentif au phénomène de la peinture. Mais loin de s'en tenir à ses contemporains ( des frères d'arme) il glane, ici et là, des artistes qui entrent dans sa mythologie personnelle ou répondent aux élans poétiques qu'il exprime dans sa propre langue mais sait reconnaître chez autrui.
Eclectique il l'est, tant pour ses options littéraires  (de Labiche à James Joyce), que picturales, et en cela exemplaire. Autant André Breton, en dépit de sa clairvoyance et de son acuité, n'échappe pas toujours à un certaine sectarisme, Soupault (au risque d'irriter justement ses amis) voit plus large et sans préjugés.
Cela le mène de Piero della Francesca au douanier Rousseau en passant par William Blake. Pratiquant une approche de la peinture qui ne se donne pas pour argument un style mais un univers personnel dans lequel il se reconnaît.
Le cas du douanier Rousseau est particulièrement intéressant parce qu'il met en lumière le caractère à la fois "sauvage" et merveilleux d'un univers qui a trouvé son auditoire par l'intermédiaire des poètes (Jarry, Apollinaire, Fargue) et s'est développé dans une grande solitude qui est le ferment des oeuvres puisant dans le plus profond du subconscient. La curiosité de Philippe Soupault à son égard est celle d'un sourcier : journaliste, éditeur, galeriste, Soupault a été un formidable découvreur de talents.


 


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1. Saintsonge  le 10-02-2010 à 18:49:38  (site)

"découvreur de talents", on pourrait le baptiser, justement : "douanier"-Soupault ?..

 
 
 
posté le 10-02-2010 à 11:07:10

Klossowski entre Dieu et Sade.

Frère de Balthus mais, comme lui, ayant, dans l'enfance, connu Rainer Maria Rilke ami de ses parents (et reçu une éducation distinguée), Pierre Klossowski a poursuivi dans l'écriture et le dessin, une étrange démarche marquée par un érotisme infiniment plus ambigu que celui de son frère et dans une facture qui se donne des allures de naïveté impossible à définir comme maladresse ou figure de style.
La raideur des personnages, l'espèce de stupéfaction largement partagée par les acteurs d'actions vécues dans des ralentis exquis, confèrent une étrangeté aux scènes dont l'énoncé érotique perd de sa puissance et évidence, pour entrer dans une zone floue, d'évocation et comme somnambulique.
Il y a une distinction et une affectation qui dénaturent le récit dessiné (car ce sont semble-t-il comme des scènes arrachées à une narration), et Klossowski s'est aussi évertué à illustrer ses propres textes d'un érotisme froid, déstructuré et marqué par de vagues relents de religiosité.
L'effet donné est celui d'une attente ou de vagues rêveries qui se veulent glauques et ne sont que des rituels désuets, comme dans le but de se choquer soi-même. Se provoquer.
 L'érotisme, avec un livre de Sade dans une main, et dans l'autre un chapelet.

 


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1. Saintsonge  le 10-02-2010 à 19:34:22  (site)

Là, évidemment, c'était dilemne je suppose à choisir L' oeuvre présentée de ce trouble-âme ?..
Votre dernière phrase, très rimbaldienne, d'ailleurs ; pour info, peut-être le connaissez-vous parrain d'un des fils de Perros, Jean-marie, lequel en fut perturbé à ce que j'ai pu savoir, les visitant...?

 
 
 
posté le 09-02-2010 à 14:28:42

André Gide et l'art.

La grande bourgeoisie dans laquelle est né André Gide joue la rigueur, et l'art n'y est pas privilégié. Dans les différentes demeures que Gide fréquente enfant (la rue Médicis, Uzes, les châteaux de la famille) nulle peinture et nulle préoccupation qui s'y rattache. C'est dans l'amitié qui le lie au fils de Jean Paul Laurens (lui-même peintre) que Gide découvre un art qui lui était étranger et pour lequel il ne marquera pas un intérêt débordant, en dépit de quelques essais sur des classiques (Poussin par exemple). On est loin de l'engagement de quelques uns de ses contemporains comme Jean Paulhan, André Malraux, et même Paul Claudel. Pourtant, (fait du hasard ?) c'est avec Maurice Denis qu'il publie l'un de ses premiers ouvrages : "Le voyage d'Urien" (une grande réussite de Maurice Denis). Et, d'une manière posthume,  Gallimard publie un gros ouvrage de ses romans illustré par une pléiade  d'artistes ( Dufy, Derain, Van Dongen, Jean Hugo, Pierre Roy, Touchagues, Christian Bérard, Clavé, Dignimont, Mario Prassinos) sans qu'on puisse y déduire un choix de l'auteur lui-même.  
Certains portraits (Trémois, Klossowski, Bécat, Dunoyer de Segonzac)) n'ont qu'une valeur documentaire et ne soulignent pas une fréquentation suivie de l'artiste. Cette prise de distance avec la peinture étonne d'autant plus que Gide est, par nature, un esprit curieux, avide de découvertes et fort ouvert sur des univers qui ne sont pas pour autant proches du sien (ses engagement pour Dostoievski,, Simenon, Henri Michaux, Antonin Artaud).

 


 
 
posté le 08-02-2010 à 10:17:24

Gradiva et le blason du corps.

A quoi tient l'élan amoureux. Quoi, dans l'être aimé, aura retenu l'attention, provoqué l'émoi qui entraîne dans sa force les sentiments ? L'histoire de Gradiva (de Wilhelm Jensen) en dit long quand on sait que plus que la beauté de la figure qu'un jeune archéologue découvre sur un bas-relief, c'est son pas (léger presque aérien) qui va déclencher le processus conduisant le héros de ce roman à aller sur le site de Pompéi pour rencontrer un personnage qui aurait vécu lors du fameux drame du 24 août 79. Fiction bien sûr, et chemin détourné pour signifier un amour d'enfance qui aura nourri sa mémoire.
Le processus amoureux (analysé par la littérature) conduit à cataloguer les différentes parties du corps à partir desquelles peut naître le désir et l'amour qui le comble. Ce sera le "blason du corps", une célébration de l'anatomie éclatée, dont furent friand les poètes précieux du XVI° siècle. Il me semble qu'un contemporain, (Jean-Clarence Lambert), s'est aussi attaché à ce jeu érotico-poétique.

 


 
 
posté le 07-02-2010 à 14:54:32

André Gide, "homme de lettres".

Les Cahiers de la Petite Dame (Maria Van Rysselberghe, femme du peintre Théo Van Rysselberghe, qui s'est prise de passion pour André Gide,  a suivi avec fidélité l'écrivain jusqu'à sa mort ) consacrés à la vie quotidienne d'André Gide permettent d'entrer en effraction dans le quotidien de cet homme volontiers en posture d'officiel des lettres.  Il s'est fabriqué une gloire interdisant tout repos quand l'opinion réclame constamment son opinion sur toute chose, dotant celle-ci d'une qualité qu'il se doit de respecter et à laquelle il doit répondre pour subsister et conserver son crédit qui est grand.
Le voilà épinglé avec attention (un rien de tendresse aussi), suivant chacun de ses gestes, relatant tous ses choix, le mettant toujours en situation centrale parmi tout ce que le monde des lettres de l'époque compte de célébrités, d'écrivains souvent à son égal, contraints d'assumer leur rôle. Y passent, en figures de légende tous ceux dont Gide a la confiance et l'amitié (en particulier Roger Martin du Gard qui est l'un des plus présents) le personnel de la NRF dont Gide avait été l'un de initiateurs, Marc Allegret l'objet de son amour (presque paternel) et naturellement Elizabeth et Catherine la première fille de Maria et la seconde de Gide lui-même.
En allant au moindre détail  la Petite Dame démystifie la "grand homme" sans l'avoir voulu. Le Journal ("cahier" est-il précisé) a des allures d'inventaire, et la tournure des rapports de police. Utile sans doute au chercheur qui veut préciser l'un des aspects multiples d'une vie fort active portée sur le travail littéraire dans ses moindres détails. On est au coeur d'une sorte de laboratoire qui enferme le créateur parmi ses manies, ses angoisses de créateur, ses choix et ses options (même en politique) qui vaut surtout pour sa dimension documentaire. De trop savoir sur l'objet de notre admiration gardons nous les raisons de l'admirer ?

 


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1. Saintsonge  le 07-02-2010 à 18:58:28  (site)

Tout de même, sous l'égide de Gide, Proust n'eut pas la "gloire"...

 
 
 
posté le 06-02-2010 à 11:22:56

Gradiva en passant par André Breton.

Quand on se promène en forêt on peut espérer surprendre quelque nymphe ou croiser Blanche Neige ; quand on se promène dans un champ de ruines (antiques) on ne peut espérer croiser que quelque fantôme, l'ultime habitant (habitante) d'une ville dont on ne voit plus que le dessin sur le sol avec, çà et là, des colonnes dressées comme des points d'interrogation.
Dans l'étonnant "Gravida" Wilhelm Jensen conte l'histoire d'un archéologue qui tombe amoureux d'une figurine admirée sur un bas-relief et qu'll croise dans les ruines de Pompéi. "On apprendra par la suite que la jeune fille aperçue par l'archéologue est une amie d'enfance à qui son sentiment amoureux s'adressait en réalité, via le détour de cette construction fantastique complexe".
Gradiva, qui fait l'objet d'une analyse de Freud (la première consacrée à un texte littéraire), attirera l'attention d'André Breton, et on choisira ce nom pour une galerie d'art créée en 1937 rue de Seine (à l'emplacement de l'Académie Duncan) consacrée essentiellement à la "production de la peinture surréaliste". C'est Marcel Duchamp qui en dessinera la porte (en forme de silhouette d'un couple).
Nul ne peut ignorer le miracle des rencontres au milieu du seul souvenir d'une citée d'antan, et d'y retrouver les fantômes de ses plus belles habitantes.

 


 
 
posté le 05-02-2010 à 14:07:09

Georges Bru, un hymne à la chair.

A quoi tient l'espèce de fascination que distille un dessin de Georges Bru, sinon à ce qu'il ne dit pas, disant l'avant d'on ne saura jamais quel drame des êtres et de la connaissance de leur corps. Du corps il est constamment question. En toutes situations, mais plutôt dans une grande solitude. Même quand il s'expose en d'improbables présences, il est fermé sur lui-même et comme noué d'angoisse.
Il fut, au début de la carrière de l'artiste (dans les années 60), placé sous le signe d'un surréalisme attardé, plus complexe en son développement et plutôt joué comme un jeu d'assemblages d'un bizarre blason. C'est en progressant, en gommant les détails, que Bru atteint la force expressive (l'effet de choc) d'un corps abandonné à son sort, à sa puissante laideur de chair et rien que de chair.
On le sait féru de littérature (de la bonne à la populaire) disons de Breton et Mandiargues au roman policier, et cela donne à son travail, si intimiste, une force de concentration qui demande, pour le voir, un soin d'entomologiste. Ne regarde-t-il pas les êtres comme d'étranges (d'inquiétants) animaux.
Il tend vers le minuscule, situe le regard à travers les lunettes d'une savante (et sans doute perverse) connaissance de ce que l'intime sécrète d'horreur. Si son dessin et  voluptueux et soyeux (tout les commentateurs le notent), c'est pour mieux nous entraîner vers sa délectable et sadique vision qui ne s'offre aucune respiration. Ne sont-ce pas des scènes arrachées à quelque chambre  tiède et nimbée d'une lumière de nulle part. Chambre de supplice plus que d'amour. Et théâtre de cérémonies secrètes.

 


 
 
posté le 05-02-2010 à 10:33:43

Baudelaire et Méryon.

On ne dira jamais assez combien Baudelaire a su voir les artistes de son temps avec cette manière si particulière, de les aborder ( qui est le propre des poètes quand ils deviennent critiques d'art). Captivé par le travail de Charles Méryon,  il envisage une collaboration. "des rêveries de dix lignes, de vingt ou trente lignes, sur de belles gravures, les rêveries philosophiques d'un flâneur parisien". Il en résultera, mais sans les gravures de Méryon, "Spleen de Paris."
Le travail prodigieux du graveur  n'échappe pas à sa sagacité : " Par l'âpreté, la finesse et la certitude de son dessin, M.Méryon rappelle ce qu'il y a de meilleur dans les anciens aquafortistes. Nous avons rarement vu, représentée avec plus de poésie, la solennité naturelle d'une grande capitale. La majesté de la pierre accumulée, les clochers montrant du doigt le ciel, les obélisques de l'industrie vomissant contre le firmament leur coalitions de fumées, les prodigieux échafaudages des monuments en réparation, appliquant sur le corps solide de l'architecture leur architecture à jour d'une beauté arachnéenne et paradoxale, le ciel brumeux, chargé de colère et de rancune, la profondeur des perspectives  augmentée par la pensée des drames qui  y sont contenus, aucun des éléments complexes dont se compose le douloureux et glorieux décor de la civilisation n'y est oublié."
Tout y est dit, car Méryon se distingue largement de ses contemporains en offrant un Paris de catastrophe annoncée, d'angoisse diffuse, avec, en insistance, ces envolées d'oiseaux tournoyant dans le ciel, en armées conquérantes et cependant prises de vertige.
C'est un Paris crépusculaire. Et si l'ordre des choses, des rites, des usages y est respecté on perçoit l'annonce d'un orage imminent. Venu de quel enfer ? 

 


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1. Saintsonge  le 05-02-2010 à 14:10:09  (site)

"Venu de quel enfer ?"
- Mais, celui de Rimbaud, ou de Hugo le ténèbreux, le lugubre..., voire d'un "voyage à Cythère" : là où "satan semble avoir pris le parti des souffrances de l'humanité coupables"

 
 
 
posté le 04-02-2010 à 10:30:57

Man Ray descendu de l'Olympe.

Qu'est-ce qui pouvait rapprocher Man Ray de Robert Desnos, au delà d'une complicité au nom du surréalisme, sinon les femmes. L'un et l'autre, l'ont, à leur façon célébrée.
En en faisant, dans leur oeuvre, des muses, sorte de figures distancées de la réalité par l'exagération de leur beauté, une mise en situation de défier le temps qui atteint tout être dans sa chair à la dimension du quotidien. Figures d'icônes qui entrent dans la mythologie. Nous en chérissons la découverte qui aide à notre ouverture adolescente sur le monde.
Pourtant les témoignages du quotidien révèlent un tout autre aspect de ces relations qui ont pour cadre, des parties de campagne, des fêtes, dans le rythme qui scande la vie de l'homme le plus ordinaire.
Ces personnages de mythologie deviennent alors de simples figures de voisins, d'amis, que l'on  surprend grâce au clic-clac indiscret d'un appareil photographique d'amateur, dans les postures qui ne sont pas celles d'un Olympe de fantaisie, mais dans la banalité des plaisirs partagés quand on aura laissé au vestiaire son talent, ses rêves, la posture du créateur qui sait fabriquer des rêves avec les miettes du banal.

 


Commentaires

 

1. lapinbleu2  le 04-02-2010 à 10:35:19  (site)

hello !!
trés intéressant..
bonne journée.. jean claude..

2. Saintsonge  le 04-02-2010 à 10:41:21  (site)

Jolie fin de phrase !

 
 
 
posté le 03-02-2010 à 11:00:04

Ruines domestiques.

Dans le contexte illuminant des revues qui, au lendemain de la guerre, tentaient de réveiller l'esprit surréaliste (autour de Scutenaire, Yves Bonnefoy, Max Bucaille, Noël Arnaud, Alechinsky) on avait proposé une lecture nouvelle et originale des ruines (on y vivait au quotidien, elles étaient notre horizon familier).
Il avait été question, quelque part, des Poupées de Dixmude (sans doute en Belgique) et, au travers d'une porte, dévalaient, comme une cascade, sur ce qui avait du être un escalier, des gravats dont l'ensemble avait quelque chose de suffoquant, d'insolite. Et d'une certaine beauté. C'était aussi le premier texte d'Alechinsky.
Alors que les ruines antiques, nettoyées par le temps, lissées par le vent, les mains des visiteurs, distillent une sorte d'impérieuse grandeur que n'avait peut-être pas le bâtiment en son état normal, et une once de mélancolie délicieuse, les ruines à l'état brut nous agressent. Disent le malheur qui a marqué un lieu. Deviennent le cadre d'une tragédie âpre parce qu'elle est proche de nous. Notre contemporaine.
Aux ruines des bâtiments collectifs (le Reichtag à Berlin en 1945), s'associe d'ordinaire une page d'Histoire, alors que la ruine domestique, découverte au hasard d'une promenade, dans le mystère feuillu de la forêt (était-ce une maison de garde chasse),  souligne un drame de famille, devient le trace d'une tragédie qui touche l'homme dans son intimité.

photo du blog  :   antlis.blog.lemonde.fr

 


 
 
posté le 02-02-2010 à 14:16:16

Ger Lataster, la peinture vécue.

Hollandais, il hérite à la fois des courants expressionnistes et de Cobra dont Amsterdam fut l'un des centres les plus actifs. Bien que de la génération suivante il en a gardé toute la fougue, le goût d'une gestuelle ardente, imaginative.
Ger Lataster a exposé à Paris (dans les années 70) chez Paul Facchetti qui fut une galerie ouverte sur les courants les plus audacieux de l'époque.
Lataster était exposé sur des cimaises qui avaient révélées Jackson Pollock. une peintre d'action.
Peindre, pour lui, c'est vivre la peinture, combattre avec la matière, explorer ses dessous, valoriser ses élans, exalter ses couleurs. Et toujours gagner de plus vastes espaces.
J'ai le souvenir de son atelier d'Amsterdam, avec ses murs en briques roses, et ses baies largement ouvertes sur l'espace. C'était la fête du geste sans complexe qui s'invente ses parcours, ses bouquets ardents de fleurs folles, un remuement (comme dirait Henri Michaux) qui gagne les lointains de la stratosphère, abolissant les distances, les limites, et nous précipitant dans la danse de l'espace, le grouillement interne de la vie de la matière. Ce frémissement intense qui maintient la vie et défie la mort.

 


 
 
posté le 02-02-2010 à 12:07:14

Portique flamboyant.

Inscrivons au fronton d'un nouvel itinéraire dans le foisonnement des rêves, la phrase magique de Gérard de Nerval : " Le rêve est une seconde vie. Je n'ai pu passer sans frémir ces portes d'ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible."
Victor Hugo aura dessiné pour nous ce portique qui ne tient à rien de connu mais suppose des architectures tremblantes de crainte devant les gouffres auxquelles elles donnent accès. Car il est tout un appareillage inventé pour sortir de notre quotidien, préparer à de nouvelles contrées où rôdent de redoutables fantômes. L'architecture qui l'annonce est au plus près de cette montée lente et inexorable de menace contre laquelle elle n'offre que la dentelle de ses fragiles érections. Elle défie ses peurs autant qu'elle prépare aux voluptés d'un rêve magnifique.
La splendeur des palais n'est-elle pas une manière de conjurer cette crainte, sinon qu'on s'y engouffre à la quête d'improbables souvenirs et d'une mémoire en lambeau.
L'architecture suppose les foules, appelle à la fête, à l'émeute. N'est-ce pas dans les salons où la monarchie célébrait ses futiles pouvoirs que la foule a exhibé des têtes sanglantes emmanchées sur des piques ?
Mais c'est l'inimaginable qui offre encore plus de menace. Notre peur est à la mesure de nos connaissances, au delà c'est la chute dans l'inconnu. On pourrait y situer les portes de l'Enfer.
On partait d'un rêve (d'un appétit de rêve) on débouche sur le cauchemar. Ne sont-ils pas voisins, ou les deux faces d'une même médaille. Selon la phase que l'on contemple on s'émerveille ou l'on s'effraie.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 02-02-2010 à 12:35:17  (site)

Le pauvre Nerval que nul n'aima
Son triste esprit comme un trépas
Sa vie fut ses romans et vice-versa

Je pense qu'une même phrase, bonne ou mauvaise, sera interprétée différemment, selon qu'on soit d'humeur joyeuse ou tristement lugubre comme le plus vénéré des lieux hugoliens !...

 
 
 
posté le 02-02-2010 à 10:41:48

Man Ray, sur un toit brûlant.

Man Ray sur un toit brûlant.

Fanatique du jeu d'échec (il en conçoit de fort beaux) Man Ray aime y jouer avec son ami  Marcel Duchamp. C'est la réunion au sommet. Au sommet du Théâtre des Champs Elysées  où est donné le ballet "Relâche". Ecrit par Picabia, musique d'Eric Satie, avec un entracte cinématographique de René Clair. C'est là qu'intervient Man Ray qui se livre à quelques démonstrations gestuelles, la partie d'échec ayant valeur d'intermède de réflexion dans un festival de fantaisies.
Qui perd gagne, et la force au jeu des deux protagonistes permet une satisfaction de victoire alternative. Ils se mettent en situation de danger, de vertige, la partie d'échec si bien nommée participant d'un rituel où tout est symbolique.

 


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1. Saintsonge  le 02-02-2010 à 11:40:26  (site)

Sont-ils en haut d'une "tour" du théâtre, ces deux grands "fous" du Roi surréaliste, jouant en diagonale leur partie croisée, échec à la raison, mat à leur inconscience ?..

 
 
 
posté le 01-02-2010 à 15:24:59

Dans les ruines de Tipasa.

C'était un été brûlant, mêmes les pierres, sous la main, distillaient les feux de l'enfer. On allait se réfugier sous les groupes d'arbres où une eau cristalline s'écoulait d'entre de vieilles pierres et se mourait dans le sable. Des colonnes tronquées, renversées, s'enlisaient dans la végétation affolée et rampante, tandis que la mer, aux termes de l'horizon, frissonnait doucement.
On évoquait des légions romaines casernées en l'endroit et festoyant les soirs d'été à la lueur des torches. Le couvre feu nous interdisait des manifestations aussi ostentatoires de notre joie d'être réunis autour d'un festin, avec en fond sonore une musique aigre que nous changions parfois pour des chanson françaises, ou la rage  du jazz qui prenait sous le ciel étoilé des sonorités étranges qui nous allaient au coeur.
Mais, bravant la consigne, certains allaient rôder dans les ruines, chassant des animaux de la nuit qui s'y croyaient oubliés, et l'on parlait de rendez-vous galants, eux aussi interdits. Le port du fusil donne du prestige dont il est parfois difficile (et risqué) de tirer profit. (a propos de la guerre d'Algérie).

 


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1. Saintsonge  le 01-02-2010 à 17:12:32  (site)

Très camusien !

 
 
 
posté le 01-02-2010 à 11:55:43

Les Passages parisiens comme La Vie mode d'emploi.

Tout comme Perec avait imaginé l'histoire d'un immeuble, en forme de puzzle ("La vie mode d'emploi"), on pourrait pratiquer la même méthode en partant d'un Passage parisien (par exemple le passage Jouffroy ) et reconstituer l'histoire (compacte) de l'ensemble de ses habitants et le rituel du commerce et de la flânerie dont il est le cadre.
C'est que la vie y prend une autre dimension qu'au grand air. Il est une rue compressée, mise en boîte, un monde fermé sur lui-même, où le visiteur s'engage comme dans un labyrinthe. N'y aurait-il pas, cachées, des trappes, des soutes où disparaîtraient ceux qui se risquent dans cet univers fermé et qui ne donne, du ciel, qu'un pâle reflet filtré par les vitrages de ses voûtes.
Même les sons y prennent un ton particulier, feutré, ou comme frotté à quelque frontière matérialisée par les vitrages des vitrines qui se succèdent, s'additionnent  au rythme de notre marche. Mais marche-t-on dans un Passage ? En tout cas, pas de la même manière que dans la rue. Le pas devient plus mou (serait-ce celui d'un ange ?), il accompagne, ou souligne l'état de demi somnolence  mentale dans lequel il nous entraîne, nous disposant à en mieux apprécier l'esprit et cette espèce de disponibilité dans laquelle il nous met à l'aventure de l'esprit.

 


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1. fontenouilles  le 01-02-2010 à 16:20:03  (site)

Beau teste qui m'a rappelé des souvenirs lorsque j'étais encore une parisienne.

 
 
 
posté le 01-02-2010 à 09:55:59

La classe de René Guy Cadou.

Maître d'école, René Guy Cadou s'inscrit dans une tradition (républicaine) où l'art de dispenser le savoir s'accorde à un quotidien largement inscrit dans la vie locale, le rythme des saisons, une certaine simplicité qui va nourrir sa poésie, lui donner son accent si particulier et son charme.
Une salle de classe qui est son domaine, dont il est le maître, résume le monde promit aux élèves qui s'alignent en  harmonie et rigueur pour l'aborder, l'appréhender avec ce sens de la poésie que devait lui donner un Cadou maître d'école autant que poète.
La vie campagnarde vient là, battre à la porte, aux fenêtres ouvertes l'été sur le parfum des  fleurs qui poussent, sauvages et diverses aux alentours.
La familiarité de l'enseignement à sa base, et dans sa diversité, donne la juste mesure de ce qui va être la poésie que Cadou distille au quotidien (écrivant régulièrement, le soir, après la classe). Ce qui témoigne d'une continuité de pensée et une unité de ton entre le travail (le partage du savoir) et la délectation de ce qu'offre le réel vécu avec une intensité qui se refuse tout excès, emphase, et trouve toujours les mots les plus justes pour le dire, le célébrer.
Car de même qu'il célèbre le savoir dans sa classe, Cadou célèbre le monde qui l'entoure dans sa poésie.

 


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1. saintsonge  le 01-02-2010 à 10:42:08  (site)

Très bien, vous noterez René-Guy Cadou dont on n'évoque que trop rarement son nom né en Sainte-Reine de Bretagne, sinon dans "les forges du vent" ou dans "Bruits du coeur", merci pour lui.... Mon coeur bat à l'unisson de votre article dans le vent du jour !

 
 
 
posté le 31-01-2010 à 15:44:25

Cocteau sur tous les fronts.

Avec Cocteau tout est poésie. Du dessin au cinématographe (c'est lui qui tient à l'énoncé complet, abordant ce dernier comme s'il dessinait), en passant par le théâtre, le roman, et ce qu'il convient d'appeler la poésie, Cocteau s'empare du monde, de ses rêves, pour brasser une matière vive et scintillante.
Il lui sera assez reproché d'avoir abordé tous les genres, de vagabonder des références antiques aux sirènes de la modernité, et une certaine désinvolture, jusque dans son attitude dans le monde qu'il aime fréquenter (tout comme Proust) mais sans doute juge-t-il nécessaire ces grandes brassées dans le courant des modes (qu'il suit ou parfois précède) ramenant à lui tout incident, événement et jusqu'aux faits divers dans son jargon et sa valise de voyageur élégant (on est à l'époque où Paul Morand célèbre l'homme pressé). Il est partout à la fois, à l'affût dirait-on des moindres frissons de la sensibilité collective et sachant toujours y répondre. D'où son succès,  ses facilités, ses accoutrements, l'arête aiguë qui lui vaut la haine de ceux qu'il provoque (les surréalistes).

 


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1. trasboy  le 31-01-2010 à 15:51:32  (site)

j adore JEAN COCTEAU et son ecriture.
bonne journee
alexandre

2. Saintsonge  le 31-01-2010 à 17:59:25  (site)

Sauf de ses amours Amicales, vrai, il ne fut pas très aidé de ses artistes semblables !..Vous avais-je déjà noté ce qu'il disait :"je sais mieux faire l'amitié que l'amour"...Les spasmes brefs ne lui dirent rien qui vaille... Heureux de le revoir ici !

 
 
 
posté le 31-01-2010 à 11:23:00

Le Paris de Jacques Prevel c'est Artaud.

Le Paris de Jacques Prevel est singulièrement réduit, centré autour de la figure d'Antonin Artaud qu'il rencontre chaque jour dans le quartier Saint Germain des Près (Artaud vient d'Ivry sur Seine mais hante les cafés de Saint Germain). Entre le 3 bis rue des Beaux-Arts, où il habite, et la rue du Dragon, et les étapes dans les hôtels les plus modestes du quartier, il se fait un itinéraire qui est celui de son "mal être" et de sa passion dévorante pour Artaud dont il quête les moindres mots, les plus capricieuses complicités, car Artaud n'est pas tendre avec lui (l'est il seulement avec ceux qui l'entourent et tentent de le sauver de lui-même de sa lente chute vers la mort ?) C'est qu'Artaud, de retour de Rodez est alors vénéré par un groupe réduit d'amis (Adamov, Colette Thomas, Marcel Bisiaux) et que l'on publie quelques uns de ses textes les plus importants comme "Van Gogh le suicidé de la société" (qu'il écrira dans l'entre-sol de la galerie Pierre, rue des Beaux-Arts) ou "Pour en finir avec le jugement de Dieu", édités sous le label de la remarquable petite maison d'édition K.
J'ai longtemps erré dans ce réseau de ruelles encore médiévales conservées au coeur de Paris, ponctuées de galeries d'art, de librairies attachées à la poésie. On  s'y construit un espace qui a des allures de bulle échappant à la réalité et aux contingences d'un quotidien autrement médiocre. Pratiquement, chaque immeuble est marqué par le souvenir d'un illustre habitant, une page ardente de l'histoire de la littérature. Tant d'ombres s'y rencontrent, tant de souvenirs s'y réveillent, c'est une promenade chargée et chatoyante.






 


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1. Saintsonge  le 31-01-2010 à 12:46:04  (site)

La "boule à cris" fut dans quel immeuble, exactement ?.. Il ne fut pas tendre avec lui-même, donc forcément nullement avec qui pouvait le côtoyer, je pense... C Q F D

 
 
 
posté le 30-01-2010 à 14:19:30

Bloomsbury à la campagne.

La maison, trouvée par Virginia Woolf pour sa soeur Vanesse, et dans le voisinage de Monk'house (sa propre demeure), offre ce charme si particulier à la campagne anglaise, dans sa profusion végétale, son sol si sensible aux variations climatiques et véritable baromètre du climat ambiant. Une maison qui vibre aux élans de l'environnement. Elle devient rapidement une sorte d'annexe campagnarde de Bloomsbury, et fréquentée par ses membres.
Vanessa et Duncan Grant, qui partage sa vie, entreprennent de décorer la maison à leur manière, c'est à dire en peignant d'abondance murs, portes, meubles, composant une épopée tendre et narquoise où se mêlent références et délectation, tant la peinture pour eux est exercice de plaisir et non spéculation intellectuelle.
Il en sera de même pour Dora Carrington dans la demeure qu'elle partage avec Lytton Strachey (Ham Spray) qui peint sur tout support, avec une totale indifférence des usages d'un métier qu'elle place sous le signe du plaisir.
A Charleson Roger Fry intervient aussi qui a créé avec Vanessa un atelier d'art appliqué. Foyer incandescent de la vie intellectuelle de Bloomsbury, Charleston en sera aussi l'ultime refuge. La disparition progressive de ses membres place le lieu dans cette zone d'élection où intervient le poids des souvenirs. Il est une mémoire de ce qui aura été une grande et généreuse aventure de l'esprit et de la liberté sexuelle dont il aura été le cadre.

 


 
 
posté le 29-01-2010 à 10:17:13

Parlons peinture.

Injustement  André Lhote a mauvaise réputation parmi les peintres, le reproche de sa participation à la critique d'art étant alors invoquée. Comme si, raisonner sur l'art, tenter d'en cerner les problèmes, nuisait à sa pratique, quand le peintre se veut exclusif et dégagé de tout souci historique trop prononcé. Ce qui devient de moins en moins vrai pour autant que tout l'art actuel repose sur une réflexion sur le passé de l'art, et qu'il est souvent le reflet de ce passé, pour le défier, le nier, le contrer, le provoquer, le singer, toutes attitudes qui relèvent plus d'un instinct intellectuel que d'une approche strictement sensuelle (physique) de la peinture revendiquée par  les contemporains de Lhote qui jugeaient nuisible de théoriser.
Paradoxe encore quand on voit émerger  alors de nouvelles tendances qui impliquent une mise en forme des théories qui justifient les audaces nouvelles, les incursions dans des espaces nouveaux. Autant Malevitch que Mondrian, Kandinsky que Braque, Picabia que Masson, Max Ernst que Soulages ne répugnent pas d'exposer des théories sur lesquelles s'articule leur démarche.
De fait, autant le peintre figuratif échappe à ce souci de théoriser, autant le peintre abstrait se croit obligé de se justifier. Figuratif, on suit la nature, la réalité, donnant du style à une chose extérieur à soi, et qu'on absorbe, traduit ; le peintre abstrait tire sa substance de lui-même, de l'émotion à l'état pur, de cette réflexion qui le conduit à refuser le réalisme au nom d'une ouverture de la peinture sur l'identité même du monde dans son unité fondamentale. On ne peint plus le paysage mais la dimension (imaginée) de l'espace.
Parler de peinture c'est faire preuve aussi d'un certain dilettantisme mal vu, comme l'éclectisme qui passe pour de la futilité.
J'aime dans le terme même utilisé par André Lhote  une invite tranquille, bienveillante, comme s'il  nous proposait de nous rassembler au coin du feu pour deviser en toute simplicité.
Parler de peinture n'est-ce pas aussi parler de soi, de ses rapports avec le monde de l'art, de ses attentes, de ses trouvailles, de ses questionnements sans quoi nous n'avançons pas dans la vie.
Parler peinture c'est proposer une approche sensible, et parfois savante, de l'art qu'il ne suffit pas d'admirer passivement, mais dont on appréciera mieux la force proposée, si on en connaît mieux le mécanisme.

 


 
 
posté le 28-01-2010 à 14:05:39

Donner à voir rend hommage à Paul Eluard.

Après la galerie Creuze, où furent présentées trois expositions de "Donner à voir", c'est à la galerie Zunini, à Montparnasse, que fut organisé l'ultime salon qui, par son titre, rendait hommage à Paul Eluard.
Chaque critique invité (Gérald Gassiot-Talabot, Jean-Clarence Lambert, Raoul-Jean Moulin, José Pierre, Jean-Jacques Lévêque, Pierre Restany) avait la responsabilité d'une "section" placée sous un signe qui en assure la cohérence tant dans le sujet des oeuvres proposées que la circulation, entre elles, d'une idée commune.
"Proposition pour un jardin" (lui-même s'inscrivant dans une longue série d'expositions présentées à l'origine à la galerie Le Soleil dans la tête, dans les années 60), offrant un regard sur la peinture naturaliste, une manière toute particulière d'aborder le thème de la nature dans le sillage de Bachelard, ce qui n'excluait pas l'abstraction largement représentée dans une mise en scène de Jean Berthier ;  sous le titre bref de "Tilt" (mise en scène de Miralda) une petite incursion dans le domaine de l'objet ; enfin, avec "Le bain avec Andromède" (un clin d'oeil à Robert Desnos), les savoureuses inflexions gestuelles d'un Janson ou d'un Graziani.
Sur le thème du "nu" Jean Clarence Lambert rassemble une dizaine de peintres dont Bertini,  Lapoujade, Fontana, Artias, Izumi.
Ce sont les "espaces et structures oniriques" que propose Gassiot-Talabot : Atila, Biasi, Byzantios, Cremonini, Monory, Segui, Kujawski.
Raoul-Jean Moulin se penche sur "un réalisme démystifié" qui lui permet de rendre hommage à Cheval-Bertrand, qu'entourent Hernandez, Lybinka et Tabuchi.
"J'enseigne ce que je ne sais pas", une formule choc de Jean-Clarence Lambert, souligne l'esprit et l'humour de Adzak, del Pezzo, Klasen, Niki de Saint Phalle, Martial Raysse, Télémaque, Toyen, Silberman.
Pierre Restany s'attache à "l'art mécanique" illustré par Beguier, Bertini, Pol Bury, Nikos, Rotella.

 


 
 
 

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