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lettres de la campagne

posté le 28-01-2010 à 11:45:11

D.H.Lawrence et ses femmes.

Entouré de femmes D.H.Lawrence n'est pas  pour autant un don juan et encore moins un libertin. C'est justement la part de puritanisme latent qui est en lui qui donne tant de complexité à ses rapports vigoureusement sexuels ou affichés tels quand la part de secret, de mysticisme qui germe en lui, freine ses élans ou les force d'une manière qui se veut provocatrice (voir sa peinture qui aura a subir la censure lors de ses expositions).
Il fascine pourtant les femmes, déambule à travers le monde accompagné d'admiratrices prêtes à affronter un caractère difficile, parfois violent. Nombreux sont les témoignages de ses démêles épique avec son épouse Frieda pourtant épousée sur un élan de passion. Femme d'un professeur allemand alors qu'il séjournait chez eux, David Herbert enlève Frieda est entreprend avec elle un périple à travers l'Europe, d'hôtel et petites pensions, écrivant avec fureur et une abondance qui va bientôt l'imposer comme l'une des grandes figures de la littérature anglaise.
Ce sera ensuite Mabel Dodge Lunhan, un excentrique américaine installée à Taos (Nouveau Mexique) qui attire Lawrence dans ses filets, accompagné de Frieda et flanqué de la singulière Dorothy Brett (qui laissera des souvenirs sur leurs rapports tapageurs).
Nouvelle direction littéraire pour Lawrence que la découverte du Mexique avait bouleversé. Il en naîtra le monumental "Serpent à plume" si typiquement lawrencien et d'un lyrisme ardent.

 


 
 
posté le 28-01-2010 à 10:40:04

Vostell l'art poussé au tragique.

L'arrivée, à Paris, de l'artiste allemand Wolf Vostell, correspondait à l'émergence, dans le paysage artistique parisien du "Nouveau Réalisme"  créé par Pierre Restany avec la complicité d'Yves Klein, Arman, Niki de Saint Phalle, Tinguely, César, et quelques autres. Le langage de Vostell relevait d'un esprit assez voisin, mais plus marqué par l'expérience de la guerre (tout comme Beuys, autre grande figure de l'art allemand des années 60-70).
Là où les Nouveux Réalistes s'en prennent à la société de consommation (non sans jouer d'humour), Vostell fait la part à la déchirure sociale entraînée par la guerre et dans le contexte de Berlin (où il vivait), marqué profondément par le caractère tragique et la théâtralité sauvage qui accompagne la chute de la ville maudite où dans son repaire souterrain Hitler se donne la mort.
Une écriture qui a des accents hargneux, une force saccageuse, un lyrisme désespéré. Il donne bien le ton d'une Histoire qui a des allures de théâtre shakespearien. Poussant l'Histoire vers sa dimension légendaire, telle que le future la regardera.
L'art devient un langage entraîné dans son sillage par l'Histoire.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 28-01-2010 à 14:02:08  (site)

La hargne vient toujours d'un empêchement ; le saccage, d'une auto-punition ; le désespoir, d'un manque total de confiance en soi, dû par tous ces empêcheurs, d'où le retour de la hargne du refoulé, sûrement !!! Et, la boucle des désamours et désaveux, bouclée !

 
 
 
posté le 27-01-2010 à 15:24:06

Laurence Sterne, la folie verbale.

On revient toujours à lui. Sa découverte est un bouleversement, tant il déroge aux lois coutumières, bouscule les genres et ouvre la littérature à de toutes nouvelles et riches perspectives.
Laurence Sterne est aussi un personnage comme seule l'Angleterre a su en donner à l'Histoire. Pasteur, coureur, indiscipliné, fantasque, il aborde le monde des mots avec une pétulance qui jette un frisson dans la phrase, un séisme dans le récit et nous lance à la figure un des personnages les plus attachants de la littérature : Tristram Shandy.
Dans un récit au rythme haletant celui-ci nous fait découvrir sa famille et l'oncle facétieux, on est là entre Rabelais et Swift, dans une construction romanesque qui semble se moquer du caractère linéaire du récit. Bousculant l'ordre chronologique, dans un jeu étourdissant de retours en arrière, incises, parenthèses, il fait penser à un conteur pris d'ivresse qui, dans la précipitation et la fièvre du récit, nous entraîne dans sa folie savoureuse et malicieuse à la fois.
Les recherches typographiques qui firent les beaux jours du mouvement "dada" et des futuristes italiens ont leurs sources dans cette prose autrement compacte et dense. On aura dit combien lui doivent James Joyce et Pierre Albert-Birot, dont les oeuvres retrouvent ce caractère à la fois familier et fiévreux.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 27-01-2010 à 16:19:48  (site)

Lui, au moins, aurait compris (et admis) la construction romanesque en désordre qui m'a été "refusé" par un éditeur de renom peu enthousiaste à l'originalité que proposait mon manuscrit, accepté par son comité, du reste, qu'il désavoua donc de même ; la pastille n'est pas encore tout à fait digérée, voyez, depuis 2007 !.. Honneur à celui-ci qui est des miens amis, de ce fait !..

 
 
 
posté le 27-01-2010 à 11:10:42

Dora Carrington peintre discrète.

Roger Fry qui fut l'ami de Virginia Woolf (elle écrira un essai sur lui) et des membres de Bloomsbury, fut l'introducteur en Angleterre de la peinture française de la fin du XIX° siècle (post-impressionnistes). L'influence de cette dernière est sensible dans le travail des peintres attitrés du groupe de Bloomsbury ; Vanessa Bell, Ducan Grant et Dora Carrington. Cette dernière, qui partage sa vie avec Lytton Strachey et R. Partrdige, ne pratique pas la peinture comme un métier, mais pour son seul plaisir, bien qu'elle ait une formation technique. Elle joue dans l'étrange trio qu'elle vit avec son époux et son ami, un rôle volontairement effacé et modeste, tenant un ménage et s'en vantant. La peinture est une manière de s'exprimer qui se vit au quotidien, au hasard des circonstances, et se manifestant plus comme un artisanat qu'une démarche visant l'atteinte d'une oeuvre cohérente. D'ailleurs elle peint sur n'importe quel support, avec une désinvolture qui est bien de son caractère et une volonté de s'affranchir de toute discipline professionnelle. Ce qui lui donne un cachet particulier, intime et d'une grande séduction. Elle peint volontiers ses proches (d'où les portraits de Lytton Strachey) son environnement quotidien. Sans artifice ni recherche de style, mais une sorte de conviction tendre et appliquée, d'une extrême modestie et par là même d'une rare délicatesse.

 


 
 
posté le 26-01-2010 à 14:20:03

La vitrine du bouquiniste, une anthologie.

Plus encore que dans la rythme frénétique de la rue, la vitrine prend tout son sens dans le climat plus calme, (invitant à la lenteur de la déambulation), des Passages. Le promeneur s'attarde plus volontiers et  musarde dans ce bric-à-brac d'objets de toutes natures proposés à la curiosité du chaland.
Des galeries y exposent de vieilles gravures, des tableaux d'un autre temps, loin de tout souci d'être à la mode. Nombreux sont les libraires qui y exposent de vieux bouquins. La vitrine du bouquiniste a ceci de plus séduisant que celle du libraire de nouveautés, c'est que ce dernier propose des ouvrages qui se retrouvent dans l'une comme dans l'autre de ces vitrines qui suivent l'actualité, alors que celle du bouquiniste épouse ses goûts personnels ou le jeu du hasard de ses trouvailles.

Variante :

On peut aussi imaginer des vitrines qui sont un peu l'étalage d'une bibliothèque idéale, comme c'était le cas chez Marcel Béalu à l'enseigne du "Pont Traversé" (un hommage à Jean Paulhan) au pied de l'église Saint Séverin.
Poète, il privilégiait les poètes qui étaient souvent ses amis. C'était le livre ouvert d'une anthologie sentimentale. Invitation à découvrir : Aragon, Forneret, Benjamin Péret, Jean Rousselot, Eluard, Arthur Cravan, Joé Bousquet, Jean Follain, Julien Gracq,  Jean Tardieu, Blaise Cendrars, André Frénaud, André Breton, Artaud, René-Guy Cadou,  Pierre Albert Birot, Raymond Queneau, Francis Ponge, Henri Michaux, Bernard Delvaille, Lucien Becker, René Char, Michel Manoll, Guillevic, Maurice Blanchard, Jacques Prévert, Henri Pichette, Apollinaire, Cocteau, Tzara, Malcom de Chazal. Max Jacob et quelques inconnus qui profitaient de ce voisinage prestigieux.

 


Commentaires

 

1. lafianceedusoleil  le 28-01-2010 à 00:47:48  (site)

bonsoir,
félicitations pour la photo du jour.
Douce nuit
bisou

2. ricardo  le 28-01-2010 à 01:25:46  (site)

Félicitation et bonne continuation a ton blog...

Du Canada Claudie & Ricardo

 
 
 
posté le 26-01-2010 à 13:37:24

Les dimanche de Garsington

Restauré par les Morell,  Garsington Manor devient un lieu de rencontre et de repos pour toute l'intelligentsia londonienne du début du XX° siècle. On y rencontre aussi bien Aldous Huxley que D.H. Lawrence et la plupart des membres de Bloomsbury.
Lors de la guerre, des objecteurs de conscience (David Duncan, David Garnett) y trouvent refuge. "Philip Morrell avait offert, là, aux pacifistes et aux objecteurs de conscience, un emploi facile dans sa ferme, et il y avait donc une population résidentielle qui comprit, à différentes époques,  Clive Bell, Gerald et Fredegond Shove, le frère cadet de Middelton-Murry et le peintre Mark Gertler ; ce groupe était renforcé par les visites plus ou moins longues de Middleton-Mury et Katherine  Mansfield, de Carrington et son amie Brett, de Lytton Strachey..." (Quentin Bell). Virginia Woolf donne aussi une impression du lieu dans une de ses lettres : " Il est difficile de donner l'impression d'ensemble, sinon qu'elle ne différait guère de ce que j'imaginais. Aldous Huxley tripotant de grands disques d'ivoire et de marbre, les "dames" de Garsington, Brette en pantalon, Philipp  formidablement revêtu du meilleur cuir, Ottoline toute velours et perles et comme d'ordinaire deux carlins, Lytton à demi couché dans une vaste fauteuil. Trop de bibelots pour une beauté réelle, trop de parfums, de soie et d'air chaud un peu lourd. Des flots de gens passèrent d'une pièce à une autre, du salon à la salle à manger, de la salle à manger à la chambre d'Ottoline, durant toute la journée du dimanche ", et de souligner le caractère étrange des rapports entre tous ces invités : "ils  se sont mis, dans une telle passe d'intrigue et une telle complexité générale des rapports qu'ils en ont à peu près perdu le sens les uns par rapport aux autres". 

 


 
 
posté le 26-01-2010 à 10:32:46

L'ami D.H.Lawrence.

Pourquoi revenir toujours sur les écrivains qui ont marqué notre jeunesse, imprimé leur vision sur notre mémoire et vont jouer un rôle, sinon de mentor du moins d'éveilleur et devenir des sortes de compagnons fidèles qui traversent notre vie onirique à défaut de nous prendre par la main.
Pourtant rien de ce qui découle de leur oeuvre n'entre nécessairement dans notre manière de vivre. Ils sont comme des monuments que l'on prend plaisir à revisiter tant leur découverte fut source de bonheur. Ainsi en est-il de D.H.Lawrence dont les livres m'atteignaient dans ma scolarité d'interne en de tristes châteaux, entre un cours de grec et une version latine.
D.H. Lawrence a une vision assez simpliste de la vie et des rapports hommes-femmes. Ce n'est certes pas en le suivant sur ce terrain que l'on peut trouver la meilleure voie. Il est trop proche de la glèbe, des forces primitives, pour ne pas effrayer un peu quand on cherche des issues plus émerveillantes (André Breton, Gérard de Nerval) et ce n'est pourtant pas un paradoxe d'aimer celui-ci, rude et sensuel, ceux là, emportés dans leurs rêves.
Plus encore que son oeuvre, et parce que  celle-ci découle de sa vie, de son mode d'existence, de sa liberté de mouvement (toujours en mouvements, en déplacements), c'est sa vie qui fascine. Si loin de celle d'un homme de lettres, fonctionnaire de son oeuvre. Il avance, comme un chat en équilibre instable sur le bord d'un meuble, de passions en épreuves  (si profondément en accord avec les forces naturelles, et si naturellement lié à son quotidien), posant livre après livre, ce qui est le flot de sa pensée et les incidents qui nourrissent sa vie. Si bien que l'oeuvre est presque un journal. On le suit d'une Angleterre campagnarde aux lumières intenses de l'Italie, d'une Allemagne qui est aussi celle de son amie Katherine Mansfield, d'une Australie sauvage, au Nouveau Mexique où il trouve gens, lumière, moeurs et compagnonnages à sa mesure. Une vie "bien remplie" ; les oeuvres en sont le balisage, les témoins, les bornes sur une route semée d'embûches mais qui a des allures de chemin d'initiation.

 


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1. Fanny39  le 26-01-2010 à 11:01:24  (site)

Réflexion intéressante.
Merci.
Belle journée

2. Saintsonge  le 27-01-2010 à 08:08:14  (site)

Pour ma part, n'ai jamais bien suivi ses "voyages"...

 
 
 
posté le 25-01-2010 à 14:53:22

Brauner le dessin pour les mots.

Brauner à vif.

La complicité du peintre avec les poètes peut le conduire à repenser l'acte de dessiner comme une manière de faire muter les mots vers des formes qui les prolongent, se substituant à eux. On peut parfois difficilement distinguer un dessin de Desnos par exemple d'un Brauner. Curieusement, une certaine maladresse dénonce ce qu'il peut y avoir de spontané, de vif, d'irrépressible, et le dessin fouille dans l'inconscient plus directement que le mot. D'où sa lecture privilégiée auprès de la psychanalyse  qui y voit un espace où se meut l'imaginaire débridé, la pensée sans contrôle.
Brauner ici en complicité avec un poète ami (Voronca).

 


Commentaires

 

1. Fanny39  le 25-01-2010 à 15:23:50  (site)

Sublime
Extra
Belle journée à vous

 
 
 
posté le 25-01-2010 à 10:03:51

Pourquoi Gabriel Paris est un inconnu.

Pourquoi Gabriel Paris est un inconnu.
Il fut, dans les années 50, un peintre dynamique, entreprenant, abordant bien des domaines de la création artistique : peinture, dessin, illustration, affiches, gravure, animant pour la promotion des artistes de sa génération et ceux qui' il estimait des associations, éditant des albums de gravures et organisant des expositions collectives. Il avait fait des débuts remarqués au Soleil dans la tête en exposant avec Cheval-Bertrand et Bernard Rancillac. Seul, ce dernier, a su maîtriser sa carrière la conduire avec sagacité et trouver une reconnaissance publique qui est interdite à Gabriel Paris non qu'il la démérite mais sa trajectoire est différente et, surtout, il pratique une peinture qui n'entre pas dans la dynamique de l'Histoire.
Gabriel Paris est de la "vieille école" qui végète dans la bohème, et conçoit la peinture comme un exercice de plaisir sans se soucier des modes, des courants reconnus, de la tyrannie des médias et du système qui fait les réputations et néglige ceux qui marquent une trop grande indépendance vis à vis de ses codes.
Sa figuration n'est ni mièvre ni servile vis à vis du sujet, bien au contraire, elle s'invente un style, une écriture qui est parfaitement reconnaissable (pour autant qu'une oeuvre doit avoir une couleur qui lui est propre, une manière qui l'identifie).
On est là dans l'héritage du fauvisme, de l'expressionnisme, une peintre d'accent, de verve et de saveur qui s'accroche au réel et le transforme en matière visuelle étrangère à toute remise en cause de ses moyens et une intellectualisation forcée ou laborieuse. Elle dit l'évidence du monde, ses aspects singuliers, son quotidien ardent et chaleureux. 

 


 
 
posté le 23-01-2010 à 15:38:47

Virginia Woolf par Vanessa

L'apport de la peinture française dans le groupe Bloomsbury passe par Roger Fry mais s'écarte des nouveautés audacieuses qui se développent à Paris autour du Bateau Lavoir ou de Montparnasse. L' hostilité marquée pour l'abstraction contient les peintres qui émergent du groupe, dans les limites de ce qu'avait donné en exemple la queue de l'impressionnisme, ses héritiers les plus directs. On y est dans la culture de Gauguin, des Nabis, Vuillard en particulier,  dont l'atmosphère de quiétude bourgeoise leur convient bien. D'ailleurs leur pratique de la peinture s'exerce au delà de la toile de chevalet, dans ses multiples  applications aux arts décoratifs, l'ameublement, l'illustration. Vanessa Bell inscrit la peinture dans sa vie familiale, une intimité qui en fait un précieux témoin, et chroniqueur de la vie des siens, de son entourage immédiat. Un portrait de sa soeur Virginia Woolf en dit plus long sur cette dernière qu'un témoignage écrit. On l'y voit dans son quotidien, nullement éloignée des tâches domestiques, et ne répugnant même pas à sa livrer à des travaux d'aiguille.

 


 
 
posté le 23-01-2010 à 10:49:55

Le cadavre exquis rue Jacques Callot.

La rue Jacques Callot fut, du temps de Balzac (il en parle), un passage couvert. Ouverte aujourd'hui à l'animation du quartier (elle permet d'aller de la rue de Seine à la rue Mazarine), elle comprend surtout des galeries d'art.  Le 16 fut, il y a une vingtaine d'années, une galerie ouverte à toutes les tendances (on y voyait surtout de belles et lumineuses compositions de Pierre Lesieur) mais, dans les années 20, un fief du surréalisme (la galerie Pierre - Pierre Loeb -, rue des Beaux-Arts n'était pas loin).
Consacrer une exposition au cadavre exquis c'était donner à celui-ci (simple jeu collectif) le statut d'oeuvre d'art  pour autant qu'à la lumière du surréalisme, il était porteur du hasard, de la spontanéité créative, et de l'insolite, qui sont des lignes de force de sa politique.
Le titre lui-même résulte de la rencontre de deux mots proposés par le "jeu des petits papiers" où, ayant inscrit un mot, on le camoufle à son voisin, invité à en écrire un autre. Déplié, le papier révèle ces rapprochements insolites revendiqués dans le souvenir et le culte de Lautréamont qui avait vanté la beauté de la rencontre d'un parapluie et d'une machine à coudre.

 


 
 
posté le 18-01-2010 à 10:57:01

Dora Carrington une femme libérée.

C'est chez la mécène Ottoline Morrell (dans sa propriété de Garsington Manor, un lieu où se retrouve les écrivains et peintres de sa génération) que la jeune Dora Carrington rencontre Lytton Srachey. Elle s'éprit de lui bien qu'il fut homosexuel (elle-même liée alors par une amitié amoureuse à Ottoline) et quand il achète la propriété de Tidmarsh elle vient vivre avec lui. Elle rencontre bientôt Ralph Partridge qui travaille alors à la Hogarth Press de Léonard et Virginia Woolf. Elle l'épouse bien qu'il est alors l'amant de Lytton Strachey. Au final c'est un ménage à trois qui cohabite à Tidmarsh. Peintre, Dora Carringthon s'attache à la maison et participe ardemment à l'organisation  de sa vie domestique.
Virginia Woolf la classe dans les jeunes loups qui gravitent autour d'elle et incarnent une jeunesse frondeuse, libérée de tout préjugé, et ardent à une vie intense, préfigurant les grands courants qui vont naître en Europe bien longtemps après (1968). Elle représentait l'archétype des "Têtes de loup" "avec leur cheveux à la Jeanne d'Arc et leurs franges épaisses, leurs façons libres et indépendantes, leur entrain, leurs vêtements pratiques, aux couleurs vives et leur passion pour la culture". Elle était victime de l'hypnotisme de Bloomsbury assurait Vanessa (la soeur de Virginia).
Personnage romanesque s'il en est Carrington "traverse" des romans de D.H.Lawrence. Figure type de la femme libérée (comme Lady Chatterlay).

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 18-01-2010 à 12:23:54  (site)

Femme libre n'est pas femme "libérée", combien de Louise Labbé, en fait, sur cette terre, au su de l'histoire du "voile" ?

 
 
 
posté le 17-01-2010 à 14:58:19

Virginia Woolf à Asham.

Sans doute la maison d'Asham est liée à la toute nouvelle vie conjugale de Virginia qui vient de se marier avec Léonard (ce juif sans le sous). C'est une grande demeure au milieu d'un non moins vaste terrain, mais dénuée de tout confort. Virginia, en dépit d'une santé fragile, assume avec détermination et courage les contraintes de la vie quotidienne et la maison devient vite un lieu de repos, de replis, au sein d'une activité sociale qui la fragilise et dont Léonard veut la protéger. " Quand Virginia allait à Asham, elle ne trouvait aucune commodité. Pour y arriver même, elle devait parcourir à pied ou à bicyclette plusieurs milles ou se mettre en dépense d'un taxi ou d'une voiture de place. Pour la lumière elle avait des bougies qui laissaient tomber des gouttes de cire sur le tapis, ou des lampes qui fumaient qu'il fallait remplir et dont il fallait couper la mèche le matin ; la chaleur était fournie par le bois ou le charbon, il devait être  transporté dans des seaux, il fallait nettoyer les grilles, préparer les feux ; mal faits ils emplissaient la pièce de fumée ou mouraient misérablement. A la campagne, on obtenait l'eau chaude en la faisant bouillir sur le fourneau. L'eau froide devait être pompée tous les jours dans une citerne, et Asham n'était pourvu que d'une garde-robe à terre pulvérisée...." (Quentin Bell).
Les amis viennent et y poursuivent cette vie de fraternité intellectuelle qui aura toujours été la force des membres de Bloombury.  Là où ils sont (Lytton Strachey par exemple) l'esprit (et le cancanage) vont bon train.
Dans son Journal Virginia note "juste de retour d'une promenade à pied dans le parc en cette incroyable journée d'automne (1918 au moment de l'armistice), il y a des baies orangées sur certaines maisons ; les hêtres sont d'une couleur si vive que tout parait pâle quand on les a regardés".

 


 
 
posté le 16-01-2010 à 14:14:28

Virginia Woolf écrit Mrs Dalloway.

La rédaction de Mrs Dalloway s'accompagne d'une intense correspondance avec le peintre Jacques Ravenat. Celui-ci était une sorte de cousin de l'esprit Bloomsbury. Virginia avait appelé ce groupe (où l'on retrouve D.H. Lawrence) les "néo-païens". Virginia révèle son souci de trouver une écriture qui ne soit pas linéaire. Elle parlera d'écriture radiaire. "Elle revendique pour elle-même la capacité ou tout au moins l'intention de voir les événements en dehors du temps, de percevoir les procédés de la pensée et du sentiment comme si c'étaient des formes picturales" (Quentin Bell). Evoquant la pierre que l'on jette dans une mare "il est des éclaboussures de tous côtés dans l'air extérieur, et sous la surface, des ondes qui se suivent dans les coins sombres et oubliés". Rêvant de trouver, dans une écriture d'une seule coulée (comme celle d'un fleuve qui n'est pas tranquille) la complexité mentale qui passerait mieux dans une écriture éclatée.
De fait Virginia Woolf retrouve, même sous l'apparence d'une écriture qui respecte le déroulement traditionnel, l'analyse spectrale de Proust et on a d'ailleurs souvent comparé Mrs Dalloway à la prose sur elle-même lovée en mille poches de sensations, réflexions,  de La Recherche du temps perdu.
Confiante en la complicité intellectuelle de Jacques Ravenat, Virginia lui adresse Mrs Dallioway en épreuve du roman encore inédit. Et c'est l'épouse de Ravenat (terrassé par une sclérose en plaque qui le rend totalement infirme), Gwen Darwin,  qui lui lit le texte. Lecture suivie d'une lettre dictée par  Ravenat qui rassure Virginia "il m'a écrit au sujet de Mrs Dalloway une lettre qui m'a occasionné un des jours les plus heureux de ma vie."

 


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1. Saintsonge  le 17-01-2010 à 16:02:30  (site)

Mrs Dalloway est-elle un réel reflet de la difficulté à vivre de Virginia :
"Il est très, très dangereux de vivre même un seul jour"...?

 
 
 
posté le 15-01-2010 à 13:44:24

L'atelier d'écriture de Virginia Woolf.

C'est une simple cabane, au fond du jardin, de celles où l'on met d'ordinaire les plantes en pot en hiver pour les protéger du froid, et les meubles de jardin (ils y sont), un espace qui ne participe pas à la vie de famille que comme appendice et guère aménagé pour donner le confort nécessaire à des séjours conviviaux.
Virginia Woolf l'a élu pour en faire son lieu de travail. On ne dira pas son bureau qui suppose une activité bien éloignée de la sienne. Ecrire comme on confectionne un objet, c'est plutôt l'atelier de l'écriture et austère, sinon que la vue y prend l'importance que Virgina Woolf sait si bien donner à l'environnement naturel qui enveloppe les actions qu'elle relate. Preuve d'un rapport particulier, intense et lumineux avec la vie végétale, les incidents climatiques, le déroulement miraculeux des jours qui chatoient en leurs infinies nuances.
Le lieu d'écriture peut infléchir le texte qui en résulte, sortant comme d'un moule, ici de la nature à vif, là de la quiétude d'un intérieur douillet, ou encore selon l'improvisation, le moment, ou cette mise à l'écart de la vie domestique tant par rigueur, précaution et désir de se replier sur soi, pour en donner la meilleur sécrétion, le plus intime reflet, la plus sincère révélation.

 


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1. Saintsonge  le 15-01-2010 à 13:56:41  (site)

Sa "chambre à soi" ?

 
 
 
posté le 15-01-2010 à 10:57:15

Virginia Woolf à Monk'house.

Léonard et Virginia découvrent à Rodmell (un village des environs de Lewes) une maison qui se trouve au bas de la grande route de Newhaven. Curieusement, bien que bâtie en brique, elle est recouverte (côté rue) de planches. Il y a deux étages et un comble. La répartition intérieure faite de petites pièces permet une distribution plaisante à la vie quotidienne, mais l'absence de tout confort (ni salle de bain, ni WC et naturellement pas d'eau chaude) y rend la vie relativement spartiate. Ce qui n'arrête pas Léonard et Virginia qui s'enthousiasment pour l'endroit d'autant qu'il comprend aussi un jardin "luxuriant". De plus Monk's House n'était éloigné de l'ancienne maison de campagne  (Asham) que deux ou trois milles. Des divers lieux attachés à la vie (et à l'oeuvre de Virginia) Monk' house est peut-être le plus important (il  ne faut pas oublier Hogarth house où s'installera la presse des éditions dotées du même nom).
On dira que la maison s'accorde parfaitement avec la nature même de Virginia et sa tâche d'écrivain. C'est pourtant de là qu'elle amorce son ultime marche vers la mort. En se rendant vers l'Ouse. Pour s'y noyer.

 


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1. Saintsonge  le 15-01-2010 à 12:17:37  (site)

Les 28 mars sont commémoratifs, en effet ; n'était-ce pas recouvrer la matrice maternelle (perdue à ses 13 ans) qu'elle chercha en se noyant ?..
Tout de même, publier Freud et T.S. Eliot, sur leurs presses d'Hogarth, révélait l'importance de leurs curiosités intellectuelles, de leurs recherches...

 
 
 
posté le 14-01-2010 à 14:12:39

Instants de vie, un éclairage sur Virginia Woolf.

Sous le titre "Instants de vie" sont rassemblés trois textes qui reprennent inlassablement la trame des souvenirs de jeune fille de bonne famille vivant dans un foyer pourtant marqué par des singularités, des drames (mort de la mère, d'une soeur aimée) et qui va peu à peu surgir telle qu'elle figure dans la légende, en femme libre, avec le passage obligé à travers le groupe de Bloomsbury qui scelle des amitiés, forge des amours (plutôt complexes et croisées), une priorité donnée à l'intelligence et à la culture qui va supplanter le caractère strictement mondain où étaient forgés les destins de Virginia Woolf et de Vanessa Belle (sa soeur).
Outre la valeur historique des textes s'y profile la manière si particulière de cerner les êtres, de donner corps aux sensations les plus subtiles. On passera du climat feutré de la maison des Stephen (où cohabitent les enfants des deux mariages de Julia Stephen, veuve Duckworth, dont les fils du premier  et les filles (Virginia, Vanessa) du dernier mari, personnage de patriarche tyrannique et pétri de culture et de caprices, aux amitiés qui libèrent, ouvrent de nouveaux horizons et vont constituer le fameux groupe de Bloomsbury (du nom du quartier de Londres où vivaient ceux qui allaient constituer la génération la plus brillante du début du siècle).
Vus de l'intérieur, dans une approche intimiste et parfois cruelle, des personnages  cohabitent, se croisent, dans cette cellule fermée et intransigeante : le monde de Virginia Woolf. C'est  un riche vivier de cas psychologiques dans lequel elle va puiser la plupart des personnages de ses propres romans.

 


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1. Saintsonge  le 14-01-2010 à 17:28:37  (site)

Le film "the hours" traduisait bien ce côté "intimiste" de la création littéraire, je pense ; c'est la remontée vers les détails de la petite enfance, par les arcanes de l'inconscient (masculin, pour elle) ; écrire, dit-elle, c'est recoller les morceaux, de la vie, du roman (karen blixen , idem...) ; passage du sexe à l'autre...Tout un essai sur l'isolement humain, en fait, qui l'amènera là où vous savez...

 
 
 
posté le 14-01-2010 à 11:26:40

Alessandri le cordage nocturne.

L'essentiel de son travail de préparation implique l'utilisation du fil qui porte en lui tout une richesse métaphorique dont celle du labyrinthe. Fil qui joue ici le rôle du lien : celui-ci enserre la surface du tableau jusqu'à l'étouffement. Lien couvrant inlassablement, par une emprise étroite, répétée, obstinée et tranquille, une surface que des volumes, alors prisonniers, gonflent. Prison, piège suppose-t-on, à moins que cette croissance soit toute l'énergie en devenir d'une naissance, d'un surgissement. Fil, ou corde. C'est à dire aussi ce qui se tend. D'où ces sortes d'arcs qui s'inscrivent sur la surface en altière allure de  blasons. On pense aussi, parfois, à ces étranges instruments de musique des très hautes civilisations africaines et orientales.
Les oeuvres d'Alessandri en ont d'ailleurs toute la beauté mystérieuse et quelque peu inquiétante. Ce sont des instruments qui ne peuvent tenir que des cérémonies d'ombre, des parcours de nuit, des messes monstrueuses.
Quant on sait qu'il a été, au départ de ses recherches, fortement impressionné par les métiers à tisser, faits, justement, de fils tendus sur châssis, on comprend mieux sa manière de travailler par un jeu d'écrans additionnés faisant jouer les rythmes horizontaux et verticaux qui encadrent bien l'espace, le balisent, tout en constituant une trame.
On retrouve également ces écheveaux, ces quenouilles d'où le fil, lentement, régulièrement dévidé, va envahir l'espace. Et comment, devant ces oeuvres étales dans le temps, et parce qu'elles expriment son lent, régulier écoulement, ne pas  évoquer la patience incarnée en Pénélope dont l'oeuvre était inspirée par l'attente: cette manière, plus que tout autre aiguë de vivre le temps.

Extrait de la préface à l'exposition ALESSANDRI chez Noella Gest à Saint Remy de Provence en 1975, accompagnée d'un texte de Mario Prassinos.

 


 
 
posté le 13-01-2010 à 12:14:17

Hors la Coupole point de salut.

Au coeur de Montparnasse, avec le Dôme et la Rotonde, la Coupole est l'espace stratégique où se font les réputations, où se nouent les intrigues amoureuses, où s'affrontent les idées, où se dessine l'avenir de l'art.
Café légendaire (comme le fut La Nouvelle Athènes au XIX° siècle ou le Certa pour les surréalistes) il incarne les Années folles, l'arrivée à Paris de cette colonie d'intellectuels américains qui, juste avant le krach de 1929, dynamisèrent plus qu'un quartier, plus qu'une ville, la culture française qui va se confronter à cet air vigoureux dont il restera la jazz.
Il fallait y être vu pour être reconnu de ces colonies mouvantes, menées par des codes, des rites et des préjugés qui définissent et qualifient les créateurs dans leur carrière (ils les y enferment, d'où la difficulté de varier de trajectoire quand peintre on veut devenir écrivain, ou le contraire).
Tout absent aura tord, et l'Histoire qui prend le relais des modes, se montre tout aussi injuste qui étale avec complaisance ces pages de sociabilité facile, oubliant les "clandestins"de l'art, ceux qui refusent la mise en vitrine de leur aventure personnelle.
La terrasse du café est la face publique de l'atelier du peintre, du cabinet de l'écrivain (sans parler de ceux qui écrivent sur place), une marche vers la reconnaissance relayée par la gloire qui couronne les plus avancés dans cette stratégie qui fait de l'artiste (de l'écrivain) un people en puissance.
Hors de la Coupole point de salut ?

 


 
 
posté le 12-01-2010 à 14:43:50

Jacques Prevel et le cas Artaud.

Que serait Jacques Prevel sans Artaud ? C'est d'avoir exprimé sa folle admiration pour lui, en avoir tiré des souvenirs pathétiques, que s'est portée l'attention du public (plutôt distrait) sur ce poète déchiré, qui a laissé une oeuvre "mince" en regard d'une production littéraire que suppose l'état d'écrivain. Mais l'était-il lui qui n'écrivait pas en professionnel mais comme une nécessité première pour exister. Et c'est ce qui fait toute la différence entre l'homme de lettres (qui n'est pas nécessairement l'homme de l'être) et ceux qui usent des mots pour dire l'essentiel de leur pensée, de leurs sensations, de leur souffrance. De leur difficulté de vivre. Comme si l'usage des mots écartait du "mal" du quotidien. On peut s'y réfugier, y trouver de nouveaux espaces, s'y aménager son propre territoire.
N'était-ce pas le cas de Prevel ? Mais loin de créer un autre espace pour se mouvoir en pensée, il n'abordera le poème que pour faire état de la déchirure fondamentale dont il était fait.
Les titres de ses recueils en disent long : Poèmes mortel (1945), ce sont ceux qu'il adressera à Artaud et qui vont constituer la base de leurs relations, Poèmes pour toute mémoire (1947), De colère et de haine (1950).
Lors de sa sortie de l'asile de Rodez, et quand Artaud revient à Paris, Jacques Prevel est à ses côtés, fidèle d'entre les fidèles (Marcel Bisiaux, Colette Thomas, Arthur Adamov), l'affrontant et l'adulant tout à la fois. C'est qu'il se voyait comme le reflet de cette souffrance qui le taraudait et qu'Artaud avait, avant lui, et de si sublime manière, exprimée

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 12-01-2010 à 16:18:23  (site)

Effectivement, effectivement, j'ai souvenir de cette fidèlité à la "boule à cris", qui le porta en "mémoire" :
"il serait un simple mot /pour parler sur le ton des prophètes /Un simple mot sans importance / un mot-témoin.../...et qui pour tout le monde ne serait rien..." ET, de dire comme Prevel : "ces joies qui sont comme des douleurs, n'en parlons plus..."

 
 
 
posté le 12-01-2010 à 11:34:20

Pierre de Massot à l'ombre de Picabia.


Pierre André Benoit qui avait la curiosité audacieuse de ceux qui dénichent les raretés, les oeuvres marginalisées, m'avait parlé de Pierre de Massot que personne ne lisait plus. Il l'avait découvert à travers Picabia dont de Massot fut un fervent défenseur, une sorte de garde du corps dans l'avancée triomphale du grand dadaïste français.
Adolescent de la race de ceux qui lisent Rimbaud comme une Bible, de Massot s'aventure dans le Paris des années 20 plein de paillettes et de fêtes, mais de misère aussi. Grâce à Picabia il sort du lot, monte sur l'estrade où s'agitent les manipulateurs des idées en ces années ferventes et chaudes. Il écrira comme on le fait dans la fraîcheur des engagements précoces. Sans pour autant nier des antécédents, se donnant des références, des points d'ancrage et ouvrant, finalement une réflexion sur l'époque en s'appuyant sur de prestigieux aînés (comme Mallarmé).
S'il était entré en contact avec Picabia à la suite de la découverte de la revue 391, il en deviendra par la suite le gérant. Publiant des textes d'Eric Satie, Man Ray, Marcel Duchamp, Jacques Rigaut.
Il avait offert à ce dernier (un de ses meilleurs amis) le revolver avec lequel il devait se suicider quelques jours après.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 12-01-2010 à 11:52:36  (site)

le suicide est un appel à la rescousse, à la vie, c'est tuer le gêneur en soi, l'être de trop... , celui duquel on ne peut se débarrasser ; alors, finalement, on tue l'autre, et jamais soi-même (qui ne survit jamais à l'acte commis par défaut, par excès...)

2. kotokely  le 12-01-2010 à 13:49:25  (site)

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posté le 12-01-2010 à 10:50:24

L'Oeil cacodylate de Picabia à Bertini.

Il est devenu une bannière, une stèle, un repère. C'est le mur des célébrations (comme il y a celui des lamentations) où toute une génération (1921) s'est rassemblée pour affirmer sa volonté de vivre hors les normes, les conventions, les règles de la bourgeoisie, sous le signe ardent de "dada" qui donne là un de ses derniers coups d'éclat. Picabia y fait signer les amis qui lui rendent visite, et chacun y allant de sa verve, de sa flatterie (Picabia est un peu le roi au milieu d'une cour).
L'oeuvre fait les beaux jours du "Boeuf sur le toit", cénacle ouvert à tous les esprits libres, au monde, demi-monde et snobismes croisés.
Au regard de l'amateur d'art d'aujourd'hui l'oeuvre devient le terrain de riches spéculations sur les mutations de l'art qui oscille entre verbe et formes. Et le verbe, pour y gagner du terrain, devient ainsi  l'enjeu d'analyses qui soulignent ses ambiguïtés ses revers et ses dessous. Jeux de mots, calembours, derrière chaque phrase se cache un piège où l'humour est roi.
Gianni Bertini qui tient de Picabia par l'énergie créatrice, la présence sur tous les terrains, une démarche croisant poésie et peinture, a, lui aussi, dans son atelier de la rue du Château d'Eau (près de la mairie du X° arrondissement), mis à la disposition de ses amis et visiteurs un mur qui sera bientôt couvert des signatures, aphorismes et autres fantaisies graphiques, de toute une génération (les années 60). Le verra-t-on un jour dans un musée ?

 


 
 
posté le 11-01-2010 à 10:58:33

La tour de Montlhéry et ses souterrains.

L'état de ruine convient bien aux monuments que nous abandonne l'Histoire et qui, dans leur fonction première, avaient tout pour nous déplaire. Images agressives de la guerre de l'enfermement, de la violence Parce qu'inutile, sinon aux forces de l'imaginaire, une ruine se pare de tous les charmes que l'on reconnaît aux propositions du paysage du moment qu'il donne une juste mesure des forces de la vie et de la mort dont il est le cadre nécessaire. D'où l'attrait de Nicolas Poussin qui sait si admirablement dresser un décor de synthèse. La Tour de Montlhéry m'est familière.
Elle s'encadre dans le haute fenêtre du dortoir où elle se dresse comme un fantôme alors que l'heure est au silence, et que les lits alignés avec leur couverture blanche évoquent quelque reposoir moins pieux qu'agité de désirs refoulés.
Fière, solitaire, égarée dans un ciel qui décline ses rites nocturnes, elle nous entraîne dans ses replis secrets. Sous elle, comme les racines d'un arbre fabuleux, courent des galeries, des souterrains, des parcours clandestins tracés par quelque Dédale médiéval. On s'y est risqué un jour, en dépit des barrières municipales qui interdisent l'accès jugé dangereux (Chutes de pierre). De même, chez mon grand-père fort amateur de vieilles pierres, il y avait des départs de galeries que l'on disait reliant ce qui avait été la ruine d'un couvent, à quelqu'autre établissement religieux dont la région était abondamment pourvue.
Une ruine renvoie à une autre, sa soeur ou sa complice. Le sol est farci de parcours hasardeux où l'on avance à tâtons, et qui furent des chemins de stratégie.
Les âmes inquiètes aiment s'y perdre, comme l'envers du cheminement buissonnier.

 


 
 
posté le 10-01-2010 à 12:05:35

Apollinaire l'éclectique.

La publication de la Correspondance avec les Artistes d'Apollinaire apporte une riche information sur la nature et la qualité des rapports entretenus avec le poète par ceux dont il aimait les oeuvres et les défendait dans une intense activité de critique d'art.
Devant l'étendue de sa production de critique et son souci d'offrir un large panorama de l'activité artistique de son temps on n'échappe pas à un certain éclectisme qui lui fut assez reproché. D'avoir été le promoteur du cubisme, d'en avoir défendu les découvertes (au risque de perdre ses "supports" dans la presse), interdisait-il Apollinaire de porter son attention sur des courants, des personnalités totalement différentes ? Ainsi le voit-on attentif aussi bien à Derain qu'à Chagall, le douanier Rousseau ou Giorgio de Chirico, Benjamin Rabier ou Léger, Matisse ou Othon Friesz, Dunoyer de Segonzac ou Kisling, et pratiquement toute la production artistique de l'époque.
C'est pourtant son mérite d'avoir su voir tout ce que son époque offrait de nouveauté, de talent, quel qu'en fussent les styles. Il ne fait que traduire l'extraordinaire vitalité et diversité de ce début du XX° siècle qui voit éclore aussi bien le cubisme que le futurisme, le fauvisme et l'affirmation de fortes personnalités totalement indépendantes, n'entrant dans aucune Ecole ni mouvement.
Henri Le Fauconnier est l'un d'eux. L'artiste a "le goût des des fonds pris dans la nature et un amour de la composition qu'il sait bien ne pas confondre avec l'anecdote". La Fauconnier sera du groupe de Puteaux (autour des frères Duchamp) et à son tour manie de la théorie sans raideur.

 


 
 
posté le 08-01-2010 à 15:55:14

Victor Hugo et la tache.

Et Victor Hugo dans tout ça. Cette liberté acquise de laisser l'encre couler sur la feuille, s'inventer ses propres parcours, créer ses paysages (forcément fantastique), lever des saisons insolites (inédites ?). L'abstraction lyrique aura beau jeu de se chercher des ancêtres : dans les taches sur les murs, les fantaisies de la matière qui frémit doucement sans qu'on s'en aperçoive (comme expliquer ces tranches de couleur à l'intérieur de la pierre ?) et naturellement dans quelque crayon rendu fou par la puissance du lyrisme de celui qui l'utilise (encore Hugo).
L'abstraction lyrique qui a le seul tord d'avoir donné du talent à n'importe qui et de la beauté à l'accidentel, le furtif, le n'importe quoi.
N'est-ce- pas donner alors surtout du talent à celui qui reçoit, regarde et reconnaît dans le jeu des taches des paysages qu'il a en lui-même, enfouis dans sa mémoire et qu'il retrouve comme par l'effet d'un miracle.
Ce type de création implique un rapport plus intime avec l'oeuvre d'art. Elle murmure à l'oeil (comme on murmure à l'oreille des chevaux) un secret.
C'est bien l'attrait de ce qui ne joue pas l'emphase, le gigantesque, le collectif, mais entraîne vers un rapport de confidence. La force d'un Wols, d'un Henri Michaux, d'un Klee, face à un Léger par exemple.
Faut-il, pour être grand, que l'art soit ainsi étalé à la compréhension de tous ?
L'art social est une politique qui l'arrache à l'une de ses forces premières, être l'expression la plus directe d'une intimité. Il se rapproche alors de l'écriture, d'ailleurs il fait usage des mêmes instruments, sinon des mêmes techniques.
L'encre alors est à son affaire. Elle délivre des univers fabuleux, des confidences subtiles, le coeur palpitant de celui qui la guide vers ses excès, ses impudeurs, ses délires.

 


 
 
posté le 08-01-2010 à 15:47:14

L'Hermaphrodite le pendant d'Adam.

Au Louvre, Salle des Cariatides, quatre figures féminines, drapées, font office de colonne pour soutenir la tribune où se plaçaient les musiciens, car c'était la salle des fêtes du temps des Valois. Henri III, fraise au cou et culottes de velours, menait la danse parmi ses mignons et des duchesses encerclées par le luxe de leurs robes.
C'est devenu la salle des Antiques. Torses, Venus aux hanches gracieuses, guerrier viril, c'est l'exaltation du corps dans tous ses aspects et cette beauté jamais équivoque qui fait toute la force et l'exemplarité de la sculpture greco-latine.  
Parmi cette assemblée que frôlent des foulent qui viennent là comme à l'Eglise, avec un sentiment de respect et appareil photographique à la main pour immortaliser l'instant, sur sa couche, voluptueusement abandonné au sommeil qui l'isole du monde, voici l'Hermaphrodite.
Il concentre l'attention des visiteurs, on les voit tournoyer autour de cette sculpture qui est une copie romaine d'un original grec évoqué par Pline.
En 1619, le cardinal Borghèse propriétaire de l'oeuvre commande au Bernin le matelas sur lequel est posée l'oeuvre antique.  
Elle avait été découverte à Rome dans les thermes de Dioclétien. Napoléon I° l'achète à son beau-frère le prince Camille Borghèse (époux de Pauline), elle entre alors dans les collections du Louvre.
Le sujet de l'Hermaphrodite est tiré de la Mythologie. Fils d'Hermès et d'Aphrodite il aurait refusé les avances de la nymphe Salmacis qui obtient alors, de Zeus, que leurs deux corps soient confondus et unis pour toujours.
Etrange légende qui fait pendant à celle qui veut qu' Eve et Adam ne faisaient qu'un  aux origines.
La psychanalyse aura beau jeu de se pencher sur cette page de la Mythologie, l'idée du corps mixte ayant force d'attraction et de spéculations.
Il est significatif que l'oeuvre, pour ceux qui en ignorent l'histoire, retient l'attention des visiteurs. On les voit, perplexes, mais le flash des photographes ne tire pas Hermaphrodite de son sommeil lascif.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 08-01-2010 à 16:04:26  (site)

Je m'étais choisi celui-ci aussi, au corps délicatement féminin, mais j'ai opté pour "le Centaure", dans l'option érotico-sensuel de l'art sculpté ; vous avez donc bien fait...
Hermaphroditement, bertrand

 
 
 
posté le 08-01-2010 à 10:41:23

La dédicace, une bouteille à la mer.

Ouvrant un livre, le personnalisant, une dédicace en dit long sur le signataire. Donnée lors de cette étrange cérémonie qui s'appelle une séance de signature (il y en avait au moins deux fois par mois au Soleil dans la tête) elle reste conventionnelle, souvent identique, seul le nom du destinataire lui conférant quelque valeur (sentimentale). Lors d'un service de presse elle n'échappe pas toujours à la complaisance, la flagornerie, elle est la quête (et l'espoir) d'une attention du critique à qui l'ouvrage est destiné.
Pourtant, c'est à l'intérieur de ce rite que, parfois, selon le destinataire, la dédicace atteint  la force d'un aveu, d'une complicité. Elle établit un lien entre le lecteur et l'auteur, s'appuie sur un souvenir, une connivence, un repère partagé.
A quoi s'ajoute l'écriture elle-même qui sera plus libre dans ce dernier cas, et dans l'esprit d'une lettre qui aurait pour support le livre lui-même et qui aura été intégrée étroitement à celui-ci, faisant corps avec lui. Donnant au livre un poids sentimental bien plus grand. Quand le nom ne figure pas clairement, on est conduit à s'interroger sur l'identité de celui qui l'a inspirée, et certaines des allusions que l'on peut y dénicher aide à la démarche.
Un livre ainsi dédicacé n'est-il pas une sorte de bouée jetée à la mer ?
Comme le texte (fut-il futile) d'un blog.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 08-01-2010 à 15:52:59  (site)

"fut-il futile", j'adore ce genre d'auto-dédicace... Non, votre blog ne l'est pas, je me permets de vous l'assurer.

 
 
 
posté le 07-01-2010 à 14:34:46

Aragon et le Collage surréaliste.

Le titre pose bien le problème. Celui de la peinture qui se veut surréaliste, et, de surcroît dans le cas du collage, voyant en celui-ci, un "défi" à la peinture. Ce qu'il est. Pourtant, ce sont des peintres qui l'expérimentent, en font une manière de prolongement de leur art, y trouvant de nouvelles et originales solutions. Surtout quand on veut dépasser la stricte représentation de la chose vue, mais explorer la matière elle-même, inventer d'autres mondes que celui de notre quotidien.
Il est significatif qu'il soit expérimenté par des artistes très divers en leur monde et leur approche. De l'abstraction douce d'Arp, à l'humour grinçant de Picabia en passant par l'ordre réfléchi de Braque, l'imaginaire flamboyant de Dali ou de Magritte, les ambiguïtés de Man Ray, les vertiges de Tanguy, la vision stellaire de Miro. Double défi donc, où les tenants du surréalisme entraînent des artistes qui ne sont pas de leur "bord" mais dont ils ne méprisent pas les recherches.
Le thème du collage devient fédérateur. A travers lui, c'est tout l'art de l'entre deux -guerre (les Années folles) qui se remet en question, trouvant à travers lui de  nouvelles solutions, et, souvent un apport considérable dans l'exploration même de la peinture. Elle n'est pas la même à partir du moment où elle s'est aventurée dans le découpage d'éléments hétérogènes cimentés par la colle. Une nouvelle écriture. Si proche de l'instant de l'émotion, du choc créatif lui-même.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 07-01-2010 à 14:39:02  (site)

J'ai vite adhéré à ses poèmes, surtout aux "Yeux d'Elsa", à ses romans, puis la jeunesse finissant, m'en suis détaché ; le "défi" ne serait-il donc adressé qu'aux Jeunesses ambiantes, étant qu'il aima lui-même les jeunes garçons, au grand dam d'Elsa (qui le lui interdisait, je crois)...

2. Saintsonge  le 07-01-2010 à 14:39:49  (site)

lire "étant donné que..."

3. Claudie & Ricardo  le 08-01-2010 à 04:40:15  (site)

Félicitation pour cette "reconnaissance du jour " ...

@micalement, Ricardo

4. Jakin  le 08-01-2010 à 09:50:19  (site)

Compliments pour la photo du jour....Aragon m'a collé....
Jakin, smiley_id210602

 
 
 
posté le 07-01-2010 à 11:04:31

Max Ernst le jeu de la forêt.

L'histoire dit que Max Ernst se trouvait, "un jour de pluie" (synonyme de jour d'ennui) dans un hôtel et que contemplant le parquet de sa chambre il se mit rêver à partir des noeuds du bois et l'idée lui vient, alors, de poser une feuille de papier sur le parquet et de frotter un crayon pour "relever" des formes qu'il agence par la suite, composant de véritables Histoires fantastiques.
Il entre, dans l'aventure de la peinture surréaliste, de jouer avec des procédés qui sont ceux des enfants et qu'on leur inculque pour les éveiller.
Il est significatif qu'un artiste comme Max Ernst les ait pratiquement tous expérimentés (collage, frottage, décalcomanie, assemblage) tant, pour lui, créer c'est éveiller la nappe des songes qui flotte dans notre inconscient.
Revenons au parquet. Les noeuds du bois y font des accidents heureux parce que source d'un nouvel élan. On pourrait imaginer une forêt naissante, bruissante, ardente, lourde de ses propres rêves, surgissant dans le caractère accidentel, hasardeux, capricieux, de ces fantaisies "naturelles" dont le bois porte la trace. Des  amorces d'une naissance nouvelle. Foisonnante. Alors pourquoi ne pas se perdre dans une lente et silencieuse contemplation de ce monde en gestation.

 


Commentaires

 

1. anick  le 07-01-2010 à 11:17:17  (site)

Max Ernst, un de mes maîtres, un artiste qui à su ouvrir tant de portes, il a aussi influencer Jackson Polloc, qui sans Ernst n'aurait jamais fait ses projections, bref, Max Ernst, un artiste "éternel".
Je vous souhaite une très bonne année et vous souhaite tous vos vœux..

 
 
 
posté le 06-01-2010 à 11:00:14

Cobra enfant du surréalisme.

Le mouvement Cobra "arrivait" au bon moment quand le surréalisme au lendemain de la guerre avait perdu beaucoup de sa force d'action. Les nouveaux venus autour d'André Breton, ne faisaient que singer l'aventure des aînés prestigieux qui en avaient assuré la crédibilité. Dans les années 50 les valeurs étaient revues par l'Histoire, et si Sartre et le siens assuraient la relève, des pans entiers de la création tant littéraire que plastique restaient en jachère.
Cobra instaurait un regard qui n'était plus strictement parisien ( bien au contraire) il inaugurait une vision européenne de la culture, une sorte d'alliance de divers groupes créés par la nécessité et assemblés par une réciproque reconnaissance de leurs ambitions. L'art, avec eux, puisait ses forces dans le folklore, une reconnaissance des expressions plastiques les plus rustiques, voire marginales et égarées du côté de l'art brut. Un art qui échappe aux "écoles", à un enseignement responsable d'étouffer les élans les plus primitifs. Cobra s'impose au coeur d'une nouvelle esthétique qui n'est plus celle d'une pensée mais d'une sensation. En accordant droit, à celle-ci, de prévaloir sur toutes les théories artistiques qui avaient jusqu'alors commandé l'évolution de l'art.
Il est bien significatif que, dans cette décennie, vont surgir tous les mouvements qui valorisent l'instant (le lyrisme gestuel) contre le raisonnement cartésien. Pourtant, tous ces mouvements revendiquent, à juste titre, l'héritage du surréalisme qui y trouve ses plus riches conséquences. Conclusion, être surréaliste dans ces années là (45-60) ce n'était pas rejoindre un "groupe" qui avait perdu de son efficacité, mais puiser en lui le meilleur de ce qu'il avait su donner. Et le vivre sous de nouvelles couleurs.

 


 
 
 

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