http://sorel.vefblog.net/

  VEF Blog

lettres de la campagne

posté le 11-07-2011 à 14:13:55

Célébration du dos.

La fascination du dos féminin sur les peintres et les photographes ne date pas d'hier. La plasticité qu'il incarne atteint la perfection (Velasquez, Ingres). Le corps y décline toutes les beautés de l'harmonie que réclame son fonctionnement (il est avant tout une machine), et une certaine idéalisation de la chair qui y est sculpturale et terrain de toutes les douceurs.
Il peut suggérer dans sa nudité tranquille un paysage (n'est-il pas le paysage de tous les rêves érotiques !), il peut s'incliner dans l' onctuosité d'une sensualité apaisée (l'odalisque ), il peut se dresser, devenu torse, cette affirmation du corps triomphant. A partir de lui le développement du corps s'organise selon la situation invoquée, la recherche esthétique qui l'accompagne, le célèbre.


 


 
 
posté le 10-07-2011 à 11:42:33

Les totems de Miro.

Quand Malevitch vide l'espace de la peinture de tout son contenu, pour retrouver le blanc virginal du vide c'est en suivant une logique mentale, un raisonnement, intellectuel, une volonté ostentatoire de marquer des points dans cette attaque en règle dont la peinture fut l'objet (et la victime) au début du XX° siècle.
Après lui, point de salut comme après Duchamp et pire encore parce que Duchamp ouvrait la voie à tous les faiseurs de simple choix crédité de valeur artistique, alors que Malevitch lavait le tableau de toute prétention que d'être sa matérialité même. Une nudité monacale.
Vint Miro qui remplissait sa toile des multiples détails d'une réalité vue au microscope (La Ferme). Passant alors progressivement du plein réaliste à une sarabande mi moqueuse, mi enchantée, de faits picturaux détachés du vrai pour s'inventer du merveilleux, de la fantaisie, le pur plaisir de danser la peinture.
Comme Pollock, qui explore l'espace infini par la liberté accordée au pinceau de s'élancer sans la lourdeur de la représentation, Miro va élargissant son champ d'investigation spatiale et atteindra la peinture sans limite, le vide sidéral.
Du bleu des vastes espaces il s'enchante. Il pourrait y choir. S'étourdir.
Alors, comme des repères, il pose des totems qui ont pour fonction de fixer un espace, d'en concentrer l'esprit. Il décline, sur un rythme de danse intime, une affirmation primaire de soi. Retrouvant la magie des signes premiers.

 


Commentaires

 

1. website design company  le 30-09-2013 à 09:04:24  (site)

Yes,I am happy to have found this blog, and more happy to have long tail explained so well.

 
 
 
posté le 09-07-2011 à 15:30:41

Jean Moréas plastronne.

Le 18 septembre 1886, un poète d'origine grec (Jean Papadiamantopoulos) admirateur de la poésie française et qui avait adopté le nom claironnant de Jean Moréas publie, dans le Figaro, un manifeste qui devait ouvrir la voie du Symbolisme. Façon d'en finir avec les tableautins rigides et emphatiques du Parnasse.
La "fin de siècle" est extraordinairement féconde en courants, écoles, chapelles qui se livrent à d'impétueux combats, les cafés du Quartier Latin étant le champ de bataille où exercer sa verve ; car ces remueurs d'idées étaient aussi volontiers des tribuns de bistros. L'allure, l'attitude choisie, et jusqu'à la manière de se vêtir comptent dans l'établissement d'une réputation, et l'importance de son crédit.
Les Stances restent l'ouvrage le plus célèbre de Jean Morèas et déjà s'y manifeste un revirement de l'auteur vers une forme de classicisme. C'est qu'ayant imposé le symbolisme il se refusera à y faire jouer la complexité du verbe qui deviendra presque ésotérique, quand Mallarmé le portera aux limites du possible.
Un esprit de clarté qui refuse l'échappée belle vers des zones incertaines de la conscience. Il reste un terrien.
Trop encombrée de théories la poésie de Morèas s'enferme sur ses préjugés. N'est-elle pas aussi prisonnière des mots dans leur définition la plus évidente, d'un partage aisé. Ce n'est pas avec des mots que l'on fait la poésie, mais avec ce qu'on en tire, la substance secrète, l'écho lointain de ses origines. Il doit faire rêver. Comme une femme, un mot a besoin d'être aimé pour ce qu'il a de plus secret.

 


 
 
posté le 08-07-2011 à 13:03:21

L'art de cheminer.

On dit cheminer (et non marcher) et, instantanément, c'est un nouveau style de vie qui s'annonce. Excluant la hâte, l'impérieuse nécessité qui justifie un déplacement du corps dans un espace qu'il appréciera d'autant mieux que ce sera pour le plaisir et non quelque raison d'ordre pratique.
Cheminer implique un temps différent pour aborder l'environnement, un regard d'autant plus intense qu'il n'a pas d'autre objectif que le hasard, le plaisir de la rencontre, de la découverte. On se laisse glisser dans une sorte d'adhérence totale avec l'environnement qui se fait palpitant, ardent, ouvert, complice avec nous, comme une sorte de recherche d'unité fondamentale. On échappe à la pesanteur charnelle du corps qui est le pire des maux dont le destin nous afflige.
Avoir perdu le Paradis terrestre serait cette difficulté à sentir les liens fondamentaux, profonds, qui nous unissent à la nature. On ne faisait qu'un avec elle avant le péché originel (la soif de la connaissance). On retrouve une partie de cette innocence première quand on aborde la nature dans cette lenteur de la jouissance qu'elle nous inspire.


 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 08-07-2011 à 16:38:25

Le bon Jour très tardif, je ne "chemine" plus sur mon ordinateur qui a rendu l'âme en début de semaine, disque dur "mort", comme bizarrement, juste après mon mot "fin de blog"... Il n'a peut-être pas aimé ma décision...! En tout cas, total silence en ma chambre-océan, plus de joie livresque et le goût montaignien de la lecture que de combat informatique ..., un chèque de cinquante euros à l'appui pour récupérer mon début de roman que j'y avais laissé (la main-d'oeuvre est six fois plus cher que la clé USB !!)... Depuis la médiathèque de douarnenez, par grisaille qui crachouille bien, le bon retour à vous !..

2. katherine  le 08-07-2011 à 20:20:57

et s'assoir sur une souche d'arbre, et humer l'air à pleins poumons !! sentir les odeurs de champignons, d'herbe mouillée, les odeurs de sapins et autres arbres ! ramasser des pommes de pin comme si c'était un trésor ! le goût du bonheur !

3. website development company  le 28-09-2013 à 05:52:04  (site)

Superb! Generally I never read whole articles but the way you wrote this information is simply amazing and this kept my interest in reading and I enjoyed it.At same time,you can visit my website: 

 
 
 
posté le 08-07-2011 à 13:00:11

Van Gogh peint un état d'âme.

Il est bien significatif que la plupart de ceux qui sont penchés sur le destin de Van Gogh ont bien souligné qu'ils jugeaient moins le peintre dans une évolution esthétique qu'un homme blessé dans la recherche (éperdue) de sa vérité.
L'oeuvre s'invente sa propre écriture, sa dynamique, elle fonctionne par pulsions, saccades, crises, n'obéissant pas à une trajectoire qui la conduirait vers la meilleure réalisation de ses ambitions, mais toujours dans l'urgence, en climat sans cesse reconduit de crise. Non pas crise d''expression mais crise de vérité, trouvant chaque fois (dans l'improvisation, la fièvre) la réponse, jusqu'à annoncer (sur toile) sa propre mort.
Situation assez singulière, et unique dans le principe de la création qui s'appuie d'ordinaire sur une perception personnalisée de la réalité alors que Van Gogh se projette dans la réalité qu'il peint. Elle devient le cadre (le miroir  ?) de son état du moment. Elle est moins la réalité dans sa situation immuable (elle ne l'est que pour ceux qui ne savent pas voir), que dans la fulgurance d'une sensation qu'elle inspire, alimente, et que le peintre renvoie en image.
Un lieu, vu par Van Gogh, est un état d'âme.


 


Commentaires

 

1. sylvieh  le 08-07-2011 à 15:28:45  (site)

je l'adore!!!! merci pour cet article sylvie

2. website designing company  le 25-09-2013 à 16:19:49  (site)

Looking forward to another great article. Good luck to the author! all the best!

 
 
 
posté le 07-07-2011 à 13:38:08

Art brut, expression de la solitude.

En se posant comme un art  "anticulturel" l'art brut affiche une indépendance qui ramène chacun de ses artisans à la solitude de sa création.
Fonctionnant de plus en plus dans un mouvement de progrès, s'appuyant sur la connaissance du passé (pour le nier) l'art en place fonctionne par groupes souvent articulés sur des théories, des références, des objectifs communs. Il épuise progressivement des "inventions" (ce sont les inventions qui servent de point d'appui pour un éventuel  développement du groupe).  On fonctionne dans une sorte de logique. Tout écart précipite celui qui s'y risque dans l'abandon comme quelqu'un qui s'écarte de la masse, de la pensée unique qu'elle diffuse et érige en dogme.
La pratique de l'art, non plus en suivant des mots d'ordre, des consignes, des modes, mais des élans propres, des motivations plus intimes, un rapport  parfois fondamental avec un moyen d'expression qui n'est ni un luxe, ni une fantaisie, mais une sorte de respiration mentale (le sang d'une vie personnelle),  maintient celui qui s'y adonne dans un solitude qui se confond souvent avec des problèmes mentaux. Raison pour laquelle ses artisans (des retraités, de marginaux, voire des fous) n'existent aux yeux des autres que par accident ou par suite d'avoir été repéré (récupéré) par un observateur plus attentif (plus fin) qui aura fait office de "passeur". S'il n'a pas manqué d'en tirer profit pour lui-même, Jean Dubuffet aura été l'un d'eux.


 


 
 
posté le 30-06-2011 à 15:17:25

Alfred Jarry et son cycle.

A son habitude Francis Bacon aura fait le portrait d'un ami (en situation). Comme c'est moins la ressemblance immédiate (celle qui donne une identité) qu'une approche par la peinture des rapports entretenus par le peintre avec son modèle, on peut lui substituer une toute autre figure, en conformité avec la mise en scène qui devient le sujet du tableau.
Un cycliste donc, dans une vision vertigineuse et un jeu de diagonale qui le fait "dégringoler" sur la toile, comme un flash qui retient les prémices d'un accident.
Il serait tentant d'identifier le personnage (si étroitement lié  à son cycle) avec Alfred Jarry dont on connaît la passion qu'exerçait sur lui la bicyclette qui entre en fanfare dans son oeuvre et qu'il pratiquait  avec application. Son portrait en cycliste (du côté de Corbeil) est sans doute l'image la plus connue qui donne un juste idée du personnage entre humour et sérieux dérisoire.
La bicyclette est plus un instrument qui prolonge le corps, décuple ses pouvoirs, et une certaine connotation érotique n'est pas exclue (qui reste allusive).

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 01-07-2011 à 13:51:11

Le Bon Jour depuis Quimper ; venu en car, non pas même avec la roue de bicyclette de ..Duchamp.... !
Moins tragico-comique que la vie de votre hôte du jour, quoiqu'aussi bref le parcours douarnenez-quimper, par la CAT !!!
Le ciel bleu mat d'ici vous tienne en joie.

2. katherine  le 01-07-2011 à 14:27:01

je fais de la bicyclette, enfin du VTT, depuis que je suis toute petite, et même lorsque ma libido était très débridée, je n'ai jamais envisagé ce moyen de locomotion comme un instrument érotique !!! et franchement, si vous pouviez préciser le fond de votre pensée, j'en serais bien aise !!!

 
 
 
posté le 28-06-2011 à 10:32:59

Le cérémonial du martyr.

Toute mise à mort, si elle est publique, implique un cérémonial compliqué à forte charge symbolique. Sous l'ancien régime les supplices place de Grève (Hôtel de ville de Paris) attiraient d'immenses foules et des chroniqueurs malicieux (graveleux !) affirment que les attouchements érotiques y étaient monnaie courante.  Et que de femmes se firent engrosser en palpitant aux horreurs qu'on leur donnait en spectacle (écartèlement, supplice de la roue, bûcher, le catalogue est aussi riche que cruel).
La mythologie catholique a largement exploité la mise à mort (selon des procédés finement étudiés pour amplifier la souffrance) et offert aux foules de multiples visions de martyr.
Celui-ci, procède d'un calcul presque scientifique qui met à mal le corps dans son intégrité, l'expose à des instruments qui le charcutent et font appel au besoin au feu qui gomme tout. On explore le corps avant de le réduire à néant (en cendre).
Lorsque la peinture s'empare du sujet (commandité par l'Eglise) pour exalter des souffrances physiques qui sont le prix à payer pour des convictions refusées par le pouvoir, elle s'applique à mettre en scène (non sans emphase) le cérémonial.
Bizarrement, les tortionnaires, sont souvent nus (et beaux), comme une sorte de dénonciation (fort ambigue) d'une virilité qui ne peut qu'être du côté du diable.
La technique de la souffrance (que l'Eglise catholique n'a pas hésité à utiliser durant l'Inquisition) fait écho à celle du Christ mis en croix, sinon que lui, rayonnant, n'échappe pas toujours à des complaisances esthétiques.
La piété passe par les chemins raboteux de l'érotisme.

 


 
 
posté le 27-06-2011 à 10:52:52

Jean Hugo sur scène.

Vivre sous l'ombre (trop prestigieuse) d'un ancêtre comme Victor Hugo en figerait bien d'autres dans l'inertie créatrice. Jean Hugo en revanche assume très bien (et sans arrogance) cette redoutable filiation.
Sans vouloir se mesurer à son arrière grand père il oeuvre pour son compte et dans un domaine (la peinture) où il a trouvé son registre, et son style.
Un mélange de fausse naïveté et de bonhomie qui confère un charme très particulier (unique) à une oeuvre qui n'a pas cherché les chemins audacieux (mais ne sont-ils pas aussi faciles) de l'avant-garde. Restant fidèle à un traitement de la réalité en lui donnant tout le poids (et la couleur) d'une sensibilité portée à la douceur, à une personnalisation des sujets abordés (souvent des paysages légèrement anecdotiques).
L'éditeur Pierre André Benoit (PAB) avait bien compris tout le parti qu'il pouvait en tirer dans l'illustration, surtout pour de minuscules livres qui ont quelque chose de confidentiel.
Comme beaucoup de peintres Jean Hugo a aussi abordé le décor de théâtre, sachant s'adapter aux lois du genre, donnant un souffle à la mise en place sur scène d'éléments qui relèvent de l'imaginaire.


 


Commentaires

 

1. vetiver  le 21-07-2014 à 09:58:03

Je trouve votre bel article après la visite, hier, de la foisonnante exposition Jean Hugo au musée Pierre André Benoit ! Hélas le catalogue ne pourra nous rappeler de merveilleuses choses à embrasser et que la mémoire finira par étioler ...Herbiers noirs graphiques proches des découpages de Matisse et des formes de Lurçat, ville portuaire suspendue où un monde s'anime contre un décor de théatre...J'ajoute que la partie des publications PAB & autres est remarquablement documentée et enrichie de beaux échanges épistolaires ! Merci à vous .

édité le 21-07-2014 à 10:00:10

 
 
 
posté le 26-06-2011 à 14:54:38

Bellmer et sa poupée.

La mécanique du corps.

Comme figure emblématique de cette analyse du corps (aux confins du crime et de la souffrance) la "Poupée" de Bellmer active cette manipulation qui, on l'aura déjà noté, est celle de l'enfant qui martyrise avec cette prétendue innocence qu'on lui attribue, les jouets censés lui donner une image tangible du monde qui l'attend.
Curiosité un peu trouble, sadisme latent, la poupée est décortiquée, remontée de fantaisie, et comme dans le souci de dépasser les lois de l'anatomie qui organise le développement du corps.
S'en prendre à lui, le déformer, c'est, autant qu'un geste inconsciemment sadique, la recherche d'une anatomie différente, l'accès à une condition qui nous est interdite.
Qu'elle passe par la souffrance  rejoint (et explique) la place privilégiée du martyr dans la mythologie religieuse qui donne à celui qui souffre dans sa chair d'accéder  à la béatitude éternelle.
C'est une sorte de passage initiatique.
Insatisfait de l'anatomie qui nous est allouée on ira inventer des corps "d'ailleurs" niant la beauté du corps tel qui nous est donné et ne craignant pas l'incongruité, l'étrangeté dérangeante. Le passage dans l'espace de la laideur. Notre regard s'est acclimaté à ce qui lui est donné (corps, paysage) ce n'est pas sans risque qu'il s'en échappe. A quoi s'ajoute le retour à l'unité originelle dont nous ne sommes plus que des lambeaux désoeuvrés. L'union amoureuse des corps va dans le sens de cette quête, elle interdit toute autre métamorphose.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 26-06-2011 à 15:35:04

Il y a longtemps, je l'ai placé en mes billets, oui, ah oui, bellmer, forcément bellmer, comme du calder charnu !... Des objets fantasmés...Ce qui donna peut-être des photos numériques de Nicole Tran Ba Vang (la femme nue qui se dégrafe la peau du dos, l'étirant afin qu'on y voit une autre amorce de chair nue dans ce "sans titre 06"...)
Bons vents, Bellmer, pourrais-je dire ici !...
Ce jour, trop chaud pour le pays !
Je reste à l'ombre...(d'aucune jeune fille en fleurs)

2. katherine  le 27-06-2011 à 20:31:43

et moi, cela me fait penser aux sculptures de Botero, (ça me plairait que vous me disiez que vous ne le connaissez pas et que pour une fois je puisse vous moucher !)

3. Saintsonge  le 28-06-2011 à 07:11:22

Si votre avis me concerne chère amie, Katerine, désolé, Botéro je connais d'autant plus que j'ai un livre d'Art sur lui, ramené de l'Expo sur lui vu sur Dinard le 16/08/02 !! Il aimait peindre les rondes, oui da !... La beauté très sensuelle des "formes généreuses", oui da, bis repetita !.. L'artiste exposa au Musée Maillol, aussi, Fondation Dina Verny... Pâte vive de celui qui "peut transformer une forme tragique comme la mort en un élément décoratif". sans quoi ce serait d'un réalisme plat !...; La bonne journée autrement sensuelle....
Si votre billet était destiné à "moucher" notre ami, désolé d'avoir répondu à sa place...
Je lui souhaite néanmoins que le ciel le tienne en joie ..... picturale !
PS/ Amusant, je suis réinvité à Dinard en une semaine d'après le 14 Juillet !.... Cela sera moins Trébouldingue !

 
 
 
posté le 26-06-2011 à 12:35:26

L'énigme d'Isidore Ducasse.

Bien avant Christo qui a conduit toute sa carrière artistique sur le principe de l'enveloppement (le développant sur de vastes volumes : le Pont Neuf à Paris) Man Ray en fait usage (d'exception) pour illustrer le souvenir d'Isidore Ducasse "comte" de Lautréamont.
Une pratique pour un sujet, et dans une sorte de cohérence, tant le destin de Lautréamont inspire un grand nombre de questionnements.
L'énigme est au coeur de sa vie (si courte). La véhémence inspirée de sa prose (poétique), l'ignorance à peu près totale de sa manière de vivre, si en revanche on a pu situer géographiquement son territoire de déambulation dans Paris. Du Palais Royal (rue Vivienne) aux Grands Boulevards, via la Bourse.
Voisin de mon quotidien il fait parti (et les interrogations qu'il suscite) de ma vie jusque dans ses aspects les plus pragmatiques (pour aller faire mes courses je passe devant l'immeuble où il est mort).
Les traits de légende qui l'entourent (toute ignorance de la réalité d'une vie est compensée par la multiplication de faits inventés) fabriquent un personnage fascinant (ambigu). Comment cet adolescent tourmenté vivait-il dans le Paris "fin de siècle", pratiquement ignoré des cercles culturels, cultivant une solitude qui a quelque chose d'exemplaire.
L'oeuvre de Man Ray illustre admirablement cette énigme.


 


 
 
posté le 24-06-2011 à 15:31:13

De Mallarmé à Dada.

"La poésie est l'expression, par le langage humain, ramené à son rythme essentiel, du sens mystérieux des aspects de l'existence"" ajoutant :  elle est une tâche spirituelle. C'est Mallarmé qui avance ses pions, lui qui prenait tous les risques d'une toute nouvelle manière de manier les mots.
Une vision de la poésie excluant sa pratique familière, au raz du réel, même s'il s'y ajoute les gracieuses déclinaisons des rimes. Ou l'étalage des sentiments.
La poésie exprime moins les sentiments qu'une connaissance, ou, plutôt, une mise en abîme de la connaissance pour atteindre le coeur certain, souvent inviolé, du sens des choses.
D'où l'économie des moyens et la restriction des mots, les choisissant assez denses (forts) pour servir de vecteur à cette connaissance.
Démarche qui conduit Mallarmé à situer au plus fort de sa signification le mot dans la page, jouant des blancs qui l'entourent, sur lequel il s'impose à l'extrême pointe, comme un bloc de cristal, la minéralisation qui l'isole autant qu'elle le charge de sens.
Au déroulement systématique imposé par l'application des règles classiques (l'alexandrin par exemple) on préfère la mise en scène (?) du mot.
Les dadaïstes, d'une certaine manière, vont hériter de ce principe, sinon qu'ils le font sur le ton de la dérision, pour provoquer le mot, quitte à déformer son sens, le précipiter dans l'absurde. Dépouillé à l'extrême, le mot devient celui d'une agression visuelle. Et, perdant peu à peu son sens, il devient un pur élément graphique. Parfois gratuit. La leçon de Mallarmé a été complètement pervertie.

 


Commentaires

 

1. jeans clearance  le 25-06-2011 à 04:00:02  (site)

gfsf

2. cheap nike air max uk  le 25-06-2011 à 04:14:55  (site)

rqwe

3. Saintsonge  le 25-06-2011 à 07:27:12

Cet article a eu son "blanc", il est passé à la trappe de ma boîte de réception, le lis tôt ce matin à la pâle clarté du jour que la lumière "défend" ; voyez que sur cette photo, le poète aussi est vêtu de noir entouré de "blancs" ; constatez enfin que "le mort vivant" a ce "nuage de tristesse comme il en passe sur (son visage humain)...;"..., par leurs jeux similaires des dérivés Mallarméens, LES dadaïstes se marièrent-ils tous avec "des automates pédants" ?...
Le ciel vous tienne en Joie...

4. katherine  le 26-06-2011 à 07:41:54

je suis venue, j'ai vu, et j'aime cette profusion de savoirs et de détails, et d'anecdotes, et de petites conversations !

 
 
 
posté le 24-06-2011 à 09:41:09

Verlaine chez lui.

"Chez moi, c'est un marchand de vins. Il y a écrit sur une lanterne : Hôtel.  Entrez par la boutique. On vous mènera dans ma cellule qui est un rez-de-chaussée. La rue Moreau donne dans celle de Charenton, à deux pas des Quinze-Vingts. La cour c'est une impasse à droite de la rue Moreau, tout près d'une voûte du chemin de fer de Vincennes." Verlaine décrivant son domicile (à René Ghil) ouvre les portes à tous les observateurs (nombreux) qui viendront le visiter dans ce qui était un infâme taudis.
De nombreuses descriptions nous en sont données
Gustave Kahn : " C'était, cour Saint-François, presque cour des Miracles. Sous le tonnerre intermittent du chemin de fer de Vincennes, à côté des boutiques aux devantures à plein cintre, une petite impasse ; un chantier de bois appuyait contre le viaduc de longs madriers et des échaudages savants de poutres équarries décorait l'horizon d'une petite boutique de marchand vin où je trouvais Verlaine uniment placé devant un verre ; il m'en offrit la rime, car sa plaisanterie était demeurée banvillesque...."
Et E.Raynaud, dans "La mêlée symboliste", d'y aller de son avis : " Sans parquet, sans carrelage, sur la terre battue et boueuse, dans un cabinet sombre que le corridor séparait seul du marchand de vins, près d'une cour encombrée de hardes, de ferrailles et d'une barricade de voitures à bras... où c'était du matin au soir, et du soir au matin, dans ce malencontreux cul-de-sac, un piétinement continuel, une tempête de rumeurs et de cris, de chants, d'appels, d'aboiements, de rires et de disputes"
Dans ce climat éprouvant, dans un concert d'amitiés partagées avec toute une génération d'admirateurs, Verlaine composait les poèmes les plus délicats, les plus subtils, au plus près d'une sensibilité toujours en éveil, comme un frisson de douceur et de mélancolie autour d'un destin malheureux.

 


 
 
posté le 24-06-2011 à 09:35:44

Le Nouveau Roman chez Bernard Palissy.

Elle est la survivance, de ce qui fut la rue Taranne ( Diderot n'y avait-il pas un logis ?) aujourd'hui coincée et presque oubliée entre le tracé rectiligne de la rue de Rennes et le couloir pittoresque de la rue du Dragon, sauvée du carnage urbanistique du "fabuleux" baron Haussmann. Révélant, à petites doses et comme à regret, ses façades de maisons chargées d'âge. C'est la rue Bernard Palissy.
Et là, au 7, le siège des éditions de Minuit. La légende du quartier veut que ce fut, en d'autres temps, un bordel de bon aloi. C'était, dans les années 60, une usine à penser, à créer et il devait en sortir, bon à l'usage, le Nouveau Roman. Ce fut une révolution, alors qu'on pataugeait dans les miasmes de l'existentialisme qui mettait un pas dans l'Université et que les plumes au chômage cherchaient de nouveaux chemins où s'engager.
Une écriture au plus près des choses. Incarnée dans les choses décrites et il faut bien le dire, il y avait quelque chose de séduisant dans ce grossissement du détail pour nous mettre l'oeil à la place de la pensée sur la réalité.
Le cubisme, en peinture, avait, au début de XX° siècle, tenté cette approche scrupuleuse, obsessionnelle, de la chose à palper, pénétrer pour montrer la densité du monde. Des mots au plus précis de leur définition. On se glissait comme dans un long travelling  dans ce monde clinquant, scintillant.
photo : le groupe du Nouveau Roman : Nathalie Sarraute, Alain Robbe-Grillet, Robert Pinget, Claude Ollier, Claude Simon,


 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 24-06-2011 à 13:07:10

Photo par trop célèbre, en effet ; tiens oui, au fait, c'est au 7.... que nidifient toutes ces têtes chercheuses de Tropismes....
Le ciel vous tienne en Joie.

2. cheap nike air max uk  le 25-06-2011 à 04:16:40  (site)

sdfasd

3. jeans clearance  le 25-06-2011 à 04:18:09  (site)

yeah

 
 
 
posté le 24-06-2011 à 09:31:35

Maurice Raphaël, un marginal.

Eric Losfeld a été, dans les années 50, le plus audacieux et le plus jovial des éditeurs qui se lançaient dans l'aventure en pratiquant une "politique" éditoriale qui défiait tous les principes adoptés dans son milieu. Moins soucieux de rentabilité qu'obéissant à ses pulsions culturelles. Il osait ressortir des textes oubliés, négligés, aller dans les chemins tortueux de l'insolite.
Marqué comme l'était l'époque par le prestige historique du surréalisme, il s'était rapproché d'André Breton et avec son aval, il éditait des textes que celui-ci cautionnait et se félicitait de voir sortir de l'oubli.
Explorateur de la littérature, Eric Losfeld s'attachait aussi à des singularités ou des auteurs marginaux. C'est ainsi qu'il édite Maurice Raphaël, un curieux personnage qui traînait avec lui une odeur de souffre (un peu comme Maurice Sachs) on le disait compromis pendant l'Occupation et mêlé à des bandes de voyous qui avaient largement profité des circonstances. Une légende ? Elle collait à la peau de Maurice Raphaël qui se révélait un écrivain singulier, hors norme que Breton un moment voulait "soutenir". Quelques livres de son cru ne connaissant aucun succès Maurice Raphaël se donne de nouvelles identités et écrit des "séries noires" sous le nom d'Ange Bastiani et quelques livres (guides) qui se spécialisaient dans les marges (lieux coquins). Cette double (multiples) face le marginalise radicalement, il est aujourd'hui relégué dans les curiosités littéraires.

 


 
 
posté le 23-06-2011 à 09:49:49

Van Gogh peint la nuit.

Sans doute est-ce une légende (mais sa vie hors norme y invite) on dit que pour peindre la nuit Van Gogh plantait des bougies allumées sur les larges bords d'un chapeau. On imagine le tableau ! De fait, à la lumière des étoiles il pouvait très bien entreprendre ce vaste paysage qui donne à voir l'immensité du ciel en son ardeur nocturne. Faire passer dans la peinture (cette forme statique de l'image) la vibrante et crépitante agitation silencieuse des espaces comme en une fête qui au lieu d'écraser le spectateur l'entraîne dans ses folies.
N'est-ce pas la séduction du feu d'artifice (deux mots magiques) qui entraîne le regard :  exercice de lévitation.
L'homme veut dépasser son corps, la lourdeur de sa chair, il fait passer par l'esprit, l'imagination, le délire (la folie ?), cette fuite d'une insupportable contrainte, cette prison ambulante dans laquelle il est condamné à traverser sa vie.
D'où la touche nerveuse, crépitante, brutale parfois, de Van Gogh, cette manière de malmener la toile, la combattre (jusqu'à se tuer).
La peinture n'est pas ornementale avec lui, ni complaisante, elle est un combat avec lui-même, et l'idée assez folle de vouloir se dépasser.
N'est-on pas, dans ce paysage de nuit, sous la voûte étoilée, comme dans l'antichambre d'un autre monde. Qui n'a pas, une nuit d'été, ressenti cette ivresse des mutations de son corps, allant chercher (mais si loin) un autre destin.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 23-06-2011 à 10:01:15

Cette légende a du moins fait le tour du monde (de nuit, comme de jour), et le film de Pialat ne le montre-t-il pas ainsi ?...
Le ciel vous tienne en Joie.

2. cheap supras uk  le 24-06-2011 à 09:12:35  (site)

http://www.sneakersby.com/

 
 
 
posté le 21-06-2011 à 10:07:18

Ode à la lingerie.

On doit trouver dans les savoureuses (et rêveuses) pages de Bachelard une évocation des rapports intimes et secrets avec le linge. Plus encore chez la femme puisqu'un partage arbitraire des rôles joués par chacun dans la vie sociale leur a attribué la gérance des objets de la maison. Les merveilleux films de Bergman mettent en scène ces ballets féminins du traitement du linge.
Combien de romans qui s'appuient sur des souvenirs d'enfance, évoquent le charme prenant des odeurs d'une armoire réservée au linge de maison et le soin amoureux apporté à leur entretien. Sans oublier l'importance qu'il avait dans la dotation des filles à marier en d'autres temps.
Mais le linge qui accompagne les rites (dont ceux de la fête) de la famille, repas, noces, devient aussi linceul au moment de la mort.
Il entoure la naissance, enferme le corps au terme de sa vie. Comme une ultime peau de protection, comme il fut le réceptacle de l'apparition d'un corps encore englué dans les matières de la gestation à la naissance. Dans les campagnes, et dans la tradition des fêtes de village ou de famille, on se servait des draps  comme nappe pour les banquets. Ici au rythme de la fête, un autre moment dans la solennité de la mort.
Il est au plus près du corps, complice, épousant sa gestuelle amoureuse, alors qu'au temps de la mort, il désigne la rigidité qui l'afflige et le fixe à jamais.
Il est aussi notre portrait  (le linceul de Turin offrant, dit-on, le visage imprimé du Christ descendu de la croix).
Dans les années 60, l'artiste grec Nikos invitait ses amis à se placer derrière un drap tendu comme un écran et une forte lumière soulignait la silhouette qu'il captait ainsi dans un flash photographique. Prenant un angle radicalement différent, l'artiste portugaise Lourdès Castro, projetait la silhouette de ses modèles sur un écran de tissu et la soulignait d'un trait sobre et doux qui sortait un portrait furtif.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 21-06-2011 à 11:04:31

Serre taille Gaspard (de la nuit) ou slip femme chuchotements ou string - Grandes marques à petits prix (non littéraires)..., le fantasme classique des Lingeries (fines Fleurs Proustiennes)...
Ici, dentelles de bruine célestes mailles aux divines tailles !...
Le ciel vous tienne en Soie !

 
 
 
posté le 19-06-2011 à 16:10:33

Topographie parisienne de Modiano

"Au premier étage d'un immeuble nous avons remarqué deux grandes fenêtres éclairées. Nous nous sommes assis sur un banc, en face,  et nous ne pouvons nous empêcher de regarder ces fenêtres. C'était la lampe à abat-jour rouge, tout au fond qui répandant cette lumière sourde....- On devrait sonner à la porte m'a dit Louki, je suis sûre que quelqu'un nous attend".
Qu'on se souvienne : la petite lumière perçue par Nadja, place Dauphine où l'avait entraînée Breton. Car Louki c'est une autre Nadja, errant dans Paris pour finalement s'y suicider.
Partrick Modiano dans  "Dans le café de la jeunesse perdue", propose un itinéraire, celui de Louki personnage énigmatique, attachant, pathétique, dont on voit peu à peu se former l'écart qui l'exclue de la réalité qu'elle aura affronté sous ses phases les plus marginales, dans un Pigalle dont nous est donné avec une précision d'huissier la déclinaison des rues qui vont de la place Clichy à la Place Blanche. En sus de la topographie de Pigalle, Modiano esquisse une théorie passionnante sur les zones neutres (ces trous d'ombre dans la texture de la ville, où rien n'aura présidé à la topographie abandonnée à l'oubli comme les trous noirs dans la stratosphère).
 Dans une écriture volontairement tenue, sobre, qui prend les personnages par la main et nous les rend extraordinairement présents.
Louki au centre d'une intrigue donnée à plusieurs voix qui se croisent, attrapent tous les détails car il y a un côté roman policier dans ce portrait d'un groupe d'intellectuels des années Saint Germain des Près (Adamov, Maurice Raphael).
Et Louki , rendue sublime par son mystère.

 


 
 
posté le 19-06-2011 à 14:23:02

Un duo Verlaine-Mallarmé.

Est-ce Mallarmé, peinant au fond d'une province (Besançon) où il parvient si mal à apprendre la langue anglaise à des morveux chahuteurs qui lui donnent la migraine, qui rêve (lettre à Cazalis) d'une large allée dans un parc de fiction et  menant vers un bassin où trône comme une fleur gigantesque, un jet d'eau.
Tout est là, déjà dans la rancoeur et l'exigence du poète qui ne parvient pas à trouver le temps et l'esprit dégagé de la gangue du quotidien, pour ciseler les plus beaux mots du poème.
C'est l'époque où il commence à dialoguer (par lettres alors) avec un Verlaine jeune marié et vivant avec ardeur sa condition d'époux amoureux, avant que l'impertinent (et affolant) Rimbaud ne vienne perturber le ménage.
D'un côté un Mallarmé pauvre, se battant avec le temps, de l'autre un Verlaine pas encore pilier de bistros et jeune débutant brillant, fêté par ses pairs et rencontrant la "crème" de la poésie chez l'éditeur Alphonse Lemerre passage Choiseul.
Etrange entrée en scène où l'avantage est chez celui qui sera, bientôt, la victime de ses propres errements, pitoyable clochard, quand l'autre, dans la modestie de son petit appartement de la rue de Rome, deviendra une sorte de mage de la poésie, un maître que l'on vient voir (et vénérer) avec la ferveur qui va créer des liens entre les artisans d'une poésie en devenir, sceller une génération en sa force et sa grandeur.
L'allée magnifique sera cette oeuvre exigeante tracée droite vers la perfection qui se confond avec le jaillissement d'un nouveau sens donné aux mots.

 


Commentaires

 

1. katherine  le 20-06-2011 à 20:51:22

je crois que c'est un souci régional, les Francs-comtois ne sont pas très doués pour la langue anglaise !!

 
 
 
posté le 17-06-2011 à 22:26:30

La "Paysanne pervertie"

Elle est "L'ingénue libertine", mais pour paraphraser Restif de la Bretonne ("le Paysan perverti"), on dira que Colette est l'image de la paysanne pervertie, figure emblématique du milieu saphique "fin de siècle".
En l'extrayant de son milieu naturel où elle était une petite fille effrontée mais douée d'une faculté exceptionnelle à saisir les forces savoureuses de la réalité, la coeur vibrant des choses, Willy la propulse dans un Paris vicié de l'intérieur, entre arrivisme et débauche canaille, paillette et désordre de l'âme.
Willy exploite son "innocence" naturelle, ses dons précoces à "dire les choses de la vie", mais la distorsion du couple, et un penchant naturel de Colette à quêter des sensations fortes et inédites, la conduisent au spectacle (elle devient danseuse) et aux liaisons sulfureuses avec les amazones de Sapho (Nathalie Barey). Elle y trace son chemin mondain et sexuel qui lui construit une sorte de légende. Et loin de l'écarter d'une audience étendue  ou de l'enfermer dans les zones équivoques de la débauche ("Le pur et l'impur") son parcours la pare d'une sorte de prestige sulfureux où se joue encore la part candide de sa nature, et le naturel de ses instincts qui alimentent son oeuvre. Mariée à un aristocrate elle devient une figure socialement assimilée à la vie intellectuelle et mondaine. Elle devient Colette, dont le nom curieusement semble se résumer à un prénom quand il est réellement son nom "civil". Future académicienne, elle incarne un nouvel aspect de la littérature française qui affiche résolument un regard au féminin, sans avoir pour autant milité pour le féminisme (ce sera le rôle de Simon de Beauvoir).

 


Commentaires

 

1. katherine  le 20-06-2011 à 20:53:44

j'aime ces femmes audacieuses, celles qui bravant les diktats de l'époque ont osé défier la loi des hommes !

 
 
 
posté le 17-06-2011 à 09:35:11

Danger : l'art Informel.

Le passage progressif d'un art de représentation à un art d'expression a, paradoxalement, réduit le champ d'investigation du créateur alors que l'on croyait, militant pour son développement, qu'il repoussait les limites des sujets.
De fait, c'est un art sans sujet, sinon soi-même, une approche souvent frénétique de ses propres élans, de ses colères, de ses angoisses qui ne trouvent pas des images mais des errances graphiques, une projection de la matière dans un désordre qui est bien celui d'une âme tourmentée, d'une sensibilité à vif.
La peinture informelle est la cousine de la psychanalyse. Elle est la recherche dans les profondeurs de la conscience et trouve, pour un retenir les accents, les rythmes et les élans, cette agitation qui met à mal la matière, libère le dessin, comme une boussole affolée.
La peinture qui s'appuie sur les aspects référencés du monde extérieur a autant de sujets que la réalité en propose, ainsi que les événements dont elle est le cadre. Toute la peinture, jusqu'alors avait vécue sur cet élan, à quoi s'ajoute l'illustration des mythes, des croyances, des vénérations qui alimentent la peinture religieuse ou historique.
Réduit à l'informel l'art tourne autour de lui-même, s'épuise de ses limites et débouche sur la confusion des sentiments qui est au coeur de la condition humaine. Il ouvre aussi la porte à toutes les facilités, les dérives, les provocations et les supercheries. A terme, s'y donnant sans mesure, et comme pris de vertige, il rejoint les remous premiers de la création, le magma des origines.
Mettant à bas tout l'effort conduit de siècle en siècle pour trouver une écriture qui dise l'homme dans ses dimensions et ses folies. Une écriture qui tend à la clarté.

 


Commentaires

 

1. Dilettante  le 17-06-2011 à 10:34:23  (site)

Représenter, ou traduire.
Représenter la nature, les choses, le monde, n'empêche pas de traduire la façon dont on les perçoit. L'art informel refuse les codes lisibles. Il se sert d'une gestuelle, d'un élan, pour exprimer ce que l'artiste a en lui.
Pardon pour ce bavardage ... je ne suis pas une spécialiste en art :-)

2. Saintsonge  le 17-06-2011 à 21:16:41

Comme d'une Littérature potentielle d'un vocabulaire ALGOL (Algorithmic Oriented Language) :
Tableau Etiquette
Commentaire Réel
(Pour aller à chaîne / Faire étiquette /Alors vrai tableau / Sinon valeur....) ; vous savez ces manipulations lexicograhiques de L'OULIPO...
A moins qu'il nous ramène, cet art informel, à l'Oeuvre d'un Joseph Beuys, pour ne citer que lui, (ex pilote de bombardier dans l'armée allemande sur le front est) qui nous donna, en autres, une très curieuse "infiltration homogène pour piano à queue en 1966..., je n'avais pas onze ans !).... L'Art-Capital qu'il appelait ça aussi, dans les années 70...
Ma foi, notre réel breton essuya jusqu'à 20 h une tempête automnale, et maintenant il fait très beau soleil, le ciel de l'Infinisterrae nous fait aussi son art "informel" !..., vous ne pensez pas ?

 
 
 
posté le 16-06-2011 à 12:54:39

Le vain tribun.

On l'aura dit (par exemple Alain Robbe-Grillet dans sa remarquable autobiographie) "toute parole est fasciste" L'homme qui parle conduit le bal, domine la foule (voir le tribun). Il fait passer le message. Porteur d'une force qui parfois le dépasse (le terrasse) et dont il ne parvient à se guérir qu'en la semant, l'émiettant, car tout discours (surtout s'il sème la tempête) perd de sa force s'il se diffuse, gagne du terrain mais perd de sa raison d'être, d'où les conséquences désastreuses qui en découlent. On ne véhicule qu'une pensée déformée, grossie (grossière) schématique et vaine.
En face (regardez le, sombre et méditatif) voici l'homme du silence. On en fait des statues, et c'est du silence qu'elles tiennent leur prestige. Plus grand encore que d'être plongé dans le temps, dans l'épaisseur du temps qui a posé là, sur des formes qui furent humaines, la peau de la légende. On l'abandonnera aux promeneurs distraits qui vaquent dans les allées des parcs et qui seraient bien étonnés si, brusquement tous ces fantômes de pierre prenaient la parole.


 


 
 
posté le 16-06-2011 à 09:41:11

Alphonse Chave et ses trésors.

C'était un rite, et nul (qui s'intéressait à l'art où y jouait sa partition) qui "descendait" dans le midi n'aurait manquait l'étape à Vence à la galerie d'Alphonse Chave.
Un pittoresque personnage que ce Chave qui avait fait des études d'art, acheté une droguerie et comme le père Tanguy à Paris, du temps des Impressionnistes, échangeait la marchandise contre des oeuvres d'art. Par tempérament c'est vers les arts naïfs, bruts et singuliers que Chave portait son attention.
En face de la droguerie il ouvre bientôt une galerie, celle qui devient légendaire, et où  Max Ernst ou Dubuffet ne dédaignent pas d'exposer dans le voisinage fraternel avec des oeuvres de ces postiers à la retraite, jardiniers, épiciers ou tout ce qui relève du rêve après le quotidien, la recherche d'un plaisir solitaire de s'exprimer.
Se constituant une collection unique en son genre, l'idée lui vient d'en faire une sorte d'ensemble qui était son "portrait mental".
Je me souviens des airs de mystère, entre l'air faussement benoît d'un abbé et l'once de sourire qui soulignait le farceur, qu'il prenait pour nous entraîner dans la "réserve" où il avait entassé ses trésors.  Ils firent l'objet d'une grande exposition à l'ELAC à Lyion (en 1981).
Près de 150 pièces qui relevaient de la sculpture, de l'assemblage, du collage, et la peinture mise à toutes les sauces de l'imaginaire. Car, peu soucieux de suivre les modes, de s'interroger sur le sens à donner à l'art, ou sur les moyens d'y parvenir, chacun y allait de sa petite musique. Quel orchestre !
Voici Philippe Dereux et ses folies d'épluchures, Bru et ses furtives apparitions corporelles, Avril (photo) ses montages maniaques et drôlatiques, Kopac, Malaval, Luce Norc (bien oubliée, qu'ils étaient beaux ses dessins en toile d'araignée) Fred Deux et sa morphologie d'enfer, Eppelé (autres fantômes), d'Acher aux singulières métamorphoses, Bauchant (un seigneur dans ce monde), Ribemont Dessaignes (qui fut toujours peintre et poète et figure légendaire de Dada). On passe du masque au totem, dans un débauche de matériaux,, de couleurs d'invention, de folie.Il faut cultiver sa folie.

 


 
 
posté le 15-06-2011 à 14:51:24

Degas à la Nouvelle Athènes.

La brièveté, la force d'une photographie.
Degas l'a peint au Café de la Nouvelle Athènes, à Pigalle, qu'il fréquentait assidûment ainsi que ses amis. C'est l'heure incertaine des vagues à l'âme, deux de ses amis posent pour fixer ce genre de drame intime dont le café est souvent le cadre.
On l'associe d'ordinaire à l'intensité de la vie sociale, les vastes mouvements qui le traversent, un va-et-vient qui est celui de la rue venue se réfugier là où parfaire une rencontre, obéir au rite parfois quotidien de l'apéritif.
Pourtant, dans le même temps, le café est le refuge de toutes les solitudes. On s'y installe sur le trône de sa fidélité à une certaine banquette en moleskine qui devient le territoire de toutes ses rêveries, de ses délires intimes.
C'est le soliloque de l'ivrogne, l'épopée vaine et pathétique de regrets étalés dans un débit hoquetant et déclamatoire.
Qu'une femme en soit l'héroïne change le jeu, On est dans un registre plus discret, mais non moins poignant.
Elle est droite encore, consciente de son indignité et soucieuse de sauver les apparences. Elle ignore son voisin ( à moins que ce soit celui-ci qui préfère la laisser dans son rôle) et pourtant, on devine qu'ils sont venus ensemble. Ce voisinage à une seule table souligne leur familiarité. Contrariée par la plongée lente et irrévocable de celle qui, dans la boisson ( la fée verte ?), va retrouver le vaste territoire de ses regrets, d'un passé que le filtre de l'alcool lui ouvre avec cette précision que l'on dit être celle des agonies où l'on voit défiler sa vie à grande vitesse, comme pour en rattraper des bribes.
Son regard est vide, absent, à moins que si fortement retourné sur elle-même dans les profondeurs de sa mémoire, qu'il s'est absenté pour nous, nous ignore.
Les fumées de l'alcool ont cette vertu de nous emporter dans des territoires que, lucide, nous ne saurions explorer, c'est la clef de tous les artifices, de toutes les chutes possible. Et le prix en est le regret, qui, lui seul, peint le visage comme un masque.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 15-06-2011 à 15:30:50

Suis sur le poste 7 de la médiathèque de douarnenez, quand je loge au 7, ai fait un grand pas de deux, puisque mien internet est en panne prolongée, pas zen ! pas zen du tout.... Le ciel vous tienne en joie...
Chaque regret est un espoir inversé ! Et, regretter, c'est souffrir deux fois....

2. sorel  le 15-06-2011 à 15:59:35

oui mais le chiffre 7 est porte bonheur (Cocteau l'a utilisé, lui qui utilisait tout) Soyez chanceux sous la brume bretonne.

3. Saintsonge  le 15-06-2011 à 22:32:31

12 heures de panne ! Ah quand ça s'y met, le chiffre "7" n'y peut mais !
N'oubliez pas qu'il a le dessin de la faulx aussi, voyez le haut du chiffre qui se courbe !...Ainsi peut-il être autant positif que négatif !
M'enfin, je l'ai réparé en lui faisant risette (reset, à l'aide d'un trombone, comme il y a longtemps, il a bugué comme ça, sans prévenir ! Ca m'agace bien la technologie, je lui préfère le papier et la plume, bien sûr...) On expose en salle des fêtes de douarnenez un texte que je fis sur un peintre d'ici, élève de Le Merdy.... On se voyait tous les jours , quatre durant, de 1995 à sa mort, en 1999, il travaillait aussi sur des faïences, dans une succursale de H.B henriot QUIMPER.... Son nom et ami : André Horellou.... Des médecins achetaient ses toiles, du moins, des médecins d'ici.... C'était le vernissage ce soir....
La bonne nuit.

4. Saintsonge  le 16-06-2011 à 08:27:22

De nouveau capricieux, ce matin, bug sur bug, deux heures à nouveau pour venir "chez vous", il m'escagasse bien en ce moment cet ordi !...Passé la passerelle qui surplombe la ria , séparant les deux villes douarnenez-tréboul, passerelle bleue baptisée du nom de l'une des voix de la France Libre, voix de la BBC - les français parlent aux français - : Jean Marin , je vais en ville, calmer mon énervement dans le soleil du ciel bleu guède....
Le bon Jour Jupitérien, Jeudi !...
Mon ordi devient Pataphysicien, il met tout à l'envers des programmes, ah je vous jure, la technologie quand elle vous bloque !...

 
 
 
posté le 13-06-2011 à 16:16:56

La Promenade de Lautréamont.

Il aimait la rue de Rivoli et son ballet nocturne où des silhouettes  entr'aperçues se glissent entre les lourdes arcades avec des allures de poissons qui flottent dans des eaux troubles d'une nuit océane. Le jardin des Tuileries et ses lourdes algues s'est calé dans sa masse sombre, encore qu'on la devine toute bruissante de souffles et de furtifs déplacements.
Il ne s'y risque guère, craignant l'assaut des bêtes qui somnolent dans les bosquets. Il le sait, en plein jour, figées dans le bronze verdâtre, offrant leur dos rond aux enfants qui s'y vautrent comme sur quelque fabuleuse montagne miniature. Le lion et le rhinocéros qui veillent aux entrées du jardin, discrètement, la nuit, se lèvent, quittent leur socle de pilier, s'étirent silencieusement, et se mêlent aux promeneurs égarés qui font parfois les frais de leur curiosité et de leur imprudence.
Trouvez-vous, une nuit, face à la rue de Castiglione, à travers les grilles vous devriez les voir sur la terrasse, à cette heure déserte. Le hasard, la chance, votre ténacité, vous feront témoin. Soyez sûr alors qu'ils gambadent sur le sol tendre du jardin, y laissant la marque de leurs lourdes pattes. On on a vu aller jusqu'à la Seine, se faufilant parmi les rares voitures qui empruntent à cette heure tardive la voie de berge.
Animaux de bronze, ils bornent comme pour une parade pittoresque, les longues marches usées, où Louis XVI, fuyant son palais en furie, et venant chercher abri au Manège, butât là, tant de fatigue qu'envahi par une rêverie étrange qui l'assaillait. Il voyait déjà, comme une ombre divinatoire, sa tête brandie par une main vigoureuse et peu soucieuse de l'étiquette, protégée dans son forfait par la tornade des tambours battant avec énergie et une double rangée de cavaliers qui tentaient de maintenir leurs chevaux anormalement énervés. Au loin, indistincte, confuse, mais mouvante, une foule hilare, stupéfaite, assistait là à un spectacle inouï. Le massacre de ses idoles.
Quand les idoles sont mortelles on est perdu, mais on ne le sait pas.
Il fut, en quelques sortes, agressé par l'image de lui-même, et du sang qui dégoulinait de cette poche absurde, là où la décollation avait libéré le flux d'ardeur qui l'habitait, tout ce sang sacré. Il en frissonna et perdit l'équilibre. Il faillit s'effondrer sur ces marches où, aujourd'hui, des enfants traînent, effondrés de fatigue, leur tricycle pour regagner leur appartement confortable de la rue de Rivoli où un valet de pied stylé, ouvrant cérémonieusement  la porte, demande si "monsieur a passé une  bonne après-midi"
Les animaux donc, qu'on aura par chance ou hasard, mais à ses risques et périls, croisés dans la nuit, venus sous les allées du jardin, vont entrer dans l'espace alerté de toutes parts par les menaces de Maldoror.
Une légende veut que, le jour où l'on érigea les deux statues dues au sculpteur Auguste Cain, qui représentent respectivement "Le Lion et la Lionne se disputant un sanglier, et "Rhinocéros attaqué par les tigres" on constata la disparition à part égale d'un couple de lion, d'un sanglier, de trois tigres et d'un Rhinocéros du jardin des Plantes. Des recherches furent immédiatement entreprises qui n'apportèrent aucun résultat. L'effroi fut grand dans la population que la presse mis en garde. Des témoignages commencèrent à affluer, de noctambules, et  l'on nota  quelques disparitions mystérieuses de jeunes vierges.
Un témoin déclarant avoir croisé le couple de lion benoîtement couché aux pieds de l'art de triomphe du Carrousel et s'attardant à quelques câlineries silencieuses.
Le Rhinocéros fut aperçu sous les arcades de la rue de Rivoli. Le témoin oculaire l'aura remarqué d'assez loin, marchant tranquillement dans la galerie. Le temps mis pour être totalement convaincu qu'il ne s'agissait pas d'un mirage mais d'une réalité aussi étrange que désagréable et périlleuse, le promeneur s'approchant de l'animal, de constater, contrairement à toute logique, que c'est ce dernier qui semblait manifester quelque effroi.
D'ailleurs il abandonna sa promenade, traversa la rue, regagnât le jardin pour se coucher sur le socle où on peut le voir aujourd'hui. Vert du bronze dans lequel l'artiste l'a coulé

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 13-06-2011 à 21:47:33

Voilà un autre "itinéraire"...à faire "des brèches énormes dans la muraille" des rues visitées !
"La seine entraîne un corps humain" vers d'autres amitiés masculines du Chant Troisième....
La bruine du soir défait ici la pelote des mailles nuageuses de Pente-côte(s)....! eh, c'est un petit air d'automne qui se laisse entrevoir, percevoir, écouter..., ce soir....

 
 
 
posté le 13-06-2011 à 09:34:12

Faire d'un livre un paysage.

Histoire d'un livre.

Un itinéraire émietté pour parcourir l'intérieur d'un livre (en devenir) comme une sorte de "feuille de route" pour le bien conduire jusqu'à sa forme définitive, offerte au lecteur, comme une femme amoureuse à l'homme qu'elle aime.

Faire, de son livre, un paysage.
Transporter dans le livre le paysage que l'on aura choisi pour une éventuelle action (si le livre conte une action ; s'il s'en dispense out le paysage).
Et si c'est le paysage qui conduit l'action, la détermine, la nourrissant de sa substance profonde, car plutôt que de le "décrire" il faut en transposer les forces secrètes, l'ardeur qu'il fait passer dans celui qui le contemple, s'en imprègne, se fond en lui, alors il ne faut pas hésiter à s'attarder sur des détails, leur donner le relief que l'on perçoit lorsqu'on l'aborde et s'en enchante. Faire passer dans les mots cette vibration intense qui, parcourant le corps, lui donne raison de son plaisir..
Avant que de faire de l'acte de peindre le but de la peinture, celle-ci architecturait autrefois jusqu'à des continents entiers ou bien se plaisait à étaler dans l'espace des gestes, des actes, des présences qui traduisaient la vie intense en ses divers et multiples aspects.
On pourrait, d'un paysage peint, faire une fiction. Ce Rubens, riche de détails, et pourtant si proche du quotidien, contient des rapports encore secrets entre les personnages. C'est aux mots d'en scruter le sens, d'en imaginer les parcours.
Au point que le lecteur ou le regardeur du tableau s'introduit en lui en un mouvement naturel de fusion car vivre c'est ressentir, adhérer.  
On entrera dans le livre pour se nicher dans une fiction qui nous détache de notre réalité présente, pour nous projeter dans l'univers qu'il a distingué, c'est un peu la traversée du miroir. En tout lecteur il y a une Alice.

 


 
 
posté le 12-06-2011 à 21:57:18

La halte au reposoir.

Dans ses promenades il métamorphose des points de passage en reposoirs sentimentaux, en mémorial.

Cela venait de l'enfance, des jeux qui tenaient de la culture scout, cette manière aimable et ludique de découvrir des lieux, de les marquer, d'y créer des itinéraires dont le principe consistait à en suivre le déroulement selon des codes donnés comme les cartes du trésor inventées par Edgar Poe.
C'était, lors des errances campagnardes qui marquaient les vacances, des lieux de rendez-vous secrets et des premiers émois sentimentaux.
Les bourgeois chics qui sortaient de leurs châteaux ancestraux (il y en avait beaucoup dans la région, et des abbayes désaffectées à la Révolution achetées à vil prix par des ancêtres entrepreneur de maçonnerie quand les descendants jouaient au seigneur du village) tuaient leur ennui dominical en créant des rallyes bien utiles pour marier les filles cadettes.
Arrêt dans le mouvement (arrêt sur image). C'est d'ordinaire une modeste construction à vocation religieuse, devant laquelle lors des processions de la Fête Dieu, le cortège précédé des bannières richement brodées portées par les jeunes coqs du village qui se prenaient les pieds dans leur soutane, marquait un temps de repos qui permettait aux vaillants pèlerins de sexe mâle, de se soulager dans les fossés herbeux.
Le rite se dissolvait peu à peu dans l'étendue des champs subitement désertés par les corbeaux. Et c'est presque piteux que le cortège réduit à ses célébrants d'Eglise rentraient tout l'attirail défraîchi dans la sacristie.
Reposoir abandonné à la folie des herbes qui l'assaillent, l'entraînent dans leurs divagations saisonnières. A moins que quelques vieilles du village viennent, tout en y déposant des fleurs, se tenir à l'ombre du plein après-midi pour dire du mal de leurs voisines. Souvent un reposoir est construit sur une source et devient une fontaine, l'heureuse surprise sur le chemin. En y joignant les mains pour recueillir l'eau, l'amant offre une coupe fraîche à celle qui l'accompagne. Les grands gestes symboliques naissent des choses les plus ordinaires, les plus évidentes. De l'ordre donné à la nature.

Dans ses promenades il avait décidé de vouer chaque reposoir (et bientôt les bornes, poteaux d'angle, ou vagues totems rustiques) aux figures de sa mythologie personnelle. Redonnant sens à ces marques de l'homme pieux en inventant de nouveaux cultes. Un territoire à leur mesure.

 


 
 
posté le 11-06-2011 à 11:53:52

Le piéton entravé.

Par nature il aime l'espace, les vents forts, les paysages tourmentés où courir à perdre haleine. il aime le mouvement, les rencontres, la liberté.
Passé de la campagne à Paris, il n'avait rien perdu de ses passions pédestres. Le paysage seul était différent, sa manière de l'absorber aussi.
Il fut, par nécessité, guide (bilingue), on le voyait à l'avant des hauts bus estampillés Germany ou Great Britain, comme à l'avant d'un navire, et avec de grands gestes tenter de faire partager sa passion pour Paris à des touristes en général plus préoccupés de régler leur appareil photographique que de s'instruire à bon compte (mais il est vrai de façon sommaire)
Un jour, comme à un décret ministériel auquel on ne peut échapper, la sentence médicale lui interdisait de trop marcher en raison de problème de santé qui allait l'écarter et de son métier et de sa passion.
De guide il deviendra savant, étudiant son Paris sur documents, maison par maison, reconstituant l'histoire longue et passionnée de la ville en ses multiples vies croisées.
Il ne lui restait plus qu'à imaginer ces vies dispersées, inventer des rencontres, des fusions, en somme refaire l'histoire des familles. Balzac derrière le rideau surveille l'opération.


 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 11-06-2011 à 19:44:47

Bonsoir, Monsieur "Il", vous avez deux ordis ?
Maurice Raynal vous visiterait bien....s'il se pouvait encore, "derrière le rideau" des revenants....
Ciel Gris laqué immobile ; moins pur que l'esprit de Juan !
"à l'ombre de nous-mêmes combien d'hommes / Inconscients nous sacrifions / Et quel destin nous suivons, / Pas plus nôtre qu'à autrui !" ; étiez-vous aussi le Piéton de Paris ?

 
 
 
posté le 10-06-2011 à 16:52:32

Lucien Coutaud encadre.

Lucien Coutaud ou le cadre de l'énigme.
Familier du théâtre, des règles de la mise en scène et du décor qu'il pratique abondamment pour Jean Louis Barrault, Lucien Coutaud adopte d'ordinaire le même principe du cadre fermé pour les actions, présences, énigmes qu'il met en scène en tant que peintre (et dessinateur) Ce qui donne au contenu (toujours très codé) une force, une présence particulièrement efficace.
Il fait apparaître ou plutôt compose (invente) des personnages que l'on dirait montés comme des mécaniques qui tiennent du monde végétal et animal (comme Lautréamont il explore le monde des insectes).
Insectes qui ont quelque chose de rude, de coupant, acéré, comme le sont ceux du monde de la chaleur (il est nîmois). Un monde qui crépite et agresse. Figures agencées pour se regrouper, s'assembler, se confronter en d'étranges rituels qui tiennent de la société secrète et de l'attente (comme chez Chirico).


 


 
 
posté le 10-06-2011 à 14:24:20

Lautréamont a un visage

Longtemps, comme celui de Sade, le portrait de Lautréamont était inconnu, jusqu'au jour (année 1976) où Jean Jacques Lefrère  le découvre et lui donne enfin corps. On y rencontre un collégien poussé en graine, à l'air tranquille et non sans noblesse de maintien.
Devant la béance, l'imagination s'empare du personnage et lui invente des traits. Félix  Vallotton en fait un contemporain, (fin de siècle) chevelu pour faire artiste et qui s'installe dans la galerie des célébrités de l'époque quand Rémy de Gourmont rassemblait des "masques".
L'intervention de Dali est infiniment plus troublante. Emergeant de l'ombre c'est une figure presque irréelle, glabre et tenant plus de l'ange que de l'humain encore qu'une ombre de nulle part passe sur des traits mous et plutôt gracieux, lui donnant quelque chose d'inquiétant. Ange peut-être mais du mal !.
Un détail intrigue : cet oeil largement ouvert, interrogatif, tandis que l'autre à demi fermé semble déjà mangé par le sommeil ou l'engloutissement dans une zone qui n'est plus de ce monde. Interrogatif, il est aussi celui de la surprise, d'un état qui n'est pas celui de l'action mais du rêve.  Dans quel cauchemar s'est-il égaré ?

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 10-06-2011 à 15:18:31

Ce "négatif" a un semblant de Rimbaud jeune, tout de même, vous ne trouvez pas - en veste bleue, noeud papillon de travers, cheveux ébouriffés...dix-sept, peut-être...Lautréamont, ange de la pitié ? Jeune athlète combattant ses pythons :.."voici la folle qui passe en dansant"..?
est-ce là, réalité vivante ou "fantasmagorique projection de sa silhouette racornie ?"
De fait, et du vôtre récit, enfin, essai ou livre sur...L'autre-et-Amont ? L'aval de votre imagination y signe-t-il ?

2. Saintsonge  le 10-06-2011 à 15:19:22

Lire : dix-sept ans (décidément, j'ai fatigue aujourd'hui...)

 
 
 
 

Ajouter un commentaire

Pseudo : Réserve ton pseudo ici
Email :
Site :
Commentaire :

Smileys

 
 
 
Rappel article