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lettres de la campagne

posté le 28-08-2011 à 11:47:31

Le temps béni des amateurs.

Plus que l'atelier classique avec la prééminence du chevalet sur lequel est posée la toile en devenir, mais c'est encore là une vision un peu conventionnelle, l'atelier du peintre d'aujourd'hui s'inscrit moins dans une tradition qu'une adaptation aux modes de travail de celui qui l'organise pour son confort.
Il prend place en des lieux parfois insolites, et le goût du gigantisme entraîne alors son implantation dans des espaces industriels qui ne relèvent pas de la vie domestique.
En revanche, les siècles passés (en particulier les XVIII° et XIX°), avaient une vision plus aimable, qui tient du salon ou même de la chambre à coucher, et toute la famille assemblée se livre à une activité qui prend prétexte d'un acte de création pour laisser chacun isolé dans sa réflexion, si l'on excepte la petite fille qui, candidement, lit un livre (elle a un peu le rôle qu'ont les angelots qui volent autour du thème central dans les scènes religieuses).
L'idée de l'atelier se confond avec une activité familiale de bon aloi, signe tangible d'un certain confort bourgeois où l'on se livre à un passe-temps plus qu'à une nécessité, la création devant relever de ce principe.
On y cultive la tempérance. De l'atelier, peut-être, la pièce ainsi désignée se justifie par l'accumulation des références artistiques,  concrétisées par des moulages, et l'on est là bien dans l'esprit de l'atelier du XIX° siècle ( même chez les professionnels qui s'entouraient de multiples objets de collection).
L'art qu'on y conçoit est fortement intégré à la vie domestique. Il en est une des branches, comme pourrait l'être le jardinage.
De l'esprit du Salon le lieu tient aussi son élégance discrète, conviviale et chaleureuse.
La pratique de l'art est une facette d'une bonne culture, mais non une force irrépressible où l'on s'engage totalement. C'était le temps béni, des "amateurs".


 


 
 
posté le 28-08-2011 à 11:06:09

César compresse.

Ce devait être dans les années 55-60, au Soleil dans la tête, lors d'un vernissage d'une exposition de Gabriel Paris. Il est accompagné d'un petit bonhomme au verbe chantant (et haut) qui est sculpteur. Il travaille alors dans le sillage de Germaine Richier qui construit des personnages à partir de pièces soudées d'une gracilité un peu inquiétante, vibrante d'émotion et de mystère.
César (Baldaccini) est alors tout excité par ce qu'il a découvert du côté de Genevilliers :  un chantier où l'on compresse les voitures pour en réduire l'encombrement  sur les vastes terrains où en entrepose les épaves.
La fosse en ciment, les mâchoires gigantesques qui prennent la voiture en tenaille pour en  faire  de simple paquets de tôle froissée constitue une sorte de spectacle bien à la mesure d'une société dominée par la production industrielle. Une vision agressive qui en dit long sur nos moeurs et nos idéologies.
Le geste va devenir "créateur" avec César qui l'adopte et signe des "compressions" dont l'exposition au salon de Mai (alors baromètre de la vie artistique) fait scandale.
La formule César est lancée. On aura droit à des compressions de tout objet, de toutes tailles. L'innovation fait industrie.
C'est bien le vice de cette formule de création qui veut qu'un artiste s'identifie à travers une formule et l'exploite jusqu'à la banaliser (voir le cas d'Arman).
Autant la découverte était primordiale et sans doute décisive dans la formulation poétique de ce qu'allait être le "Nouveau Réalisme" (une critique de la société de consommation),  autant son exploitation intensive ne pouvait qu'en affaiblir la portée.
En toute logique, après la compression César va pratiquer l'expansion. Une autre aventure. Il faudra y venir, y passer. Le chemin de la création contemporain est d'une grande rigueur intellectuelle. Mais il affine sa mort annoncée.

 


 
 
posté le 27-08-2011 à 21:01:53

De la manière de lire....

Selon le développement des rayonnages une bibliothèque implique des rapports différents, et va jusqu'à rythmer la lecture. C'est qu'il faut bien repenser l'attitude de celui qui l'aborde,  et selon son architecture, va devoir se trouver un comportement adapté
Selon qu'il l'aborde frontalement, et de plus, doit se percher sur un escabeau pour atteindre l'ouvrage choisi, ou circule à hauteur des volumes comme pour les passer en revue. Ici l'exercice périlleux où le lecteur doit avoir des qualités d'alpiniste, là il invite à la nonchalance.  
S'ils sont facilement accessibles  on sera plus capricieux, folâtrant parmi les titres (observez quelqu'un qui, venant chez vous, discrètement s'approche des rayons et semble chercher à mieux vous connaître en découvrant ce que vous lisez - et ça marche), dans l'intimité on doit parfois  se glisser parmi ces multiples choses que l'on a l'habitude d'y disposer, au caprice du temps. Le cheminement est alors plus capricieux, avec des imprévus. Et cet ajout d'objets parmi les livres (avec ou sans rapport avec eux) interdit une approche franche, décidée et brutale.
Lire parmi les livres (le luxe suprême) c'est  comme consommer sur place des biscuits que l'on vient de prendre dans un rayonnage d'une grande surface. Mal vu, il signe une impatience, un manque de savoir vivre.
Un lecteur émiettant sa lecture parmi les livres est un consommateur goulu, ou de picorer ainsi, trahit peut-être une méfiance : ne pas s'engager dans un livre sans avoir pris ses précautions. Le voyage, surtout s'il est long, doit en valoir la peine.

 


 
 
posté le 27-08-2011 à 11:47:29

René Guy Cadou en sa demeure, c'est l'Ecole.

La saison y pousse, les lumières de l'automne déjà effleurent le ciel quand le soleil se couche, et l'odeur des cahiers neufs que l'on va bientôt ouvrir pour la rentrée des classes monte à la tête, chargée de souvenirs. Quel bonheur pour les petits écoliers de Louisfert d'avoir pour instituteur un poète.
Rien ne distingue la modeste bâtisse d'une maison voisine, sinon qu'à heures régulières,  les cris des enfants à son bord assemblés, la désigne comme l'école du village. En toute mémoire d'adulte il y a, modulés par le temps, des souvenirs de ces écoles "primaires" où l'on découvrait le monde sur les bancs et surtout dans la cour, en affrontant les autres, chacun ayant l'information qui va le valoriser.
Le préau est le forum d'un monde qui s'ouvre à de jeunes énergies émaillées de bosses et de plaies, les bagarres succèdent aux confidences, on apprend la vie à grande vitesse.
Cadou (portait-il la blouse grise qui était d'usage en son temps), à sa chaire, ouvrant d'une main généreuse de jeunes regards sur les cartes qui identifient les espèces animales. Il devait être féru de sciences naturelles.
Je gage qu'il emmenait ses petits élèves, le jeudi, vagabonder en forêt pour découvrir toutes les beautés de la nature qu'il chantait dans ses vers.
Il était du propre de l'Instituteur  (une institution) de guider ses écoliers dans les chemins si riches de la vie qui s'ouvrait à eux.
La demeure du poète autant que l'Ecole (de la République). Les cours terminés, il gravissait l'escalier qui le conduisait à son modeste logis et à sa table, sagement, avec la fidélité qui est celle de la passion, sur des cahiers, il écrivait (de sa belle écriture un rien précieuse) des poèmes clairs comme l'évidence des choses. Des mots simples, simplement assemblés pour dire le monde qu'il avait sous les yeux. Sous le signe de l'amour. Sa compagne Hélène était là, sur le divan, lisant tandis qu'il écrivait ( c'est ce que nous disent les témoins et ceux qui ont conservé la mémoire du couple)  Jamais monde poétique ne fut plus fermé sur le quotidien, et rarement plus ouvert au monde, parce qu'il était vu avec le regard de l'amour.

 


Commentaires

 

1. saintsonge  le 27-08-2011 à 12:23:50

Un cas doux que ce Guy
qui renaît à sa guise...
Nulle part et partout,
c'est René Guy Cadou !
Qu'on se le dise...Qu'on se le dise...

2. sorel  le 27-08-2011 à 14:25:31

C'est vrai que ce Cadou là fait de grands pas dans notre mémoire.

3. bluedreamer  le 27-08-2011 à 18:31:09  (site)

Je suis allée à la bibliothèque cet après-midi pour chercher cette demeure ... dommage pas de demeure... j'ai pris la maison d'été du même auteur.

 
 
 
posté le 27-08-2011 à 11:30:04

Les mots rares de Katherine Mansfield.

C'est Claudie qui l'a retenue, cette Garden Party et ses autres nouvelles.  Sur la couverture une image qui dit tout. La fraîcheur du cadre, une maison bien calée dans la nature sous la protection d'un grand arbre (planté en un autre temps). Et cette femme qui se cherche dans sa nature de femme, et s'embrouille dans les gestes de sa vie, mais pas dans la rectitude de sa pensée. On peut avoir des blessures de l'âme mais la volonté de survivre vous conduit vers des lendemains que d'autres nieraient.
Elle l'aura préférée avec son curieux chapeau qui ressemble à un vaste bonnet, et lui donne quelque chose de masculin. Elle a encore ce petite visage parfois buté, d'une petite fille qui a trop aimé les autres pour n'en pas souffrir un peu. Et s'est perdue dans les autres quand seule l'écriture lui  permet de se ramasser un peu sur elle-même. Alors les lettres sont comme les envols de ces oiseaux qui migrent vers des  horizons meilleurs, des matins plus sereins, un ciel plus vaste encore pour aller jusqu'au bout de ses rêves.
Le temps n'a plus le temps pour lui offrir la seule béatitude de la contemplation. Elle doit sauver par les mots ces myriades  de pierre précieuses que sont ses émotions. C'est de savoir les dire qu'elle leur donne ce pouvoir de nous atteindre.
Elle n'est pas la bavarde  qui se confie aveuglement. Au contraire, elle connaît le prix des mots. Elle les soigne comme des plantes rares. Des fleurs à offrir en bouquet bien soigné. Un livre.

 


Commentaires

 

1. saintsonge  le 27-08-2011 à 12:18:17

La Tristeza se lit dans ses yeux-là, quelque chose de nuisible, selon Montaigne, de nuisible et toujours folle, cette humeur ou cette qualité d'âme, selon qu'on est stoïque ou pas....
Oh "triste triste était mon âme,
à cause, à cause d'une femme....
Je ne me suis pas consolé,
bien que mon coeur s'en soit allé...."
Bon Week-end

2. sorel  le 27-08-2011 à 14:27:32

Il ne faut pas voir que la tristesse en K.M. Je la devine aussi ardente dans ses passions. Le tout c'est de trouver celle ou celui qui mérite qu'on s'enflamme.

 
 
 
posté le 26-08-2011 à 15:45:11

Théophile Gautier en famille.

Théophile Gautier en famille.

Ce petit billet pour M.C. en souvenir de notre voisin.

Connu surtout pour "Le Capitaine Fracasse", Théophile Gautier est un écrivain plus riche et plus secret que ne le laisserait supposer un trop grand succès populaire  sur un seul livre. C'est l'arbre qui cache la forêt.
Ami à la fois  de Victor Hugo (il est même , un temps, son voisin Place des Vosges) et de Gérard de Nerval (qu'il a connu sous son vrai nom de Labrunie au lycée Charlemagne), Gautier aura une vie sentimentale très riche et compliquée.
Amant, lors de son séjour rue du Doyenné (dans l'intimité de Nerval, Arsène Houssaye, Pétrus Borel, Célestin Nanteuil,  Charles Lassailly, Auguste Maquet - le futur collaborateur d'Alexandre Dumas- Camille Rogier),  de Cydalise (qui devait mourir peu de temps après), de Victorine, avec laquelle il vivra quelques années rue de Navarin, et d'une certaine Eugénie Fort (dont il aura un fils que l'on retrouvera en 1870 sous-préfet à Pontoise) , et quelques autres, il rencontre la soeur de la ballerine Grisi Carlotta (dont il fut amoureux, et avec laquelle il aura une liaison tourmentée et largement épistolaire), c'est Ernesta.
"Elle est petite, assez potelée, la figure pleine et ronde, un peu courte, les yeux très beaux avec des prunelles vert de mer et des sourcils noirs en pinceau, le nez manque de noblesse, la bouche est vermeille et s'épanouit  assez gracieusement, les bras sont d'un galbe élégant". Elle est cantatrice. et pour elle Gautier écrit pour la scène.
Après la rue Navarin et la rue La Grange Battelière, ce sera (en 1857  ) l'installation d'une petite famille, (Judith et Estelle sont leurs filles) dans la maison de Neuilly, 32 rue de Longchamp.
Cette vie de famille sera assez brève et bousculée par  la vie sentimentale de Gautier qui aura encore des liaisons orageuses ( Marie Mattei, Alice Ozy....). Il en résulte un va-et-vient incessant entre Neuilly et de nouvelles adresses à Paris (rue de Beaune) et Versailles, 3 avenue de Saint Cloud, chez son amie Eugénie Fort (Gautier habitait ainsi assez souvent chez une de ses maîtresses car les séparations ne détruisaient jamais la qualité affective  qu'il savait entretenir avec les femmes).
Le fringuant don Juan (mais son attitude est plus un engagement réel dans des amours successives qu'un jeu)  n'en aura pas moins des relations exceptionnelles avec ses filles : Julie, la préférée, fera une carrière littéraire et sera l'épouse de Catulle-Mendes et Estelle, celle de Emile Bergerat qui sera l'un des plus fidèles et précieux témoins de la vie de Théophile Gautier.

 


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1. saintsonge  le 26-08-2011 à 16:30:42

Je n'avais pas dix ans que je lisais ce fameux Capitaine Fracasse, ignorant tout de l'auteur (je ne savais pas qu'un auteur, un écrivain, pouvait être un humain, en plus... Etrange, n'est-il pas ?)
Puis, de ce bruyant "bousingot", je découvris le glacial Emaux et Camées (les mots sont camés, disais-je... La Mademoiselle de Maupin accompagna mes nuits adolescentes (lu sous les draps, à la lampe torche, ma mère m'interdisant de lire après 20 h, la lumière c'est très chère, me hurlait-elle, avec le père qui me grondait, quand je leur désobéis...Alors, Gautier ne fut plus mon ami, je me faisais enguirlander à cause de lui (pensais-je alors)....
Vous avez pu atteindre mon blog ?

2. saintsonge  le 26-08-2011 à 18:31:43

J'ajoute avec retard que sur mon étagère, à plat, j'avais justement l'exemplaire de mon enfance "collection Rouge et or" - 1959 Editions G.P. Paris - Théophile Gautier / Illustrations de Guy Sabran / Adaption de R. Thierry...Le Capitaine Fracasse (Collection Spirale)
Chapitre premier
Le château de la misère
"Sur le revers d'une de ces collines décharnées qui bossuent les Landes, entre Dax et Mont-de-Marsan, s'élevait, sous le règne de Louis XIII, une de ces gentilhommières si commune en Gascogne, et que les villageois décorent du nom de château.
Le voyageur qui eût aperçu de loin le castel dessinant ses faîtages pointus sur le ciel, au-dessus des genêts et des bruyères, l'eût jugé une demeure convenable pour un hobereau de province..... "
Etonnant, je l'avais gardé par-devers moi ce petit livre de l'enfance (je dois dormir en moi, je ne viens de réagir qu'à l'instant d'un éclat à la Bourrel : - Bon sang, mais c'est bien sûr, j'ai le livre !... (enfin, il n'y eut crime....) Bien à vous de m'en réveiller le très lointain souvenir, je me revois dans mes culottes courtes, lisant.....ces "amours romanesques, la bravoure chevaleresque" qui "n'ont cessé de séduire l'imagination populaire, à travers des modes d'expression variés, dont le genre "western" n'est peut-être de nos jours qu'une forme dégradée. Le roman de cape et d'épée garde la faveur d'un public étendu et choisi. Le Capitaine Fracasse, modèle du genre, est une fresque animée, haute en couleur, d'une époque chère aux Romantiques. Châteaux gothiques, auberge coupe-gorge, aventures pittoresques d'une troupe de comédiens ambulants, rien n'y manque pour charmer l'imagination" vous précise encore la 4ème de couverture...

3. sorel  le 27-08-2011 à 14:29:21

Très littéraire votre approche, mais j'aime. Je dois avouer que je découvre T.G. au delà du Capitaine. Il y a beaucoup à glaner dans cette oeuvre.

 
 
 
posté le 26-08-2011 à 12:12:33

Sous la lampe.

D'emblée, "sous la lampe" nous évoque Léon-Paul Fargue et sa poésie dans ce qu'elle a d'intime, et parce qu'elle s'associe à une lecture confidentielle, presque secrète, plaçant la poésie au niveau de la confidence quand, avec d'autres, elle peut se faire épique et à caractère sociale (comme Aragon, et Eluard dans sa version finale).
Sous la lampe, c'est aussi l'image d'une intimité crépusculaire, quand les tâches de la journée terminées on se réfugie sous sa protection pour se livrer à des activités qui ne relèvent plus de la nécessité mais du plaisir, dont justement celui de la lecture.
Entre le livre et la lumière (la lampe) se construit un monde qui échappe à la logique, aux pesanteurs du quotidien, et permet à l'esprit de s'échapper, donner la pleine mesure de ses ambitions et accéder au pays des rêves qui lui est fermé quand priment les exigences de la vie pratique.
Tout un monde de fantasmagorie se développe,  liant le livre à ce rayon de lumière qui perce la nuit et ses terreurs. Des paysages se lèvent, avec leurs parfums, des figures se présentent qui ont toutes les vertus que l'on peut souhaiter quand, dans la réalité, on croit ne rencontrer que la médiocrité, la méchanceté, l'incompréhension, et que les personnages d'une comédie intime effacent la banalité qui est notre pain quotidien.
Parce que ce monde d'une réalité banale  passe par la métamorphose de l'art, et qu'il devient l'objet d'une rêverie d'un auteur.
Paolo Tortonee, dans  sa préface aux oeuvres de Théophile Gautier donne une jolie définition de la lecture (en l'occurrence celle de Gautier) : " le lecteur de Gautier est un spectateur, ou plus simplement et plus radicalement un oeil. Sa lecture, un regard. Il se trouve devant les fragments du monde que le texte lui livre, comme un visiteur de musée devant les tableaux."
C'est un monde d'illlusions, une autre comédie, souvent modelée à nos envies, elle se développe au rythme de nos humeurs, mais, la lampe éteinte nous rejette dans ce que nous avions cru pouvoir fuir.

 


Commentaires

 

1. saintsonge  le 26-08-2011 à 12:27:53

"ni le reflet sur le vide papier que la blancheur défend", "sous la lampe", suis-je "l'autre ou moi-même" ?
Le ciel vous tienne en joie moins...extrême...!

 
 
 
posté le 25-08-2011 à 15:03:37

L'Académie Julian la liberté par l'art.

Nous n'en connûmes que les ultimes échos, dans les années 60 quand les locaux de l'Académie Julian de la rue du Dragon étaient devenus ceux de l'Académie Met de Penninghen. Beaucoup d'artistes qui allaient se faire connaître par la suite y firent leurs classes.
C'était là l'ultime écho de ce qui fut, à la fin du XIX° siècle, l'Académie Julian dans sa splendeur. Elle avait son atelier passage des Panoramas (sur les Grands Boulevards), puis 31 rue du Dragon et 51 rue Vivienne, où les femmes furent admises. C'était, à l'époque, une innovation révolutionnaire.
Interdites à l'Ecole  des Beaux Arts en raison de la nudité des modèles masculins, les femmes se rabattent  sur cet établissement libéral qui voit le pittoresque mélange de filles de bonnes familles complétant là une éducation qui comprenait la maîtrise du dessin, des femmes qui y trouvaient, sans autre ambition, un dérivatif à l'ennui du foyer conjugal, enfin de véritables élèves ayant pour but d'acquérir le savoir qui permettait de revendiquer le statut de professionnel.
D'ailleurs ce  fut là que débutèrent les Nabis (Bonnard, Vuillard) et des artistes comme Matisse, Duchamp ou Dubuffet y firent leurs classes.
Contrairement à l'enseignement rigoureux (et parfois castrateur) de l'Ecole des Beaux-Arts, l'élève était relativement libre quoique les professeurs assuraient conseils et corrections, direction souple vers la révélation de la personnalité de  chacun.
Peut-on noter, expliquant la diversité des orientations plastiques que l'école Julian ne freinait pas, le passage encore, de Maurice Mazo, Chas Laborde, Edgar Chahine, Fernand Khnopf, Louise Breslau, Elvire Jan, Kupka, Marie Bashkirtseff, Simon Hayter, Roger Chastel, Emile Compard, Dignimont, Fernand Léger, Auguste Chabaud, Louis Valtat.
Une diversité qui est bien à la mesure de ce qu'était l'Ecole de Paris, soit le rassemblement d'artistes venus de tous les horizons. Le passage à l'Académie Julian était l'étape indispensable.

 


 
 
posté le 25-08-2011 à 11:50:40

L'allégresse de Dufy.

DUFY ou l'allégresse.
Peu de peintre ont su mieux que Dufy traduire l'allégresse, le bonheur de vivre dans une atmosphère éthérée, gracieuse, féminisée dans un trait dansant, narquois souvent, où règnent la musique et la femme comme figures de proue d'un monde hors de toute contrainte et comme baigné de félicité.
D'où ce trait dansant, si proche de l'écriture, de la simple notation, qui retient l'instant dans sa fragilité et sa grâce.
Le thème du concert y est privilégié parce que la musique est l'art de ces rapports subtils et fragiles avec l'émotion.
La couleur y vient s'inventant des surfaces à animer comme le ferait la lumière qui court dans une pièce, jouant avec les reliefs, les écrasant parfois dans sa force et la chaleur ambiante qu'elle créé.
Elle est dansante et comme animée dans ses jeux spontanés et spirituels.

 


 
 
posté le 25-08-2011 à 11:40:34

Les reliquaires de Von Stuck.

Le soin apporté à l'encadrement joue comme prolongement de la peinture et non simple mise en valeur. Il va connaître une faveur particulière à la fin du XIX° siècle quand la peinture se théâtralise.
Chez Franz von Stuck il prend tout son sens et fait par égale avec la toile qui s'inscrit en lui comme un miroir, un effet de perspective dans lequel la figure prend toute son importance. Il dramatise l'action suggérée et même la plus simple des présences.
Von Stuck,  bien connu pour sa vision complexe de la femme, fatale, énigmatique  et bestiale, raffine dans le décor, invente de véritables architectures qui donnent à la figure ainsi encadrée une force, et, paradoxalement, une présence plus forte encore, comme si on la surprenait dans l'ouverture d'une fenêtre.
L'effet de surprise s'ajoutant à l'emphase de la mise en scène, toujours  très soignée chez l'artiste, et aux nudités subitement dévoilées, et comme prises sur le fait en leur intimité.
Il sait combien est plus érotique une figure dans ses rapports avec la vêture, elle même propre à souligner un détail anatomique, suggérer des invites. La somptuosité du vêtement s'ajoutant à son rôle équivoque.
Dans tant d'éclat, un étalage d'or, la blancheur de la chair est comme un viol, une déchirure dans ce qui s'annonçait comme la simple parade d'une richesse ostentatoire. On pénètre dans une intimité en si lourd contraste avec son environnement qu'elle devient le sujet de la toile.
D'autant que, tant pas sa forme que son éclat, le cadre évoque quelque reliquaire.
Un mélange de piété et de profanation.


 


 
 
posté le 24-08-2011 à 16:36:36

Eluard et Beaudin en commun.

Eluard était coutumier du fait. Il marquait son adhésion à l'oeuvre d'un peintre en faisant un livre avec lui. Ce pouvait être par l'illustration de ses poèmes, ou le contraire, la rédaction d'un poème à partir d'une illustration. Enfin comme avec André Beaudin, une confrontation de leur démarche respective pour en mesurer les équivalences, les rencontres, les points de convergences et en somme une fraternité d'esprit. "Double d'ombre" répond à cette ambition.
Le livre a le charme de ceux que l'on dépose au fond d'une corbeille où l'on aura disposé la laine et les aiguilles en vue d'un écharpe pour le petit ou d'une gilet pour l'aînée. Un recueil de poèmes (et de dessins) vers lequel on se penche comme sur un album de souvenirs. Chaque poème fait écho en nous à un moment de délice dans lequel il entra, discret, confidentiel. C'est son rôle aussi, d'accompagner les petites choses du quotidien, les élans du coeur et de la mémoire. Eluard en ce domaine est unique et cela doit expliquer son succès populaire. Beaudin l'accompagne main dans la main. Au devant de notre plaisir tranquille.

 


 
 
posté le 24-08-2011 à 12:42:34

Chardin hors du temps.

Chardin est hors de l'Histoire, il ne conte que la sienne. Celle d'un homme centré sur l'essentiel et dans le quotidien, le rien, ou ce qui passe pour l'être. Il est le frère de la servante qui vit dans la douce lumière des cuivres bien polis par le soleil, dans la grâce naturelle d'enfants sages qui attendent le repas, dans un foyer que rien ne semble perturber.
Il construit tout un monde. De quelques objets posés sur la table, par le hasard ou une science innée des rapports qui s'établissent entre les matières, chacune au plus fort de sa beauté naturelle : le verre, la terre cuite, les fruits de la terre, ces choses qui nous entourent, et dont nous vivons sans toujours en mesurer la richesse fraternelle.  Il est au plus près des choses, dans leur intimité rude, grave et  digne à la fois.
D'une cruche, d'un pain, d'un verre, il fait un monument altier et qui va défier le temps, sa morsure sur les choses, les êtres et les sentiments.
Sa force, mais n'est-ce- pas celle de l'art en l'une de ses missions essentielles : signifier l'intemporel.

 


 
 
posté le 23-08-2011 à 15:59:49

Max Ernst dans la forêt.

Le douanier Rousseau élevait des sortes de rideaux végétaux qui étaient en même temps le cadre de quelques chasses assez molles où les fauves pourchassés prenaient des attitudes de trophées avant l'heure : déjà statufiés avant que le coup de lance ou la balle d'un fusil aient blessés leur robe fauve.
S'il dressait une forêt, fut-elle magique, Henri Rousseau l'imaginait peuplée d'yeux et de souffle étranges, le danger y flottait comme porté par l'imaginaire que l'on s'en fait quand on l'aborde.
Max Ernst est passé par là. La forêt, subitement, s'est mise en transe. Les végétations immobiles chez Rousseau (si proches du simple décor de théâtre pour une pièce de Raymond Roussel) ploient sous une tempête que l'on devine, et la peur qu'elle distille n'a plus de figuration précise. Elle est diffuse, et plutôt incarnée par des jeux de métamorphoses qui voient des feuilles se muer en insecte dont on ignore l'identité, en ont-ils seulement une, et c'est de ne pas en avoir qu'ils constituent une menace.
Quand Rousseau peint un lion que l'on devine dans le feuillage. Il a sa tête. Si convenue (car elle sort d'une copie d'un livre de géographie) qu'elle portera plutôt à sourire.
Chez Ernst point d'animaux identifiables, connus, mais le souffle de l'animal qui rôde parmi les plantes, sortant d'elles comme une génération en cours, une mutation lente et irrésistible des genres.  Un monde de grouillement lent à peine perceptible.
Une menace diffuse.
Quand le volupté promise par la forêt s'est transformée en piège qui nous absorbe.

 


 
 
posté le 23-08-2011 à 12:46:36

Max Ernst rêve en collant.

C'est bien l'attrait des collages de Max Ernst : ils illustrent une histoire, ou en content eux mêmes ( "Rêves d'une petite fille qui voulut entrer au Carmel", "Une semaine de bonté", "La Femme 100 têtes" ), et, en retour, on pourrait très bien, partant d'eux, inventer une histoire dont ils sont alors la source.
Ce fut une habitude assez largement partagée chez les Surréalistes que d'écrire d'après l'illustration qui pourrait en être l'ornement. Soit, renverser le mouvement. C'est l'image qui donne le ton, suscite les mots. (Man Ray et Eluard entre autres l'on fait).
C'est dire l'importance accordée au pouvoir de l'image propre à éveiller les sources profondes de l'inconscient, ou d'une mémoire dont des pans entiers sont enfouis dans les profondeurs.
Le principe de l'écriture automatique avait la vertu de permettre d'exercer cette pêche que les lois de la logique, de la raison, des pudeurs sociales multiples qui pèsent sur nous, rendent difficile. A moins de s'abandonner à ses instincts, une liberté verbale qui nous dépasse, et toute aventure de l'esprit qui est conduite sous l'emprise de la drogue par exemple.
Ce type de collage (à caractère littéraire) a la particularité de susciter les élans de l'esprit qui y trouvent des assises, des repères, des zones d'atterrissage.
Prenez des ciseaux, de vieilles images et de la colle et vous recréez des mondes enfouis en vous.


 


 
 
posté le 22-08-2011 à 20:54:09

Alice Ozy au lit.

Son double prénom Julie (Juliette)-Justine devait orienter son destin. A elle seule, elle incarnait, par cette dénomination, les deux héroïnes si bien typées de l'univers de Sade : figures du bien bafoué, du crime loué, soit Juliette et Justine. Et sa jeunesse et marquée par sa mise à l'écart du foyer pour ne pas gêner les amours adultères de sa mère.
Elle ne fut que galante. Et passionnément aimée. Le panel de ses amants est dominé par la figure du duc d'Aumale (fils du roi Louis-Philippe), à moins qu' on lui préfère Victor Hugo à qui elle demanda un poème pour l'immortaliser. Au père succède le fils, c'est Charles Hugo, qui, à son tour, gagne le lit de la belle infidèle.
Elle se produit sur les planches. Non sans un certain talent lui concèdent les contemporains, en général peu indulgents, même avec les femmes dont ils ont obtenus les faveurs.
Sa beauté toute de langueur aux couleurs orientales va inspirer un de ses admirateurs, le peintre Chasseriau qui la peindra plusieurs fois et gagnera la célébrité à l'avoir réussi.
Bien qu'elle ait pratiqué la même confusion (intéressée) entre amour et argent, elle n'est pas directement confondue avec les "horizontales" qui seront bientôt multiples, lancées dans le monde avec des noms à particules qu'elles vont chercher dans le ruisseau. Il suffit d'attendre une génération.
Elle entre bien dans la mythologie des femmes fatales du romantisme. Plus penchées du côté des références de l'Antiquité et de l'Orient, et femmes de harems. Quand la génération suivante, "fin de siècle", noircira l'horizon des alcôves pour en faire l'antre de la damnation et habitée par Satan.
Il y a quelque chose de clair, de lumineux, non seulement dans un carnation chaude et emplie de grâce tranquille, une notion du plaisir qui n'est pas encore marquée par le sceau du pêché mais dans un sorte de sérénité ostentatoire à l'avouer et à en faire métier.

 


 
 
posté le 22-08-2011 à 17:04:58

Monsu Desiderio raconteur d'histoires

Tout comme chez Piranèse, mais dans un esprit de catastrophe et une lumière crépusculaire qui lui est propre, Monsu Desiderio compose des paysages urbains par une accumulation de monuments, une sorte d'échantillonnage, s'appliquant à décrire portes monumentales, hautes colonnes, temples majestueux, pyramides, parmi lesquels se déplace une population qui ne lui donne pas cette vivacité de la vie quotidienne que Piranèse traduit par des scènes champêtres.
Une menace semble toujours peser sur des personnages qui semblent être costumés comme pour quelque cérémonie qui se prépare (quand ce n'est pas une catastrophe qui s'annonce et dont on voit d'ailleurs les premiers effets).
La manie de l'Antique participe du même engouement que l'on voit sur la scène de l'opéra où le principe de l'anthologie prime pour définir un climat, un lieu, une époque, et offrir toutes les facettes de l'action qui est censée y être conduite.
D'où le caractère factice des paysages de Monsu Desiderio, et l'impression donnée que les personnages sont des acteurs. Ceux d'une fiction que la peinture nous annonce. Monsu Desiderio, autant que peintre est un raconteur d'histoires.

 


 
 
posté le 22-08-2011 à 14:23:03

Les paradoxes de Baudelaire.

Enfant illégitime d'un petit seigneur de province, Apollonie Sabatier (du nom de son père adoptif), qui se faisait appeler Aglaé, vient à Paris faire carrière dans la galanterie. Mais, tenant salon littéraire rue Frochot (alors haut lieu de la vie parisienne entre Pigalle et les Grands Boulevards), elle fut louée, courtisée, adulée, par Maxime du Camp, Gustave Flaubert, Arsène Houssaye, Théophile Gautier, Goncourt, et Clésinger qui en fit le modèle de "La femme piquée par un serpent".
Il est dit, mais sans preuve tangible, qu'elle aurait aussi été le modèle de la toile de Courbet  "La création du monde" devenue une sorte d'emblème de la peinture érotique.
Ses rapports avec Baudelaire sont particulièrement significatifs quant à l'attitude du poète vis à vis des femmes. On sait combien il est attiré (ses poèmes en témoignent) pas les femmes "perdues", soit par leurs moeurs dissolues, soit par l'âge (les petites vieilles dans "Les Fleurs du Mal"), des éclopées, toute femme en perdition morale ou physique.
Madame Sabatier (surnommée la "présidente" après une remarque d'Edmond de Goncourt) séduira pourtant Baudelaire en dépit de son "abattage", et il lui envoyait anonymement des poèmes, jusqu'à finir par se déclarer.
Ils devinrent amant en 1857 (la nuit du 30 août). L'attitude de Baudelaire est alors significative. L'amour qu'il portait à Madame Sabatier n'était pas charnel. Il l'avait idéalisée. Qu'elle se donne à lui (croyant ainsi le séduire et répondre à ses envolées poétiques)  détruit la figure que le poète s'était fait d'elle. Il la refusa et lui tourna dès lors le dos.
L'aventure illustre bien la complexité de la mécanique sentimentale chez Baudelaire qui fut attaché (jusqu'au dévouement) à Jeanne Duval, qu'il avait connu dans son flamboiement juvénile et à laquelle il reste dévoué jusque dans sa décrépitude finale (voir l'incroyable portrait de Manet).

 


 
 
posté le 22-08-2011 à 13:02:14

Baudelaire et la malédiction du poète.

La publication des Fleurs du Mal, l'inscription d'une oeuvre aussi dérangeante (dans le contexte de l'époque - 1857) d'un poète se donnant des allures de dandy et passant pour tel, situe Baudelaire à une frontière capitale dans l'évolution de la poésie. Elle n'avait été, jusqu'alors, qu'élégie de circonstance, manipulation des mots à des fins ludiques, alors qu'il annonce une poésie qui sera l'extraction, au plus profond de la conscience, des pulsions de mort qui sous-tendent la vie d'un homme, et dans la lancée foudroyante dont il est le maître (et Nerval la victime), s'engouffre toute la poésie qu'illustrent aussi bien Mallarmé que Verlaine ou Rimbaud. Et comme le note avec pertinence Pierre Jean Jouve: " ... parce qu'il lui était réservé  le sort redoutable de découvrir dans l'ordre spirituel, de construire la beauté sur un large et profond théâtre de misère humaine."
D'amuseur au bel esprit, de laudateur financé de mécènes lettrés, le poète devenait le prophète des profondeurs de la conscience humaine.
Il fallait "passer par ce chemin de sacrifice " (note Pierre Jean Jouve) pour que la poésie fut l'engagement total, radical, par quoi se dessine dans sa totalité une vision qui englobe toutes les vertus du langage.
Baudelaire est bien l'enfant d'un romantisme qui avait appris que la poésie est une arme dangereuse pour celui qui l'emploie. L'ange de la mort rode au dessus de ces "têtes folles" de ces cheminements dans les zones jusqu'alors négligées de l'inconscient.

 


Commentaires

 

1. sandie  le 22-08-2011 à 13:49:23  (site)

Beaudelaire, Magnifique ! Avec Rimbaud, Musset, un poète que j'aime à relire..

Ca ne remplace pas la sensation exceptionnelle de l'ouvrage entre les mains mais permettra à chacun de savourer quelques fleurs...

http://damienbe.chez.com/fleurs.htm

 
 
 
posté le 22-08-2011 à 11:00:05

La virilité grecque

Aux Inde la sculpture qui orne les temples est une invite à la volupté, en Grèce elle est une leçon de virilité.
Ici ça grouille de figures qui s'enlacent, se bousculent, se mêlent en d'indécentes combinaisons qui parlent de la jouissance du corps, le Nirvana à portée de caresses, là ce sont des figures altières, dépouillées. Même la nudité y est pudique. C'est celle des guerriers qui s'affrontent "à mains nues", des héros de la mythologie qui sont épris de gloire virile. Un monde d'affrontement, où le corps trouve sa beauté dans sa force, la mesure d'équilibre qu'il incarne. Plus près du stade que de l'alcôve. Les femmes y sont des amazones, prêtes au combat plus qu'à l'amour. D'ailleurs on y salue le guerrier revenant auréolé de sa victoire, et faute d'ennemis on s'affronte dans les limites bien réglées du stade. La performance olympique contre la suavité du harem.
La ligne du corps y prend toute son importance qui délie toute l'énergie dont il est comme l'emblème. Ses grâces sont discrètes.
L'ornement des temples parle de gloire, même dans les hauteurs de l'Olympe.
Est grand celui qui domine, ce qui implique une hiérarchie, un  ordre soigneusement élaboré dont le corps dit les différences, situant son rôle, dans une orchestration rigoureuse, harmonieuse.
On va vers l'épure, l'essentiel, va-t-on jusqu'à l'âme ?

 


 
 
posté le 21-08-2011 à 13:30:55

La femme "fin de siècle"

La vision de la femme à la fin du XIX° siècle est curieusement partagée entre une morbidité qui associe la femme au diable (la tentatrice) et celle de la grâce exquise.
Côté morbide, le regard de Baudelaire :
 
"Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l'abîme,
O Beauté ? Ton regard infernal et divin,
Verse confusément le bienfait  et le crime
.........................................................................
Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques ;
De tes bijoux, l'Horreur n'est pas le moins charmant,
Et le Meurtre, parmi tes plus chères breloques,
Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement."

A quoi répond Henri de Régnier :
"....
Ses doux seins fleurissaient la grâce de son torse
Et la nature souriait avec sa bouche ;
Les grands arbres aimaient sa chevelure torse

Elle était la chair bonne et la volupté douce,
Le délice d'aimer et l'ivresse de vivre,
Le soleil sur la fleur et le ciel sur la source.

Elle a quitté toute la forêt pour le suivre."

tableau de Edward Burnes-Jones.

 


 
 
posté le 20-08-2011 à 15:12:06

Max Ernst le voyant considérable.

Montagne (sacrée) ou architecture d'un autre temps, qu'un cataclysme aura transformé en cet amoncellement qui gomme ce que fut sa fonction. Peut-être admirable palais au fronton orgueilleux, temple gigantesque pour un culte oublié, falaise gravée par des peuples nomades dont il ne reste rien que ces ultimes signes indéchiffrables.
Un tableau de Max Ernst c'est souvent une énigme posée dont il semble que le peintre a les clefs qui nous sont interdites.
Il y a du magicien en lui. Et peut-être du voyant.
Dire ce que l'on sait, quand le message est terrible, n'est-ce pas jouer un rôle de mauvais augure. On peut attribuer à Max Ernst cette faculté de cadrer  dans ses toiles, comme un pan d'une vision qu'il nous fait partager.
Il y a quelque chose de cette nostalgie que dispensent les "diapositives" de vacances qu'un ami veut nous montrer, parce qu'il a découvert quelque chose que sans doute nous ne verrons jamais. Il y a de l'explorateur revenu parmi nous et doté de toute une imagerie qu'il rapporte d'un pays lointain. Celui de Max Ernst est imaginaire, encore que nourri de souvenirs. Dans ces paysages lunaires on peut voir un écho de ceux parmi lesquels il vivra au terme de la dernière guerre, dans une Amérique des terres profondes, des accidents géologiques gigantesques qui donnent au paysage une vague idée de ce qu'il pouvait être à la préhistoire.
Sa fixité même lui confère un surcroît de mystère.

 


Commentaires

 

1. Issia  le 21-08-2011 à 08:32:06  (site)

Merci beaucoup pour le commentaire, ainsi que de votre profonde gentillesse. Je vous souhaite du soleil dans votre coeur.Amicalement Issia.

 
 
 
posté le 20-08-2011 à 12:46:00

L'exemple d'Hélène Cadou.

Il est un type de poésie qui engendre le culte de l'amitié, s'appuie sur une fraternité qui nourrie par ailleurs son contenu même. C'est la cas de l'Ecole de Rochefort avec René Guy Cadou comme figure de proue.
La création du Soleil dans la tête (en 1952) coïncidait avec la disparition de ce dernier et l'entreprise  concertée pour conserver sa mémoire.
A la tâche, Hélène, l'épouse, qui à son tour, révèle par ses écrits une étonnante complicité des mots, cet éclairage si particulier qui faisait tout l'attrait d'un groupe de peintres et poètes (Roger Toulouse. Jédoudez, Jean Rousselot, Michel Manoll, Jean Bouhier, Marcel Béalu ) qui, dans le contexte de l'Occupation et de ses contraintes, avait trouvé dans le langage (la poésie) une survie au désastre ambiant.
Hélène, à la mort de son mari, osera publier ses poèmes, ce que par discrétion elle s'était interdit de faire de son vivant.
Il s'en dégage une fraîcheur, un rigueur tranquille, une sérénité voulue comme une discipline,  comme quoi les mots sont ces radeaux qu'évoque François Xavier Farine, lui aussi bibliothécaire, comme l'était Hélène Cadou, à l'ombre de l'inquiétant Georges Bataille, ce qui ne manque pas de saveur.
Avec une modestie exemplaire elle avoue : pour moi, écrire "c'est répondre à René, écrire en poésie c'est continuer de vivre dans notre univers.... par l'écriture je reconstruisais la demeure perdue..... préférant dire le moins pour dire le plus.... écrire un poème c'est découper la vitre, déchirer un carré du ciel."
D'où ce ton de fluidité dans la phrase qui ressemble toujours à une confidence.

voir le blog porbzine   storage.canalblog.com

 


 
 
posté le 20-08-2011 à 11:32:52

Lecture d'un tableau.

Pour une fois tenter d'aborder un tableau sans s'enquérir du nom de son auteur, et ne rien savoir de son histoire pour se pencher, vierge de tout à priori, sur le contenu d'une oeuvre qui est si riche qu'on pourrait, à partir d'elle, écrire tout un roman. On a le décor, minutieux et saisi dans cette torpeur qui accompagne  la fin d'un bon repas, ou marque le début d'une chaude après midi, quand la maisonnée est tranquille (encore qu'on y voit une servante penchée sur le sol qu'elle nettoie).
Le personnage principal ne peut qu'être une femme que l'on voit de dos et à son épinette attachée pour, sans doute, déchiffrer une partition que l'on entre aperçoit.
Le son doit en être aigrelet, alors que la pièce, et jusque dans son effet de perspective ample, invite à ce silence qui prédispose au repos ou à la réflexion. C'est le lieu et l'endroit des grandes pensées qu'aucun épreuves d'un quotidien vulgaire ne viendra briser ou polluer. On n'y peut qu'être serein et les spéculations d'un ordre supérieur. Est-ce dans ce genre de cadre que vivait Descartes quand il avait choisi l'exil en pays nordique.
Un  lieu de rigueur, à la géométrie tranquille et humanisée. Le jeu de la lumière (digne des meilleurs éclairagistes du spectacle) est l'élément vivant, fragile et en mouvement qui vient à la fois animer et glorifier le luxe tranquille qu'il distille.
Mais, bien qu'il donne l'impression de tout révéler, le peintre va, dans les lointains de la perspective habilement créée, poser une pointe de mystère.
Parce qu'il invente une perspective ouverte, il nous laisse le soin de finir son récit.
Peignant la tranquillité d'une après-midi "bourgeoise", ne cache-t-il pas une énigme.
Alors l'apparence de bien être, un rien lénifiant, ne serait-elle pas un leurre ?


 


 
 
posté le 20-08-2011 à 11:29:59

Un portraitiste mondain von Keller.

Si le terme "morbidité" s'applique à toute une production picturale "fin de siècle", sans nul doute Albert von Keller est le plus concerné. Le regard de la psychanalyse (il travaille en étroite collaboration avec ses praticiens) n'est sans doute pas étranger à son goût pour les défaillances humaines, les menaces qui pèsent sur son destin, la  figuration d'une féminité qui passe de l'élégance à la dégénérescence.
C'est un peintre mondain, fort recherché, particulièrement habile à traduire les atours, tout ce qui souligne la fragilité, l'élégance du corps, on entendrait presque le bruissement doux et sensuel de la soie dont il aime parer ses modèles.
Une sensualité dérangée par des ombres, une inquiétude qui vient des profondeurs de la conscience troublent facilement cet étalage volontiers  ostentatoire et l'on sent le pinceau du peintre pris d'une soudaine ardeur destructrice, emporté dans les tourments qui brise l'image de perfection qu'il entreprenait de mettre à jour. Il s'en dégage une impression de décadence consentie (sic).
Il aurait été aussi attiré par le spiritisme et ses rituels. La beauté source de conflit, peut-être de déchéance, liée à des pratiques qui visent à la nier, la blesser, avec un immense sentiment du péché ?  
Dans la logique de ses rapports avec l'analyse de l'inconscient qui est une constante de sa démarche

 


 
 
posté le 19-08-2011 à 16:32:01

Lettre aux Amazones 2

Lettres aux amazones.

C'est Valentin qui parle.
- Voilà comme je les aime. Effilées et sveltes, on les voit sur de hauts talons filer sur la pavé quand moi, ainsi chaussé, je m'y étalerais. Rapides elles sont, comme si elles allaient à un rendez vous d'amour ( ce qui, dans bien des cas, doit être la réalité) mais je gage qu'elles sont aussi rapides quand elles vont au bureau.
C'est qu'il y a l'enfant à déposer à la crèche, les courses à faire, la vie d'une femme d'aujourd'hui n'est pas de tout repos. Il suffit de lire les magazines dont elle se tourne la tête pour savoir qu'en plus elle doit être belle et plaire.
Du talon passons à la chaussure elle-même. Remarquons qu'il y a plus de bottillons et autres variantes de bottes pour maintenir la simple chaussure dans le goût forcé de souligner sa féminité.
Et parmi les bottes ma préférence va à la cuissarde. Explication esthétique.
Enserrée dans le cuir (qui doit être soyeux, bien enveloppant) la jambe prend des allures irréelles, et comme relevant de quelque contrée  merveilleuse où l'être humain emprunte aux autres espèces ce qu'elles ont de meilleur. Une agileté, une souplesse, une finesse, que l'espace humaine n'a pas, d'office. Et que d'efforts, de volonté pour y parvenir. Les salles de gymnastique sont pleines de postulants d'une esthétique qui épouse les modes, les modèles, les mythes d'une femme toute en souplesse et en ardeur, et si loin des anges que l'on a toujours représentés dodus et quelque peu niais.
Alors ainsi cuissardée la femme qui bat le pavé de son allure ailée entraîne le regard du passant vers quelque rêve que chacun orne à sa façon. Il y a l'expéditif (un rien vulgaire) qui va droit au but,  et ouvre déjà le lit (encore qu'il est capable de se contenter du premier fossé), il y a le romantique, qui incarne la femme ainsi chaussée, comme un être à gagner par un processus lent et mystérieux, par une succession d'attentions, d'approches délicates où tous les atouts dont il dispose sont mis à contribution. Le regard de chacun s'égare dans son domaine de prédilection entraînant la femme ainsi passante admirable, comme compagne d'un merveilleux voyage en des jardins de délice. Chacun a sa vision de Cythère.
Ce fut un ballet de robes de soies vives de couleurs qui bruissaient doucement au vent marin, ce sera une cavalcade de ces nouvelles amazones, sûr que derrière cette carapace qui semble les isoler tout en les divinisant, des coeurs ne demandent qu'à battre. Le spectateur sera invité à la fête.
En se promenant dans le parc de Versailles M.C. qui y fit ses classes buissonnières, invitait ses amis à de longues promenades à bicyclette (on pouvait les louer dans un retrait camouflé derrière le Petit Trianon). Chevauchant un cadre d'acier étincellent elle montrait le chemin. C'était une étrange aventure dans un paysage qui n'avait plus rien de ces rigueurs inspirées par le jardinier Le Notre, et une fois, la nuit surprit les imprudents  promeneurs aux abords du Grand Canal. De l'ombre surgissaient des silhouettes gainées de ce cuir luisant qu'affichent les motards. Versailles livré à une armée venue des bandes dessinées.


 


 
 
posté le 19-08-2011 à 11:51:08

Macréau, des visages dans la foule.

Quand la peinture devient le débordement (le trop plein) de ce que la main abandonne sur la surface de la toile, entre le journal qui dit tout et le croquis qui note un trait, un détail, insiste sur une rencontre subite avec l'insolite, la vérité d'une forme, d'un visage, d'une expression.
Cette spontanéité entraîne un dédain des conventions, des usages. C'est une peinture mal élevée, et c'est pourquoi, faute de trouver mieux, on la considère du même regard que celle des marginaux.
Elle est marginale parce qu'elle refuse les conventions, s'expose sans pudeur, propose, dans le même rythme (le même tempo),  l'ébauche et une subite précision, une insistance, peut-être le sentiment d'approcher de ce que l'on recherche quand on s'est donné pour mission de confier au droit de regard ce qu'il y a de plus secret en nous,  de plus spontané.
On mettra avantageusement cette manière d'aborder la forme dans les marges immédiates de l'écriture.
C'est une écriture qui va au bout de ce que le mot évoquerait. Elle aura franchi les obstacles autant que les frontières qui se sont dressées entre le mot et ce qu'il décrit (ou suggère). Encore que Macréau soit surtout porté à s'aventurer dans le monde des visages. Toute une foule se presse dans les limites de la toile. Son agitation, sa confusion, et  comme au cinéma,  quand la caméra parfois s'approche d'une visage et semble l'interroger, (pour un peu on entendrait sa réponse) le trait se fait plus insistant. S'attarde à formuler un trait d'expression, une présence. Macréau lève des fantômes dans l'obscurité de son inconscient.

 


 
 
posté le 19-08-2011 à 11:18:10

La dame à la lecture.

Lire c'est s'ouvrir à tous les mondes que nous ne pourrons jamais atteindre. Prenons conscience de la lourdeur de notre corps. Les vastes horizons dont il rêve ne sont pas à la mesure de ses muscles (avachis) de ses capacités (limitées) et même du temps imparti à ses caprices et ses besoins.
Tout comme les horizons trop lointains, les situations émerveillantes sont des chimères. La vertu des mots va suppléer à ces limites imposées.
Alors la lecture devient un rite. Il impose, selon chacun, ses cadres et son déroulement.
Ne pas croire que le choix du vêtement sera conforme au contenu du livre. Cette femme dans ses splendides dentelles lit sans doute une histoire d'amour, mais celui qui lira une épopée n'aura pas nécessairement la tenue qu'elle est supposée imposer.
L'avide aura à sa portée plusieurs livres dans lesquels il ira piocher des pans de rêve, et quel étonnant mélange que ce désordre va provoquer.
Dans la lenteur de la rêverie un seul livre suffira à combler les désirs. On s'attarde sur les mots, c'est ainsi que la poésie trouve son rôle. Formuler l'essence des choses, supposer une approche à la mesure de ce resserrement des mots. On  parlera de dégustation. Comme d'un alcool qui transporte le corps dans l'intimité de son âme.

 


 
 
posté le 18-08-2011 à 16:33:26

On a perdu la Mémoire de Magritte.

Sur le bord, mais de quel abîme, un visage figé en buste avoue sa blessure. Qu'en eut il été s'il avait été de chair. Mais dans le plâtre (le marbre) dans lequel il semble avoir été taillé le sang coule qui a fait sa tache (celle d'une mort annoncée). L'énigme est dans la présence insolite ici de la sphère fendue, gadget ou pierre philosophique ? et la feuille d'un arbre absent.
A quoi s'ajoute le rideau d'un théâtre supposé, car tout ici et faux, et semble relever de quelque fiction qui nous interroge.
A la mer lointaine et qui n'est peut-être qu'un mirage le ciel se confond, s'effondre, créant cette unité de ton qui annonce le plein été.
Souvenir d'une Grèce qui fut en toute jeunesse studieuse, le pays des mirages et des  premières amours, quand l'adolescence se construit entre étreintes furtives et savoir, et que la lecture du grec ancien a du charme quand on a franchi les étapes qui y conduisent.
J'avoue y avoir trébuché et d'y perdre mon latin. C'était dans un salon pseudo-égyptien d'un château de contes de fées, et Paris n'était pas loin qui offrait, dans un Louvre encore parqueté à l'ancienne, des jeudis studieux où l'on vénérait la Vénus de Milo avant d'aller boire un chocolat chaud "à la Marquise de Sévigné" dont à l'époque on ne connaissait pas les Lettres si nous était familière la dame à la plume levée comme une enseigne. Elle faisait métier de commenter son quotidien.
J'ai perdu la tête de la sagesse (Magritte la dit  : "la mémoire") et  c'est bien un comble.


 


Commentaires

 

1. sandie  le 18-08-2011 à 20:30:26  (site)

Si Magritte à perdu la mémoire...je n'ai pas perdu la mienne, votre blog je le connais depuis longtemps déjà, il fut de mes favoris dans mes quelques anciennes vie vefbloguienne, j'y reviens et j'y reviendrai avec grand plaisir...

 
 
 
posté le 18-08-2011 à 12:02:12

Adrienne Monnier par temps de pluie.

Pourquoi faut-il associer l'ouverture d'une librairie avec la pluie. Sinon que, comme les églises et les musées, elle devient un lieu de refuge pour les tristes journées d'un automne qui se glisse sur Paris et enveloppe les consciences. Alors, pénétrer dans une librairie c'est un peu comme  si l'on était resté chez soi, après avoir regardé à la fenêtre et jugé qu'un bon livre vaut mieux que l'humidité toujours pénible sur les trottoirs de la ville.
Et c'était toujours un bon livre que l'on trouvait à "La maison des amis des livres" où trônait sur une modeste chaise de campagne celle qui fut un peu la marraine de toute la littérature des années 20-40.
D'un simple cabinet de lecture elle avait fait un lieu de rencontre de quelques uns des écrivains majeurs de l'époque. De Valéry (qui y fera une lecture de ses poèmes) à Léon-Paul Fargue qui en fut un peu le dieu lare. C'est là qu'André Breton rencontre Phiilippe Soupault et Louis Aragon, les mousquetaires du surréalisme. On y voit aussi, lisant un  livre, discutant avec la nonchalance que le lieu excusait : Jules Romain, Ezra Pound, Walter Benjamin, Valery Larbaud, André Gide, Jacques Prévert. Et Joyce venait, quand il rendait visite à son éditrice Sylvia Beach dont la librairie Shakespeare était de l'autre côté de la rue.
Adrienne Monnier avait instauré un lieu qui jouait le rôle tenu par les Salons, sinon que le caractère mondain de ces derniers était gommé par la bonhomie du piéton qui a fait une halte. Le bonheur d'une librairie de ce type c'est aussi la rencontre.

 


 
 
posté le 18-08-2011 à 11:30:42

Von Stuck et la femme damnée.

La vision de la femme chez Franz Von Stuck est bien plus morbide que celle de son contemporain Klimt (ils ont un an de différence).
La sensualité chez Klimt est triomphante, ostentatoire mais comme l'affirmation du triomphe du plaisir alors que chez von Stuck, nourri des pages mythologique et bibliques, la notion du péché prédomine. La femme est attirante mais redoutable. On la classe dans la catégorie des Femmes fatales :  "Il multiplie les Eve, incarnation du péché, celle-ci tenant un serpent  gigantesque enroulé autour de ses épaules, celle-là, entre ses cuisses, cette autre engagée dans un tête à tête  ou plutôt un corps à corps avec un animal dont les dimensions ont dû impressionner des spectateurs comme Fellini s'il faut en croire sa propre surenchère cauchemardesque dans Juliette des esprits." (Bram Dijkstra).
Von Stuck créé ainsi des icônes de la perversité qui trouvent leur crédibilité dans la référence à la Bible.
Dans un corps à corps monstrueux et fatal la femme se condamne elle-même, et par un pervers glissement des symboles, elle est en même temps, dans une image forte, l'objet du péché et sa victime.
Cette ambiguïté von Stuck l'exprime avec une certaine lourdeur iconographique qui s'inscrit dans le cadre d'une société pudibonde qui voulait "imager" le péché, et sa  punition.
A comparer avec la vision que l'on peut en avoir dans d'autres cultures qui font triompher la chair, et inscrire la femme dans un monde animal bienveillant, dont elle est l'heureuse élue et non la torve complice, condamnée à se confondre bientôt avec lui, comme source de mort.

 


 
 
 

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