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lettres de la campagne

posté le 07-11-2010 à 20:55:20

L'écriture éclatée de Tinguely.

La pratique de la correspondance s'articule, chez Tinguely, sur un temps long (la réflexion, les accidents du quotidien, un ami qui vous interrompt !), alors il épingle les lettres "en cours" sur un mur, les nourrissant, peu à peu, moins dans une continuité graphique qui est de l'ordre du commun, mais en ajoutant, çà et là, de menues choses qui prennent sens dans l'espace ainsi créé, en un jeu subtil de concordance (oserait-on dire, sans vouloir faire de l'humour, de "correspondance"), et comme une avancée labyrinthique dans ce qui devient une véritable oeuvre d'art, écriture et dessin se mêlant en une parfaite harmonie.
Le quotidien y imprime sa trace, et la mobilité de la pensée y trouve son médium.
Curieusement, on s'aperçoit que son oeuvre de sculpteur (l'effet d'assemblage qui est au coeur de sa démarche) s'y annonce, s'y profile. Ce serait déjà des machines folles en attente d'exploser, de s'agiter, comme ces merveilleux épouvantails qui font fuir les oiseaux et enchantent notre imaginaire.
Même l'écriture éclate, se construit des niches, des repaires, des espaces autonomes, chacun ayant sa respiration propre.
Heureux correspondants !


 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 09-11-2010 à 15:22:31  (site)

Du meme, on pourrrait dire :
"calme bloc ici bas chu d'un désastre obscur " ?

2. sorel  le 09-11-2010 à 16:46:25

votre culture me confond !

3. Saintsonge  le 09-11-2010 à 18:00:46  (site)

Pourquoi ?... Vos livres et votre blog sur moi ont un impact tout autant ...magistral !..Mais oui, c'est vrai, j'eusse bien voulu faire partie de la "famille" P.O.L (pas encore digéré, quand on a le feu sacré, forcément, c'est long à l'admettre, ce revers...; que ferai-je maintenant de toute cette ...énergie créatrice .. Quand je mange des huîtres, en jetant les coquilles vides, je me dis qu'avec Chaissac , nous aurions pu trouver une "œuvre" à faire jaillir...).Vous apprécierez alors ce que je viens de vous placer en commentaire sur l' alcôve... Ça m'inspire toujours bien cette chose !..Ça trouble , et ça m'inspire...

 
 
 
posté le 06-11-2010 à 21:43:04

Sissi en Mimi Pinson.

Si le romantisme a inventé la femme fatale, Mimi Pinson entretient, au niveau des humbles, dans le droit, cycle de la littérature populaire, le mythe de l'amour badin. Il se cadre dans un environnement de convention, inventé par la misère, la croissance urbaine et le prolétariat. Une fenêtre sous les toits, des pots de fleurs, une cage et son oiseau. Une image-type perpétue une certaine idée du bonheur simple et tranquille. La romance s'accorde aux chants de la rue, aux promenades à la campagne, à un mobilier chétif et des repas de fantaisie. Pourtant, comme dans les contes de fées, dont Mimi Pinson est une sorte d'enfant du trottoir, l'attente du prince charmant est une finalité d'une vie humble mais nécessairement provisoire. Elle n'est admise que tout ce éclairage du temporel, du furtif. Elle n'admet pas le vieillissement. Une Mimi Pinson qui n'a pas rencontré son prince charmant est une future clocharde.
La frontière est fragile entre le bonheur d'un instant, délicieux, et ce gouffre qui menace.
Par une bizarrerie des caractères, et les fragilités de la nature féminine, l'esprit de la romance peut sauter au dessus des barrières sociales et atteindre, de plein fouet les individus apparemment les moins destinés à en vivre les affres et les plaisirs.
Il y a du Mimi Pinson chez Sissi, pourtant impératrice et entourée de soins, d'attentions, et préservée de toute atteinte de la misère. Parce qu'elle romantise sa vie, vivant mal sa vie d'impératrice. Telle les personnages des Contes de fées, elle serait presque disposée à troquer sa couronne contre une soupente partagée avec l'homme de son coeur.
La situation particulière que le hasard lui a façonné la conduit à moins chercher l'amour à travers autrui qu'à travers un égoïste culte de soi-même.
Le flamboiement de sa fonction (nécessaire à sa pratique) se retourne contre elle, et elle se disperses en futilités, babioles précieuses, errances et cancans, batifolages et coquetterie (n'est-ce pas aussi le cas de la reine Marie Antoinette ?)
Un état largement partagé par une classe de femmes saisies (enfermées) dans un état social et un destin qui leur interdit une liberté chèrement payée par ceux qui en connaissent la jouissance mais pâtissent, dans le même temps, des épreuves de la vie matérielle. Comme si la romance était interdite à ceux qui n'en peuvent payer le prix. Parce que c'est un jeu couteux.
Toute romance déboucherait sur un échec ?


 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 06-11-2010 à 22:27:35  (site)

Ah zut, finirai-je par me plaindre auprès d'over-bug ?.. Je ne reçois plus qu'une fois sur trois vos parutions...
Beau portrait en un superbe médaillon.
Je le crois (pour l'avoir vécu, en masculin), le propre d'une "romance" est la finition par un échec, comme d'évoquer la fulgurance des coups de foudre, ou des historiettes d'été... Je songe aussi à la Grande Catherine, et son Cabinet d' éros derrière une cloison bien gardée, je crois me souvenir, la rangeriez-vous aussi en " Sissi" ?..
Soir trébouliste dans le vent frais, fenêtre entrebâillée sur la nuit d'ébène, rien d'étoilé, cette fois... Pas même une apparition de la Bergère céleste !

 
 
 
posté le 05-11-2010 à 20:38:30

La gloire posthume de Gaston Chaissac

Pourquoi toujours revenir à lui. Il est un exemple. Un modèle ?
Ou bien la pratique de l'art est une manière de s'inscrire dans la société avec un label qui "porte bien" et souvent donne des droits et des prestiges, encore faut-il les mériter.
Ou bien la pratique de l'art (sous quelque forme que ce soit), et une manière de vivre, de lui donner un sens, une orientation. Alors on fait son petit chemin sans trop songer à la promotion de ce que l'on produit.
Il peut y avoir une forme d'orgueil a agir ainsi. Une volonté de s'afficher sans  chercher la gloire. Ou bien on se contente de celle qui émane du cercle étroit de ses intimes (familles, voisins, riverains). Tout être qui veut vivre ne peut s'exclure de la reconnaissance de son existence, et naturellement des formes qu'elle prend.
Chaissac est un parfait exemple de cette ténacité à créer dans la plus totale solitude, sans négliger pour autant les petites satisfactions (si puériles) d'une reconnaissance locale. Une exposition visitée par le sous-préfet du coin (un personnage imaginé par Alphonse Daudet, souvenez vous du délicieux sous préfet aux champs des Lettres de mon moulin !) de quelque notabilité locale (elle se situe entre la médecine, le droit et la cure), et vous voilà reconnu. Moins sans doute que la gamine écervelée qui aura gagné à un jeu télévisé ou se sera risquée à chanter (mais du temps de Chaissac, cette folie n'existait pas encore). Il n'importe, dans sa solitude, l'artiste s'accroche à des babioles aussi dérisoires sans pour autant prétendre à une reconnaissance "nationale" (et que dire de celles qui atteignent la dimension de l'international !). Il aura raison Chaissac, dans sa solitude villageoise. Le temps a fait son travail. Il est aujourd'hui une sorte de gloire  de l'art moderne ( et d'une cote appréciable). Ce sont les héritiers qui en profitent, en gèrent

le cheminement. Et pourquoi pas ?
 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 06-11-2010 à 12:41:36

Je vous tends mon bras nu à cette piqûre de rappel qui me vaccine contre la "gloire" des "écervelés", d'autant que Chaissac fut des miens choisis pour "modèle" de vie artistique, il le devient davantage encore... Ma solitude lui ressemble... Bien à vous par le crachin breton, en bras de chemise dans mon "laboratoire central"... Quelques dessins, ce jour, quelques poèmes encore, j'ai délaissé le roman - y viendrai-je un de ces jours ?..

 
 
 
posté le 05-11-2010 à 09:47:57

Femme au café.

Dans le prodigieux catalogue féminin dont Degas fait un large usage, les repasseuses ouvrent au regard un monde jusqu'alors peu exploré. La femme du XIX° siècle y est dans sa condition pitoyable, présentée non plus comme un objet de désir, mais une féminité brisée, soumise aux terribles lois de l'économie, du progrès qui l'a abandonnée aux basses besognes, aux offices, quand ses soeurs jouent les Nana dans les alcôves, dépouillant les hommes pour se venger.
La femme se flambe aux désespérances qui la conduit, doucement, vers la lutte sociale avec, passage obligé, les stations dans l'enfer du quotidien.
Le modèle de "l'Absinthe" de Degas est un personnage identifiable, connue par le peintre, qui a posé pour représenter moins sa propre histoire qu'une situation alors toute nouvelle. Jusqu'alors la femme ne fréquentait pas le café, sinon faisant étalage de sa condition de "fille de joie" dont le nom correspond si mal à sa propre vie.
"L'Absinthe" est une page de la vie moderne. Avec le café comme territoire de toutes les solitudes, des errances, des rendez-vous manqués avec le destin. La femme, avec son regard vague, de noyée, s'est brûlée aux feux de l'alcool.
Elle est une sorte d'image (icône) en réponse aux beuveries solitaires, de son contemporain Verlaine, noyant ses peines d'amour, ses fâcheries avec l'insupportable Rimbaud, dans les cafés du Boul'Mich où il se forge une silhouette de légende sur son propre échec, sa propre déchéance.
L'époque est aussi aux femmes chutant dans la clochardisation. Elles apparaissent  furtivement dans la littérature qui se veut moralisatrice, comme des repoussoirs. Sortes de version urbaine de la sorcière des contes de fées. Inspirant la terreur.
"L'Absinthe" est le seuil de cette quête à rebours, conduisant de la solitude à la mort solitaire. La femme s'est consumée, brûlée en dedans, par la cruauté de la société qui l'a rejetée.

Extrait de "La femme flambée de la Sainte-Vierge à Brigitte Lahaie".

 


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1. Saintsonge  le 05-11-2010 à 12:23:40  (site)

AH !!!! La "fée verte"... Je me suis Whishysé une partie de ma trentaine, Verlaine/Rimbaud dans la mémoire... J' eus ma "fée ocre-auburn" en parallèle de "débauche" dans le fond des Cafés parisien-lillois-douarneniste, jusqu'à cette vie abstème d'aujourd'hui, depuis 1996..
A Bois-Colombes ai connu deux "Nana" en un seul soir, qui m'amenèrent jusqu'à chez elles, pour la nuit blanche ; elles ne lésinèrent pas sur leur "absinthe" non plus !!

 
 
 
posté le 03-11-2010 à 14:36:36

Modèles-muses-Montparnasse.

On donne pour être Fernande Barrey ce modèle qui entre dans des séries de cartes postales galantes fort à la mode au début du XX°siècle, et portant la marque des critères de beauté qui sont encore ceux de la "fin de siècle" avec ses femmes aux formes généreuses. Fernande Barrey, venue à Montparnasse plus attirée par la liberté des moeurs qui y faisaient étalage, que la pratique de la peinture qui était la moteur d'une intense vie sociale, va partager les aventures sentimentales de celles qui sont entrées dans l'histoire de l'art par la porte de l'atelier et parce qu'elles y jouaient avec bonheur le rôle du modèle ( Kiki, la plus célèbre, Youki, qui deviendra madame Desnos et Fernande Barrey).
Le peintre Foujita, venu du Japon, sera le mari de Fernande Barrey avant d'être celui de Youki. Il en fera de nombreux portraits et figurations de nues tout comme Modigliani (on dit que ce fut sa dernière peinture), ainsi que Soutine et Jean Agélou (qui passera de la peinture à la photographie "de charme"), c'est souligner combien la beauté un peu mystérieuse de celle-ci fut appréciée. Elle-même, et sur l'injonction des peintres dont elle était le modèle, s'essaiera à la peinture sans grand succès.


 


Commentaires

 

1. marsupifab  le 03-11-2010 à 14:45:18  (site)

Bonjour, cette Fernande Barrey fait une très belle muse aux formes généreuses, belle carte postale comme on n'en fait plus aujourd'hui! Merci pour cette charmante rétrospective, bonne fin de journée

2. Saintsonge  le 03-11-2010 à 19:17:06

Pourquoi "s'essayer" à la peinture quand on est soi-même une œuvre vivante toute en chair prononcée ?
Je ne sais si vous accédez de nouveau à l'entièreté de mes dessins, mais (à dessein ?) mon ordi ne me prévint plus de vos nouveautés, décidément, l'informatique est plus qu'une "femme nue" , déstabilisante !!!

3. Saintsonge  le 04-11-2010 à 10:02:42

"Tendre partage. Le coeur touché"... , vient de me laisser en commentaire l' inconnue campagnarde parisienne, qui m'appelle comme vous savez ; qu'en pensez-vous ?
(elle s'en va ce midi chez sa belle-fille manger un couscous côté vers Saint-Placide ; ce quartier vous évoque des bienfaits ?)

4. sorel  le 05-11-2010 à 09:51:42  (site)

oui la place Saint Sulpice, le jardin du Luxembourg c'est une grande partie de ma vie (je vivais dans le quartier et mes filles allaient au Guignol du Luxembourg.....)

5. Saintsonge  le 05-11-2010 à 12:14:23  (site)

Ah, vous auriez pu vous rencontrer, ce sont les lieux exacts où elle allait aussi, et, ce jour, invitée dans un restaurant de famille, boulevard Raspail...L'ombre de Proust jusqu'au 9, bvd H.
y traîne encore, probablement.
elle allait aussi au "guignol du Luxembourg", curieux, n'est-il pas ?.. Bien content de vous en avoir éveillé quelques bons souvenir, à travers mon propos sur elle (pour qui, maintenant, je dois aller ramasser quelques coquillages sur la plage..., que je lui enverrai).. Bon... Qu' elle ève-est-Ce ?..

 
 
 
posté le 03-11-2010 à 09:45:14

Vénus de bazar.

D'abord le terrible portrait de l'atroce Jeanne Duval peint par Manet. C'est l'inspiratrice de Baudelaire, sa plaie vive. Des îles elle apportait le parfum capiteux, les mystérieux silences, les voluptés cachées.   Paris l'a blessée, vieillie avant l'âge et elle n'est plus qu'une sorte de poupée lascive, affalée sur un siège dans un désordre de mousselines, visage blafard, rongé. La mort peint sur elle ses stigmates. Elle a le regard vide de ceux qui, déjà, abordent les vertiges intérieurs. Droguée, la chronique renchérie sur les supplices qu'elle inflige au poète par sa veulerie, ses maladies qui n'en finissent pas. Son alcôve n'est plus celle du plaisir, enivrée des parfums de la volupté savante, mais étouffée de médicamentations.
Le court chemin de l'alcôve au lit d'hôpital est une constance de cette "fin de siècle" énervée de fièvres malignes, de pulsions vicieuses, d'évanouissements suspects. On prépare l'itinéraire initiatique de la Dame aux Camélias.
L'amour serait-il infailliblement puni par un Dieu qu'il offense. Comme Eve chassée du Paradis en raison d'une trop vive curiosité, la femme du XIX° siècle est chassée des plaisirs de l'amour par la maladie et la mort.
Si le paradis est dans l'alcôve, l'enfer est à l'hôpital.
Même dans sa fugitive splendeur Jeanne n'a jamais été qu'une Vénus de bazar. Aimée par Baudelaire comme un objet de plaisir, de curiosité. L'attrait des pays lointains, de l'Orient, de l'exotisme (pour tout dire d'un ailleurs) entraîne  ceux qui en on la possibilité, à exhiber comme des colifichets, esclaves soumises aux caresses professionnelles, ces perles rares des îles qui parent les salons de la bizarrerie de leur allure, de leur couleur, de leur odeur même qui a ces profondeurs troublantes que chante Baudelaire.
Gauguin, lors d'un passage à Paris, aura sa Vénus exotique que l'on dirait sortie d'un de ses tableaux (elle y entre en fait), Pierre Louys ornera son salon d'une dulcinée aux silences expressifs, aux sourires ambigus, à la flexibilité suggestive, propre à passer en ombres canailles dans ses livres du second rayon.

 


 
 
posté le 02-11-2010 à 09:28:13

Entrée de Nadja.

Entrée de Nadja.

On l'attendait, elle était aux portes de ce territoire qui se construit sur l'intensité du désir et l'incarnation d'un être dans son destin, face à la mort annoncée.
Nadja, créature de hasard, portée au sommet de la légende, et si étroitement liée au paysage de la rue parisienne qu'elle a en conservé toute une poétique où se retrouvent les initiés, comme les servants d'un culte hors du commun.
André Breton en a fait une figure emblématique en qui se résume l'intensité de l'amour (fou), autant que son désespérant naufrage. Elle est l'errante (une âme égarée à l'en croire) sans attaches, sans projet, au fil de son destin comme si, celui-ci, était une rivière qui entraîne ses victimes comme des noyés en sursis.
C'est le regard de Nadja, fait d'innocence et de pénétration, qui conduit Breton dans un Paris qu'elle transforme (mais l'amour transforme toujours les lieux qu'il s'est choisi). L'amour est géographique parce qu'il trace son chemin sur cette carte du Tendre qu'est la ville dont il est le théâtre. Nadja, est la soeur du Piéton de Paris, sinon que, basculant peu à peu dans cette zone qu'on ne parvient pas à défricher totalement, sinon en s'y perdant, comme en forêt vierge, elle mène à  la folie.
Elle va rejoindre, dans cet espace d'apesanteur, d'autres âmes trop lourdes pour des corps que menace le quotidien.

La Place Dauphine  (photo jeancouleurs.blogspot.com) est, à en croire André Breton,  "le sexe de Paris", cadre d'une des scènes les plus riches de la magie qui baigne le texte de Nadja.

 


Commentaires

 

1. horizon66  le 02-11-2010 à 09:38:12

Salut, très joli texte bravo, belle journée à toi. Stéphane

2. Saintsonge  le 02-11-2010 à 11:20:36  (site)

Si l' amour est "géographique" , on dirait ici une place de Lille, juste derrière l' église Saint-Maurice, place où j'allais lire (sur un banc pareil)
quand je travaillais au Furet du Nord
(mais où va Mélusine ? elle "a jailli de ses branches sans globe" - Arcane 17, p. 61, je crois)
ici : magie, alchimie, rhétorique des fleurs de feu ou/et des nuits blanches
D'un soleil retrouvé, Trébouliste douceur !

 
 
 
posté le 01-11-2010 à 10:15:53

L'attrait du lieu.

Il est des lieux que l'on dirait destinés à s'offrir à la poésie. A en être l'incarnation.
En choisissant de s'y établir ( et comme à l'époque je l'enviais ! ) Henri Simon Faure avait trouvé à Oppède le vieux  l'espace le plus approprié à fermenter son oeuvre, qui d'ailleurs, va se  concentrer sur le lieu et lui donner une amorce pour la légende, car on va toujours vers les lieux qui nous semblent avoir été à l'origine d'une oeuvre.
Quelle émotion d'avoir ainsi découvert La Roche et ses maigres témoins de l'aventure de Rimbaud.
Adolescent je quêtais les lieux (aujourd'hui encore) croyant (est-ce vain ?) y trouver quelque chose de l'oeuvre qui en surgissait comme un miracle de la pensée, un moment de grâce.
Les lieux ne sont pas innocents. Quelque chose d'une force qui échappe à la plupart va nourrir une oeuvre, lui donner son allure, sa nature, sa pâture. On pourrait en dresser l'inventaire. D'où l'intérêt  du travail de Bernard Vassor et de son blog : autour du père Tanguy.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 01-11-2010 à 10:43:14  (site)

J'irai "visiter" le blog du "père Tanguy"...
Figurez-vous qu'ici je crus voir...une rue de ....Pont-Croix, où je vais quelquefois, non loin de douarnenez, exacte réplique, exacte "sensation" Rimbaldienne pour moi.
OUI, vous avez raison, les "lieux" recèlent déjà les oeuvres d'écrivains , les maximes philosophiques, les sculptures des poètes et la glaise des peintres, qui s'aventurent à l'aveugle, au toucher de Rodin-de-la-Toile !
Grand ciel bleu dessus le "toit tranquille" de la Baie d' Ys.

 
 
 
posté le 31-10-2010 à 11:37:07

L'écriture brûlée.

Louise Labé.
A son actif, trois élégies, vingt-trois sonnets, et un surnom : "La belle cordelière". Est-ce une oeuvre ? C'est un exemple.
Louise Labé fut une jeune fille accomplie, doucement mêlée à la vie ordinaire des gens de son temps, parmi les siens reconnue pour sa grâce et ses talents de société. Ecrire pour se plaindre ? Pour être ?
"O beaux yeux bruns, ô regards détournés,
O chauds soupirs, ô larmes épandues,
O noires nuits vainement attendues.
O jours luisants vainement retournés,
O tristes plaints, ô désirs obstinés,
O temps perdu, ô peine dépendues,
O mille morts en mille rets tendus,
O pire maux contre moi destinés...."
 Pourtant, de trop de grâce épandue elle suscite la jalousie , reçoit en bouquets serments de ses admirateurs et le mépris de son entourage qu'irrite cette force tranquille qui séduit et ravage autour d'elle. Adulée mais trahie :
"O coeur félon, ô rude cruauté  / Tant tu me tiens de façons rigoureuses / Tant j'ai coulé de larmes langoureuses / Sentant l'ardeur de mon coeur tourmenté".
Faire parler son coeur n'est-ce- pas se mettre à l'unisson de l'univers. La surprise naissait du simple fait que ce fut une femme bien située dans son monde, qui parlât si fort et si bien des émois profonds qui agitent les âmes les plus fortement engagées  dans l'aventure frissonnante de leur pleine vie. Une vie au large du corps, mais par lui contrainte, et par lui dirigée ; par lui soumise et contre lui révoltée. Il n'en naît qu'un sentiment de douleur, de colère, des aveux déchirants.
L'inconstance n'est pas le prix d'un défi ou d'un refus. Une sorte de fatalité plutôt comme l'incapacité de fonder un foyer, cimenter des relations durables, stables et positives, même dans l'amour.
autre exemple:
Celle qui domine la vie de Middleton Murry et de Katherine Mansfield se coud et se découd dans une alternance de fuites et de replis, d'étreintes désespérées et d'appels discontinus, dans un désordre géographique entre Londres et Bandol, la campagne anglaise et le Paris de Francis Carco, pour finir sous les hêtraies de la forêt de Fontainebleau dans le cadre d'une secte où elle cisèle sa propre mort.
L'oeuvre s'accomplissant  dans la complicité et la reconnaissance d'un minuscule groupe d'amies, dans la va-et-vient de logis de fortune et les pensions de famille, au point de devenir le sujet d'un de ses livres. Une oeuvre atomisée, faite de minuscules choses, comme ramassées dans le désordre de la vie, sauvées d'un grand désastre, existentiel. Quand une oeuvre cohérente a besoin de stabilité, de l'ordre d'un véritable atelier ou d'un "laboratoire". Celle de Katherine Mansfield relève de la pratique du Journal ou de la correspondance. Par bribes, lambeaux qui sont sous sa plume délicate de véritable bijoux, des petites lumières plantées sur l'itinéraire chahuté de la vie, dans cette approche somnambulique vers la mort annoncée. Tout le monde s'accorde à vanter sa grâce, cette légèreté du corps, cette allure de chat. Mais la maladie cachée fait son travail. "Mais dans sa poitrine
demeurait encore ce point brillant, brûlant, d'où partaient ces averses de petites étincelles. C' était presque insupportable. Elle osait à peine respirer de peur de l'attiser, et cependant elle respirait profondément. Elle osait à peine regarder dans le miroir glacé, mais elle y regarda tout de même et il lui rendit l'image d'une femme radieuse, au sourire tremblant, aux grands yeux sombres et qui semblait écouter, attendre que quelque chose arrivât, qu'elle savait devoir arriver. ........infailliblement"
Dans une errance croisée avec celle du magique D.H.Lawrence, et parfois aux horizons immédiats d'une Italie de douces collines et de pampres délicats, Katherine Mansfield s'échoue dans l'ultime espoir de fortifier un corps qui avait la transparence d'une silhouette dans le décor de caravansérail d'un ancien Carmel de madame de Maintenon : c'est le Prieuré à Avon, proche de Fontainebleau. Exposée au grand air pour répondre aux principes curatifs du maître des lieux, un extravagant, oscillant entre le gourou et le charlatan, elle sombre. Brûlée de l'intérieur.

Extrait de "La femme flambée de la Sainte-Vierge à Brigitte Lahaie"

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 31-10-2010 à 12:34:05

Louise Labé. Ah, je souris d'aise. Louise Labé. Voici une poétesse qui fut mienne amie, si je puis dire, au Lycée des Flandres, jeune hazebrouckois que je fus (bêtement placé d'office aux études comptables, quand mes vœux allaient vers le Bac Littéraire , et, tous contrecarrés violemment, violemment de mes crises de nerf rejoindre ses tremblements à elle qui disait :" tout à un coup je ris et je larmoie / et en plaisir maint grief tourment j'endure..." ; j'étais seul avec moi-même, le disant).. Ah , Louise Labé, j'ai noté au crayon de bois sur un de mes exemplaires : "appelée La Belle Cordière", alors, je souris d'aise puisqu'ici vous nous le redites !!!
Tout est pris, repris d'un sens plus vulgaire en nos temps s'il faut murmurer à une oreille complice : "Baise m'encor, rebaise-moi et baise...", n'est-il pas ! Plus de paume entendue dans le jeu d'un baise mains !!! Hélas, maintes fois hélas.....

2. Saintsonge  le 31-10-2010 à 12:39:03  (site)

Vous m'évoquez un problème d'informatique à quoi je vous ai répondu, j'ai de mon côté vos articles récents qui ne m'ont pas été mentionné en réception (comme si la grève d'un postier virtuel râlait pour sa "retraite" aussi, ne passant plus !)... Mais j'ai grand'plaisir à venir seul sans y être averti d'un billet de nouveauté.
Le BON dimanche de TOUS les Saints (sans All Hallow's eve...)

3. Saintsonge  le 31-10-2010 à 16:48:16

Rajout : effet curieux de la synchronicité , au moment où je vous évoque Maupassant dans mon commentaire de ce matin, la dragueuse romantique et promeneuse des quais et jardins parisiens m'appelle maintenant "bel ami", ce qui me sied, j'en suis fort aise...., évid'amant !!

4. Saintsonge  le 01-11-2010 à 08:49:41

Rajout 2 : mais, figurez-vous, qu'elle a pris la résolution de quitter pour trois jours , trois nuits, sa campagne parisienne afin de venir jusqu'à me voir , la joyeuse intrigante qui me surnomme "bel ami !"
- Holà !
Votre avis ?.........

5. sorel  le 01-11-2010 à 10:08:53

Dois-je dire heureux homme dont les mots sont si convaincants qu'ils attirent vers lui les lucioles qui hantent les jardins...

6. Saintsonge  le 01-11-2010 à 10:31:12

Je ne sais mais en tout cas j'ai pris très au sérieux votre "avertissement face aux jeunes filles (en fleurs ?) qui sont allées en Rolls à l'école", l'une venait de me briser le coeur qu'une autre m'arrive (et, déjà j'entends ma mère m'en tenir idoine alarme !), au grand dam de mon charme - du latin charisma - s'en étonner (puisque ne bougeant pas physiquement, tout s'électrisant virtuellement) ; petit garçon , déjà, à l'école, elles venaient me réclamer des pô-aime-moi (alors qu'elles avaient copain au bras, déjà...!)
Benedictus qui venit in nomine Domini Omnia in excelsis / Agnus Dei qui tollis peccata mundi miserere nobis / Agnus Dei qui tollis peccata mundi dona nobis pacem
Pacem (à vous) !

 
 
 
posté le 30-10-2010 à 11:27:54

La tournée des revues de poésie.

C'était une manière de prolonger l'action de promotion que le Soleil dans la tête entreprenait pour faire connaître les revues de poésie qu'il affichait :  aller sur le terrain, à la rencontre de ses animateurs. Avec Jean Igé (un poète injustement méconnu aujourd'hui) on avait entrepris un petit tour de France dont trois étapes me restent en mémoire.
Ce fut celle qui nous fit retrouver André Malartre dans son décor naturel de Domfront (Orne) d'où venait la très active revue IO que Millas-Martin imprima en lui donnant un aspect plus conforme à celui que le lecteur attend d'une publication revendiquant un certain "sérieux". Toute une génération s'y est retrouvée avec ses points forts (Malartre, Marissel, Miguel).
Plus pittoresque (et le personnage aussi) la rencontre d'Henri-Simon Faure dans son repaire d'Oppède le Vieux (photo) des ruelles en pentes, escarpées, des maisons nichées dans une végétation folle, retapées dans des ruines, et des ruines à foison donnant au village son aspect si particulier.
Henri-Simon Faure a été fortement inspiré par ce cadre et il en est sorti quelques poèmes d'une facture originale et forte. Sa compagne Lell Bohem peignant au rythme d'une vie fortement influencée par un cadre aussi prenant, fascinant.
Bernard Dumontet (un poète lyonnais)  s'était joint à nous pour rendre visite à Henri-Simon Faure à l'aspect goguenard d'un personnage de Rabelais et, avec le temps, se drapant dans la dignité d'un patriarche (un sage de la montagne).
A Marseille ce fut la rencontre de Jean Ballard dans un appartement de la vielle ville où se tenaient les assises des Cahiers du Sud. Une rencontre faussée par ce préjugé tenace que des "parisiens" n'étaient pas tout à fait des sujets fréquentables.


 


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1. flocons  le 30-10-2010 à 11:38:42  (site)

je viens te souhaiter une tres bonne journée!

et j'ai feuilleter ton blog!

j'apprecie ce que tu fais!

a bientot je l'espere

 
 
 
posté le 30-10-2010 à 10:56:03

Proust et les catins.

Revenir à Proust. Rencontrer Odette, Albertine, à côté de la duchesse de Guermantes qui incarne la façade mondaine d'une aventure de passion qui se glisse dans l'espace de la mondanité comme un vice dans la conscience vierge d'une âme maîtrisée et fière.
La vie nocturne de Proust n'est pas que celle d'un labeur dont les paperoles sont les témoins, les copeaux d'une rude menuiserie. Mais Proust est plus un fin ébéniste des ressorts de l'âme qu'un vulgaire fabriquant de meubles standards (maints de ses contemporains..) On lui connaît des équipées glauques, mais le salon n'est pas loin de l'établissement de bains. Il y promène la même silhouette épaissie par les pelisses et les onguents qui transforment son visage en une sorte de masque terrible.
Et c'est bien parce que la femme y est grimée en garçon (ou le contraire) que la flamme est plus ravageuse.
On l'imagine assez volontiers papillonnant parmi les muses en satin, frissonnantes et parlant derrière leur éventail, comme l'a imaginé Jean Béraud qui promenait son pinceau galant et narquois, bavard et consciencieux chez les duchesses qui exhibaient des pianistes aux poumons menacés, et jouaient avec des grâces infinies, des sonates inachevées. On est dans une société si perfidement construite et si fatiguée qu'on y est talentueux à la mesure de l'épuisement que l'on trahi, que l'on porte en bandoulière.
La raideur du maintien mondain (renforcé chez les hommes par le smoking), les silhouettes gainées de soie, altières et fières fleurs de vanité, entrent dans le jeu, camouflant les débordements d'un imaginaire qui se retient, se craint et se censure.
Alors que le moyen-âge accomplit ses débordements jusqu'à la folie, que le XVIII° siècle l'affine par l'intelligence, le XIX° se glisse dans des vertiges sur la pointe des pieds, le plus élégamment chaussés. On laissera au XVII° le luxe de se donner du panache et de projeter au sommet du royaume une fille née en prison, épouse d'un poète boiteux et malformé, qui par l'intrigue et la flatterie se glissera dans la couche de son roi. C'est bien l'image d'une époque où tout est possible par le biais de l'intelligence, la maîtrise du verbe et l'application scrupuleuse des rites qui conduisent le monde pour l'élever à cette grandeur que l'on enviait aux dieux de l'Olympe. Versailles n'est-il pas l'Olympe des flatteurs, dont Saint Simon est l'Homère.
La "fin de siècle" en est l'écho. Coincé entre pudibonderie et stupre. Quand les filles "nées dans le caniveau" font leur fortune dans les couches des ducs constellés d'armoiries flamboyantes et de financiers lourds et cupides. L'argent règne quand le roi n'est plus là, mais l'esprit des courtisans est le même et le pouvoir de la femme électrise une société étouffée de conventions.

 


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1. Saintsonge  le 30-10-2010 à 11:45:26

Depuis la "guerre du feu" , je pense que que l' intelligence humaine est en butte avec la culture d'une époque qui lui permet ou "interdit" (il est interdit d'interdire hurlèrent les soixanthuitards qui crurent faire une liberté sexuelle qui ne se voit meme pas encore (je ne classe pas la pornocratie/graphie dans du sexuel), tout l'entregent perdu dans un entrejambes osé dont l'alliance des deux chairs trouble encore les moeurs et les cervelles grises, bloquent les élans naturels (hors reproduction basique du "missionnaire") et les allants inventifs : le sexuel offert des catins me l'a prouvé quand une fois, à Lille, une fut bien embêtée de me dire : excusez-moi, comment fait-on, vous êtes mon premier (client), je fais ça uniquement pour élever ma fille (nous étions en 80 !) LA CHAIR n'emballe pas facilement LES SUJETS de chair... La chair de l'écriture vaut mieux à Proust (et aux écrivains) qu'une chaire de professeur de Littérature libertine (des troubadours à SADE, et au-delà, jusqu'à nous...) Votre article m'a ....néanmoins emballé !

 
 
 
posté le 29-10-2010 à 14:14:28

Le Bal des Ardents, le jeu du plaisir et de la mort.

Paradoxalement, la finalité du nu passe par sa vêture, son ornement (d'où l'attrait du strip-tease). Une femme à sa toilette (la Nana de Manet) se prépare aux jeux de l'amour, à ses rites, lui ouvrant l'horizon de ses plus profonds désirs. Abandonnant la banalité du quotidien pour s'embraser en des moments qui sont cependant inscrits sur une carte dont elle ignore parfois tous les itinéraires et dont elle déchiffrera les paysages variés, dont elle gouttera les fantaisies et où elle s'effondrera dans le culte du plaisir.
De fait, tout est programmé. Le lieu choisi en fonction de sa vocation, les partenaires inscrits dans un registre déjà connu, le plaisir  est dans l'art de grappiller les gestes qui l'accompagne comme on fait ses gammes dans une société réglée en toutes ses manifestations, codifiée jusque dans ses rêves, eux aussi inscrits dans le cycle des conventions qui régissent jusqu'au cérémonial de la fête.
Le moment même est rituel. Dans la banalisation du plaisir démocratisé et dans une société qui l'a inscrit dans ses légitimes acquis, c'est la fin de la semaine, en des soirées longuement préparées. Mais suit, comme le remords après la faute, l'écoeurement,  à l'heure tardive quand la nuit a déjà mangé ses promesses et s'est épaissie aux premiers miasmes dont elle se nourrie. Une nuit de plomb comme il est des heures du  jour qui nous suspendent à notre conscience et nous gèlent soudain sur la plus terrible question qui, à cet instant, traverse notre pauvre cervelle affolée de tant de béances.
Hors de nos vies rivées à ses aspects pratiques, millimétrés, les gouffres s'ouvrent autour de nous, et chacun, comme il le peut, y négocie ses vertiges. La recherche du plaisir et la plus largement partagée.
Pour cette cérémonie des approches, des confusions et des abandons, la vêture est nécessaire qui a ses codes et ses traditions.
Harnachée, la femme est l'objet des regards plus que nue où elle est déjà sur le chemin de sa solitude retrouvée au delà du flamboiement de ses étreintes.
Tel le prêtre s'habille pour célébrer sa messe, la femme s'apprête pour entrer dans le rite dont elle est l'objet autant que la victime. Toute une gamme de figures, au choix, avec des redites, des récurrences, des caricatures de ce que déverse la promesse du plaisir dans l'esprit du spectateur.
Vêtures. Et d'opulentes, et d'agressives, et de soie et de cuir, et drapées et entrouvertes, et effrangées, et glaciales comme une armure.
Notera-t-on que l'importance du vêtement, son sens symbolique, n'est jamais plus grand que dans l'esprit festif. C'est celui du dédoublement, dans l'esprit du carnaval. On se vêt de fantaisie quand on se défait des contraintes, d'une pudeur contraignante, sociale.
L'attrait du  nu conduit à l'exploration de son inconscient, celui de la vêture à celle, de la communication, au jeu des échanges sociaux. Se dénuder est un geste égoïste qui nous renvoie à nous même ; se déguiser (se choisir une silhouette) nous projette vers autrui. On se moule dans un personnage de notre choix, relevant d'un rêve fortifié par le costume, ses étrangetés. Mais qui ne dure que le temps d'une fiction (d'une fête). On s'y brûle aux séductions d'un rêve qui s'y incarne. Comme le firent ces seigneurs aussi légers qu'inconscients, qui se vêtirent de poils, de plumes retenues par une colle pour une danse qui fut celle de leur mort. Le Bal des Ardents est bien au coeur d'une imagerie aussi riche que désordonnée. Le corps brûle dans les atours de ses rêves.
Le bal masqué est l'espace privilégié de la rencontre provoquée par la surprise. Derrière le masque, l'attente. Réduit à cet objet que l'on tient devant la visage comme pour le doubler ("je suis un autre"). Masque, cet éventail qui colle à la peau. Seul le regard est vrai quand tout ce qui l'entoure relève du grimage.
Il y a lieu de s'interroger sur la propension à glisser vers le monde animal. Plumes, couleurs chatoyantes, matières frissonnantes, toute femme masquée se fait oiseau.


 


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1. Saintsonge  le 29-10-2010 à 16:59:10

Mon "plaisir" d'internaute est "mort", ce jour, jusqu'à résurrection de mon PC... Il a tout bugué, à 15 H (plus de téléphone ni connexion internet).... L'ardent "masque" de l'écran s'est noirci.

- J'entrai en "communication- mail" en plus avec une "nouvelle" femme-oiseau de la campagne parisienne (qui allait en Rolls à l'école, dans sa jeunesse , façon Doisneau comme univers particulier ; le père d'une de ses copines tenait le " Mogador"... elles furetaient ainsi dans les combles, m'a-t-elle révélé, qui habitait rue du Bac, près de chez Gary / Ajar, et, plus tard, non loin de chez .".les" Gainsbourg / Birkin !!!)
PS/ Ici, quelqu'un me certifia que Picasso est venu habité non loin de chez moi, à Tréboul, le temps d'orner maison achetée et honorer amantes, vous confirmez ou pas ce dire de grand'mère bretonne ?...

2. Saintsonge  le 29-10-2010 à 19:28:54  (site)

19 H 27 ; résurrection informatique , j' ai fait "reset" (remise à zéro, avec..... un trombone !!) Le trombone est un Sauveur !!!
que je touche du bois, dit-on...., pour sa sauvegarde...

3. sorel  le 30-10-2010 à 10:37:24

Pour Picasso, j'ignore. Méfiez vous des petites filles qui vont à l'école en Rolls. Heureux pour vous que l'écran retrouve sa clarté. Bonne journée.

4. Saintsonge  le 30-10-2010 à 11:35:57

Pour Picasso, je reste encore dubitatif.
Merci du conseil pour "la petite fille" devenue dame-qui-me-drague, oui...
Sous Proust, la diligence ; la Rolls fait ainsi moins la diligence de la fille / femme devenue, oui encore (j'ai trop le coeur qui s'emballe vite !)
Un simple trombone peut ainsi relancer la vie d'un ordinateur, très curieux !.. Le dépliant jusqu'à l'érection de l'objet fin, métallique, j'en ai eu l'idée bien phallique quand je vis ce petit trou sous le mot "reset" de ma boite réceptive... L'essai fut, à ma grande surprise, très concluant !... Comme quoi la sexualité se niche partout (rire)...!
Bien en ciel bleu du jour (un bleu-du-ciel tout en Bataille !)

 
 
 
posté le 28-10-2010 à 15:37:03

L'Immaculée Conception en figure d'icône

Peut-être en manière de souvenir.

L'ombre s'y étend, avec des odeurs entêtantes d'encens. La chapelle de l'établissement est un espace totalement clos sur la piété qu'il est censé inspirer. Privé, réservé aux seuls pensionnaires, et inséré dans l'architecture quasi militaire qui régit la vie quotidienne. Au même titre que les salles de classe, quoique plus monumental, et vaguement décoré (mauvais goût) mais participant étroitement à la vie de ceux qui apprennent ici, avec une égale ardeur, la géographie du monde, les lois de la science et des mathématiques, les plaisirs savants du grec et du latin, et la grandeur de Dieu qui domine tout ce savoir.
Pourtant, à un Dieu un peu dépouillé de toute figuration (sinon quelque vague barbu) on y préfère la femme qui incarne la précieuse virginité dont on fait l'axe d'une vie, d'une mission, d'un exemple.
La Vierge au visage multiplié, aux attitudes douces et maternelles, reconduites d'oeuvre en oeuvre, dont est pleine l'histoire de la peinture et qui compose, dans l'esprit des jeunes esprits appelés à la rejoindre dans la prière, une sorte d'étrange musée aussi fortement féminisé que désexualisé. Même la femme peut-être une abstraction.
Alors que les livres d'Histoire ancienne sont pleins de fornicateurs, entraînés dans de sombres drames domestiques qui se transforment en mythes, l'Histoire religieuse telle qu'elle est décrite, est largement dominée par l'unique figure d'une femme qui a enfanté sans fauter, et berce son enfant avec des grâces infinies qui ne disent pas la peine qu'entraînent les premiers pas d'un bébé.
La découverte de l'Immaculée Conception prenait d'autant plus de relief qu'elle avait pour cadre cette sombre chapelle où le claquement des sièges à bascule résonnait sous une ample voûte étoilée et que la grandeur avait simplifiée.
Elle est une image froide dans un lieu austère et dépouillé, car nul n'y doit rêver. Tendu par la prière, à la recherche d'une grâce qui ne tient qu'à la bienveillance de celle qui, dépourvue de tout relief, de toute vraisemblance humaine, résume la situation éthérée, de félicité intemporelle à laquelle est promis celui qui entreprend de la mériter.
Une Vierge si peu inspiratrice de pensée humaine qu'elle chasse de l'esprit toute ombre au profit de cette transparence lumineuse qui a des allures d'apparition.
Le thème de l'apparition revient fréquemment dans les légendes dispensées par l'Eglise du XIX° siècle. Elle implique la contemplation dans l'extase d'une âme fraîche et naïve. L'enfant est un récipiendaire privilégié.
Mythe moderne, l'Immaculée Conception avait pour cadre un lieu qui lui était contemporain, ne répondant pas aux beautés innocentes et inspirées de l'architecture des temps illuminés des cathédrales.
A de tels monuments ouverts à la lumière il fallait des images somptueuses moins par le luxe qu'elles déploient qu'une intelligence subtile du contenu, des rapports vivants avec le monde de la réalité. Comme la cathédrales participe étroitement à la vie communautaire, au rythme du quotidien de ceux qui la fréquentent, et placent leur ville sous sa protection, la Vierge qu'elle contient (honore) qu'elle célèbre parmi d'autres signes distinctifs de la force de l'Eglise et de ses bienfaits, de ses promesses et de ses rêves, se pare des habits de la mode du moment. Elle est la contemporaine de ses concepteurs, de ses fidèles, de ceux qui la reconnaîtront comme leur bienfaitrice, l'idole sacrée de leur vie intérieure et de prière.
Frileux, dans la froide atmosphère d'une banale chapelle à peine moderne, nous abordions une idée de femme transparente et fade comme une eau bénite, aux gestes dénués de toute complaisance à notre égard tant elle semble irradier sa propre sainteté au seul but de sa gloire.
De tous les aspects donnés à la Vierge, celui de l'Immaculée Conception n'a jamais inspiré une représentation émouvante. De conception tardive, dans le climat d'une Eglise qui se cherche un langage édifiant pour des âmes simples et brisées par la réalité, l'Immaculée Conception est moins femme qu'une imprécise apparition standardisée, sans plus de relief que les pin-up découpées dont les camionneurs aiment à orner la cabine de leur véhicule.
D'un usage semblable quand elle se fige dans des images que l'on glisse dans un Missel comme un marque-page. Aucun peintre de qualité n'aura jamais réussi à donner un sens à un concept défiant toute vision humaine de la religiosité, dénué de toute chaleur, et manquant singulièrement de chair.
Ce ne sont que de fades images où les élans mystiques se cassent la plupart du temps. Simple signet dans un missel, jauni aux angles et froissé au constant contact des doigts encore ensommeillés qui suivent le rythme de la prière avec encore le poids des rêves de la nuit. (Parfois si éloignés de ces simagrées de piété).
Lumineuse et voulue telle, cette Vierge figée en "enluminure atroce" brade la ferveur au nom des habitudes.
Prière matinale, regards absents. L'image est pourtant inscrire en ceux qui la pratiquèrent.
C'est bien le ressort des images muées en icônes qu'elles ne sont plus que cet éveilleur d'une image intériorisée qui s'active en nous.
Il faudra s'en souvenir relativement à la pornographie

Extrait de "La femme flambée de la Saint Vierge à Brigitte Lahaie".

 


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1. Saintsonge  le 28-10-2010 à 18:58:44  (site)

Anatole France l ' ancra dans sa "pierre Blanche" : " Sainte Mère de Dieu, vous m'avez connu sans péchés, accordez-moi la grâce de pécher sans concevoir", ce qui répond aussi, vous absolvant de "votre Degas au bordel", avec minutie et juste équilibre des forces contraires qui nous font chuter ; Le Maître de l' Annonciation d'Aix, école de Provence, vers 1445 (église de Sainte Madeleine) est-il mentionné dans cet ouvrage dont vous relevâtes certaines "peaux" déjà ?.. L'Annonciation de Champaigne (école Franco-Flamande) est très pure autant que somptueuse (Londres, collection Wallace).. Là, vous me surprenez fort agréablement... A en verser une larme tel en un Dirck BOUTS... Quelle Mère nous soutient-elle au mieux, en prière : Mater Amabilis, Mater Dolorosa, Regina Coeli ou la simple Ave Maria ?...

2. sorel  le 29-10-2010 à 14:25:06  (site)

Dirck Bouts dites vous. Il le semble que vous pouvez le rencontrer sur ce blog, dans de lointaines incursions. Je ne sais plus moi-même où. mais en clinquant sur Album on doit pouvoir le retrouver. Il me semble me souvenir que c'est à propos d'une sorte de polar dans le monde de l'art. Ce fut à la mode il y a quelques années et j'aimais bien les lire en prenant les distances qui conviennent.

3. Saintsonge  le 29-10-2010 à 16:46:30

J ' irai voir, dans la mesure où ma connexion revient : plus rien , cette fois, c'est la technologie qui a sa part maudite : plus de téléphonie ni d'internet ; suis revenu vous lire en médiathèque de douarnenez....
Oui, Dirck BOUTS (mais polar dans le monde de l'art me semble curieux, je pensais au peintre, n'est-il pas ; à moins qu'un romancier "noir" le cite...)

 
 
 
posté le 28-10-2010 à 14:21:24

Olivier Debré, la dimension du ciel.

Les dessins, dans son atelier, jonchaient le sol et il n'y prenait guère de précaution à mon grand scandale. C'est qu'il dessinait comme on écrit. A grands traits, à la manière orientale, d'un pinceau lourdement chargé d'une belle encre noire qui faisait sur la surface du papier d'étranges différences de matité comme si la pression avait varié, selon l'humeur du scripteur.
D'une surface modeste, à la dimension d'une main qui ne sort pas de son champ naturel, il passait à des surfaces démesurées, alors là il usait de balais. De simples balais dont on se sert pour l'usage domestique. Allons plus loin, il s'emparait de très vastes surfaces qui faisaient échos à l'immensité du paysage qu'il affectionnait particulièrement et qui lui était familier : celui de la Loire.
Lente et paresseuse, parfois emportée dans ses colères, d'humeur variable la Loire est le cours d'une eau rêveuse qui emporte en son sillage les caprices du ciel. Que de poètes l'ont dit et que Debré savait le traduire.
Il parlait  de "signe". Pour lui l'homme, sa silhouette, c'était un simple signe sur le papier, retrouvant, là, la magie de l'écriture chinoise. Quelques traits agencés, et voilà une présence qui nous interpelle. Peut-être est-ce nous en un miroir.
Il y avait chez Olivier Debré ce jeu de va et vient entre soi et ce que l'on regarde. D'où ces flexions tendres pour dire un corps, le lever de l'inertie de la matière (l'encre !). Pas si loin de l'écriture, et s'il fallait illustrer cette idée que l'image est née de la calligraphie (regardons les miniatures) Olivier Debré nous comble.

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1. Saintsonge  le 28-10-2010 à 19:00:40  (site)

J'en ai vu une expo sur Pont-Aven...
Chez lui, il marchait sur ses toiles, c'est cela ?.. Si oui, pour lui, il semblait alors marcher "au ciel", déjà...

2. sorel  le 29-10-2010 à 14:17:51  (site)

Belle image. Il aurait aimé...

3. Saintsonge  le 29-10-2010 à 17:01:37

Parfois, il me semble etre bien inspiré, merci... Ou alors le fil de l'ange me tient compagnie heureuse, aussi, dirons-nous, pour ôter du Narcisse quelques heureux pétales...

 
 
 
posté le 27-10-2010 à 15:46:19

Degas au bordel.

Passant de la salle de spectacle au bordel, du Moulin Rouge à l'établissement de la rue des Moulins, Toulouse-Lautrec lève le masque. Le même visage, ici tiré par la vivacité de la musique, le chant et le souci de plaire, est, là, avachi par la fatigue, donné sans effort, et sans espoir.
Ces Dames au salon sont un spectacle par leur seule présence, filles perdues, filles données (vendues).  Elles ont mis toute la théâtralité de leurs promesses dans la manière de se dénuder.
Dans le vêtement, en ses détails salaces, provocateurs, le corps se redessine derrière cette découpe vestimentaire qui joue pour beaucoup dans son prestige et le plaisir qu'il annonce. Il est, du même coup, paré pour la fête. Dans la nudité il s'abandonne à ses propres faiblesses, à sa vacuité, à ses débordements de solitude, de prostration, de vieillissement prématuré.
 La vision de Toulouse-Lautrec ne va pas vers l'éclat, le panache et la gloriole, mais vers l'affaissement , l'évidence du corps dépouillé de sa flamme intérieure. Un corps sans désir, et disponible. Mais distancié de ce que l'on attend de lui. Ce sera une gestuelle amoureuse mais strictement asservie aux élans du sexe. Les filles exposées sont "les bonnes à tout faire" des dépravations les plus honteuses de leurs clients. Et elles l'affichent avec une lassitude effrontée.
Un lieu de plaisir n'est que celui du spectacle qu'on y donne, mais ses coulisses attirent le regard des voyeurs.
Edgar Degas dont la misogynie n'est un secret pour personne se plaît à saisir le corps de la femme dans ses moments d'intimité, et ceux où elle se livre aux soins du corps. Il donne la version vulgaire, voire acide et dévastatrice pour l'idéologie romantique, du corps dans le temps du bain.
Toutes les Diane de la peinture traditionnelle sont de fraîches jeunes filles qui vont se mirer sur les bords d'une eau claire  et heureuse. Elles ont le corps élastique des sportives. Les femmes à la toilette de Degas (ferme au bidet) s'accroupissent, et les plis de leur corps s'accuse, dessinant des silhouettes monstrueuses. On a évoqué des batraciens au vu de ces femelles réduites au seul poids de leur corps, se frottant, se léchant comme des animaux. C'est le corps en béance et pesant de toute la souffrance qu'il ne peut cacher. Un corps sans masque. L'espace des Mythologies lui est interdit;
La même, au bordel,  n'est plus qu'un corps perdu. Chassé du paradis il ne pouvait en être autrement.
Degas ouvre ainsi le chemin d'une vision douloureusement réaliste qui va déboucher, avec le cinématographe, sur l'espace impitoyable de la pornographie.

Extrait de "La femme flambée de la Sainte-Vierge à Brigitte Lahaie".

 


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1. Saintsonge  le 27-10-2010 à 18:49:41  (site)

Tiens, ce Degas-là se cachait si bien que je ne le reçus pas en "message de réception" ! Il me fait songer aux prostituées de Romain Gary, le temps aussi, d'ailleurs, puisque l'aube du jour promettait d'être belle, qui s'annonça douce, puis la pluie fine régulière de tout le matin eût refait dire à Lady L. :" le parapluie a des manières" ; que sont ici les mistouflettes de ces "perdues" / et "données" ?..., vulvettes, clopinettes légèrement croquées" ?..
L ' humanité est restée pareille, depuis la citation d'Ajar / Gary and Co : "frigide, détraquée" , vous ne trouvez pas ?... Moi si, il nous manque fraternité , Amour, voire Dieu lui-même, au dépassement de nos limites que seul encore l' Art , de première nécessité, peut "sauver"... Du nu, du cul, et de la sagesse aussi...! Pour l'équilibre des forces et des données...!

2. anemone  le 28-10-2010 à 15:03:57  (site)

coucou, j'aime beaucoup les roses , et je souhaite faire partager les beaux massifs pour ceux ou celle qui voudrons faire leurs massifs avec de différent modèle ,bonne après-midi,bisous

 
 
 
posté le 26-10-2010 à 17:30:40

Virginia Woolf en son laboratoire.

En bâtissant l'énorme entreprise éditoriale qu'est son roman "Les Années", au demeurant d'une facture presque classique, encore que le découpage y souligne la glissement sensible du temps Virginia Woolf, entreprend l'histoire de toute une famille (les Pargiter) sur plusieurs génération, de 1880 à 1936. On passe de l'un à l'autre des multiples personnages, l'auteur ayant le don de pénétrer au plus profond de leur conscience, non sans une forme très personnelle d'humour, et faisant passer à travers cette saga toutes les considérations sociologiques dont elle tire une analyse profondément ancrée sur la condition de la femme (encore sous la pesée des préjugés de l'ère victorienne) dont elle se fait un devoir d'y apporter une solution .
Autour de ce roman, le préparant, le complétant, des écrits consignés dans un ouvrage portant le titre donné par l'auteur lui-même : "Le Livre sans nom". A chaque chapitre de la fiction est ajoutée une analyse portant sur la situation évoquée, l'état des personnages et les données sociales qui en sont les causes.
Etonnant analyse, pas à pas, du livre en train de se faire, et véritable laboratoire de son élaboration.  Projetée en un premier temps comme un tout (roman et essai sur le roman) la complexité du procédé viendra à bout de son ambition périlleuse et sans doute irréaliste (Encore qu'il serait tentant de reprendre le principe pour toute nouvelle création romanesque !).

Peut-on voir dans ce vaste roman un écho de la propre vie de Virginia dans sa famille, avec la présence du père Leslie Stephen, personnage haut en couleur, d'érudit porté par les préjugés de son temps, les soeurs et frères de cette famille "recomposée" (chose rare à l'époque) qui va bouleverser la vive sensibilité d'une jeune fille écartelée entre les rigueurs morales imposées par son milieu, et l'étendue de ses rapports avec la vie culturelle qu'on y vivait au quotidien.
En entrouvrant la méthode de travail de Virginia Woolf on donne plus envie encore de se familiariser avec son oeuvre si attachante.

 


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1. Saintsonge  le 27-10-2010 à 05:11:30  (site)

Très jolie photo, surtout à voir, dès 5 heures, à mon lever - en pleine forme, dès l'air est doux, dehors , presque seul au monde du bout du monde ici (j'adore cette forme de santé-là, l'opposé de celle de dimanche, et, je pense, je m'allie à la bipolarité de Virginia, de celle des grands "créateurs" dont Baudelaire, Hugo ; n'y voyait aucune marque d'insolence ou de surmoi déplacé, c'est celle simple et vraie de mon sang, oui, à cette heure, je conçois beaucoup mieux le travail de tout "laboratoire" ("central qui plus est", où les neurones créatrices sont déjà activées, à peine levé ; je pourrais chanter meme, or ma voisine octogénaire y trouverait à redire, me corrigeant tel un enfant, ce à quoi elle aurait bigrement raison....) Nuit noire, mais douceur d'ange, dehors et en moi...

2. Saintsonge  le 27-10-2010 à 05:15:26  (site)

lire : n'y voyez
(et, à la lecture :supprimez le "dès" d'avant l ' air)
- je vous écris au saut du lit, tout de même, sans la première tasse de café noir...
Merci, très bonne journée à vous, et aux vôtres

 
 
 
posté le 26-10-2010 à 16:59:07

Degas et les feux de la rampe.

Les feux de la rampe.

Elle est vêtue de rouge et se détache, comme dans l'ardeur d'un bûcher, sur fond d'une vive lumière qui est celle de la scène sur laquelle elle est plantée en figure de proue. Main tendue vers le public alors qu'elle chante, avec cette gouaille qu'elle exprime dans cette attitude provocante, l'autre main sur la hanche, et parce que l'on sait bien que dans ce genre d'endroit, où tout Paris vient s'encanailler toutes classes confondues, les chansons sont vertes et acides, et les visages blafards.
Sur la scène encore, légèrement en retrait, mais en pleine lumière aussi, d'autres personnages vivement exposés dans un fouillis de couleurs où les visages se confondent avec les éventails qui à demi les camouflent.
La scène, vue de biais, est limitée par deux hautes colonnes entre lesquelles l'extrémité d'une branche d'arbre se balance (mais on est dans un jardin), ainsi que, dans le fond, une guirlande de ces globes lumineux qui font, dans la nuit opaque et lourde, des points scintillants.
On ne voit que des chapeaux, dont ceux des femmes avec leur décoration florale, et un haut de forme, mais c'est celui d'un musicien dans la fosse d'où jaillit  aussi la hanche fièrement dressée d'un violoncelle. C'est d'Edgar Degas : Le Café concert aux Ambassadeurs, 1875.
L'époque est riche en notations arrachées à la vie quotidienne, au raz du trottoir, dans un Paris chaloupé par le plaisir et la goguenardise d'une bourgeoisie qui, quand elle s'encanaille, va au plus vulgaire, au plus crapuleux, comme une revanche sur des moeurs exigeantes, une morale hypocrite, un vernis sclérosant .
Alors que la peinture académique compose laborieusement des visions idylliques d'une Olympe de pacotille, qui empreinte à la photographie d'art ses recettes et parfois ses modèles potelés qu'un simple glissement vers le vulgaire rendrait pornographique, l'art d'audace et aventureux qu'est l'Impressionnisme et ses alentours, fouille la réalité du moment.
Comme on braque un appareil photographique, et bientôt la caméra, le peintre cadre des figures, des scènes, des moments, où la femme donnée en pâture à l'appétit des hommes, est fouettée par le jeu des lumières, la vivacité du trait qui les transpose sur la toile dans une fougue moins amoureuse que lucide, et un souci de vérité qui choque plus que la manière.
Aux chanteuses réalistes de Degas succèdent les danseuses de Franch Cancan telles que Toulouse-Lautrec les voit, dans un climat d'ivresse visuelle qui est aussi l'ivresse de la musique et celle des sens chatouillés par ce papillotement, cette jovialité de surface, cette écume mouvementée et ardente qui camoufle mal la désespérance qui lui est concomitante.

Extrait de "La femme flambée de la Sainte-Vierge à Brigitte Lahaie".


 


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1. Saintsonge  le 27-10-2010 à 05:18:11  (site)

Degas, pour moi, c'est la danse...
Degas, pour moi, c'est la danse...

 
 
 
posté le 26-10-2010 à 16:55:08

Adrian Miatlev l'oublié.

Comment le situer, comment le définir. Il est de ces poètes qui seront essentiels, mais la vie sociale (celle qui distribue les rôles, décide des carrières, des réputations, de l'image que l'on peut donner à la postérité) les aura négligés, peut-être rejetés dans cette  zone étrange où un jour, un curieux, un illuminé les repêchera. Adrian Miatlev, né à Moscou en 1910, mort en 1964 - et à l'époque je ne le savais pas - fut de l'équipe de la revue Esprit en 1947, dans cette période d'effervescence qui va positionner les créateurs, et offrir à certains le tremplin pour gagner l'audience à laquelle ils aspiraient.
En  fut-il de même pour Miatlev ? On découvre dans sa biographie qu'il rejoint l'équipe de la Tour de Feu (animée par la savoureux Pierre Boujut à Jarnac). Il en est le phare. Critique attitré de la "production" poétique de l'époque, et guère tendre à son égard. Il nous prévient " munis d'une large brouette, nous extrayâmes de sa cave (celle de Boujut)  les 600 plaquettes de l'année" et s'en suit une belle fusillade de tout ce qui sortait alors signé par une génération toute neuve, avide de gloire et de reconnaissance. Je ne fus pas épargné et c'était bien.
Je le revois encore au Soleil dans la tête, dans le fameux Fauteuil d'Emmanuel qui était le confessionnal de toute une catégorie d'écrivains qui venaient là, discourir, des après-midi entières, alors que les rares clients feuilletaient les éditions originales des surréalistes ou découvrir la poésie vivante qu'on y fêtait.
Ce n'était pas un tendre, Miatlev. Sa chronique de la Tour de Feu était sans doute le panorama critique le plus étendu, et le plus percutant de la poésie de ces années 50-60 qu'il a analysé avec une attention soutenue, et sans aucune concession.
Son oeuvre propre est mince. Un premier recueil au Seuil an 1945 (Paix séparée), puis des plaquettes à la Tour de Feu (Ce que le cadavre devrait savoir, 1948, Syllabie, 1955, Dieu n'est pas avec ceux qui réussissent,, 1959, Soleil de miel, 1966, et encore s'agit-il là d'un hommage posthume rendu par Pierre Boujut à l'un de ses collaborateurs qui fut un ami).
Sévère avec les autres, il l'était avec lui même si l'on en juge par la minceur de sa production. Pudeur, prudence, lucidité ?
Il pose le problème du poète qui peut l'être (et grandement) sans nécessairement "produire" une oeuvre. Une vie y suffit. Un comportement.  Ce fut sans doute son cas.

 


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1. Saintsonge  le 26-10-2010 à 17:13:42  (site)

Vrai, "les oiseaux de nuit n'appellent pas en vain" !

 
 
 
posté le 26-10-2010 à 11:03:36

L'imprimerie de Virginia Woolf.

L'aventure de la Hogarth Press, qui va publier l'essentiel de l'oeuvre de Virginia Woolf (et des textes de Katherine Mansfield) illustre la qualité des rapports que peuvent entretenir des écrivains avec l'imprimerie. Surtout lorsque la création se fait en circuit court (Restif de la Bretonne, lui, compose directement ses textes) et nombreuses aujourd'hui sont les entreprises de ce genre qui s'inscrivent dans une politique éditoriale totalement différente de celle pratiquée par les "grandes" maisons d'édition qui obéissent à des impératifs commerciaux.
Le journal de Virginia Woolf, et maints témoignages de ses amis et  de son entourage, montrent combien la présence de cette imprimerie au coeur de la vie du couple qu'elle formait avec Léonard va interférer  sur leur comportement et cristalliser des relations avec quelques uns de leurs intimes engagés avec eux dans cette passionnante expérience.
Modeste, facilement malléable, la presse par ses dimensions mêmes, devient le prolongement de la machine à écrire, la multiplication du texte à la mesure humaine et dans un rythme qui est artisanal, propice à des initiatives improvisées, à l'utilisation de beaux papiers, à l'ajout d'illustrations elles-mêmes demeurées au stade de la création à l'atelier (gravures). C'est toute une poétique du livre qui en découle.


 


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1. Saintsonge  le 26-10-2010 à 14:37:12  (site)

Il revient à ma mémoire que Balzac avait , lettre après lettre, composé ses premiers ouvrages, aussi... Sans compter les Guntemberg et Diderot des valeureux encyclopédistes !
Sous l'ère Victorienne, les névroses de cette dame d'exception , consultante (visiteuse plutôt) de Freud fuyant le régime Nazi, il lui remit un...Narcisse, pour politesse d'accueil (curieux n'est-il pas ?) ; c'est d'elle que j'appris à "plonger au plus profond de soi"... , elle dont la fin tragique me fait encore frémir, vous l'écrivant... Ce froid et ce gris automnaux m'y font penser... J'ai la mer au bout de ma rue, mais je n'ai pas de cailloux (ni le courage Woolfien de la "tristesse", sûrement !)..., et mes poches sont trouées à la Rimbaud, aussi , du reste !...

 
 
 
posté le 23-10-2010 à 14:48:43

Courbet et les pécheresses.

Sortant la femme de l'atelier où elle se déshabille au nom d'une divinité antique et s'ébat dans des paysages de fiction, Courbet la retrouve telle qu'en elle-même dans la nature. Ordinaire, proche de celui qui la contemple et souvent y reconnaît une voisine, une amie, sa compagne. Peignant des femmes allongées dans l'herbe Courbet peint ses amies, ses maîtresses, il ne tente pas de la grimer au nom de références culturelles dont il ne veut pas.
Ainsi en est-il des Demoiselles des bords de Seine. Deux jeunes femmes abandonnées au plaisir suave de la sieste sont alanguies dans un cadre végétal qui met magnifiquement en valeur leur carnation tendre et sensuelle, le désordre vestimentaire qui traduit la vacuité, ce relâchement du corps quand il se rapproche du plaisir.
Poursuivant cette lente et douce, suave et voluptueuse chute en dedans de ses plus intimes sensations, Courbet pousse plus loin l'intimité charnelle avec Les Deux amies (ou Le Sommeil). Tout y respire le calme, le luxe et la volupté invoquée par Baudelaire. De menus détails renforcent le caractère érotique de la scène comme ce collier de perle épandu dans les draps défaits et les, fastueux cristaux.
Un air d'abandon son équivoque. On est entré par effraction dans l'alcôve des Dames damnées qui évoque "à la pâle clarté des lampes languissantes / sur des profonds coussins tout imprégnés d'odeur / Hippolyte rêvait aux caresses puissantes / qui levaient le rideau de sa jeune candeur ... Elle cherchait dans l'oeil de sa pâle victime / la cantique muet que chante le plaisir / et cette gratitude infinie et sublime / qui sort de la paupière ainsi qu'un long soupir."

 


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1. Saintsonge  le 24-10-2010 à 19:54:23

excusez-moi, je suis triste .... :
Aragon évoque en ma mémoire :
- "L 'allée est solitaire où Colette passait /
Dans le vent retombé toute poussière est cendre/
Une aile va manquer au murmure Français..."

Cela répète aussi " L ' origine du Monde " qui se moque de l ' Art, enfin, vous savez...
excusez, je suis triste, mais j'ai écrit pour demain
- L ' empreinte de la mer.
C'est pour ça, ma tristesse...où "tout respire" plutôt Chopin des plaisirs de Lesbos...

2. Saintsonge  le 24-10-2010 à 19:57:33

...des plaisirs de Lesbos, enfin, vos "pécheresses"...peintes ici, évoquées....
Il n'a pas fait beau en moi, la journée...
Dehors, si, un peu, ensoleillé...

3. sorel  le 26-10-2010 à 11:06:41  (site)

C'est le pouvoir de la poésie de savoir donner à la "tristesse" une couleur qui ne la rend pas banale.

4. Saintsonge  le 26-10-2010 à 14:26:04  (site)

Il est vrai, malgré qu'elle occasionne force douleurs, par les forceps de la Mélancolie, qu'elle s' extraie - comme ça -, d' elle seule, passant par tout le corps qui se demande bien ce qui lui arrive , suite à tous ces abattements qui l'effacent pour son "éveil" !

 
 
 
posté le 23-10-2010 à 10:49:09

Proust et la femme de Salon.

Axe majeur de la réussite dans la vie intellectuelle de la fin du XIX° siècle, le salon est un territoire strictement balisé par des préjugés. On y pénètre que parrainé, on y fleurit que distingué par la maîtresse de maison qui règne tel un militaire sur un champ de bataille (c'en est un). Car l'enjeu est de taille. On y fait et défait les réputations. Proust a admirablement analysé le phénomène, lui qui avait fait ses classes chez Geneviève Strauss (ex femme de Bizet), la comtesse de Chevigny, et "l'incomparable" Greffulhe, fort infatuée de sa personne et avançant dans sa vie mondaine comme une souveraine entrant dans sa ville.
L'esprit n'est que l'écume de l'intelligence et de la culture, un langage codé, nourri de références occultes, de combinaisons de clans, et la sensualité y a deux visages, selon que l'on flatte une duchesse dans le salon et que l'on culbute les servantes à l'office.
A côté de Proust, guindé et subtil, il y a toujours la fougue primitive de Maupassant, un monde de caniveaux et d'offices de notaires.
Le portrait mondain naît en même temps que ce pouvoir du jeu social sur la carrière des hommes qui s'y frottent, y font leurs classes, et des jeunes dindes qui apprennent les bonnes manières et l'art d'enjôler les vieux célibataires. Sargent, Boldini ou La Gandara inventent une femme flexible et plaquée or, à la sensualité si bridée, si contractée que l'on y prépare le terrain où ira fouiller Sigmund Freud. Il faudra passer par Vienne (Autriche) et se laisser conduire dans les ateliers des artistes de la Secession, Klimt et Egon Schiele y annoncent la femme moderne.

Extrait de "La femme flambée de la Sainte Vierge à Brigitte Lahaie".

 


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1. Saintsonge  le 23-10-2010 à 14:49:12

Il n'y a plus guère de "salon", sinon de fantomattiques "tenue de soirée" comme Sollers fait chez son amie comtesse Vénitienne (je lui ai écrit , il ne m'a guère répondu) ; ces réunions ont fait la gloire de Maupassant, entre autres...
La pluie d'automne peint un ciel Verlainien, les bogues chutent en petits cerveaux qui éclatent (mon fils les nomma : les oursins de terre)...

 
 
 
posté le 21-10-2010 à 15:39:10

Soutine vu par Modigliani.

C'est bien le miracle de l'art qu'il façonne à son gré ce qu'il montre. Le peintre se révèle à sa manière de dire le monde, et l'art du portrait le prouve avec une force extraordinaire. Modigliani qui le pratique avec constance, entraîne ses modèles dans son monde, et sa manière même de les imposer en dit bien plus sur lui que sur eux.
Pascin, face à Modigliani, donne un Modigliani, très typé dans sa tranquille épure des lignes qui cerne le corps, font apparaître le visage, et c'est bien un étrange paradoxe que Pascin devienne un Modigliani,  c'est à dire une oeuvre en totale contradiction avec son art propre, tout de véhémence, de matière brutalisée. Qu'aurait été un portrait de Modigliani par Pascin ? Une coulée fiévreuse de couleurs, une levée angoissante de formes où le visage se perd dans sa difficulté d'être, car, sans doute, ce que prouve l'exercice ici, c'est que le peintre se sert de son modèle pour dire sa propre pensée, son état d'âme.
Un portrait de Modigliani, même transcrit dans la peinture (on sait qu'il en dessinait beaucoup, à l'arraché et jouant la synthèse), reste un portrait dessiné, strict quoique nimbé d'une certaine tendresse, peut-être une once de mélancolie.

 


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1. Saintsonge  le 21-10-2010 à 17:03:56  (site)

Je remarque ce détail surprenant qui se voit aussi dans " Le Retour du fils prodigue" de Rembrandt : une main féminine pour une masculine, avalisez-vous ?...
Il reste en nous des choses inouïes, inconscientes, qui se réveillent ainsi par l'art ou par des débordements d'esprit que Rimbaud signifiait en "dérèglement de tous les sens", un violent coup de sang à la Soutine chez tous ceux qui semblent vivre en un corps sexué qu'ils n'ont pas ! Ce trop de "tendresse"-sagesse cache une violence....boudée ! Non ?...

2. sorel  le 23-10-2010 à 10:52:41

je trouve cette remarque particulièrement pertinente. Elle me donne à réfléchir.

3. Saintsonge  le 23-10-2010 à 14:42:03

Sur grand écran depuis la médiathèque de douarnenez, ce détail est encore plus troublant que sur mon PC riquiqui d'où pourtant cela m'avait littéralement "sauté" aux yeux, comme plus superbe aussi votre fond d'écran ; ravi que j'aie pu éveiller votre "interrogation"....

 
 
 
posté le 21-10-2010 à 12:00:26

Gaston Chaissac et le "mail-art"

Tout artiste, en marge de son oeuvre de peintre, est tenté par l'écriture. Elle est le supplément de sa pensée, une échappée vers des domaines que la pratique et les techniques de son art lui interdisent.
Le cas Chaissac est tout à fait singulier en ceci qu'il offre une autre dimension à  son travail de "plasticien" qu'il n'est que par paresse de langage, car telle n'est pas son ambition, l'urgence de "dire" passant avant toute théorie, les fuyant même.
Une plume sergent major vaut bien le pinceau, et le voilà écrivant à foison, quotidiennement, pour dire ses émois (ses angoisses) conter son village, dresser une sorte de géographie pittoresque, un peu à la manière d'un ethnologue opérant au sein d'une peuplade inconnue, avec une malice, une originalité de vue qui en fait le plus singulier des correspondant en terre vendéenne.
On l'imagine, s'asseyant sur les bancs libérés de la classe où son épouse est institutrice, et retrouvant la patience laborieuse du scripteur maladroit (mais n'est-ce pas une feinte !) pour composer ces lettres si chatoyantes et d'esprit si libre qu'il adresse à ses prestigieux correspondants (dont Paulhan) se posant en une sorte de mémoraliste d'une campagne profonde. Entre l'acidité d'un Jouhandeau et la verdeur d'une marquise de Sévigné. Une écriture qui lui ressemble,  fruste, sans aucun respect des usages, inventant sa propre esthétique. Et jusqu'au support qui défiant les conventions semble les provoquer. Il retrouve (dans l'enveloppe) cette fantaisie (et l'annonce) de ceux qui vont inventer le "mail-art", donnant bien de tracas aux facteurs mais tant de plaisir à celui à qui un tel pli est envoyé !

 


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1. Saintsonge  le 21-10-2010 à 13:41:23

Ainsi en fis-je dans mes envois de courriers vers Pierre (Dhainaut ; bien content que vous en ayez souvenir ; y suis souvent allé, quand je gagnais le Nord ; repas ensemble avec Jacqueline, sa fidèle muse et épouse, nous allions sur Furnes goûter quelque glace, ensuite...)
Ici, cela fait penser à Mallarmé : "Les loisirs de la Poste"...genre : "Madame la propriétaire / Du 9 Boulevard Lannes, coin / De verdure ample et solitaire / Dont mon esprit n'est jamais loin..."
Fraîcheur automnale, cette fois , et grisaille, malgré la nuit étoilée !

 
 
 
posté le 20-10-2010 à 09:52:50

Qu'il est loin, dada, monsieur Arp !

Comme bien des artistes de sa génération Jean (Hans) Arp (né à Strasbourg alors que la ville était allemande) va faire ses débuts dans le contexte du mouvement "dada" dont il s'impose bientôt comme l'une des figures majeures. Rien (?) de ses débuts tapageurs va subsister avec le temps, ou sera doucement assimilé à ce qui fait l'essentiel de son génie propre : une certaine manière de résumer le monde (la nature) dans des figures qui ne s'appuient pas sur un descriptif réducteur mais tendent à la synthèse. D'où ce jeu onctueux des formes, cette familiarité avec le développement naturel dans la nature et le corps dans toute l'extase de sa chair.
Il fallait le voir caresser ses oeuvres avec tendresse et sans ostentation (souvenir d'une visite à la galerie Denise René, dont il était l'un des artistes phares avec Vasarely pour la plus jeune génération). Il y avait en lui la tranquillité de l'homme qui a mûri ses pensées, englobé en lui la richesse du visible pour en faire des totems de la réflexion et de l'harmonie souveraine du monde.
Dada était loin ? N'avait-il pas été, cependant, et durablement, une manière de se couper des conventions de l'académisme, pour mieux aborder une langue encore vierge dont il allait jouer avec une aisance sereine et heureuse.

 


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1. Saintsonge  le 20-10-2010 à 10:05:01  (site)

DADA a mis "au tombeau, des oiseaux et des papillons...." dans l' art abstrait constructif quand de nos jours on détruit tout, d'une abusive déconstruction (depuis le 11 Sept fatidique ? )
L' ère du Verseau verse son eau de légendes sucrée(s)
- La Bahnhofstrasse Zurichoise qui abrita le "nouveau" dada du Cabaret Voltaire - qui venait de fermer ses portes (par obligation) en 1917 !
Hier, je vécus mentalement une nuit dadaïste dans un cabaret d'hommes et de trans bizarroïdes !

2. Saintsonge  le 20-10-2010 à 10:07:56  (site)

ah ! ... Ai-je dû appuyer sur une touche qu'il ne fallait pas, voici géante impression "dadaiste" (d'un "joueur de skat" ?)- de ma réponse...

3. Saintsonge  le 20-10-2010 à 13:24:47

Plus surréaliste que dadaïste (il a rencontré chez lui, rue Fontaine, l'éminent A. Breton), mon admirable ami (plus de vingt ans d'amitié) Pierre Dhainaut (cité in Anthologie de la poésie française du XXème, tome **, pages 454 / 456), vient de répondre à mon
dernier courrier : "Le nom que tu cites, de J. J. L...., me ramène aussi en arrière : jadis, il était poète, nous avons débuté dans les années soixante au Mercure de France. Mais je ne vois plus ses poèmes aujourd'hui. Au moins il te lit, et c'est très bien.... De tout cœur, à toi, Pierre..."
(il a préfacé mon premier ouvrage publié grâce au C.N. L "autour, Poésie" - à ce jour, épuisé.
Je vous en fais ainsi clin d'œil, si vous vous souvenez de lui...

4. sorel  le 21-10-2010 à 11:05:29  (site)

Naturellement je connais Dhainaut (un peu de son oeuvre) mais je ne l'ai jamais rencontré. J'ai trouvé sur votre blog le lien avec lui.

 
 
 
posté le 19-10-2010 à 16:49:41

La voix de Marguerite Moreno.

Pourquoi ne pas le dire, dans le fabuleux décor de Christian Bérard ce fut une révélation, dont celle du théâtre dans ce qu'il a de magique en sa vertu de nous plonger dans un climat donné (justement imposé par le décor), d'incisif dans sa façon de clouer dans une histoire un destin et l'esprit d'une époque. Chaillot, terre d'enfance (entre la maison de Clemenceau, les jardins du Trocadéro et ceux du Ranelagh), cela vous fait des souvenirs que la brume du temps ne parvient pas toujours à effacer. Au coeur de cette plongée narcissique, voici "La Folle de Chaillot", promenant la silhouette extravagante de l'étonnante Marguerie Moréno, dans ce décor échevelé portant cette voix qui fut incomparable pour déclamer les vers de ses amis symbolistes et trouvait sa mesure dans la phrase souple et dansante de Jean Giraudoux.

 


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1. Saintsonge  le 19-10-2010 à 17:01:39  (site)

Dites-moi, c'est bien la même qui fut à la fois la si "Douce" d'Autant-Lara que la confidente de Mallarmé ?... Un bien beau petit minois à la voix fluette et posée !!! J' aimais beaucoup regarder tardivement (jusqu'àprès les 1h du matin) les films sur FR3, "cinéma de minuit", c'est là que je la vis ....

2. sorel  le 21-10-2010 à 11:03:44  (site)

oui elle fut la "douce" et bien d'autres encore. Et l'amie de Mallarmé (elle allait rue de Rome avec son amant Marcel Schwob, une autre étoile de ce ciel tourmenté de l'esprit). Bonne journée (froide)

3. Saintsonge  le 21-10-2010 à 14:16:12

D'accord !.... Ah oui, Schwob, Schwob..
"Le Phare de la Loire", en quelque sorte, via "son" Quotidien ;
et, de Moreno, le célèbre "Faisons un rêve" ou moins mémorisé : "Capitaine Fracasse", oui oui.... Je me disais : si ma mère était du même ressort de voix et tonus, j'eusse moins taquiné la muse ! On cherche toujours, enfant, des mères de remplacement (ou des pères) : elle en fut une ! Vinrent d'autres : Audrey Hepburn...Sigourney Weaver....Longtemps
Romy, après (Schneider), remplacée de nos jours par Isabelle Huppert, et d'aucunes Tautou pour la plus jeune (ainsi en ai-je florès, de "mère" de remplacement !)

 
 
 
posté le 19-10-2010 à 16:39:31

Anatole Jakovsky découvre Gaston Chaissac.

C'était dans les années 50, Chaissac n'était pas encore une vedette et les amateurs qui suivaient son travail étaient encore rare. Bien qu'ils fussent dans    les sphères les plus raffinées de la culture, ce qui n'est pas l'un des moindres paradoxes de cette oeuvre fêtée pour son "innocence" (elle est surtout un vagabondage de l'esprit et non dépourvue d'une certaine acidité) et considérée, par sa marginalité même comme une réponse aux nombreuses questions que se posent alors les tenants d'un art qui se cherchait de nouvelles orientations, de  nouveaux maître. Il était l'un d'eux. La reconnaissance de Jean Dubuffet n'était pas  pour rien dans cette reconnaissance et l'attachement que lui portent les écrivains (Jean Paulhan le publiant chez Gallimard).
Le territoire de la "critique" était encore presque vierge à son endroit et voilà que surgit un modeste petit livre publié par Les Presses littéraires de France (une maison d'édition comme il en existe toujours en marge des grandes entreprises, commerciales et qui donnent souvent le meilleur de ce qui s'écrit, se pense). il est signé Anatole Jakovsky, un grand spécialiste, de l'art naïf (bien que Chaissac n'en soit pas un), et surtout de toutes les singularités, qu'elles soient d'ordre artistique (plastique) ou littéraire. Il va même vers les arts souvent réprouvés, qu'ils soient ceux des enfants, des fous, des marginaux de tout poil.
Un texte d'une rare pénétration qui situe bien Chaissac par rapport aux artistes faisant appel aux objets, dont Marcel Duchamp  qui ouvre, lui, la voie de la contestation quand Chaissac ne vise qu'à s'exprimer dans une spontanéité qui fait tout l'attrait de sa démarche."Chaissac enlumine la pierre, la racine, la brique et les détritus de toute sorte, tout comme les moines qui enluminaient le parchemin".
Il y a, en effet, chez lui, un goût de la note forte, la couleur poussée au maximum de sa puissance". Le fameux savoir faire du peintre qui a "fait les écoles", cède la place à "des accents de cette sincérité inimitable, puis cet aspect du jamais vu" qui caractérise son  art.

 


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1. Saintsonge  le 19-10-2010 à 16:43:11  (site)

ah bien voilà un retour appréciable ; pour le même article, l'effet est plus chaleureux, comme dit , hier dans la nuit, donc en ce petit matin...

 
 
 
posté le 19-10-2010 à 10:41:03

De Saint Germain des Près aux Puces.

C'est presque un classique, comme tout ce qui tourne autour des années 50 quand "la bande à Robert Giraud", régnait sur Saint Germain des Près. On y pratiquait la poésie à l'état brut (le lettrisme venait d'apparaître, le surréalisme rechargeait ses batteries), la découverte de l'art brut (Jean Dubuffet était alors le promoteur de manifestations qui leur étaient consacrées,) on jetait un pont vers la porte de Clignancourt où se déroulait le rituel des puces le week-end.
Quand le Soleil dans la tête est créé, en 1952, Saint Germain des Près a beaucoup perdu de son attrait et commence à vivre sur sa légende. Mais des nouveaux détecteurs de talents comme Eric Losfeld travaillent à recueillir l'héritage fabuleux d'une époque d'aussi grande activité culturelle. Il fait ses débuts (modestes) au Soleil dans la tête dont le local exigu qui se voulait plus gros que le boeuf. Cela tenait de la bouquinerie, héritage du prédécesseur, Michel Roethel, qui représentait Jean Jacques Pauvert et gérait la prestigieuse revue Troisième Convoi - Artaud, Fardoulis Lagrange, Georges Bataille- et de la galerie d'avant garde (on y fêtait Unica Zurn, Pierre Albert Birot, René Guy Cadou, les surréalistes).
C'était aussi la "centrale" des nombreuses revues de poésie qui s'était créées alors, de Io à Temps Mêlés, cette dernière plutôt marquée par le goût de l'humour et des curiosités littéraires (de Picabia aux nouveaux poètes belges) et de joyeux lascars comme Noel Arnaud ou François Carradec, le biographe de Raymond Roussel, d'Alphonse Allais et de Lautréamont.
Des Puces à Lautréamont, le chemin est court s'il passe par Saint Germain des Près et ses héros.

 


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1. Jakin  le 19-10-2010 à 14:21:10  (site)

Compliments pour la photo du jour...Mais je viens de rentrer de la capitale et je pense que les puces doivent être gelées.....
Jakin, smiley_id210602

2. Brunhilde  le 19-10-2010 à 14:35:54  (site)

Bonjour

Félicitations pour la photo du jour !

Bonne journée

 
 
 
posté le 17-10-2010 à 11:50:55

Nouvel entracte.

Cette fois ci c'est  le système des photos qui ne fonctionne

pas. Je dois me résigner à abandonner pour le moment ce blog. On peut aller sur soleildanslatete.centerblog.net. Merci
 


Commentaires

 

1. Jakin  le 18-10-2010 à 08:45:44  (site)

Compliments pour la photo du jour.....
Jakin, smiley_id210602

2. 05111948 josy  le 18-10-2010 à 15:53:18  (site)

kikou je m'appelle josy j'arrive sur ce site tu dois mal t'y prendre pour tes photos va voir sur le mien ca passe tout seul !!que ce soit billet photo ou video !!tu va y arriver ne lache pas !!courage !!amities josy

 
 
 
posté le 16-10-2010 à 12:43:12

Bernard Rancillac aux sources.

Il est toujours passionnant de retrouver un peintre à ses origines. Quand il n'a pas encore trouvé sa manière, qu'il tâtonne, se cherche parmi les influences encore visibles et qui annoncent le peintre qu'il sera. Bernard Rancillac, dans les années 50-55, avait son atelier à Bourg la Reine où son père professait au lycée Lakanal, et Jean Grenier suivait attentivement ses débuts.  
Il abordait conjointement peinture et poésie, écrivant lui-même d'assez singuliers poèmes. Dans son entourage immédiat il y avait aussi l'élégiaque, le tendre et délicieux Cheval-Bertand (lui aussi peintre et poète), et une fraternité, une ouverture d'esprit qui les conduisait,  l'un et l'autre à des engagements spontanés, des audaces qui étaient bien le propre d'une génération sur laquelle pesait encore la souvenir de l'Occupation, et qui ouvrait tant de nouvelles voies à la peinture. Ce sera la période la plus féconde en découvertes, engagements et organisation d'une pensée ardente qui se mesurait au passé de l'Histoire et de l'Art sans complexe mais avec la conscience qu'elle ne pouvait être écartée de son propre cheminement. Génération bénie parce qu'elle avait l'enthousiasme des pionniers, et la bonne volonté des humbles, sachant que de s'ouvrir à eux si neuf, l'art était plein de pièges et la fixation de leur style d'un acquit difficile. D'où les errances, les recherches, mais, en compensation des oeuvres uniques, où se reflètent les diverses facettes d'une riche sensibilité.
Ira-t-on cherche la raideur d'un personnage autrement conventionnel, mais si agréablement exotique, dans le souvenir de Gauguin ? Déjà tous les parfums des îles traversent une oeuvre modeste mais si franche et directe qu'elle attire l'adhésion.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 16-10-2010 à 18:22:16  (site)

Par la rue Hallé
Il alla
mi-chauve le teint hâlé
Peindre Meknès ou graver
Boran-sur-Oise par "images éclatées"
(j'aime ses "timbres" et ses "évènements" de Mickey...)

Dîtes-moi, pas doué en informatique vous etes-vous dit, mais je trouve que si, c'est extra vous chante Ferré à travers mon émerveillement devant votre fond de page qui me laisse supposer que vous faites ce que je fais de mon côté : recopier sur un cahier tous mes textes du blog, au cas où Overblog effacerait tout , sans prévenir, ainsi que Dieu fera de "Sa" Création (qui , d'un point de vue artistique, est toujours : construire sur une destruction, à l'infini .... ?

2. Saintsonge  le 16-10-2010 à 19:12:57  (site)

OH ! PS : j'omis de vous dire qu'une bloggeuse , amie inconnue de moi (fidèle "visiteur" ) a fait écho à ROMe de votre article sur moi, donc "vous êtes aussi repéré proche du Vatican où elle habite !!!

3. sorel  le 17-10-2010 à 11:35:46

bonjour, pas loin du Vatican (c'est dimanche). Non je me contente d'avoir deux blogs, au cas où l'un d'eux ferait défaut. D'où soleildanslatete.centerblog?net que vous connaissez.

 
 
 
posté le 16-10-2010 à 12:25:41

Balzac vu par Baj.

Grand admirateur de Jarry, Baj ne pouvait regarder Balzac sans les associer. Non dans le déroulement de l'oeuvre, titanesque chez Balzac et collée à la réalité, mais dans l'apparence physique de l'auteur de la Comédie Humaine qui évoquait celle d'Ubu. La ressemblance s'arrête là. Balzac victime de sa propre puissance au travail (l'abus de café et les nuits d'écriture) n'avait rien du dandy (sinon le goût des colifichets incarnés par sa fameuse canne), et, vêtu de sa robe de bure pour ses nuits laborieuses, il ne cachait rien de sa corpulence qui n'était pas celle de la suffisance mais de la gloutonnerie qui le caractérise tant devant la table du restaurant que le modeste petit bureau que l'on peut toujours voir dans sa maison de Passy.
Ubu incarne le ridicule (et la méchanceté) Balzac fustige le ridicule de ses personnages, et il n'est pas toujours tendre avec eux.
L'un révolutionne l'art d'écrire, non sans sophistication, qui le rend parfois d'accès difficile, l'autre construit une oeuvre avec de vieilles recettes mais en maçonnant avec vigueur un matériau auquel il redonne une vitalité perdue dans l'usage. Il ne craint pas le pire des procédés : retrouver la dynamique du roman feuilleton (il est de l'époque d'Eugène Sue, d'Alexandre Dumas), il construit un monde depuis le décor (la passion pour les objets, l'ameublement, non sans prodigalité et quelques erreurs de goût) jusqu'aux personnages auxquels il donne une si forte identité qu'ils circulent d'un livre à l'autre comme dans leur territoire, conquis.
Jarry c'est une principauté raffinée, pleine de secrets, avec ses codes, ses légendes, ses complicités ;  Balzac c'est un continent. Le regard du géographe remet chacun à sa place.

 


 
 
 

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