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lettres de la campagne

posté le 08-12-2010 à 14:18:22

Les Gisants de Sains Denis.

Une étape de la vie de Valentin.

Une étape à la Basilique Saint Denis semblait nécessaire à Valentin, mieux elle était  indispensable. Aborder la ville (la vie) sans ce temps de réflexion sur la mort, ne pouvait qu'entraîner, à l'en croire, une incapacité à en bien comprendre le sens. Et le mécanisme.
Il n'y  mettait ni complaisance morbide, ni mélancolie appuyée. Portant un regard froid sur l'accumulation des gisants, l'étendue de ce espace consacré à la mort. A la mémoire.
Du gisant, il voyait moins les particularités physiques qui déterminent une personne, (et d'ailleurs totalement ignorées dans l'art de donner, en fait, du défunt, une image conventionnelle) qu'une position qui la rapprochait de ses semblables. Egal devant la mort (manant ou roi) dit la parole sacrée. Celle qui a pour mission de réguler les rapports des hommes entre eux, et de parer de quelques illusions son passage parmi les vivants.
Qu'il faille attendre la mort pour briser les frontières si prégnantes, ne choque pas un esprit nourri de telles promesses d'égalité dans une supposée éternité. Elles sont comme des lumières posées dans une lointaine perspective, donnant à espérer. Galvanisant les coeurs.
Saint Denis ne pouvait qu'être une étape. C'est aussi une épreuve. Telle celles qui, dans les légendes antiques, scandent le cheminement du postulant conduit par une force intérieure vers un but annoncé. Promis comme une récompense à sa ténacité.
Une autre épreuve, et non des moindres, fut de gagner le centre de la ville par les transports en commun (le métropolitain). D'être plongé dans ces miasmes humains, somnambuliques, dans le glissement bruyant des rames, lui donnait la mesure que ce que lui promettait l'idée de vie, et il se prenait à regretter le silence de la basilique, écrin des gisants dont le marbre poli par les siècles

inspirait un sérénité qu'il allait perdre peu à peu.
 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 08-12-2010 à 21:53:09  (site)

Non que nous soyons "gisants", mais il m'est venu l'idée de dédicacer mon livre prochain (celui qui doit paraître en belgique, sur lequel je m'échine à la retranscription informatique) à au moins trois de mes chertés d'âme, et, je vous ai inclus à la dédicace sous la dénomination amicale J.J. L...(votre nom complet) ainsi que fiston et Pierre (Dhainaut), si vous me l'autorisez, comme de juste... Une idée qui me vint, en commandant votre Piranèse...

2. sorel  le 09-12-2010 à 10:24:24

Comment ne pas être touché par une telle intention. J'espère que les voisins de dédicace ne seront pas fâchés de cette cohabitation improvisée. Gisant pour gisant c'est un peu mon état d'aujourd'hui. Que le soleil brille sur la Bretagne.

3. Saintsonge  le 09-12-2010 à 17:25:07  (site)

Le soleil brille très fort sur le Finistère du moins, c'était jour de promenade sous le beau ciel bleu, je suis resté à batailler avec l'informatique pour la pagination de mon manuscrit, et le verbe n'est pas trop fort, ça m'angoisse plus que de l'avoir écrit, Trébouldingue, cette histoire (ma méthode ne convenait pas jusqu'à hier, fichtre ! que c'est agaçant !) Votre accord m'encourage ainsi à persévérer dans la finition... d'autant que vos "voisins" de dédicace n'en seront que plus flattés, mon fils, le premier, qui le sait, Pierre, mon ami (je le connais suffisamment pour le voir sourire d'aise en esprit), n'est pas encore au fait, qui date d'hier... (en fait, d'une bonne semaine, dans l'envie, ne sachant pas si vous allez avaliser ou non ce...toucher d'âme...) Gisant, mais "gisant" comment, grippé ?.. Comme je fus sinusité, jusqu'à aujourd'hui..?.. "cloué" au lit, d'où les articles sur les "cavités" de l' Origine (au titre lu, je pensais y voir le beau vagin...Bien...Il est pierreux...) Onze centimètres de neige bloquent-ils Paris et les alentours , à ce point ?... Le ciel a un goût estival, brusquement comparé au vôtre, donc. Volontiers, je vous en tranche une part solaire.

 
 
 
posté le 07-12-2010 à 10:23:37

Picabia fait le grand écart.

Picabia fait le grand écart.

Quand Picasso passe d'un style à un autre, il poursuit une idée, s'enfonce dans le tumultueux questionnement auquel il soumet la peinture. On en voit les éclats, on en perçoit la souffrance. Il y a de l'agressivité du conquérant. De la verve hautaine et du défi qui en dit long sur l'état de décomposition de la peinture depuis le XX° siècle.
Résister relève, soit d'un courage aveugle, soit d'une volonté de ne pas se jeter dans la mêlée. On peut d'ailleurs apprécier cette indifférence devant la marche des idées et s'en tenir à son propre domaine, souvent intime.
Picabia, contemporain de Picasso, fait, lui, le grand écart entre l'abstraction la plus résolue et la figuration la plus conventionnelle. Mettant une pointe de provocation dans les deux.
Nul doute qu'il est (avec Mondrian, Kandinsky, Robert Delaunay, Malevitch) l'un des "inventeurs" de l'abstraction, l'un de ceux qui ont conduit la peinture au coeur même de ses moyens, de ses limites.
Un esprit frondeur le fait aller du côté de Dada où il se jette à corps perdu, avec une volonté farouche de défier les bonnes manières bourgeoises de penser, de représenter le monde. Un bourgeois, seul, pouvait choisir une options qui reste confortable quand elle n'empêche pas d'éventuels replis. On a vu dans la période figurative des années 40 (alors qu'il peint volontiers des scènes un peu "osées" pour complaire à une clientèle mondaine qu'il fréquentait) un retrait, sinon un reniement de ses audaces du début du siècle. Mais Pierre-André Benoit, l'éditeur qui le redécouvre dans les années 50, pratiquement oublié de tous, insuffle un nouvel élan "abstrait". Il reprend alors sa place de pionnier de l'abstraction, et les scènes légèrement érotiques qu'il se plaisait à composer quelques années avant entrent dans l'Histoire. La sienne et celle de l'art qui étale alors ses confusions, un état de crise dont il ne pouvait que se réjouir.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 07-12-2010 à 23:49:13  (site)

Le Fauve Orphique demande parfois son décodeur...
Toutes ses provocations ne furent-elles celles d'un esprit déconneur ?
N' est pas Dada sans nihilisme destructeur...

(votre billet fut quelque peu surréaliste, passé à la trappe, il apparaît ce soir ; avant j'avais : page inconnue.... Rigolo l'art via Over-bug !)

 
 
 
posté le 06-12-2010 à 16:42:04

Hundertwasser peint couché.

De grandes choses, souvent, partent de rien. Naissent dans l'innocence d'un moment d'oubli. L'art est l'enfant d'une distraction autant que d'un songe. C'est d'un crayon errant que certains conduisent leur rêve jusqu'aux lointains horizons de l'oeuvre accomplie.
Voici Hundertwasser, sur le sol accroupi, humant cette vaste feuille de papier sur laquelle il va étaler la couleur comme le soleil étale les richesses végétales sur le déroulé tranquille des champs offerts à ses célébrations.
Il prend tout son temps. Se délecte de silence. Il s'évase en lui-même comme en une eau profonde. Ce qui lui donne cet air égaré, fuyant, quand il marche. Il est encore sur ses territoires, projeté parmi nous. Le regard peu assuré, on le croit faux, il n'est qu'absent.
Dans ses vieux vêtements de fakir il a des allures de mendiant hindou. Dans la rue, les passants se retournent et commentent méchamment son étrangeté. J'ai fait quelques pas avec lui, boulevard Saint Germain. Il n'est pas facile de dialoguer avec une sorte de fantôme. On le retrouve mieux, apaisé, souriant, dans son dessin qui s'est embelli entre temps. Sa croissance est semblable à celle du végétal qui chemine doucement sur le sol, l'occupe, et y dessine ses rêves intérieurs. Des rêves venus des profondeurs de la terre.
Et si la forme de l'arbre qui fait danser ses ramures au vent le plus léger, et si cette invasion tranquille du lierre n'étaient que des images immergées d'une riche vie dans les profondeurs de la terre. La mise en éclat de ses chaudes croissances souterraines, cachées aux yeux des distraits, et qui ne s'adressent qu'aux pensifs, à ceux qui savent s'arrêter devant un caillou, une motte de terre, un buisson, et s'enfoncer, par la pensée, dans les profondeurs de cette matière d'aspect ingrat. Sa richesse est bien cachée. Ne la découvre que celui qui la mérite.
Hundertwasser est un jardinier de ses songes. Il fait resurgir sur le papier ses errances rêveuses. Posant, ça et là, des touches vives comme des fleurs dans un parterre si bien nommé.
Peu à peu se forme, à l'étonnement de ses propres yeux, mais la main vive à dénouer les surprises du dessin, une complexe construction qui évoque le cheminement de la marelle. Comme elle se fermant sur ses propres audaces, l'offrant, au final, comme un itinéraire sacré.
Du dessin à l'espace il n'y a que le pas d'un autre rêve, celui de donner un horizon de vie à ceux que lassent les rigueurs fonctionnelles des maisons en série, des banalités du quotidien.
Alors, Hundertwasser a conçu des maisons qui ressemblent à ses peintures, en sont la croissance magique ; une manière de développer des niches pour ces oiseaux égarés que sont les pauvres humains délogés de leur quotidien.
Des maisons qui ressemblent à des nids fabuleux, à des palais de chimère pour des regards gloutons, avides de plaisirs rustiques. Entrer dans l'intimité des sols, d'une nature qui a ses chaleurs subites, ses splendeurs cachées, ses surprises pour plaire aux personnages d'Alice qui s'y trouveraient bien, au delà des miroirs vite franchis quand l'ennui gagne. Car les maisons d'Hundertwasser sont si intimes avec le sol qui les accueille qu'elles semblent en prolonger les reliefs, les fantaisies.
Il dessine à demi couché, au seuil du sommeil qui est le domaine de toutes les libertés. Ses maisons lui ressemblent, elles ont cet air singulier des décors de nos livres d'enfant, cul par dessus tête, le jardin sur le toit pour courir à la hauteur du ciel.
Ne peuvent habiter de telles demeures que ceux qui sortent du bois. Du bois de leurs rêves enfin réalisés.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 06-12-2010 à 22:16:36  (site)

Vous le connûtes combien de temps ?
et, d'une ignorance : je le méconnais (honte à moi ?)

2. sorel  le 07-12-2010 à 10:04:48

Pas de honte surtout. Connaître, c'est beaucoup dire. Rencontré, pour des raisons professionnelles, mais, sans passion. C'était un bonhomme assez peu sympathique. A propos des livres dont vous envisagiez l'achat (surtout ne les prenez que s'ils sont "bon marché"), de toutes manière votre curiosité me touche beaucoup. Oui, je pense qu'on peut les trouver par Priceminister (ou quelque chose d'approchant) ou Amazone. Je sais que j'y ai beaucoup de titres. Bonne journée, dans le froid....

3. Saintsonge  le 07-12-2010 à 23:24:43  (site)

Quand on aime, on ne compte pas, dit un proverbe...
J'avais acheté par Princeminister six, sept ACR, déjà..., que j ' ai plaisir à re-consulter (parfois, face à la mer, assis sur un muret, c'était l'été)...Donc, furèterai vers leur site (il me faut ce Piranèse, il me faut cet Hubert Robert ! Que ne me faut-il pas encore, c'est que oui, votre liste est longue - une vie de chat vous honore, à mon avis, greffier qu'est le félin ! -, je m'étais gratté le haut du crâne , d'ailleurs... Bon Noel approche aussi, il me faut un cadeau pour moi (qui m'en ferait, sinon ?) A Quimper, ce jour, pour ceux du fiston, Simon... Voilà, un de servi dans la hotte aux générosités...OK, j'ôte mon trouble honteux. Il n'a pas l'air attirant en photo, je ne suis pas Cocteau, non plus...Ou plutôt Radiguet, vu l'âge ... Ces jeux d'horizons couchés, ils me font néanmoins songé à ...Séraphine Louis (ou de Senlis, elle vous dit ?...) , dans la fougue inspirée, je trouve...hormis les motifs, bien sûr... Dites, je n'avance pas dans l'informatisation de mon manuscrit (la pagination ne leur convient pas), je vais attendre autre éditeur, j'ai bien attendu....30 ans, je peux patienter un chouia de plus... Je ris à l'idée de prendre ce luxe... Qu'en dites-vous ?... Bonne nuit neigeuse, à ce que les infos m'ont transmises (non pas la Poppins, qui a...."disparu"..., mais la radio) !

4. Saintsonge  le 07-12-2010 à 23:38:54  (site)

N'ai trouvé pour l'heure que votre "univers de Constable"... Nip de Piranèse, quid d' Hubert Robert, j'affinerai, j'affinerai...

5. sorel  le 08-12-2010 à 10:34:02

C'est fou cette histoire de pagination. Mais peut-être est-ce en raison des techniques nouvelles, on imprime directement d'après la "prise" informatique .....
Ne vous ruinez pas chez....>>>>Amazone un nom plein de replis imaginaires non ?
Froid partout comme dirait la mère Duras.
A propos de Séraphine de Senlis, pas mal votre remarque il y a du vrai dans le rapprochement. Mais Hundertwasser n'est pas loin de cet art que l'on dit naïf qui est aussi un peu celui des fous (ou des enfants). On s'y perd mais quel délice.

6. Saintsonge  le 08-12-2010 à 15:17:39  (site)

"FOU", est le mot ! Imaginez : vous n'etes pas reconnu "écrivain" pour....incompétence informatique, Trébouldingue, comme je dis, continuant malgré tout mon texte (qu'ils veulent à tout prix sur PDF...! Car c'est effectivement ça : "technologie moderne" ; le support de l'écrivain, ça n'est quasi plus la page blanche mais la froideur de l'écran diabolique (oui , Duras, la double étrange, il fait ainsi "froid" partout, vraiment partout...) Il faut tout leur mâcher le travail ! Méthode....belge ?.. De plus, j'ai voulu téléphoner à l'éditeur quand une de leur groupe m'alerte : faites pas ça, surtout, malheureux, il a horreur d'un dérangement, supposez que tous "ses" auteur(e)s font pareil ?.. Donc, je peaufine à l'aveugle ce livre...qui devrait paraître début 2011....si mon ordi veut bien !!!) Oui, tout de suite songé à Séraphine dont j'aimais la "folie" créatrice... Heureux de ne m'être pas trompé de référentiel... Tous les enfants ne sont pas "fous", c'est leur pays intérieur qui "dérange" les...grands (les hommes sont pourtant restés de grands ados, non ?) qui ne voient que la surface réelle des choses politico-boursico-mondialistes. Moi, j'aime bien les....enfants.

7. Saintsonge  le 08-12-2010 à 15:21:23  (site)

Les "Amazone" sont plus ....attirant(e)s dans leurs choix....et façon de procéder, sous-entendu ou pas, oui, j'irai voir du côté de ces affriolants atours....

8. Saintsonge  le 08-12-2010 à 15:30:22  (site)

N'ai trouvé à l'instant que votre Piranèse (Belle reliure, 1980...) H.R (épuisé ?)

 
 
 
posté le 05-12-2010 à 16:16:06

Georges Fourest.

C'est une petite bibliothèque vitrée, comme celles que l'on trouve dans les bureaux de notaire, ou ceux des petites communes dont la Mairie est dans une école désaffectée. Un objet qui s'est  mis en marge de notre modernité et dont le charme tient à la modestie de son apparence et le caractère un peu mystérieux qu'il a acquit d'être plutôt réservé à la conservation des livres.
J'en ai fait le réceptacle de  ceux qui me sont le plus chers. Il y a là, en vrac, Baudelaire et Nerval, Cadou et Mandiargues, Callet et Vialatte, Forneret et Char, Michaux et Saint-Simon, Unica Zurn et Lautréamont, quelques suréalistes (il y en a partout) et Kafka, Violette Leduc et Jean Genet, Virginia Woolf et James Joyce, et tant d'autres encore qu'il serait fastidieux d'énumérer.
Dans ce déferlement de papier surgit, modeste jusque dans sa taille, mais avec sa traînée de légende comme quelque aérolite fonçant sur notre regard, l'ouvrage qui fit la gloire de Georges Fourest : La Négresse blonde. Aujourd'hui relégué parmi les curiosités littéraires. Quelques mots pour le situer. Né à Limoges en 1864 dans une grande maison bourgeoise où son père exerçait le métier d'apothicaire. Une enfance parmi les cornus qui sont presque celles du diable. Le voici à Toulouse, à la faculté de droit, déjà plus intéressé par le culte de mots (et de l'humour) que par des chicaneries sorties du monde de Molière. Une rencontre décisive, celle de Laurent Tailhade une des figures les plus singulières de cette "fin de siècle". Grâce à lui Fourest va être confirmé dans son "amour des lettres", et il l'introduit dans les cénacles à la mode. Il débute (sous un pseudonyme) dans les revues du Quartier Latin, on voit bientôt sa signature dans la revue l'Ermitage (ce qui est une référence) dans La Plume, et Willy prend en charge sa promotion après une prestation de Fourest dans les sous sols de "La Plume" (boulevard Saint Michel) où il récite la fameuse "Epître falote et testamentaire pour régler l'ordre et la marche de mes funérailles". Tout l'humour de Fourest s'y déployant dans une envolée verbale qui se situe entre les chansons de salle de garde et François Villon.
C'est le départ d'une réputation qui  va aller son chemin alors que l'auteur, loin de cultiver la bohème, se glisse dans la peau d'un honnête bourgeois gérant au mieux ses biens car il prend l'allure et le ton du rentier jusqu'à la caricature de lui-même. N'est-ce pas, dans le même temps, Alphonse Allais minant l'humour de sa verve froide et imperturbable sous l'apparence d'un aimable bourgeois bon vivant et familier de la fée verte (sans tomber dans la crasse de Verlaine et sa pathétique déchéance physique). L'humour est alors entre les mains de personnes présentant tous les signes de la bienséance bourgeoise avec un rien de respectabilité qui camoufle l'angoisse dont sa culture  est le prétexte.
Fourest publie chez Crès (trois éditions) son oeuvre la plus connue, cette Négresse Blonde qui, surgissant de ma  bibliothèque, me ramène à José Corti, son dernier éditeur. L'homme avait, lui aussi, cette apparence tranquille de quiétude (encore qu'il traîne la douleur du deuil de son fils). On le voyait passer, rue de Vaugirard, venant de sa boutique de la rue de Médicis. Voûté par l'âge mais compagnon  fidèle de toutes les folies du surréalisme dont il avait été l'un des premiers éditeurs. En cultivant l'art et le souvenir de Georges Fourest il était logique avec lui-même. C'était l'une des bombes de l'esprit qu'il gardait dans sa poche.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 05-12-2010 à 18:02:32  (site)

Ça me fait penser qu'au Pays de la sardine,
Sa formule usitée pourrait passer pour fine !

"dans leur cercueil en fer-blanc
plein d'huile au puant relent....
marinent décapités
ces petits corps argentés..."

2. sorel  le 06-12-2010 à 16:44:09  (site)

Décidément sous avez tout lu.....

3. Saintsonge  le 06-12-2010 à 22:05:36  (site)

Non, vous savez bien, je vous ai dit : mon savoir est grand, mais mon ignorance, bien plus grande encore, j'aime cependant les lectures que je fis , en synchronicité mémorielle des années plus tard avec vos pages-ci, moi qui me disais à l'époque parisienne (78/81) : ça sert à rien, ce temps à lire, quand je peux courir jupon et plus !.. Vous m'apportez preuve que je fis bien, tout sert un jour, finalement, vraiment ...Ce jour, trente pages réinformatisées (de mon manuscrit accepté), et - ô rage, ô désespoir -, une fausse manipulation fit que j'enregistrais tout mon travail ailleurs que là où il fallait, ah misère !... Tout reprendre, un autre jour, ou, ils l'acceptent dans le dossier que j'ai créé autrement... Fichtre, suis épuisé... Venir chez vous repose, d'autant que le peintre...est couché... Pour la "sardine", regardez, je lisais Perros quand je travaillais au Furet du Nord, bingo : je fus muté , en son pays !... Tout à signification...et votre l'autre-est amont ?...
Nuit noire, rage finie, un restant de sinusite, et une virée nocturne Babel-Ouèbe, sur la "toile", avant la nuit... Bien à vous, d' YS-ci.

 
 
 
posté le 04-12-2010 à 11:18:42

A Rebours contre Zola.

C'est un bien étrange texte que "A rebours", le personnage de des Esseintes créé par J.K.Huysmans est si artificiel qu'il n'a pas de consistance, il n'est que le porte- manteau d'une série de considérations sur les excès du raffinement d'une pensée imaginaire qui lui est attribuée. Là, Huysmans se déchaîne. Dans un style ampoulé (qui a vieilli, mais ne manque pas d'attrait), il développe des propos qui tiennent d'une sociologie un peu superficielle et surtout d'une analyse des sensations qui sortent chacune avec une étonnante force de suggestion.
On est en somme devant un catalogue de sensations inspirées par des objets, des parfums, des livres, une avancée toujours plus périlleuse à l'intérieur d'une sensibilité taillée à vif dans la vacuité d'une vie qui s'inscrit dans le culte de la décadence alors en faveur en cette "fin de siècle" qui sent venir l'orage (le XX° siècle et son cortège d'horreurs).
On a dit que des Esseintes était inspiré par Robert de Montesquiou, tant la culture du raffinement (avec chez ce dernier une ostentation irritante) y est un programme de vie.
Pour marquer toute la distance qui le sépare de Zola qui plonge dans les miasmes d'une société qui n'évite pas le sordide. La Naturalisme a les pieds sales.

 


Commentaires

 

1. Frank-Marie-THOMAS  le 04-12-2010 à 11:33:58  (site)

" Les pieds sales", le naturalisme !
Traduisez-vous la pensée de Huysmans ou est-ce la vôtre ?
Certes il peut y avoir chez Zola un parti pris d'extrême réalisme parfois systématique et un peu lassant.
Mais ses plantes érotiques de la Curée, l'or coulant sur Paris et remontant dans les fontaines de l'Argent, la dernière page hallucinée de Germinal, etc plantent là toutes ces petites réticences et placent Zola au zénith, malgré Huysmans et...Léon Daudet.

2. Saintsong  le 04-12-2010 à 15:08:15  (site)

Bon, eh bien je vois que mon inspiration d'hier a servi, c'est un bienfait sur lequel je n'ai donc pas à revenir ici, puisque je vous ai transmis l'essentiel... , "à rebours", en quelque sorte ;
c'est un temps d'aujourd'hui pas folichon, mais pas "cochon" non plus, aucune neige, vent et courte ondée, pluie passante ainsi qu'une prostituée déliquescente...

3. sorel  le 05-12-2010 à 16:25:51  (site)

Bien vous avez raison, il y a chez Zola des pages admirables et baroques. En fait c'est plutôt du Naturalisme en temps que tel, la manie de s'attarder sur les détails les plus sordides du réel. Zola, par son génie le dépasse. On reparlera du Rêve, une admirable vision qui annonce l'Amant de Lady Chatterlay non ?

4. Frank-Marie-THOMAS  le 06-12-2010 à 12:26:39  (site)

Oui, oui, Le Rêve, bien sûr. Seulement, là, Zola lance un défi à ses détracteurs en prouvant que lui aussi, s'il le décide, peut écrire un roman sulpicien.
Mais la Faute de l'Abbé Mouret ! Voilà un livre "baroque", comme vous dites ! Et le Ventre de Paris ou Le Bonheur des Dames, ces immenses et improbables natures mortes.
C'est vrai : le naturalisme a supuré quelques sanies. Mais relisez quand même Germinie Lacerteux, des Goncourt.

 
 
 
posté le 04-12-2010 à 11:14:50

Les poètes du Passage Pommeraye.

Jacques Demy en a fait le décor d'un de ses films, André Pieyre de Mandiargues à qui rien n'échappe qui ressort du merveilleux, de l'insolite ou du mystérieux, lui a consacré quelques pages ardentes. Le Passage Pommeraye est entré dans la mythologie des lieux d'attraction comme seul le surréalisme a su les sortir de la banalité et du strict usage pratique auquel on les avait condamnés.
Sa fonction même le tire vers une façon insolite de cheminer dans la  ville. Tout passage a une vocation qui dépasse celle que l'urbaniste lui aura attribué.
Il isole plus qu'il conduit. Enferme plus qu'il abrège la marche de celui qui en use comme d'un simple raccourcis. Loin de l'être, il est un piège pour celui qui s'y attardera, saisi par la beauté qu'il dispense (mais l'esthétique du lieu est donnée en plus).
N'y avait-on pas situé (la presse locale en fait mention) l'endroit de quelques enlèvement de "jeunes filles", négligeant qu'elle furent peut-être happées par  leur propre imaginaire dont il enrichit fortement le développement.
Tout passage (la magie des mots qui se rencontrent ! ) à Nantes y conduit, comme le prolongement de cette quête que ne manque pas de faire celui qui s'y rend en songeant à Camille Bryen, jeune télégraphiste jetant dans les canaux (aujourd'hui disparus) les plis dont il avait la charge ; en se souvenant que Jacques Vaché y avait éveillé à de nouvelles visées poétiques le jeune André Breton, à peine médecin, mais déjà militaire, et se préparant à être poète ;  plus proche de nous, alors que la France ployait sous le joug de l'occupant, un jeune libraire du nom de Michel Manoll découvrait un autre jeune, enseignant, et démangé par le charme des mots dont il allait devenir (trop brièvement) le plus inspiré des jardiniers : René Guy Cadou. Tous, sans nul doute, y furent, le temps d'une promenade, le pas soudain plus lourd, plus méditatif sur les marches du légendaire escalier bordé de ses statues.


 


Commentaires

 

1. Saintsong  le 04-12-2010 à 17:51:47  (site)

Vous avez sans aucun doute retenu que j'ai vécu trois mois à Bougenais-les-Couets, entre Nantes et Rezé, qu'avec le beau Tramway j'y allais, en ville, pour ....flâner longtemps en ce Passage réputé... J'avais quasi le nez collé sur la vitrine des bouquinistes... Quelqu'un m'y voyant dût en rire, sûrement.... J'ai dépensé follement en des achats précieux... Je pouvais atteindre les mille francs de l'époque... Fou, non ? NON : amoureux des belles choses...Alors, je soupire d'aise à ce temps-là, vers 1993..je crois, non un peu avant.... AH Le temps, le temps immobile qui passe....Passage autre.
Un petit éditeur Nantais n'a pas répondu à l'envoi d'un manuscrit dèbut 2000... Je songeais y revenir... Peine perdue.
Là, le ciel douarneniste-trébouliste est passé à la tombée du soir violacé...

 
 
 
posté le 03-12-2010 à 15:15:53

Le clan des suicidés.

Le Clans des suicidés.

Ils sont l'un et l'autre aux pointes extrêmes de cette recherche de leur vérité et du refus de la banalité d'une condition in-humaine au regard des flamboiements promis par la poésie et la fréquentation de leurs semblables (en poésie). Le suicide, comme le rêve, c'est le passage du miroir, la chute dans un au-delà qui avait conduit Gérard de Nerval à la folie, qui les conduira à la mort. Une mort voulue, et même programmée dans le cas de Jacques Rigaut.
Il y a le clan des suicidé (comme celui des Siciliens !) qui se recrute volontiers dans la frange de ceux qui refusent les seules satisfactions du quotidien.
Le surréalisme qui est leur famille, les invite à transcender le réel, à refuser la médiocrité.
C'est une ambition périlleuse et sans doute inconfortable. Certains s'en éloigneront et préféreront un prudent retrait, une mise à l'écart (encore que le grand écart proposé par André Breton c'était  justement le refus du réel en sa banalité).
René Crevel aura conduit sa vie sur l'arc en ciel d'une cruelle douleur née de l'enfance, Jacques Rigaut (même milieu ou presque, même revendication du charme comme arme sociale) n'aura vécu que pour préparer sa mort, la programmant comme une finalité, et vivant dans une sorte de compte à rebours qui explique ses foucades, ses prises de position provocantes, une oeuvre ramassée  et tenant plus de l'aphorisme que du déballage autobiographique (quand Crevel puise directement dans sa propre vie).
Un rendez vous d'usage à la croisée d'une oeuvre et d'une amitié (?), une dédicace en dit parfois plus long qu'elle le prétend quand elle abandonne à l'entrée d'un livre des mots qui invitent à s'y plonger.

 


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1. Saintsonge  le 03-12-2010 à 23:00:20  (site)

Très content que mon "rappel à la vie" d' Hubert Robert ait rejoint votre entière satisfaction (je vous ai répondu plus long sur mon blog)...
Ici, je pense plus que le "clan des suicidés" est un concert d'appel à la vie (ratée) de ces volontaires du grand saut de l' Ange (j'ai commis pour ma part mon "suicide" social, quittant la fonction que vous savez au début des années 90, au grand étonnement familial....) il y a donc différentes formes de "suicide" (et de Virgin Suicide), on pense au "suicidé de la société" que fut Vincent pour Artaud, en fait son autoportrait Van Goghien, et, de Baudelaire au Club des Haschichins : semper eadem, ou son destin : les sept vieillards, les petites vieilles et Les aveugles...
Rimbaud a assis la beauté sur ses genoux, et l'a injuriée, n'est-il pas, d'un cri de Cambronne en trucidant La Poésie et son étoile, du même coup d' Abyssinie...

 
 
 
posté le 02-12-2010 à 11:03:39

J.K.Huysmans chez Flaubert.

Comme tous ceux que tente la chasteté J.K.Huysmans trouve les images les plus troublantes pour poser devant notre regard les portraits de femmes qui hantent son imagination. On l'aura vu s'égarer parmi les femmes dévoreuses d'homme de Gustave Moreau, il s'est attardé du côté de Faubert. Le plus contesté, celui de la Tentation de Saint Antoine, et surtout de Salammbo, où il a mis tout le clinquant de ses fantasmes les plus fous.
Et Huysmans de prendre le relais.
"Chez Flaubert c'étaient des tableaux solennels et immenses, des pompes grandioses dans le cadre barbare et splendide desquels gravitaient des créatures palpitantes et délicates, mystérieuses et hautaines, des femmes pourvues, dans la perfection de leur beauté, d'âmes en souffrance, au fond desquelles il discernait d'affreux détraquements, de folles aspirations, désolées qu'elle étaient déjà par la menaçante médiocrité des plaisirs qui pouvaient naître".
Huysmans, par un étonnant tour de passe passe, fait passer le problème de son personnage, des Esseintes, dans la figure de toc empruntée à Flaubert.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 02-12-2010 à 11:56:36  (site)

Faux calme que ce faux doux, n'est-il pas ?
Le colérique rejoint ainsi le "gueuloir", c'est tout à fait logique !...Du poétique "drageoir aux épices" au naturalisme romancé (signé déjà par les Goncourt), il aura toujours ce style retors que vous dites aussi raffiné où j'ai ainsi appris....hum hum...Cézanne (pour vous répondre d'hier, ce jour je signerai l'emprunt Baudelairien : "le génie, c'est l'enfance retrouvée à volonté ...") C'est de c reclus qui a "soif d'absolu" que nait aussi le style nouille "le modern-style", non ?..J'aime aussi la répartie de son médecin qui l'invite plutôt à rentrer dans "le siècle" plus qu'à rester dans un tel état mental ...Vous connûtes sans doute son penchant pour l'occultisme et le satanisme du Là-bas de 1891qui l'emmena chez les trappistes d'Igny et de Ligugé ! Ca déboucha sur l' "en route", la Cathédrale et l' Oblat..
Blabla , ou réelle "âme emmenée par celle des autres ..." pour sortir de l'état de prostration et de claustration de son héros ?... A l'instant, cher ami, les corbeaux croassent , et je clame Rimbaud (aparté sinusité, cloîtré moi sur obligation médicale dans ma chambre-océan non chauffé : chauffage kapout !) et si j'y relisais les "foules de Lourdes" (cité sainte où je fus invité plusieurs fois par feu mon ami prêtre-exorciste Jean de dieu Bréhin - je le nomme pour le refaire revivre en ce billet -, me méfierais-je moins de dégoût dans la révolte que cet héros "dernier" ? Car au final, il fut comme vous et moi "un grand" solitaire, non ?... Plus trappiste que festif dans l'âme...parmi les naturalistes de Médan...jusqu'à rejoindre la simplicité d'un idéalisme humanitaire à la Zola. ...par effet d'un certain "à rebours"... J'ajoute alors à votre article mon ancien amour pour l'auteur (normal, je dévorais Flaubert et Maupassant en même temps, il y a....30 ans !)

2. sorel  le 03-12-2010 à 17:12:19

Quel emportement. Et vous savez tout, soulignez l'essentiel. Soignez vous bien, encore que l'état de "malade" est souvent propice à l'écrituire. Ne dit-on pas que Joe Bousquet, avant de devenir l'étonnant écrivain couché qu'il fut était un gandin courant la gueuse (je doute de l'orthographe) ... Buvez des groog c'est la meilleure médecine.

3. Saintsonge  le 03-12-2010 à 22:46:44  (site)

OUI, c'est vrai, je "m'emporte", je "m'emporte", surtout quand le sujet m'y invite, ainsi que celui-ci, et, vous savez, j'ai dû m'auto-contrôler, j'eusse fait plus avant, me disant qu'overblog n'a peut-être pas la longueur suffisante...
Je ne me soigne qu'en écrivant (un recueil nouveau : les petits oiseaux de kairos, alors que je devrais m'atteler à retranscrire sur maquette informatique tout le manuscrit accepté par le petit éditeur belge - bah, j'ai attendu toutes ces années, maintenant qu'il est accepté, pourquoi se presser ?..AH vous avez su que l'académicien Serres publie chez le petit éditeur brestois Dialogues (co-édition) son Biogé ? Donc, les petits éditeurs....) , les "drogues "de grogs, très peu pour moi.. Merci. J'ai pris à l'instant un thé Polynésien...!! Bah ! J'éternue beaucoup, j'ai un peu froid, j'écris : ça réchauffe les neurones...! Oui, quand je garde le lit, en regardant les nuages par la fenêtre , je pense souvent à l'illustre Bousquet (mais il avait beaucoup de visiteurs illustres, aussi), mais à Sagan aussi, puis à....Duras ! Bon, j'ai mes faiblesses...!

 
 
 
posté le 01-12-2010 à 10:54:07

Dubuffet chez lez médecins.

Largement en avance sur la presse spécialisée (souvent victime de ses préjugés) les revues médicales si fortement teintées de culture, soulignent le "cas" Dubuffet.
Naturellement portée à le considérer sous un angle qui n'est pas strictement esthétique et lui conférant une dimension qui intéresse plus spécialement la psychanalyse ou la science du comportement.
Par son titre même, l'article incriminé a le mérite d'aller, d'emblée, au coeur du problème du peintre qui va dépasser le réalisme plat de la simple reproduction du réel (un effet d'illusion) pour aller à l'intérieur de la matière, pour l'interroger.
Il s'est souvenu de la leçon de Gastoin Bachelard qui nous aura appris à regarder le monde à travers les éléments qui en moulent les formes, en définissent la nature, en font resplendir cette beauté qui n'atteint que les rêveurs.
Les rêveurs de l'élémentaire précèdent ou accompagnent les artistes qui  n'usent pas de la matière picturale pour créer une image mais faire sentir les profondeurs qui s'agitent, ne serait-ce que dans notre mémoire. Nous rêvons le monde dans sa matérialité sensible et agissante (le plaisir de l'enfant à découvrir la matière ) et dont le contact nous dit son histoire et dans ses profondeurs, son intemporalité.
Il est significatif que l'oeuvre de Dubuffet est été surtout commentée par des poètes et non des moindres (Paulhan, Ponge, Eluard, Limbour). Le vocabulaire de la "critique" dans ce qu'il peut avoir de réducteur, ne se prête pas à ce débordement du concept artistique (tout aussi important que celui de Marcel Duchamp). On n'y analyse pas un phénomène historique (il est hors de la chronologie et tout au plus dans le voisinage et la reconnaissance de l'art brut qu'il a travaillé à faire connaître), mais au coeur d'un territoire de pensée, de sensation, qui s'invente ses propres formes comme il reconnaît ses propres mots.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 01-12-2010 à 11:04:43  (site)

Vous allez rire, je vais....chez le médecin ! Un rhume, une toux, et tout ,et tout... Pour quels soins ?... La neige tombe depuis 8h55 ...Très
légèrement...ne tenant pas (50 cm à Chambéry, par exemple, en ce moment)...
La mathématique plastique transformée de l'objet réel, que le langage de cet artiste...!
La pensée "dans les entrailles"...

2. Saintsonge  le 02-12-2010 à 09:57:56

Je m'en reviens sinusité
Au frais soleil sur la cité...!

 
 
 
posté le 30-11-2010 à 10:01:41

La nostalgie d'Utrillo.

Les rapports que l'on peut avoir avec la peinture d'Utrillo dépassent (ou défient) les critères esthétiques que d'ordinaire on peut établir avec l'art. D'où, sans doute, son incroyable succès et la qualité de "tendresse" qu'il inspire car il entretient le caractère sentimental que l'on peut attribuer à un lieu. Il est un puissant éveilleur de notre mémoire la plus secrète, la plus intime.
Ayant, enfant, longuement parcouru ces rues, ruelles et coins tranquilles de Montmartre, je suis tout naturellement et particulièrement sensible à cette imagerie si fraîche et spontanée, donnée sans l'once d'une théorie qui d'ordinaire pèse sur la création et l'oblige à entrer dans des critères. Elle s'invente ses propres critères, les trouve comme dans une sorte de somnolence favorable à l'exercice du rêve et de la nostalgie. Le pinceau d'Utrillo est paresseux, il s'attarde sur les choses, restituant l'errance d'un regard sur des vieux murs, des choses discrètes et qui entrent dans nos mythologies personnelles. On a souvent l'impression de déjà vu, et comme une rencontre douce et merveilleuse avec un passé qui flotte en nous et nous attache à une terre, des relations humaines, peut-être une once de bonheur que l'on retrouve. Et pourtant, oh paradoxe, Utrillo exprime une certaine nostalgie, une mélancolie prégnante et qui fait tout son charme.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 30-11-2010 à 11:56:23  (site)

OUI, Beauté, il s'agissait pour lui, à mon humble avis, de "rendre visible" un passé ; par la définition que vous en faîtes, je puis alors dire que depuis ce week-end , je suis semblable au "pinceau d' Utrillo" ! Tout mollement vais selon, regardant murs de chambre et salon !.. J'écris, toutefois, de 4 à 7 , comme cette nuit, puis...me rendort jusqu'à 9/10... Point de neige , elle a déjà fondu. Ciel céruléen. Soleil glissant entre parois des rues. Ici, vous me refaites vous poser la question : pourquoi les Historiens d' Art tardèrent à reconnaître le talent de (à) Cézanne. Cette question me turlupine depuis une semaine, au moins... Merci.
Grande belle promenade...jusqu'au Passage Brady ?... (La rime est permise, au Merci)...

2. sorel  le 01-12-2010 à 10:57:26  (site)

Il y a toujours des Cézanne dans chaque génération. Ce sera une banalité de dire qu'il ne fut pas reconnu de son temps (sauf par quelques "voyants") parce qu'il tranchait trop sur les codes du moment. Cela dit tout maudit n'est pas forcément un génie.... Belle journée sous la neige. Les arbres sont lourds et ont des allures de saule pleureur.

3. Saintsonge  le 01-12-2010 à 11:09:30  (site)

Certes... Il faut alors des "père Tanguy" et autres "Vollard"... Ils doivent être jolis tous ces seuls / pleureurs ...parmi la blancheur !

 
 
 
posté le 30-11-2010 à 09:48:07

Maurice Barrès en procès.

Les années 20 seront celles où l'on va assister à la tumultueuse métamorphose de dada en surréalisme. Celui-ci gardera de dada le ton d'invective, la saine insolence, et la plupart de ses artisans qui se regroupent autour d'André Breton dont le souci sera alors de codifier cette énergie, de lui donner une sorte de label de garantie.
Dada était, par sa définition même, un mouvement de crises successives, d'adhésions enthousiastes, de conflits internes.
Il y aura les fameux tracts qui participent grandement au renouveau de la typographie qui s'y fait inventive, les expositions qui mêlent hardiment poésie et arts plastiques (c'est le début de la mise en contestation de la toile et de la peinture comme seul support), et des manifestations assez largement suivies par un public qui aime s'y faire chahuter.
Cela tenait de la conférence et du monôme d'étudiant, avec son mélange d'approximation, de provocation et un enthousiasme qui vaut par lui-même parce qu'il remet sainement en question des problèmes, des réputations, des idées fausses.
S'en prendre aux gloires du moment est toujours suivi du scandale qu'on y cherche, et de la remise en question des idées que l'on y conteste.
Le choix de Barrès est significatif.
Barrès n'était point le grand homme incontesté dont la mise en accusation eût entraîné dans l'opinion un tollé général rapporte Michel Sanouillet le meilleur spécialiste du mouvement. On lui reprochait son "jusqu'au-boutisme" aveugle,  son patriotisme qui avait si fortement pesé sur l'opinion, même la droite (teintée de catholicisme) lui reprochait ses débuts d'esthète dandy.
Un "tribunal" est constitué. André Breton en assume la présidence flanqué de deux assesseurs venus de son entourage amical, dont Théodore Fraenkel (un ami de collège). Ribemont-Dessaignes est l'accusateur public, et Aragon le défenseur (ce qui le met dans une position délicate mais qui est bien dans l'ambiguïté de  certaines de ses positions futures). Viennent les "témoins", le bloc des amis sympathisants, dadaïstes et futurs surréalistes : Tzara, Jacques Rigaut, Benjamin Péret (qui fait une retentissante apparition en se grimant en soldat allemand), Marguerite Buffet-Picabia, Pierre Drieu la Rochelle. Mais encore, dans un désordre qui trahit l'adhésion spontanée, peut-être le souci de se "brancher" sur l'événement,  on voit apparaître Renée Dunan (romacière prolifique, une sorte de Colette des bas-fonds), Louis de Gonzague-Frick, et singulièrement Rachilde (l'épouse du patron du Mercure de France Alfred Valette).
En fait, le public qui chahute la manifestation et même la presse du moment ne voient pas la portée réelle de l'entreprise.  On la confond avec une sorte de facétie qui aura tourné court, et confondu plus volontiers avec un spectacle d'humour. On était loin des ambitions de Breton et de ses amis qui voulaient établir un catalogue de procès pour clarifier la pensée de l'époque. L'échec probant met fin à un des projets les plus ambitieux de ceux qui allaient retrouver une cohésion sous l'étiquette surréaliste.

 


 
 
posté le 29-11-2010 à 11:29:25

L'Utopie de Del Pezzo.

Le monde de l'art est bien capricieux, et ceux qui en tirent les ficelles (conservateurs de musée, commissaires d'expositions, grands marchands, commissaires-priseurs...) jouent des carrières des artistes comme s'il s'agissait d'une partie d'échec.
L'échec touche surtout ceux des artistes que ce mouvement perpétuel abandonne sur le côté alors que le vent de la réputation souffle sur de nouvelles têtes.
Un exemple (il y en aurait mille et pratiquement toute une génération se voit ainsi rejetée par l'actualité) Lucio del Pezzo.
Il triomphait dans les années 70, sur un Paris qui fêtait à la fois le pop-art, le Nouveau Réalisme, la Figuration narrative (à laquelle il n'est pas tout à fait étranger) les derniers feux du surréalisme. Ainsi voit-on un André Pieyre de Mandiargues, reconnu par les surréalistes comme un des leurs, mais sorte d'électron libre qui va butiner sur un présent alors fort dynamique, qui s'engage pour Lucio del Pezzo dans lequel il reconnaît une sorte de frère en manieur de forme, inventeur d'espaces, plasticien à l'originalité affirmée.
Un pied dans le surréalisme, un autre dans ces aventures plastiques qui mêlent plusieurs influences, ordonnent plusieurs références et inventent un monde cohérent, reconnaissable.
Celui de Lucio del Pezzo est dominé par la géométrie, non pas celle, primaire, de l'abstraction du même nom, et qui cherche surtout des effets optiques,  mais celle qui pêche en terre de mystère. Il y a une vision fantastique de la géométrie, et Lucio del Pezzo l'a judicieusement placé sous le signe de l'Utopie.


 


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1. Saintsonge  le 29-11-2010 à 18:08:38  (site)

Jolis doigts tenant l'exemplaire précieux !..
Ne fût-ce pas l'arrivée du minimalisme et, justement , le Popular(t) qui firent l'ombre à son nom , puisque vénéré par certains surréalistes ?
Une "géométrie" de ...mosaïques algébriques ?..

2. sorel  le 30-11-2010 à 09:50:36  (site)

Non. Les instruments de mesure (architecture, astronomie) en disposition elle-même obéissant à des règles, et le complexe du labyrinthe. On peut en voir sur google. Bonne journée sous la neige

 
 
 
posté le 28-11-2010 à 11:10:38

Wifredo Lam à Cuba.

On est à La Havane, dans le contexte d'un prestigieux voyage culturel organisé dans les années 1967 (je crois) où la France avait délégué quelques unes des personnalités les plus adaptées à rencontrer un effort culturel  voulu par Fidel Castro (il n'était pas à l'époque le dictateur qu'on a découvert par la suite).
Je me souviens d'avoir vu Michel Leiris couper de la canne à sucre avec une belle énergie, et Marguerite Duras jouer de son charme (en avait-elle ?). Toute une génération de peintres réunis autour du Salon de Mai (qui à l'époque était une sorte de baromètre de la vie artistique) y conçurent un vaste mur peint (chacun avait son atelier). Il y avait là Jacques Monory (qui prenait force photographies) l'italien Peverelli, Bernard Rancillac (si franchement engagé dans la peinture politique) et surtout Wilfredo Lam, un enfant du pays. On aimait à Paris ses végétations figées comme celles du douanier Rousseau, mais épurées jusqu'à la racine de la lumière qu'elles concentraient en leurs structures.
On avait rencontré ce peintre à la galerie Pierre (Loeb), ce formidable découvreur de talents.
Il représentait  cette force magique invoquée par André Breton qui le soutiendra avec lyrisme et lui reconnaîtra une dimension surréaliste.
(sur la photo Lam au centre Pierre Gaudibert à droite).

 


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1. Saintsonge  le 28-11-2010 à 18:22:17  (site)

Vous m'avez comme incité à sculpter un poème dans le marbre de Poesis ! Puis-je alors avouer que j'ai mis ....18h14 à l'écrire, ce poème du jour dans lequel je vous place en regard de ma pensée profonde ?
A la maternité de Vestigia Flammae , il a nom
- Parole et écriture à la tombée du soir,

si vous désirez le lire ......
"en dimension surréaliste?"

 
 
 
posté le 28-11-2010 à 11:05:25

Christophe Deshoulières est revenu.

L'histoire d'un livre.

Il était dans les caisses de "Farfouille" (passage Verdeau) où je vais assez souvent me fournir en ouvrages d'occasion. Fort volume, couverture noire, un nom d'auteur qui m'est inconnu : Christophe Deshoulières. Un titre qui en revanche ne dit rien du contenu : Madame Faust. Ce qui m'avait attiré, sur le quatrième de couverture, c'est l'énoncé qui situe l'auteur : Christophe Deshoulières, né en 1961 à Genève ; incarcéré au collège Saint Stanislas de Poitiers en 1971, transféré au Lycée Henri IV en 1978, détenu à l'Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm de 1981 à 1986 ; depuis il est en fuite. C'est cette fuite qui m'avait fasciné. Parti sans laisser d'adresse.
Ayant aimé son livre je lui écrivais chez son éditeur (Julliard)
"Comment vous joindre puisque, si j'en crois le quatrième de couverture de votre livre, vous avez disparu. Et pourtant je m'y obstine parce que la lecture de votre livre m'a positivement sidéré, (oui, sidéré, c'est à dire rivé sur les mots comme il arrive qu'on le soit sur une image, un souvenir). Voilà donc, en mots, un panel (que le mot est vilain) de personnages qui prennent consistance et vous entraînent dans leur sillage. Surtout cet archéologue de Poitiers dans lequel je sens tellement un calque, une projection, une appréhension de ce que je me crois, tout en étant bien loin de lui, tant par la situation sociale que la qualité intellectuelle dont il peut se targuer.
Ecrivant moi-même, et avec quelles difficultés, je pressens que j'aurai créé le même personnage, j'en aurai conçu la même fascination pour la texture du passé qui nous colle à la peau, et pèse à l'âme.
Vous direz-je encore que je suis plus attiré par la grâce des mots que leur contenu, grave défaut de futilité, et, de fait, ma culture est assez peu conformiste (mauvaises études, cancrerie accentuée de délires solitaires (je préfère la solitude de Lautréamont à la carrière officielle de Victor Hugo) c'est dire que je mets dans la balance le comportement de l'écrivain, son mode de vie, à égalité avec son talent, pensant que le talent c'est aussi une manière de vivre, de voir la littérature. Je m'égare. Vous dire pourtant que votre livre me laisse dans un état bizarre. Dévié de toute attitude logique dans la rôle du lecteur. J'ai l'impression d'avoir trouvé au fond d'un tiroir d'une commode oubliée depuis des générations, un  manuscrit qui aurait échappé à toutes les mises en ordre de la littérature. Ce n'est pas un Manuscrit trouvé dans un  chapeau (monsieur Salmon), mais au fond  d'une bouquinerie des Passages, ma promenade quotidienne. Merci à la jolie bouquiniste".
Souvenir donc d'un livre qui avait des allures de monolithe chu depuis une planète lointaine et auteur perdu dans le domaine des ombres.
Hors, google m'apprend qu'il a publié d'autres ouvrages, qu'il a une existence d'auteur professionnel, et même un visage (le charme de Lautréamont fut longtemps de ne pas en avoir !). Et son livre connaît une suite. Curieusement je n'ai pas trouvé l'envie d'aller m'y promener.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 28-11-2010 à 11:15:27  (site)

Voyez bien que : mon savoir est grand, mais bien plus grande mon ignorance, puisque méconnaissant cet auteur au genre "fantomas"...
Au fait, vous obtîntes réponse ?

Neige sur les hauteurs finistériennes (les petits monts, le Ménez-hom, et dans les bourgs...), au bord de mer, rien ne tient fortune blanche !
Mon fils m'envoie sa liste, je vais devoir courir les rayons...

2. sorel  le 29-11-2010 à 11:42:33  (site)

Non, pas de réponse, mais cela renforçait l'idée qu'il avait vraiment disparu et cela me plaisait.
Rendu sur votre blog, lu poème, laissé message, mais pas trouvé trace en partant. Ah les mystères de l'informatique. Neige dans les arbres comme de l'or du ciel descendu sur terre.

3. Saintsonge  le 29-11-2010 à 12:02:41  (site)

Au rassuré de votre crainte, je confirme la trace de votre commentaire (je pense qu'il faille un laps d'enregistrement), pour lequel je vous précisais plus subtil ami que simple "virtuel - regardant passer les bateaux - sur la Seine ?... -) Désormais, ils ont "habillé" mon blog, sur ma demande, afin d'obtenir plus d'échos internationaux - dit le modérateur -, comme le vôtre, je pense, ayant toujours refusé jusqu'à ce 1er dimanche de l' avent , date de mon poème à votre intention, entrant ainsi dans la catégorie des "classés" - quoique, pas plus que vous , n'adhère aux dextérités informatiques ! De plus, j'attends le vademecum de l'éditeur pour peaufiner ma "maquette" pour l'impression de mon livre, la part que je déteste au plus haut point.... Au fait, Monsieur mon ami, pourquoi les Historiens d' Art ont-ils tant tardé à valider le travail de....Cézanne ?..

 
 
 
posté le 28-11-2010 à 10:36:46

Plaidoyer pour l'éclectisme.

Dans le milieu artistique des années 1970-90 il était mal venu de se montrer éclectique ou du moins, l'affichant, de risquer la mise en marge pour raison de futilité invoquée, dénoncée.
Un mauvais souvenir :  ma gestion du Pavillon Français de la Biennale de Venise (1978) où j'osais se faire côtoyer des artistes sans aucun rapport de tendance, de style, de référence, et considérant, au besoin, le recours à la peinture de chevalet comme un but qui acceptait le voisinage d'artistes résolument "anti-peinture" et privilégiant les nouvelles techniques, l'art dans ses développements les plus nouveaux (voire, la référence à Duchamp le situait dans une chronologie qui avait déjà la couleur du musée).
Elevé dans une totale adhésion au surréalisme (qui sera suivi de rencontres avec la plupart de ses artisans) je m'octroyais le droit d'aller voir sur d'autres terrains, et pourquoi pas ceux qu'ici on baptisait de ringard et qu'ailleurs on vénérait.
D'un côté, une vieille tradition montmatroise (Carco, Utrillo, Max Jacob, Mac Orlan) qui était dans l'esprit de ma famille, et de l'autre ce flamboiement de la peinture surréaliste que suivra bientôt (dans les années 50) la tyrannie de l'abstraction.
On perdait beaucoup de sa crédibilité quand on osait se glisser dans l'esprit d'un  abstrait qui avait la fibre du combattant (Mathieu, Hartung, les géométriques de la galerie Denise René) et dans le même temps célébrer la force d'un Gromaire, l'élégance mystérieuse d'un Goerg, la vélocité d'un Lapicque, sans oublier la génération des grandes figures du XX° siècle en ses débuts : Braque, Vlaminck, Pascin, Derain.
Kandinsky chasse-t-il Roger de la Fresnaye ?
L'orthodoxie tant vantée exigeait que l'on adhère à une chapelle et évite les autres. Etant de nature vagabonde et réfutant toute contrainte (surtout intellectuelle), je jubilais (non, je trouvais tout naturel) de fouler les plates bandes réservées à des spécialistes qui tenaient fort à leur exclusivité. On ne peut (on n'aurait  pas le droit) d'invoquer dans le même élan Wols et Dunoyer de Segonzac !
Les choses vont empirer dans les années 70 quand l'art pop va triompher et imposer une nouvelle esthétique, au demeurant d'une portée capitale pour une compréhension sociale de l'art et son insertion dans le vif du réel.
Aujourd'hui règne la plus grande confusion, et sans doute, un sentiment de malaise, l'art ayant perdu tout repère et se précipitant  dans sa décadence.
Baudelaire l'avait annoncée.

 


 
 
posté le 22-11-2010 à 14:13:36

J.K.Huysmans et Jan Luyken.

Tout comme Goncourt, Huysmans est un formidable découvreur de bizarreries d'art, dénichant des artistes peu connus du grand public et répondant à ses fantasmes. Sans doute met-il Gustave Moreau au sommet de cette anthologie, s'attardant avec délectation sur les ambiguïtés de cette oeuvre à laquelle il trouve des correspondances avec l'univers de Baudelaire.
Mais il va plus loin dans son investigation en annonçant le graveur Jan Luyken dont il contemple les gravures dans l'accrochage aussi méticuleux que codé de la thébaïde de Fontenay aux Roses qu'il a inventé pour son personnage de des Esseintes dans "A Rebours".
A travers lui il évoque la série des "Persécutions religieuses" de Jan Luyken : "d'épouvantables planches contenant tous les supplices que la folie des religions a inventés, des planches où hurlait le spectacles des souffrances humaines, des corps rissolés sur des brasiers, des crânes décalottés avec des sabres, trépanés avec des clous, entaillés avec des scies, des intestins dévidés du ventre et enroulés sur des bobines, des ongles lentement arrachés avec des tenailles, des prunelles crevées, des paupières retournées avec des pointes, des membres disloqués, cassés avec soin, des os mis à nu, longuement râclés avec des lames".
Une suspecte délectation dans la précision, une sadique et bizarre insistance entretenant chez son personnage une maladive et débilitante fascination.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 22-11-2010 à 14:22:09  (site)

Il est tout de même curieux que l' Humanité soit un nid de cruautés, sinon cannibalesque, totalement déluré !!!
Grand beau soleil sur la contrée suite à une superbe lune très ronde et très lumineuse que j'eusse pû prendre d'une main si j'étais fils de Gargantua, l'ayant vue dessus la plage où j'étais dès ... 7 heures, ce matin !!!

2. Saintsonge  le 22-11-2010 à 15:34:15  (site)

Voyez comment sont les Passions Humaines, il y a une heure je vous certifiais un grand soleil sur la contrée, maintenant c'est tout gris, presqu'à la limite de la pluie, plus de soleil !
étonnant ciel finistérien , vraie humeur de femme
phallus-terrienne, presque, au demeurant du phalanstère !
Je suis tel un gardien de Phare dans ma chambre-océan !!!
Bien à votre heure propice !

3. sorel  le 24-11-2010 à 09:56:30

passant en courant entre deux trains, il va neiger, et c'est bientôt Noel, je n'ai jamais aimé cette course aux cadeaux.

4. Saintsonge  le 24-11-2010 à 22:09:47  (site)

Je n'arrive plus à vous situer là, en cette campagne neigeuse (où êtes-vous bien qu'il neige déjà, si tôt ?) ; comme moi, je fais très rapidement cette "course" dont vous vous faîtes le Père Noel ... Quel est votre lieu même ? et où cela même ? C'est à cause de "ma" Poppins que je vous crois aux alentours de Par ' Ys, ou alors, sur vos terres natales.. C' est plus ambigu que l'identité de Charlus, coiffé à la brosse à coulée gorge-de-pigeon sur les côtés !

5. sorel  le 28-11-2010 à 10:39:49  (site)

Etat des lieux : Paris (sur les Grands Boulevards, le Rex), campagne (neigeuse) entre Etampes et la forêt de Fontainebleau. Bon dimanche de poésie

6. Saintsonge  le 28-11-2010 à 11:39:06  (site)

Votre mot a vécu déjà d' une heure , il me trouve en effet en "état" de Poésie, Lieu d'écritures et de vagabondages - d'esprit - (nom d'une ancienne revue, que je m'achetais, d'ailleurs...), mot pour lequel je vous remercie chaleureusement - ce qui fera fondre la petite neige -, ah oui , je vous situe mieux dans l' Essonne, ainsi que sur les grands boulevards ("ma" Poppins m'avertit hier des trottoirs glissant par le quartier Saint-sulpice, en effet....) Dites, les petits éditeurs sont aussi exigeants, on me demande de tout réinformatiser le texte du manuscrit accepté, me voici à batailler autrement, galère !.. Notre siècle est dégradant pour l'art, aussi !..Votre Lautréamont reprend-il corps , habéas corpus ?

 
 
 
posté le 21-11-2010 à 15:12:16

L'appartement de Kienholz

Il faut situer la chose dans son contexte. On est dans un musée (impossible de me souvenir lequel, à Londres ? Amsterdam ?) et passant d'une salle à l'autre avec cette désinvolture propre au touriste (on visite toujours mal  un musée quand on y va dans un esprit de touriste qui avale des kilomètres d'information en luttant contre le temps quand la visite d'un musée demande une approche lente, réfléchie et dans une disponibilité qui est interdite au touriste toujours pressé).
C'est à la fois une aventure de reconnaissance d'oeuvres que l'on connaît et que l'on reconnaît sur la cimaise, et dans le meilleur des cas, des découvertes.
Après quelques confirmations qui nous rassurent (la présence, par exemple,  des témoins de notre modernité : Pollock, Matisse, Soulages, Poliakoff ...) on se trouve sans bien savoir pourquoi dans une pièce au décor atroce (papier peint déchiré, meubles en loque, grisaille et morbidité) et progressant dans cet itinéraire tracé au travers des salles du musée on se trouve comme prisonnier d'un appartement du type de ceux que les médias nous montrent pour dénoncer le problème du logement dans notre société. Non que le décor soit celui de la misère, pire encore c'est celui d'une lente déchéance. Un décor qui vous colle à la peau et vous désole tant il en dit long sur la misère morale de ceux qui sont condamnés à y vivre. Renseignement pris (car l'astuce c'était de cultiver l'ignorance de l'identité du lieu) on apprend qu'il s'agit d'une oeuvre de Kienholz. Artiste américain qui s'illustra dans la composition d'environnements banalisés et conçus à partir d'éléments empruntés à la décharge publique. Des meubles d'un autre âge, des objets insensés et sans grâce. On pénètre par effraction dans un appartement dont la banalité n'est pas exempte de perversité. C'est la mesure de la création de lui avoir donné cette allure de désolation qui est comme une signature, la preuve d'un regard. Celui de l'artiste qui intervient sur l'objet pour lui donner sens.
Kienholz aura été l'un des premiers à signer ainsi un espace (on aura en France Christian Boltanski qui procédera à la reconstitution de lieux habités dans un esprit "muséal").
L'artiste pénètre à l'intérieur d'un lieu habité pour lui arracher sa vérité. Par un inclination naturelle à donner une vision pessimiste de notre époque, et la volonté de donner à voir ce qu'elle peut avoir de décadent, il signera des "installations" qui  ressemblent à sa vision désenchantée de notre société. Pour mieux en dénoncer la caractère inhumain.
Inventant des enfers de poche.

 


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1. Saintsonge  le 21-11-2010 à 16:01:01  (site)

est-ce l'artiste de "la chair et dieu" ?..
Dans l'affirmative, né d'un esprit déchiré par cette question, le "décor atroce" est normal , la vente d'aspirateurs mène à tout !..
Jour en désordre céleste Douarneniste-Trébouliste : pluie, éclaircie, plages lentes de mouvances nuageuses blanches, grosse pluie, puis taquinerie d'Hélios, voyez que les appartements du ciel ont des airs disruptifs !!!

 
 
 
posté le 20-11-2010 à 11:43:07

Flippeur.

Et voici la danse des billes de métal dans les fins couloirs de plexiglas, et le hoquet des filles qui sourient bêtement, échassières de haut vol, sur l'écran dressé du flipper, le ciel du lit. Jambes effilées, cuir en atour, sexe à l'avenant. Leurs sourires font la pose dans une onde de lumière sur la nappe luisante des vitrines où se plaquent, en rythme processionnaire, les automobiles encombrant la rue toute entière absorbée par ces jeux en reflets de vitres et de miroirs.
On est dans un espace ludique où les mondes se mélangent.
La femme n'est qu'un objet dans les buts ; la bille d'acier, agile, est l'image du désir, de la violence de l'impact. Cliquetis du métal et soubresauts du corps du joueur qui épouse la danse d'acier. Le but est de gagner le nombre de points suffisant pour faire clignoter le chiffre magique en sa fenêtre.
Subtilement dévoilée, grimée, costumée, fardée, provocante en ses vêtements, la femme est toujours une image emblématique, western ou Mac Do, faisant appel aux objets concentrant les fantasmes masculins, de violence, de force, de virilité comme les motocyclettes ou les voitures de course. Descendue des affiches publicitaires, voisine des slogans dans les magazines vantant les produits de consommation. Elle est l'objet de consommation qui mène le monde des vivants. La fuir c'est se condamner, être dépossédé du pouvoir d'échanger, de participer, d'être  au coeur du monde.
Elle influe sur la pratique de l'amour autant que sur des critères de séduction qui le préparent ou y invitent. A travers elle une société construit un code de beauté, un catalogue de désirs, une anthologie de ses divinités.`
Femme d'acier et de pacotille, elle règne sur les rumeurs persistantes et désordonnées du café. Donnée à tous, promise et dérobée.
A l'image de ces filles à vendre, derrière leurs vitrines qui tricotent ou écoutent, en caressant une peluche, des chansons sirupeuses en attendant le client qui la contemple dans son irréalité d'icône, retrouvant la ferveur avide des pèlerins traversant des contrés par tous les temps, pour venir faire leurs dévotions devant l'image d'une sainte dans sa niche, dans la profondeur ombrée des églises.
Contrairement à celle qui est condamnée au trottoir, et piétine devant une porte cochère, trop vite offerte, exposée aux injures autant qu'aux intempéries, la fille publique réfugiée derrière sa vitrine, est protégée autant qu'exposée. Promise mais dotée encore du pouvoir de surseoir dans ce que le client attend d'elle. Le petit rideau quelle tire lorsqu'elle est à l'ouvrage peut l'être en un moment de détente. Il joue pour beaucoup dans la ressemblance avec un autel, ainsi que les lumières savamment étudiées qui tiennent tout à la fois de l'intimité du boudoir et de la mise en vitrine d'un objet à vendre.
Entre la figurine du flipper et la fille en vitrine il y a des liens secrets et confraternels qui augurent d'une société où l'on consommera le sexe par symboles interposés comme on consommait de la piété par des statues et objets divers mis à la disposition des foules.

 


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1. Saintsonge  le 20-11-2010 à 17:58:43  (site)

Ça me fait curieusement penser à votre article sur le déjeuner sur l'herbe, motif qui fit tant "flipper" Picasso jusqu'à le reprendre en de multiples pâles répliques plus sexualisées les unes que les autres.. ! Ces dames, derrière les "toiles" en forme de vitrines lasses, devenant les modèles affranchies, admirées, saisies au choix, puis prises par "morceaux" pour chacun des passants-clients qui en deviennent leurs peintres - c'est du pur Cul-bisme post-Cézannien, ça, non ?... Biaiser la baise, en somme...

2. Saintsonge  le 21-11-2010 à 22:23:56  (site)

L'architricline n'est pas ici, qui eût fait dire à ces conciliatrices de volontés l'aveu de Lemercier de Neuville : "Ce sont nos petits bénéfices , à nous, pauvres filles...Madame nous prend tout et ne nous donne rien..."

3. Saintsonge  le 21-11-2010 à 22:27:24  (site)

PS/ Voyez, je suis "repassé" par ici, bien esseulé plus qu'un autre soir, j'y aurais été "passant" de quelques soucis...bénins..., passant-client...

 
 
 
posté le 19-11-2010 à 14:27:24

L'élégance de J.E.Laboureur.

Illustrateur abondant et toujours inspiré J.G. Laboureur est largement mêlé à la littérature de sa génération et du XX° siècle triomphant avec ses grandes figures que sont Colette, Giraudoux, André Maurois, Gide, Valéry Larbaud, Anna de Noailles, Paul Jean Toulet.
Il aura fait ses débuts dans l'amitié qui le liera à Apollinaire et Marie Laurencin (photo). Après des voyages d'initiation (en Grèce en particulier) il subit l'influence du cubisme, travaillant dans le voisinage (et l'estime) de Picasso, Juan Gris et Braque.
Allégeant la forme, déliant la ligne moins descriptive que purement allusive et musicale en sa vibration, ses cadences, cette sorte de légèreté qui fait tout le charme de son approche du réel qui laisse sa part à l'imaginaire.
Longtemps, une élégante aquarelle de Laboureur resta en vente au Soleil dans la tête sans trouver preneur. On se décida à la garder à titre personnel, et c'est ce jour là qu'un visiteur, qui ne laissa pas son nom, emporta, l'ayant payée en espèces, la merveilleuse petite image qui  m'avait tant fascinée.

 


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1. Saintsonge  le 20-11-2010 à 18:10:01  (site)

Belle (et "tragique" pour vous ?) histoire....
Peut-etre alors aviez-vous au Soleil du Jacques Blény, puisqu'il fut proche des Picasso "résistant" , Buffet, Cocteau et aussi Camus qui lui avait commandé un projet pour illustrer La Peste, histoire qui finit comme la vôtre, mais avorté pour cette curieuse alliance avec la mort, Blény à 35 ans sur une route au nom prédestiné (de Cieux, je crois) puis Camus sur une route toute droite, belle et droite , comme vous savez...(route aux platanes qui me faisait toujours rêver, enfant, du côté de Saumur, vivant dans mon mutisme)

 
 
 
posté le 19-11-2010 à 10:14:15

Manet dans La Serre.

Aux riches demeures bourgeoises on ajoutait pour la délectation de ses habitants une serre qui servait de salon. Un espace intermédiaire entre la tiédeur du foyer, son confort et la légèreté du jardin, ses lumières, sa transparence végétale bruissante. L'ameublement y était à l'image de l'usage qu'on en faisait d'ordinaire. Pour le repos, les conversations badines, la rêverie. Des plantes vertes, d'abondance, généralement y croissaient, formant des murailles frémissantes, de doux reposoirs où, parmi les verts soutenus des feuillages, se poursuivait la ponctuation allègre de fleurs vivement colorées. Parce que c'était l'espace privilégié d'un quotidien doucement relâché, d'aisance et de nonchalance, c'était l'espace de la femme condamnée à l'époque à survivre dans les limites du foyer, les soins de la maison.
Son espace, et l'écrin de ses charmes les plus secrets. Elle n'y était pas en représentation mondaine, ni contrainte  à des travaux qui altéraient ses attraits. Rendue à elle-même et pleinement en accord avec cette vie végétale dont elle se sentait solidaire et qui participait à son propre rythme de vie.
Des rapports de la nature avec la femme qui en est souvent l'ornement le plus évident, ceux qu'implique la végétation en serre (le mot dit tout) sont les plus proches de ceux d'un tout jeune enfant découvrant son environnement (et qu'elle invitation à l'exotisme, à l'aventure de lointains voyages qui lui sont interdits ).
Une atmosphère de nursery. En douceur. C'est une végétation choisie, autrement entretenue, exigeant des rites quotidiens pour sa préservation ; si proche de la femme qui en a la charge, qu'il se créé un jeu d'osmose dont elle est parée au final comme le montre le tableau de Manet :  "La serre".
Comme la peinture académique dispose des nymphes tournoyant en rondes joyeuses dans une fraîche clairière, le peintre dispose une femme que l'on dirait sortie du décor végétal dans lequel elle s'encadre avec  tranquillité, un apaisement d'icône. A l'écoute du bavardage, comme l'enfant est à l'écoute des grandes voix du monde qui viennent jusqu'à lui.

 


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1. Saintsonge  le 19-11-2010 à 10:42:02  (site)

Style rayonnant de la Serre qui n'est pas la rêverie d'un Bovarysme peint, L'index pointé prouve qu'il donne à sa "préférée" un détail bien précis (qu'on voudrait bien connaître, n'est-il pas ?) Derrière eux, les plantes et les couleurs me font songer aux apports du douanier Rousseau (ce vert, au mélangé du rose, et surtout, le bleu fondu dedans les couleurs dominantes)...

2. sorel  le 22-11-2010 à 10:17:15

j'avais aussi pensé au douanier. Maix ce dernier avec quelque chose de "sauvage" dans l'oeil, alors que Manet est excessivement "civilisé".

3. Saintsonge  le 22-11-2010 à 14:28:45  (site)

ah super, vous avez songé comme moi !...A la croisée des pensées, il est un beau chemin de rencontre mystico-spirituel !... OUI, forcément plus ..."civilisé"...Platon-poétophobe quelque peu , faisant cours sur ..."la République" des mœurs ou sur comment-reposer-l'esprit-et-chasser-l'angoisse-à voir les choses au net, et en face.... J'écrirai bien un roman à partir de "votre" gravure, mais suis paresseux en ce moment, un "ai" de cruciverbiste sur les bords.

 
 
 
posté le 18-11-2010 à 11:05:41

André Billy piéton de Paris.

Il faut peu de choses pour que notre attention se porte sur un écrivain. L'évocation de son nom suffit, en un endroit donné, en un moment clef, pour qu'il s'inscrive, dans notre mémoire en toutes lettres. Et nous voici à la chasse des preuves que notre intérêt n'est pas vain.
André Billy figure aux côtés d'Apollinaire dans son aventure éditoriale. Il est de ceux qui font  vivre, avec lui,  "Les Soirées de Paris", dans cette fièvre qui précède la première guerre mondiale, accouche du XX° siècle en fanfare.
Billy brille de tous ses feux. Il est aux avant-postes de l'aventure poétique.
Nombre romans (sont-ils lisibles aujourd'hui), mais surtout de riches et substantielles biographies de Balzac, Diderot, Sainte-Beuve, les frères Goncourt, Stendhal, Max Jacob, l'abbé Prévost,  lui donnent cette assise par quoi s'affirme aussi une personnalité par ses choix. Il se créé une famille d'esprit, dans laquelle on peut avoir le désir de s'intégrer.
On peut voir sa maison à Barbizon, la plaque qui la désigne donne une certaine dignité à une propriété autrement modeste et villageoise. Mais Barbizon est entré dans sa vie comme Saint Cyr sur Morin était entré dans celle de Pierre Mac Orlan (un autre de ses amis). Billy navigue dans son siècle avec l'aisance de celui qui a toutes les curiosités. Er comme quelques uns de ses amis (dont Léautaud), il est aussi un piéton de Paris.  Ses propres souvenirs sont étroitement mêlés à la ville dans ses recoins pittoresques et son quotidien magnifié par le pouvoir des mots.  
La poésie s'est nourrie des miettes qui font le quotidien de la vie de chacun, c'est être poète que de les voir, de les "dire". On est sans doute loin des grandes épopées, des monuments qui refondent le monde, et ouvrent l'esprit aux grandes choses qui, d'ordinaire, nous échappent. Mais on peut aussi adhérer à de plus modestes propos. Ils sont comme le murmure de notre coeur  en déroute.


 


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1. Saintsonge  le 18-11-2010 à 12:22:48  (site)

C'est en "piéton" blogiste que je viens ici vous annoncer que les éditions Chloé des Lys (Barry 7534) ont risqué sur mon roman-poèmes, manuscrit envoyé en Mars dernier, m'honorant ainsi d'un contrat à signer pour 5 ans (avec possibilité de reconversion), une inconnue pour moi (si vous la connaissez, par ailleurs), j'avais re-lancé ce manuscrit qui a....20 ans d'âge (comme de ce whisky que je buvais à l'époque du Flore, et, merci de votre passage sous ma carte de l'époque, via mon blog - ; je reste du côté de Flaubert !), manuscrit ressorti d'un bien vieux carton (l'âge d'homme l'avait accepté, mais hésita trop , pour finir par un refus juste pour mon nom inconnu, ce qui rejoint votre première phrase de ce billet) ; c'est trente ans de refus d'éditeur pour ce petit "oui" salvateur (j'en pleurerai pour les Rimbaud et autres qu'on dénigra pour des peccadilles d'époque...) Fichtre, on se sent "l'âme toute ravie", du coup... Un chemin de mille pas commence bien par un petit ! Pierre Dhainaut, que j'eus au téléphone, est enchanté pour moi... On vous évoqua, aussi...Suis-je à la "terrasse" d'un autre "Luxembourg" ? ...
Je n'ai hélas pas lu ce A. Billy..., pour me sentir moins "hors sujet" dans ma réponse. Beau ciel bleu ensoleillé, qui plus est, ce jour.

2. sorel  le 19-11-2010 à 10:09:49

Banal, dans la formulation, je suis content pour vous. De plus je crois fermement aux "petits éditeurs", la véritable littérature passe par eux. Bravo encore. Amicalement.

3. Saintsonge  le 19-11-2010 à 10:24:45  (site)

Grand Merci de votre avis, je doutais déjà...Je penchais aussi vers ce travail "suivi" des petits éditeurs contre la possible indifférence des mastodontes (j'ai souvenir que Perros réclamait un dû à Gallimard, lequel lui écrivit : pas le temps de m'occuper de votre chèque !..Tania P. me racontait encore bien d'autres désavantages...)
Attendre, c'est l'art d'espérer, disait Vauvenargues, ce que je faisais encore, ce matin pluvieux (déclin d' Hélios !)
Bien à votre inspiration ...

 
 
 
posté le 17-11-2010 à 11:15:31

Charlotte Corday.

Pour le dictionnaire de "La femme flambée".

De sa descendance de Corneille elle ne pouvait que revendiquer une attitude de noblesse d'âme et de passion dévastatrice, en serait-elle directement victime.
Le contexte politique de son époque prédisposait une vocation qui ne pouvait se construire que sur un engagement moral, un destin à dimension historique.
Il lui restait à trouver un partenaire à la mesure de sa soif de se dépasser.
Sans Marat elle serait restée une sorte de Bovary du civisme, enfermée dans les limites étroites d'une province encore profondément imprégnée de catholicisme et de traditions que les membres de sa classe perpétuaient.
Elle va se crucifier au nom de l'Amour de la Patrie, en défiant celui qui revendiquait  les mêmes ambitions, mais en jouant sur le registre de la mort, de la violence justicière. Charlotte Corday, dans un destin fortifié par une enfance qui ne pouvait que l'y préparer (tout comme celle de Jeanne d'Arc) va s'immoler sur l'autel du patriotisme que tout le monde autour d'elle invoque, mais qu'elle gravit dans le sang  du sacrifice d'elle-même. Sorte d'Iphigénie d'une Nation qui se cherchait.


 


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1. Saintsonge  le 17-11-2010 à 11:46:39

Allez-vous rire ?.. "Ma" marie Poppins a ce prénom de la meurtrière, dois-je lui demander si elle a une baignoire ?...Votre article m'interroge comme sur l'art les petits dîners du mercredi chez la passante de tous les soucis de la Recherche, Madame Verdurin chez qui le temps ne semblait pas passer où "la noblesse" rejoignait aussi "la passion dévastatrice" des célibataires de l' Art qui snobent ; "ma" Charlotte donc, qui maintient le fil de la relation virtuelle (pour l'heure) m'intrigue, à vous lire en ce mercredi plus original que tous les autres !!!
Le temps doux , revenu, le ciel, clément, je respire un peu mieux (gros orage intérieur, Lundi, où je dus m'aliter, brusquement, tout l'après-midi, sans comprendre le pourquoi du comment , une "Corday" m'assassina-t-elle l' énergie, une ombre de la mémoire ancienne ? D'où mon poème du jour : il n'y a pas deux fois mourir dans le verbe Vivre !)

 
 
 
posté le 13-11-2010 à 16:14:01

Le Déjeuner sur l'herbe.

Si les versions qu'en donnent Manet et Monet sont les mieux connues,  la pratique du déjeuner sur l'herbe est une des constantes de la vie sociale d'une époque qui découvrait les nuisances de la vie citadine et promotionnait la campagne comme espace de plaisir.
L'Impressionnisme est totalement dominé par cette mode au succès de laquelle il n'est pas pour rien. Manet y fait passer un caractère sulfureux, parce que sa toile a une volonté de démystifier  le sujet trop longtemps confondu avec quelque divertissement mythologique. Il a rejeté les dieux et regardé ses contemporains, des hommes et des femmes avec lesquels il a des rapports humains et sentimentaux. Il peint autant un moment que des relations entre des individus "qui se laissent aller" devant nous. La femme y est piquante par l'audace de sa nudité tranquille face à des hommes habillés en tenue de ville.
Un modèle sans doute si proche de la courtisane alors, et toujours femme de plaisir. Cet écart vestimentaire souligne le rôle qu'elle joue dans l'assemblée. Donnée, sans nuance, au plaisir des hommes.
C'est la même que l'on retrouvera sur son divan, attendant le client, et Olympia n'est plus la déesse d'un Olympe lointain, mais la putain la plus ordinaire dans l'exercice de son métier.
Le déjeuner sur l'herbe vu pas Monet est plus familial. Et petit bourgeois. Il confère à la femme un rôle plus complexe, même si l'idée du plaisir n'en est pas absent.
Mais il s'étiole dans la badinage.
On est là dans le voisinage de l'Embarquement pour Cythère. Entre gens conversant, flirtant, laissant à la femme sa liberté de propos, d'une attitude qui n'est plus celle, exclusive, de la prostituée, mais d'une proche en un moment de plaisir partagé, plus aimable que sulfureux.
Le déjeuner sur l'herbe est une parenthèse dans la vie d'un monde de travailleurs.
La société citadine est cadrée dans des rites où les moments de détente ont leurs usages. Le succès croissant des bords de la Seine (et de la Marne), la multiplication  des guinguettes, restaurants, et lieux de plaisir associés aux sports nautiques et à la danse, entraîne toute une société à se réunir dans ce climat admirablement cerné et immortalisé par Guy de Maupassant (et les films de Jean Renoir).
Il devient le cadre d'intrigues sentimentales, comme le salon dans l'univers proustien, et comme l'était le parc quand Watteau ou Lancret en  étaient les chroniqueurs.
De la proximité suave d'une nature ordinaire la femme perd quelque chose de son prestige et de son mystère, elle y gagne en fraternité, charme et convivialité.
Contrairement à la nature de fiction des scènes mythologiques, celle des impressionnistes est si franche, si réaliste, que la femme ne peut être une déesse, le cadre lui manquant.
Elle est ce personnage quotidien, familier, qui entretient une vision de l'amour vidé de toute culpabilité. Parce qu'il est un amour sans péché, un amour sans atours ni  théâtralité, dans la continuité de la vie quotidienne.

extrait de "La femme flambée de la Sainte Vierge à Brigitte Lahaie"

 


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1. Saintsonge  le 13-11-2010 à 16:26:41  (site)

De ces "fauves" , plus impressionnants dans leurs violences qu'impressionnistes (symbole du journaliste qui en inventa le terme à la vue d' un "couchant"), ils couchaient leurs vices sur les toiles, à mon avis, jouant les Hylas et les nymphes de John William Waterhouse, d' une autre forme de Narcisse pour l'amant noyé d'Hercule par lesdites séduisantes nues !.. De Matisse et l'esprit de révolte contre méthode et système, à ces "déjeuners", les Natures mortes avec bouteilles y découlent-elles directement, d'après vous ?

2. sorel  le 15-11-2010 à 10:56:53

Peut-être trop savant pour moi cette vision et ses références. C'est sympa un déjeuner sur l'herbe, cela dépend des convives. Mais je n'y cherche pas, à travers les bouteilles vides, un regard social.

3. Saintsonge  le 16-11-2010 à 15:39:14  (site)

Je songeais au "social" de l' assommoir , et ce fléau de l' alcool , Apollinaire pas loin... L'art prend de la "bouteille", aussi, façon de parler.
Le côté "sympa" est plus que sûr, n'ai pu goûter à ces plaisirs-là... Je pense qu'on choisit ses convives , en ce cas, non ?..

 
 
 
posté le 12-11-2010 à 14:44:00

Croquis parisien sur les traces de Lautréamont

Croquis parisien.

Valentin s'est installé au café Bréant à l'angle du Boulevard et du faubourg Montmartre. Il va secouer l'arbre aux souvenirs et sortir les fantômes. La café Bréant, c'était le lieu de réunion de tous ceux qui, autour de Flaubert, faisaient assaut d'esprit, de Tourgueniev à Sainte-Beuve en passant par cette peste de Goncourt à la plume venimeuse.
A ses côtés une dame d'un certain âge (où situer la certitude de l'âge ?) compulse avec nervosité un guide de Paris et semble s'égarer dans les pages.
Venue de loin ? Une supposition ?  C'est d'une sous-préfecture  fière de sa cathédrale (choeur roman, nef gothique) qu'elle s'est octroyé un séjour dans la capitale, avec la bénédiction du mari (notaire, médecin, quelque chose qui tient de ce qu'on appelait autrefois les notables) trop heureux d'avoir, le temps de son absence, les coudées franches pour revoir les copains, peut-être ébaucher quelque marivaudage avec une jeune personne qui aura retenu son attention, (rêvons !).
C'est dans les sous préfecture que se concoctent les meilleures des intrigues qui, autrefois,  inspiraient les François Mauriac, et des rangées entières de romanciers faisant vibrer la corde des sentiments à l'ombre des clochers.
Elle regarde autour d'elle. Saisissant la bruit qui vient, par vagues, à la poussée de la porte galonnée de cuivre sur laquelle il est inscrit, comme une invite, Café, bières, portos, et qu'un poivrot pittoresque se  plaît à ouvrir avec une gestuelle de grande cour aux consommateurs assez distraits pour ne pas s'en étonner.
C'est une petite tranche de vie urbaine, comme Valentin les aime, et qui le distrait de sa tâche, car il est venu, là, soit-disant, pour écrire.
Il a ouvert son cahier à la page consacrée aux derniers jours de Lautréamont dont il a surtout retenu qu'il les a vécus dans la plus grande solitude. Découvert mort dans sa chambre par un garçon d'étage, à quelques pas d'ici, dans un hôtel de seconde zone, de ceux qu'aiment les égarés dans la ville et qui y posent leurs valises le temps de leur séjour. Les automobiles d'aujourd'hui envahissent ce qui fut l'espace de ses errances habitées de fantômes assez étranges pour se transformer en bestiaire abominable. Mais, à y bien réfléchir, ces passants affairés ne sont-ce pas les animaux d'un bestiaire urbain qui cherche son nouveau Lautréamont !

 


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1. Saintsonge  le 13-11-2010 à 11:24:38

"la peste de Goncourt" convient parfaitement à ce Houel-Beurk 2010 !
.... en "croquis parisien", ma correspondante me maila qu'elle allait au marché Saint-sulpice chercher son pain aux noix, des fleurs et des fruits, vetue à la Mary Poppins... Curieux tableau magique en mon Par Ys bruineux !..
Et, votre l'autre-et amont, a-t-il pris l'ampleur qui lui convient, à l'inspiration ravie ?... Bon samedi.

2. sorel  le 15-11-2010 à 10:54:04

L'inspiration n'est pas au rendez vous. mais je n'ai pas de Mary Poppins...

3. Saintsonge  le 16-11-2010 à 15:31:17  (site)

Avec cela, je sais la chose ; si mon souffle vous dit , le projet "à quatre mains" me serait d'un remarquable bonheur, d'apporter mienne inspiration à vôtre - qui médite -, mon temps ici s'aplanit, mon temps de créativité, une vie sans plus ; l'idée me booste rien qu'en rêve..! et "ma poppins" y verrait bien pour moi, aussi... , qui m'invite au Flore, virtuellement à cette heure !..

 
 
 
posté le 12-11-2010 à 10:24:43

Montmartre sans Mimi Pinson.

Mimi Pinson n'est plus, les lorettes (un peu plus bas dans le quartier) ont déjà travaillé à sa disparition (l'argent prenant la place du rêve), et c'est jusqu'à sa maison qui a disparue, l'argent des spéculateurs ayant dévasté un souvenir (un mythe !) au nom de la rentabilité du territoire qui est devenu une vitrine d'un art de vivre que l'on décline sur le ton de la nostalgie.
Enfant déjà, tenant par la main un vague cousin familier de l'endroit, je découvrais un territoire chahuté par des appétits qui lui étaient étrangers. Un vieux village cédait peu à peu la place à des immeubles dont le nombre d'étages garantissait une plus value appréciable. Il faut avoir le nez fin ou être conduit pas un instinct miraculeux pour découvrir encore, bien cachés, des jardinets de province, et de guingois, des maisonnettes qui ont gardé quelque chose de leur passé campagnard.
On vend du rêve à Montmartre, et des légendes. Même la peinture qui est l'argument de son succès est la pire, la plus infamante au regard de ce que l'on peut attendre d'elle. Pourtant Montmartre a été, en d'autres temps, un berceau de l'art qui s'aventurait hors des sentiers battus, des conventions en usage.
On le sait, par une sorte de glissement insidieux, les ateliers des plus grands sont allés se planter à Montparnasse, laissant, sur la Butte, des rues montantes et malaisées, des souvenirs vendus en gadgets, des moulins qui semblent de fantaisie, des touristes affairés à piéger des leurres.
Mimi Pinson n'a plus sa place,


 


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1. Saintsonge  le 12-11-2010 à 12:39:13  (site)

Il y a une virgule suite à "place", votre dernier mot suscitait-il une fin ou une continuité (qu'overblog aurait mangé ?)
Vous savez sûrement que le mot "territoire" découle directement de celui de "terreur" ... aussi est-il terrifiant de n'en plus "posséder", que la guerre du feu est encore de nos jours un vol d'appropriation...C'est pourquoi je ne suis que locataire, oiseau sur la branche, qu'on me "chasse" (ce qui est déjà arrivé !), je n'ai guère de souffrance à perdre l'espace d'un logis qui ne m'appartenait pas !..Montmartre, c'est "le lapin agile" où j'allais écrire, vous l'ayant dit déjà...D' aujourd'hui, que respecte-t- on encore, pour trouver loisible et juste son Dasein ?

2. sorel  le 15-11-2010 à 10:52:36

en bref, la virgule est une erreur il n'y a pas de suite.
Bonjour à l'oiseau qui sait si bien quitter son nid avec l'élégance de la désinvolture.

3. Saintsonge  le 16-11-2010 à 15:14:25

Bonjour reçu fort chaleureusement. Curieux, je viens de "pondre" une courte pensée sur le Langage des oiseaux (sur Blog, demain)...
Je n'en doutais pas , pour la "virgule"....

4. Saintsonge  le 16-11-2010 à 15:15:29

Bonjour reçu fort chaleureusement. Curieux, je viens de "pondre" une courte pensée sur le Langage des oiseaux (sur Blog, demain)...
Je n'en doutais pas , pour la "virgule"....

 
 
 
posté le 11-11-2010 à 16:04:03

La Revue Fantaisiste et le berceau du Parnasse.

Plus encore que revue d'une génération, la "Revue fantaisiste" fut celle d'un mouvement.
Créée par Catulle-Mendès en collaboration avec Leconte de Lisle, elle participe largement à l'émergence du mouvement des Parnassiens, les émules de "l'art pour l'art" qui se reconnaissaient comme des héritiers de Théophile Gautier. S'y retrouvent (les fameuses réunions chez Alphonse Lemerre dans l'entresol du passage  Choiseul ) Théodore de Banville, François Coppée  et surtout José Maria de Hérédia dont le salon, animé par ses trois filles, va devenir un haut lieu de la vie poétique de l'époque.
C'est dans la Revue fantaisiste que Baudelaire va publier ses notes d'art et militer pour la reconnaissance de Wagner (dont il partage avec Catulle Mendès l'admiration) il sera lui-même le lien entre le Parnasse et le Sybolisme, et l'on voit alors la mise en place du courant qui porte Verlaine et Mallarmé sinon en théoricien du moins en "chef d'école".
Dans sa continuité la Revue Fantaisiste s'appuie sur un illustrateur d'une remarquable verdeur imaginative : Rodolphe Bresdin.
Champfleury l'avait surnommé "chien caillou", soulignant la mode de vie d'une sorte de misanthrope , farouchement indépendant, et ne relevant d'aucune esthétique de son temps, créant la sienne faite dans l'ardeur graphique qui interroge (et invente ) de mystérieuses contrées où joue admirablement le noir et blanc de l'eau-forte qu'il pratique avec une grande autorité (Odilon Redon fut son élève).  On a pu le comparer à Charles Meryon, autre inventeur d'espaces (ceux-ci inspirés par un Paris hanté). Bresdin restera seul dans son monde, entre folie imaginaire et appui réaliste largement transposé.

 


 
 
posté le 11-11-2010 à 11:11:12

Le piéton mélancolique.

Le monde de l'art d'aujourd'hui est décidément bien coincé dans ses habitudes, ses préjugés, son snobisme. Il s'engouffre dans des promotions (souvent douteuses) sur des oeuvres contestables (voire nulles) et en  néglige d'autres abandonnées au bon vouloir de ceux qui, l'appréciant , militent pour elles, et il n'est pas rare qu'une telle reconnaissance se fasse à la mode posthume.
Un cas. C'est celui d'un peintre "lyonnais" (ce n'est pas une qualification mais une notation géographique - on a voulu créer une "école lyonnaise", c'était enfermer l'artiste dans une portée régionaliste fort préjudiciable à son essor et sa reconnaissance), ce qui tout au plus signifiait qu'il n'avait pas songé à se risquer au tumulte parisien qui peut broyer les plus sensibles.
Réfugié dans son atelier de Saint Romain au Mont d'Or, Henri Lachièze Rey va oeuvrer dans une manière de solitude qui le porte vers une peinture de caractère intimiste.
Philippe Jaccottet qui comme tout poète se penchant sur le phénomène de la création en perçoit la part la plus essentielle, peut dire : "Lachièze-Rey n'est pas un peintre du silence, comme Morandi, C'est plutôt un peintre du murmure ou de la rumeur ; il y a dans ses tableaux une espèce de parole qui, pour être sourde, contenue, n'est  nullement faible ou incertaine".
Rumeur car, outre des portraits et de nus, il a donné maintes visions urbaines plutôt fermées, allant dans des lieux de sociabilité ouverte et hasardeuse, comme les cafés. Lieux clos mais théâtre d'une étrange et murmurante cérémonie, car il s'en dégage une sorte de questionnement, dans l'ondulation des nuques, les silhouettes lourdes.
S'il s'en tient à des sujets "réalistes", il n'hésite pas à s'engager dans des traitements de la matière qui, la privilégiant, la porte au premier plan du visible. La réalité n'était plus que prétexte à d'étonnants exercices qui rejoignent la liberté de l'abstraction.
Sa vision de la ville est d'une étonnante originalité, elle traduit l'émotion (la sensation) dans le moment même de son exécution. Une approche totale, vertigineuse, avec le sujet, comme pour s'y fondre. avec, mais juste esquissée, une pointe de mélancolie comme en a tout piéton urbain qui y voit le jeu de la lumière suivre celui du temps, basculant vers les ombres, en passant par les demi-teintes, car, piétonner dans les rumeurs de la ville, c'est s'enfoncer dans sa propre douleur.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 11-11-2010 à 19:23:00  (site)

Influente abstraction qui eût encore fait gouailler Arletty de son tonitruant : "Atmosphère ! Atmosphère ! est-ce qu"....
Mais la faucheuse des talents trop tôt venue me navre bien souvent....et me questionne d'un arc-en-ciel de Pourquoi ?
Il fait un ciel continu de crachin de "tranchée" tout ce jour, j'ai fermé les volets pour ne pas me rappeler trop ces gadoues et ces Croix de Bois, croyez-moi !
Je pense bien à vous....

2. sorel  le 12-11-2010 à 10:21:53

savez vous que mon village natal est le cadre qui a inspiré Dorgelès pour ses Croix de bois. pas lieu d'en tirer gloire. C'est un fait. Objectif. sans conséquence.

3. Saintsonge  le 16-11-2010 à 16:07:00  (site)

en repassant à rebrousse-article, je lis votre réponse à laquelle j'ajoute ma négative ; j'ignorais, mais il y a un clin dieu : j'ai lu ce livre à l'aube de mes vingt ans, vous étiez donc , par le "cadre" du livre, dans mon optique de connaissance, puis par les peintres dont vous fîtes les beaux ouvrages de référence...
C'est une "gloire", et c'en est pas, oui , que Dorgelès eût placé en ligne de mire et de fuite votre village, jusqu'à obtenir le Fémina 1919

 
 
 
posté le 10-11-2010 à 11:10:22

Des jardins pour le plaisir.

Dans la grande métamorphose des jardins au XVIII° siècle, repoussant la rigueur jugée froide des plans de monsieur La Notre, la grand architecte du parc de Versailles, le peintre intervient au nom du pittoresque. Il apporte à la culture d'une nature rendue à son expansion seulement maîtrisée, les détails anecdotiques avec des allusions aux courants à la mode, philosophiques, et surtout marqués par la découverte de l'Orient.
On y trouve aussi bien Carmontelle (pour le parc Monceau à Paris), Hubert Robert (un peu partout, et même à Versailles rénové par Louis XVI), et Fragonard comme à l'Isle Adam où il introduit un pavillon Chinois récemment restauré (photo de Lili Flori - voir son blog fort plaisant )
L'art des jardins est alors très proche (et dépendant) de la peinture dont il est le décor privilégié, pour l'exercice d'une rêverie (solitaire, voulue par Jean-Jacques Rousseau à Ermenonville), d'une allusion littéraire, ou de quelques plaisantes suggestions galantes. Le jardin n'est plus comme avec Le Notre le théâtre des pompes monarchiques ( et voulues grandioses)  mais porté aussi à l'intimisme, une façon aimable, voire nonchalante d'aborder la nature.
Les "fabriques", ces constructions parsemées sur des parcours créés dans le déroulement du jardin, sont autant de reposoirs pour l'esprit autant que pour le corps, prenant la suite des relais de chasse qui vont devenir des étapes de la galanterie (chaque seigneur y a une sorte de garçonnière ).
Ainsi s'organise une architecture qui n'aura d'autre utilité (et fonction) que de charmer et de s'inscrire dans le culte de la réflexion ou de plaisir, les deux n'étant pas contradictoires. Car, en cette période de l'émergence d'une intelligence sans frontière ni préjugé, plaisir et pensée sont les deux piliers d'une vie dégagée des vieilles contraintes de la morale.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 10-11-2010 à 11:55:20

Cela donne un p'tit air Rimbaldien d ' à la musique , ce beau kiosque !
Là oui , encore :
"tout était correct / les arbres et les fleurs / Tous les bourgeois poussifs / qu'étranglent les chaleurs....."
aucune "bêtise jalouse" sous le ciel bleu ensoleillé de cette matinée d'où je vous envoie ce signe de la Médiathèque de Douarnenez.... Bien à votre Jardin...
Je n'ai pour ma part que des Jardins Secrets....D'aucunes femmes y ont écrasé mes renoncules les plus belles du coeur..., et des cattleyas !

 
 
 
posté le 09-11-2010 à 17:16:03

L'alcôve de Fragonard.

Dans l'alcôve.
Fragonard, qui les fréquentait, y lutinait les filles faciles, arrachées avec de grands rires à leurs taches ménagères et précipitées sur des couches moelleuses où elles aimaient à s'attarder en jouant avec leur chat. C'est le règne de l'alcôve.
D'un pinceau aussi leste que le trait d'esprit que souvent il traduit, la cascade du rire et les caresses légères et sans conséquence, l'instant bref d'un plaisir partagé et sans péché, Fragonard croque des femmes d'une innocente impudeur, d'une tranquille et insouciante audace à jouer avec leur corps.
Il est comme une plante frémissante aux rivages d'une eau calme mais bruissante à l'approche d'une barque. Dans ce climat si charmant de plaisir où une idée de campagne traîne toujours avec le ingrédients de la ville, les lumières de soupentes, les rumeurs proches de la rue, les portes qui battent et que l'on ferme d'une main aérienne et preste pour mieux saisir  comme une proie un corps qui s'offre sans trop de résistance.
Maître en la matière Fragonard invente des personnages que l'on dirait sortis, de Marivaux ou des pages bucoliques  de Bernardin de Saint Pierre. Avec cette impertinence que partagent alors les gens bien nés et ceux qui remuent à la base et, bientôt, vont brandir les fourches de la Révolution. Car on est dans une société où s'effondrent les barrières jusqu'alors bien tenues par les donneurs de morale. On refuse la morale, on se livre sans calcul à ses instincts. On est léger et imprévoyant, comme entraîné dans une folle aventure. Pris de vertige.
L'alcôve est ouverte, elle ne se refermera pas. Cherchant progressivement ses personnages. Ceux qui sortent, encore sanglants des désordres révolutionnaires.
Ils se dresseront dans une feinte dignité au nom de l'Empire.
Madame Récamier est bien au carrefour de cette volupté et de cette rigueur en retour, au nom de l'intelligence et de la volonté du paraître gagnant toute société qui, sortant de la fange, se doit de se draper de dignité.
Rôle difficile à tenir et qu'elle endosse au nom de l'esprit dont elle fait grand cas.
Le XIX° siècle finissant ne l'oubliera pas qui n'aura plus besoin de jouer la dignité mais cultivera à son tour l'esprit, et l'humour de surcroît.
Nina de Callas, telle que le voit Manet dans "La Femme à l'éventail", est bien de celles qui mènent salon, le sien marqué par la bohème, le passage intempestif de génies agités par le vent d'un penser nouveau, de Charles Cros à Verlaine.
On s'agite encore dans les alcôves où la volupté n'est plus la seule monnaie d'échange. On y doit aussi cultiver la contestation, l'attentat aux bonnes moeurs. La société secoue les générations de rigueur consentie, de pesante réserve (celle du Premier Empire), elle fait feu de tout bois et éclate en morceaux. Les jeux de l'amour ne sont plus dictés par Marivaux, mais Guy de Maupassant, avec une pointe de cynisme, une froide lucidité. On se fait des masques à l'humeur du moment.  Il découvre la violence de la modernité.







 


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1. Saintsonge  le 09-11-2010 à 17:40:58  (site)

Joli huis, ah que je le devine, ce joli huis, mon ami !.. Tenez, on pourrait la croire Satane femelle, tout comme dans la "prairie parfumée, du cheikh tunisien Sidi Mohammed Nefzaoui du XVème : "elle se coucha, dénuda ses cuisses, sa partie chaude, et se mit à me présenter celle-ci en se la secouant. Je regardais l'appareil. Voici que l'huis s'entrouvrait et se fermait comme celui de la jument en chaleur lorsque s'approche d'elle l'étalon..."... Il faut donc toutes les "combler" autrement que de "façon complète", désormais...C'est bien le cycle du "toujours plus" ou de l ' "encore" davantage Lacanien afin de ne plus entendre dans les "alcôves" : "la femme n'existe pas" !..."Lire, aimer, haïr" ?
Même le ciel fut orageux hier soir, la nuit noire , vulvaire, avait gobé le cimetière marin, la mer et tous les paysages... J'étais comme dans une "alcôve" dernière, tenez !.. Une voix semblait me dire : veux-tu encore m'entendre jouir une ultime fois ?...

 
 
 
posté le 09-11-2010 à 13:49:50

L'extase des sens.

Elle était "la divine" pour ses amis et admirateurs, à en croire les dédicaces apposées sur leurs ouvrages qu'on a retrouvé dans sa bibliothèque et qui ont fait l'objet d'une vente publique après sa mort. D'identiques formules apparaissent, témoignant d'une "profonde admiration" et de "ferveur", de "dévotion", Henry Becque allant jusqu'à lui décerner un titre "d'impératrice" (de pure fantaisie) et d'Annunzio, dont le verbe avait l'éclat tapageur en écho à sa propre vie, constituée par une série d'attitudes, hausse le ton jusqu'à la qualifier "la divine".
Ainsi dotée d'un palmarès d'adoration, Sarah Bernhard va traverser son siècle entre afféterie et pâmoison, extravagances et déclamations. Portant l'amour sur scène avec une fougue si entière, si ostentatoire, si appuyée, qu'elle entraîne les foules bien qu'elle ne soit  qu'un tic de comédienne, une vue de l'esprit. Ne pouvant exister que manifesté dans l'épanchement gestuel, une théâtralité satisfaite, exagérée et frappée du sceau fastueux de l'emphase poétique.
Elle se compose une silhouette conforme à son rôle, tour à tour hiératique et "modern style", avec Mucha, alanguie et fatale avec Georges Clairin (qui fut aussi son amant).
L'importante iconographie qu'elle a inspirée, offre les multiples facettes de la féminité telle que la voulait la société "fin de siècle", à la fois conventionnelle et dépravée. En position ambiguë parce qu'elle règne sur le monde du théâtre qui est l'antichambre et parfois l'alibi de la galanterie (que de cocottes y font leurs débuts), et qu'elle mène une vie fastueuse comme une femme entretenue, mais qu'elle impose aussi un réel talent qui l'arrache au servage de l'alcôve.
Galante, elle ne le sera pas par nécessité, son talent suffisant pour l'imposer, mais par une passion mal contenue de sens, fut-elle de l'ordre de l'esprit surchauffé par le goût de l'extase et le culte de toutes les sensations.

Dictionnaire de La femme flambée.

 


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1. Saintsonge  le 09-11-2010 à 15:29:24  (site)

Vue son île depuis un bateau qui zigzaguait entre les autres du Golfe du Morbihan, toute à son style "théâtral"...et mystérieux...
comme théâtral-et-mystérieux le détour pour venir jusqu'à vous, maintenant, Overblog défaillant... Du Sorel-Bel' Art, en quelque sorte.

 
 
 
 

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