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lettres de la campagne

posté le 14-12-2008 à 14:07:25

Victor Brauner chez le douanier Rousseau.

Et si l'on abordait le monde de Brauner en passant pour le douanier Rousseau. Victor Brauner, venu de sa Roumanie natale (patrie de Ionesco, Isidore Isou, Tristan Tzara, Ghérasim Luca), s'installe dans l'atelier qui fut celui du douanier Rousseau, dans ce lointain Montparnasse où des airs de campagne subsistent qui donnent tant de charme au quotidien avant que les travaux de rénovation de la gare n'aient bouleversé tout ce petit monde d'artisans, d'artistes de gens modestes qui vivaient à l'ombre d'une modernité galopante et parfois cruelle.
Brauner se risque à réinventer une toile emblématique du douanier Rousseau ( la dernière) et y introduit un monstre qui fait front à la charmeuse de serpent. Confrontation de deux mythologies, et pourtant le tableau a gardé toute son autorité poétique, sa cohésion. Il y a là un phénomène singulier d'identification d'assimilation qui en dit long sur les rapports que peuvent avoir les peintres avec leurs aînés. Dès lors, l'oeuvre de Brauner va évoluer selon le sens donné par la poétique qui y préside et qui n'est pas étrangère au prestige du merveilleux ou encore de cet "art magique" que revendiquait André Breton et qui justifiera l'adhésion de Brauner au surréalisme. Il y trace son chemin propre, singulier, hanté et appuyé souvent sur les sciences occultes, une ouverture sur des mondes autres que le notre, tout comme Rousseau qui le fit en s'enivrant de folies végétales, une plongée dans la mystère de la forêt tropicale. L'un et l'autre, chacun avec ses armes nous arrachent à la lourdeur du quotidien.

 


Commentaires

 

1. zacetnono  le 14-12-2008 à 14:12:42  (site)

bonjour je te souhaite de passer une bonn ares-midi en ce dimanche
Hebergeur d'images
zacetnono

2. ooz  le 14-12-2008 à 21:10:29  (site)

○○○ présidente poétique revendique poétique autorité ○○ vous avez la main innocente en ce début de jeu ○○○ à mon tour : ○○○ le douanier emblématique de charme au quotidien ○○○ à vous ○○○

édité le 14-12-2008 à 21:11:24

3. ilesdereve  le 29-12-2014 à 10:50:00  (site)

Hello, sympa ton article "Victor Brauner chez le douanier Rousseau."!J'en profite pour te souhaiter de bonne fêtes de fin d'année 2014!!
Bonne fin de journée.
Emilie329
29/12/2014

 
 
 
posté le 13-12-2008 à 16:35:55

Rimbaud, danger !

Sans doute il fascine. Toutes les générations sont passées par là. L'adolescence se moule sur ce modèle qui conjugue la beauté et le génie, la liberté et l'insolence.
La poésie s'est soumise à son verbe enflammé, plus rien n'est possible sans passer par son exemple. Le surréalisme (parmi tant d'autres mouvements) l'a admirablement statufié lui qui n'en demandait pas tant. Pourtant il faudrait bien admettre qu'il faut le mériter. Le revendiquer, ne suffit pas. Ce serait trop facile et lâche que de se croire son disciple quand on casse des vitrines et insulte le passant. Rimbaud s'est si totalement engagé dans son aventure qu'il s'y est perdu. C'est ce perdre que de se renier. L'âpre marchand d'arme du Harrar n'a plus rien à voir avec le collégien échevelé de Charleville-Mezières qui aspire à un autre monde.
C'est une alchimie du verbe bien trop subtile pour s'imaginer rivaliser avec elle en jetant l'ivresse dans les mots. Il y a chez Rimbaud une situation similaire à celle d'un saint dont on veut suivre l'exemple en restant paisiblement dans ses pantoufles. Qui peut prétendre rejoindre Saint Augustin, ou Saint François d'Assise en demeurant attaché à son confort bourgeois qu'ils refusent, fuient.
Etre Rimbaud c'est risquer la sanction sociale, le déportement dans les marges, l'abandon du possédant que nous sommes tous un peu malgré nous. Rien dans les mains, rien dans les poches et tout dans un cervelle en effervescence qui réinvente le monde en réinventant la verbe.
Alors il reste comme une figure de légende. On s'incline devant son audace, son destin brisé. Il y a un autre Rimbaud qu'on invoque jamais : porté sur une litière (dessinée par lui) à travers les sables du désert destination Marseille. Pour y mourir.

 


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1. johnnydu51  le 13-12-2008 à 16:57:59  (site)

je passe sur ton blog pour te souhaiter un bon week-end
Hebergeur d'images

 
 
 
posté le 12-12-2008 à 14:39:05

Vive le Cadavre exquis.

Les enfants aiment y jouer, c'est le jeu des "petits papiers", les surréalistes ont toujours récupéré ces moyens d'explorer l'inconscient sous le prétexte du jeu, et parce qu'ils impliquent un travail de groupe, l'évolution des idées du surréalisme fonctionnant toujours comme un élan collectif, jalonné de tracts, prises de position, manifestes et autres interventions intempestives tant la passion s'y mêle au concret ,au pratique, et bouleverse l'usage des différents modes d'expression, l'art plastique y trouvant maintes techniques nouvelles et l'écrit un moyen  de sortir de ses habitudes, de ses conventions. Le cadavre exquis (le terme s'est trouvé dans la hasardeuse confrontation de deux mots d'un jeu de petits papiers), donnant à celui-ci l'enseigne qu'il arborera dans l'univers surréaliste, et offrant le territoire d'une inépuisable exploration des mots, de leur insolite confrontation.
Du hasard naîtra la poésie, de la danse des mots naît cette voyance revendiquée en  se référant à Rimbaud qui, le premier, en faisait l'objectif de la poésie. 


 


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1. Lakma de Kermal  le 13-12-2008 à 04:38:06

spontanément je trouve :
"croche-patte", "primesaultière", " désamantelés", "brimborion" à mettre dans le chapeau ...
J'étais allée à Chartres, rencontrer des amis. Lui, était gendarme. Il avait fixé au fond de son couvre-chef (képi ?) un papier où on lisait :"c'est pas le tien hé con !" Mais vous l'avez rencontré aussi, sûrement.
@ 2 m'1 ...

2. ooz  le 16-12-2008 à 06:19:21  (site)


je viens de m'aperçoivre
que "cadavre"
c'est "cadre" en javanais !

3. Saintsonge  le 23-12-2009 à 12:04:55  (site)

J'ai "risqué la sanction sociale", désormais suis "dans les marges", sans quasiment plus de confort ni matériel, à lire Rimbaud de près, très tôt, voilà mon "Abyssinie "Finistèrienne !...

 
 
 
posté le 11-12-2008 à 15:28:56

Marcel Jean chez lui.

Il ouvrait facilement sa porte aux visiteurs. C'était dans son atelier de la rue Hégesippe Moreau que recevait Marcel Jean alors que, très âgé, il montrait déjà les signes d'une fatigue fatale.
D'avoir été injustement oublié dans le dictionnaire des "grandes figures du surréalisme" par Alain et Odette Virmaux (pourtant, d'ordinaire, bien informés et fort scrupuleux), donne l'envie de souligner son passage dans la constellation du surréalisme. La photographe Mélanie Gribinski  (une oeuvre fort attachée aux peintres et poètes) fait son portrait la veille de sa mort. C'est une image pathétique et exemplaire de l'homme sculpté dans sa vieillesse comme une figure tutélaire. Il est au coeur de son monde fait de rêves et de délire graphique.
On le voit au coeur du surréalisme non seulement comme un théoricien averti mais un "faiseur d'images" ardentes et porteuses de toutes les promesses de l'aventure de l'esprit.
S'il n'est pas au premier plan de l'histoire du surréalisme il tient, dans les coulisses, un rôle essentiel. On lui doit l'invention du frottage injustement attribué à Max Ernst qui ne fit que l'appliquer. Il y promène sa fantaisie lyrique.

 


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1. ooz  le 11-12-2008 à 20:49:41  (site)

○○○
une injustice ? cherchez la femme !
○○○

 
 
 
posté le 11-12-2008 à 12:06:34

Le surréalisme comme une religion.

Le surréalisme comme une religion.
 Pour ma génération la découverte du surréalisme va agir comme un stimulant, une manière toute nouvelle et exaltante d'aborder le monde.  L'histoire du surréalisme de Maurice Nadeau y est pour quelque chose. C'était un livre culte, la source à partir de laquelle on allait suivre les multiples cours qui serpentent dans le paysage littéraire et artistique de l'entre deux-guerres et l'illuminent.
Après la découverte livresque il y aura les contacts. Une suite de rencontres avec les principaux artisans de cette aventure unique. André Breton en  figure de proue, avec cette majesté et cette onction d'un prélat supérieur.
Au passage : une petite visite à l'atelier de Marcel Jean en haut de la rue Hégessipe Moreau. Il avait inventé le "flottage" (trempez une feuille de papier dans un bain d'eau à la surface duquel vous avez versé des couleurs qui flottent. vous relevez le papier lentement à la surface et les couleurs s'y déposent en des variantes et des mélanges improvisés). Il créait des paysages extraordinaires, autant de portes ouvertes sur l'insolite et le rêve. Il avait, avec son frère Arpad Mezei, écrit un essai définitif sur Lautréamont. Il concevra une très copieuse Histoire de la peinture surréaliste.

 


 
 
posté le 10-12-2008 à 16:31:18

Joé Bousquet et la chambre des merveilles.

Blessé durant la première guerre mondiale à Vailly sur Aisne (Max Ernst, qui devint l'un de ses amis, m'avait confié qu'il était "dans les lignes ennemies"), Joé Bousquet sera condamné à "garder la chambre" et vivre allongé. Grand infirme, n'ayant plus pour horizon que les tableaux de ses amis ornant les murs de cette sorte de laboratoire central où il recevait peintres et écrivains fascinés par son oeuvre. Il y avait là des oeuvres de Dubuffet (qui fera son portrait), Max Ernst,
Fautrier, Klee, Bellmer, Magritte, et tant d'autres qui jettent tous les feux de leur imaginaire dans un espace de concentration mentale, de turbulence affective qui vont nourrir une oeuvre unique et en marge de tous les courants, par beaucoup revendiquée comme exemplaire.
Joé Bousquet est, par la force des choses, l'image emblématique de cette création qui se fait dans un repli total sur soi-même, dans l'exploration de la mémoire ou des sensations. On pensera aussi à Proust. La force du pouvoir des mots l'emporte sur l'écume de la vie.

 


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1. Saintsonge  le 23-12-2009 à 09:50:33  (site)

Votre dernière phrase est sublime.

Et moi qui râle contre mon désordre de livres empilés, parfois !..
La "Chambre" de Perros aux Plomarc'h (zone verdoyante protégée de douarnenez) était plus bordélique encore ! Est-ce pour cette raison qu'il verrouillait de l'intérieur ?
Paix à ce Bousquet qui intrigue tout autant...

 
 
 
posté le 09-12-2008 à 15:24:30

Apollinaire sur la couche.

Apollinaire sur la couche.
Il l'affirme souvent, la nonchalance est un art qu'il cultive, comme celui de la bizarrerie. S'il sait être homme de café (sa fameuse table du Flore où venaient, dévotement, les futurs surréalistes pour recueillir l'art de la poésie) Apollinaire est un voyageur plutôt conventionnel. Il chante les choses simples et se mêle allègrement aux moeurs locales. On le voit aussi parmi ses livres (un chat s'y promenant pour orner les rayonnages d'éditions précieuses et d'ouvrages du "second rayon"). C'est alors un homme "d'intérieur" goûtant le repos et la rêverie.
La position couchée est moins celle de l'abandon (que l'on confond avec l'ébauche des jeux de l'amour) qu'une recherche de confort, à moins qu'elle ne résulte d'une santé chancelante, d'une fatigue ordinaire. Pourtant, en raison de sa massivité corporelle, d'une certaine allure qui lui est propre, couché Apollinaire garde toute sa majesté. 


 


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1. ooz  le 10-12-2008 à 14:58:57  (site)

... et pour ne pas dévier de ma trajectoire, n'osant me risquer à négocier ma phrase en choisissant pour introduction l'imprononçable
"...dans la lignée de notre Confrérie d'Irréductibles...",
qui tôt ou tard appellerait un subjonctif dont la maîtrise à l'instant me fuit,
je me contenterai de hasarder, sur le mode 'disciple à maître' (minimisant ainsi ma malchance de vous irriter) :
○○○ c'est justement mon sujet d'étude de la semaine : "prend-on moins de place couché que debout ?" ○○○
et de m'en retourner rêvasser sur ma paillasse ...
avec respect

édité le 10-12-2008 à 14:59:19

2. Saintsonge  le 23-12-2009 à 09:57:12  (site)

Ne trouvez-vous pas qu'il nous fait penser à ce "Rimbaud blessé" peint par Jef Rosman, suite au "drame de Bruxelles" de 1873 ?.. C'est à celui-ci que j'ai du moins songé...illico presto!

3. Saintsonge  le 23-12-2009 à 10:00:15  (site)

ah bien, ne vous lisant qu'à la suite logique (vous découvrant ainsi sur l'année précédente, avec joie, d'ailleurs ; feuilletant ainsi votre "livre"-mémoire virtuel), je n'avais pas vu votre "rimbaud blessé" , justement ! Donc, j''avais raison...

 
 
 
posté le 09-12-2008 à 14:56:03

Rimbaud l'allongé.

Il y a toujours quelque chose de furieux dans le geste rimbaldien. On voit le poète dans son errance frénétique, entre boisson et illumination. L'aventure amoureuse avec Verlaine se repliant dans l'ombre et comme une honte qui ne donnera de poèmes pour l'exalter que ceux de Verlaine. Rimbaud c'est l'homme debout. Depuis le collégien dont la beauté est l'arme absolue, jusqu'au commerçant d'un Orient laborieux, se ceinturant d'or comme il s'était ceinturé de mots venus des étoiles.
Le voir allongé est un accident de parcours. Il n'est pas dans son monde mais dans celui d'une contrainte. Il n'est, allongé, que fortuitement. Il faudra aller chercher ailleurs l'image que l'on veut donner de lui.

 


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1. Saintsonge  le 23-12-2009 à 10:04:04  (site)

Cela préfigurait donc son amputation à Marseille où, couché de même, agonisant, il dit à sa soeur : toi au moins , tu marcheras encore dans le soleil (je cite de mémoire) ; ainsi marchant moi-même, par les jours ensoleillés, j'envoie vers l'astre ma prière pour Rimbaud (dont j'ai plusieurs posters sur le mur toisant mon escalier de bois) : Rimbaud, je marche pour toi, dans le soleil, dis-je.

 
 
 
posté le 09-12-2008 à 14:23:51

René Daumal, un chemin vers l'abîme.

Les hasards de la route, alors que le but était Mézières Charleville, au prétexte d'une manifestation poétique, nous font passer à Boulzicourt, triste bourgade ardennaise, et devant la maison natale de René Daumal (qui était alors à vendre, ce qui ne pouvait que retenir mon attention, la semaine précédente j'avais déjà été tenté par l'achat de la maison natale d'Alain - Mortagne - et de Charlotte Corday, on n'est pas plus éclectique dans la culture des références).
La maison de René Daumal n'avait d'autres séductions que d'être liée à son souvenir car, d'apparence (et donnant directement sur une route bruyante et boueuse), elle était plutôt sinistre. On pouvait bien comprendre la hâte de la quitter et de retrouver de lumineux compagnons comme ce fut le cas de Daumal, étudiant à Reims, aux côtés de Roger-Gilbert Lecomte et Roger Vailland, (plus tard s'associant avec Maurice Henry, Arthur Harfaux, Pierre Minet pour animer le mouvement du ""Grand Jeu").
Daumal tel qu'en lui-même et si proche, il faut qu'il soit de constitution fragile, (encore que jeune il était très fort en gymnastique ), traînant ce genre de maladie qui vous ronge et vous abat au final, comme l'arbre qui s'effondre au coeur de la forêt. Car Daumal est au coeur d'une pensée incandescente. Une ardeur de l'esprit qui trace son chemin de lumière entre poésie et mysticisme, cultures lointaines et sens du sacré. L'expérience pour traverser le miroir des apparences l'aura brisé. La drogue, les excès en tous genres conduisent alors aux portes de l'abîme.
Le poète couché  : on pense à Joé Bousquet, à Rimbaud après le drame de Bruxelles, à Apollinaire enfin, blessé de guerre et sur son divan comme une statue brisée.


 


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1. Saintsonge  le 23-12-2009 à 10:09:38  (site)

J'ai connu des excès qui me mirent en borderline ; j'en suis revenu par la bordure des lignes, c'est mieux d'allonger ses phrases sur la blancheur du papier que son dans des draps de même couleur, son corps avachi et lourd de douleurs.

 
 
 
posté le 07-12-2008 à 16:17:09

Léo Larguier, un personnage de Balzac.

Il fallait bien que la culture fusse bien arrimée à la vie quotidienne, en étroite intimité avec ce qu'il y a de plus dérisoire en notre ordinaire. Elle côtoie ce que nous sommes même sans y penser. Chaque pas nous conduit vers un poète, un peintre, un musicien, ceux-là qui nous remuent l'âme. Sans cela autant mourir.
On ne cherche pas leur voisinage, il s'impose, nous ravissant comme la prière élève l'âme du croyant. Leur réalité est notre église. Nous y croisons ceux qui nous nourrissent de leur savoir, de leur génie.
Un souvenir pour situer la chose. Rue Saint Benoit, à Saint Germain des Près. Elle est brève, droite, s'imposant, tranquille, où s'amorcent les vitrines de la librairie La Hune. On y dînait, brièvement, d'un oeuf sur une purée, dans une minuscule salle dominée par une mezzanine qui semblait ne servir à rien. On savait que Marguerite Duras avait vécue dans le voisinage. M'intéressait bien plus celui de Léo Larguier. Je situais sa maison près de ce jardin miniature qui prend ici des proportions de rêve végétal.
On le savait méridional, et de fort accent. Il aurait rencontré lors de son service militaire Cézanne à Aix, et même Germain Nouveau quand ce dernier mendiait aux porches des églises. Apollinaire l'aime bien, il en parle dans ses  chroniques de nonchalante mémoire.
Dans les revues médicales qui ont formé ma culture artistique dans les années 50, il était fort présent et passait pour un "chineur" éclairé. On le disait entouré d'objets hétéroclites, quelque chose comme l'antre d'un antiquaire. C'était un personnage de Balzac. Avec ce qu'il y a de maniaque, de forcené dans les traits de son caractère, jusqu'à oublier (ou négliger) le présent. L'amour des choses inertes n'est-ce pas justement le savoir de leur donner une âme.

 


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1. ooz  le 08-12-2008 à 16:43:39  (site)

pour raisons personnelles il m'est très antipathique
les raisons personnelles ici révélées : silhouette, attitude, tweed, position de la main, fauteuil préféré : on dirait un homme que j'ai épousé il y a trois, quatre ans ... (et n'ai pas revu depuis, ou peut être deux, trois fois) ; cet embonpoint cache mal un mal-être pernicieux

2. Saintsonge  le 23-12-2009 à 11:52:10  (site)

Un fait étrange de ce membre de l'académie Goncourt :
né et mort un ... 6 décembre (une belle boucle de vie !)
Pour Duras : sur la porte de ma chambre qui ressemble tout à fait à la sienne, j'ai scotché la photo de sa chambre, 5 rue Saint-Benoît, 3ème étage gauche...

 
 
 
posté le 05-12-2008 à 14:04:29

Aragon le piéton des Passages.

Avec "Nadja" d'André Breton "Le paysan de Paris" d'Aragon est un des livres clefs de la sensibilité moderne. Il faudrait y ajouter Apollinaire et Blaise Cendrars, et peut-être Valery Larbaud et Léon Paul Fargue, mais où finit la liste de nos maîtres ?. "Le paysan de Paris" s'articule sur deux récits, ou plutôt, deux itinéraires dans un Paris émerveillé et empli de mystère. Il y aura les Buttes Chaumont, voici le Passage de l'Opéra. Il a disparu sous les pioches des urbanistes qui ont prolongé le boulevard Haussmann jusqu'au carrefour Richelieu-Drouot. La flot des voitures vient jeter sa rumeur dans l'ombre de ce qui fut un passage mystérieux et secret, plein d'ombres lascives et de recoins fabuleux à en croire Aragon qui nous y promène avec la lenteur précautionneuse du piéton rêveur. Tout  a son prix, tout a un sens pour celui qui sait regarder le réel autrement qu'un simple étalage de biens de consommation. Un va-et-vient plein de mystère, des femmes à perdre haleine, des lumières étranges, des rites insolites, des objets en délire, et quelques points d'ancrage dans l'errance parisienne, et dans la tradition des Grands Boulevards, théâtre de la vie parisienne en ses déviances et ses obscures célébrations du plaisir.
Aragon nous montre bien que loin du roman, l'expérience de l'errance urbaine offre un formidable tremplin à notre imaginaire. L'odeur de la femme y domine et comme dans Nadja l'amour n'est pas loin, serait-il tarifé. La minutie du descriptif est scandée par de véritables poèmes et rêveries éveillées, pleines de circonvolutions mentales, d'analogies étranges, d'images sulfureuses ou émerveillantes.
On y rencontre aussi des amis-complices, compagnons de route dans la recherche de l'insolite ( Noll, Baron, on les retrouvera ici ou là), l'errance urbaine ne se fait pas en solitaire, mais en groupes soudés par une complicité de pensée, de désir et une soif absolue de merveilleux

 


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1. ooz  le 08-12-2008 à 16:31:44  (site)

○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○
tout l'enchantement est pour moi
○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○○

édité le 08-12-2008 à 16:33:24

 
 
 
posté le 03-12-2008 à 16:08:47

Malcom de Chazal à la brocante.

Jean Igé  jeune poète, étudiant en médecine, qui fréquentait le  Soleil dans la tête, et publiait ses poèmes chez l'éditeur Millas Martin (qu'est-il devenu ?) était en correspondance avec Malcom de Chazal, dans son île lointaine: l'île Maurice.
Il paraissait évident qu'on publie des poèmes de Chazal dans la revue Sens Plastique d'autant plus que ce titre même était emprunté à celui du plus célèbre recueil de l'écrivain. J'en avais connu l'existence par Jean Paulhan à la Nouvelle Revue Française, qui se faisait le promoteur enthousiaste de "Sens Plastique", un curieux recueil de textes qui relevaient de tous les genres sans se fixer à aucun d'entre eux. C'était alors, avec "Mes Inscriptions" de Scutenaire (un belge), une bouffée d'air pur, une prose innovante, totalement originale et témoignant d'un esprit vif et peu conventionnel. Une percée vertigineuse à l'intérieur du verbe, de la pensée et une formulation tout à fait singulière.
Sens Plastique (trente numéros), malheureusement, ne poussa pas loin son intention de rendre hommage à Malcom de Chazal. Différentes raison (oubliées) en furent responsables, tout comme fut ratée l'idée de rendre un hommage, non moins justifié, à André Breton qui ne se montra guère enthousiaste à cette idée (à la suite d'une petite querelle autour de l'exposition "Eros" de 1960).
Malcom de Chazal est resté dans ma mémoire, et ce n'est pas sans émotion que je dénichais ses livres édités d'une manière presque clandestine, dans les petites échoppes de l'île Maurice, perdus parmi les objets folkloriques et les journaux venus d'Europe. Négligés semblait-il par les clients, et que l'on négociait pour des sommes dérisoires. On vous montrait aussi des gouaches du poète. Des poignées de soleils et d'étoiles disposées dans un ciel de pure fiction.
C'est quand elle est quasi clandestine que la poésie porte ses forces les plus lointainement, les plus durablement dans notre mémoire. Parce qu'on mesure sa force à sa clandestinité, et que d'avoir à la dénicher lui donne plus de prix. D'où notre penchant (serions-nous un club ?) pour des poètes oubliés, négligés, dont on retrouve avec émotion les pépites précieuses dans des livres dont la découverte même est une merveilleuse aventure.

 


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1. Ooz  le 05-12-2008 à 14:34:55

○○○
j'ai toujours peur de vous déranger avec mon babillage ... mais cette couverture de livre ne démérite pas et je voulais en faire ici la constatation
merci de ces bribes essentielles toujours justement illustrées
○○○

 
 
 
posté le 02-12-2008 à 15:52:06

PAB et Jean Bélias : un duo de bibliophiles.

La passion de la bibliophilie.

Jean Bélias,  dont on vient de disperser la bibliothèque à l'Hôtel Drouot à Paris, était un fidèle du Soleil dans la tête. A la fois client et pourvoyeur de certaines éditions rares dont il assurait la diffusion. Une circulation presque clandestine d'ouvrages illustrés par des peintres, surréalistes en particulier, liait entre eux libraires et démarcheurs qui avaient la main mise sur ce qui se faisait de mieux dans ce domaine.
Jean Bélias s'y était fait une silhouette d'un amateur réservé, distingué et d'une rare érudition poétique. Il s'était d'ailleurs assuré l'estime et parfois l'amitié de René Char, André Breton et pratiquement tous les écrivains qui, dans les années 50-60, constituaient la frange expérimentale de la poésie.
Il ne pouvait ignorer le travail discret, d'un  provincial comme PAB (Pierre André Benoit) qui, de son côté, à Alès, agençait avec amour et délectation de précieux petits tirages où il mettait en situation de confrontation féconde des peintres et des poètes. D'Alechinsky à Picabia, de Bertini à Jean Hugo, de Picasso à Karskaya, de Dubuffet à Corneille, de Jacques Hérold à André Masson,  ce sont de merveilleux petits ouvrages traités "à la main" dans un souci de rectitude typographique, l'audace étant toujours celle de l'illustrateur.
La rencontre  de ces deux artisans de la bibliophilie ne pouvait que se faire au Soleil dans la tête.

 


 
 
posté le 02-12-2008 à 14:04:12

Flaubert et l'appel de l'Orient.

L'aventure égyptienne de Bonaparte semble avoir donné à plusieurs générations d'un XIX° siècle tout empli de sa gloire et du regret d'affronter un  quotidien sans panache, le goût de " l'ailleurs ", cette soif d'horizons lointains qui conduit de Chateaubriand à Rimbaud en passant par Ernest Renan, Gérard de Nerval ou Flaubert. Celui-ci avait déjà placé le voyage sous le signe de la littérature. Moins pour se faire le strict reporter du déplacement que nourrir son imaginaire ou encore affronter la réalité dont il veut percer le secret. En Normandie (avec Maxime Du Camp) ce sera par grèves et chemin, la découverte de son territoire. Il est un enfant de cette terre, il y plantera des personnages aujourd'hui si fortement liés à leur environnement

 

(madame Bovary, Homais, tous les personnages du roman) qu'ils en sont une sorte de figure emblématique. Maupassant reprendra cette idée qui balaie de sa plume impitoyable les différentes couches sociales qui le constituent.
Flaubert donc, voyageur. Partant pour l'Orient il ne fait que répondre à un rêve de génération, d'une époque qui construit ses héros sur une expérience humaine (plus forte encore en de développant comme on le verra avec Zola). L'utilisation de la photographie (contemporaine) renforce cette idée d'un affrontement radical avec le réel, son histoire, ses foules et sa couleur locale. Le voilà au Caire. Le clic-clac du photographe précède l'écrivain dans sa quête.
 


 
 
posté le 28-11-2008 à 16:14:51

L'abbaye de Créteil.

C'était un fantasme juvénile. J'avais toujours rêvé de vivre dans une abbaye (en partie ruinée pour signifier le passage du temps) et bien sûr, disposant d'un vaste espace, organiser une vie collective qui ne soit pas en contradiction avec la tentation d'une vie familiale.
Il y avait du Rabelais là dessous, et certainement pas une pensée religieuse. Encore que la recherche de la spiritualité, le refus des lois purement commerciales de notre quotidien  pouvait y être pour quelque chose. Enfin, nul n'ignore que la "qualité" de l'habitat peut jouer sur celle de notre vie, et de nos rapports humains.
Tout est dit pour mieux comprendre ce qui était plus un rêve qu'un fantasme à y bien réfléchir.
Alors on parlera de phalanstère. Ce sera pour évoquer Alfred Jarry et l'équipe du Mercure de France qui tentera à Créteil de créer un lieu d'échange et de fraternité. Mais l'image d'un Jarry excentrique brouille le jeu. Il en tire l'essentiel des souvenirs qui retiennent des gestes de sa gestuelle provocatrice et significative. Elle va faire des émules.
Toute différente est l'ambition de quelques poètes et peintres qui, dans les années 1900, s'installent dans un lieu agreste, à Créteil, et tentent une vie commune. Il y a là Charles Vildrac, Arcos, Georges Duhamel, Albert Gleizes, Mercereau. Pour survivre ils éditent, sur une presse artisanale, des ouvrages d'écrivains de leur cercle (de Pierre Jean Jouve à Robert de Monesquiou, de Roger Allard à Jules Romains).
L'expérience est de courte durée, la légende se charge de lui donner une certaine pérénité.

 


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1. Cybel de Guingois  le 05-12-2008 à 14:43:01  (site)

○○○
je pris la liberté de prendre cette photographie pour en faire le fond d'arrière plan de bureau sur mon ordinateur
○○○

2. ooz  le 05-12-2008 à 21:08:34  (site)

○○○
pouvez-vous mettre les noms sur les visages, de gauche à droite par exemple ?
et me communiquer le résultat ?
je reviendrai ici, vous, ne bougez pas ○○○ merci
○○○

 
 
 
posté le 28-11-2008 à 15:47:24

Léautaud pour mémoire.

Première et furtive vision : il est là, menu dans son accoutrement qui lui donne l'air d'un clochard. C'est au bout de la rue de Seine, quand elle frôle l'Institut, dédaigne l'arcade qui conduit vers le Pont des Arts. Il est immobile, pensif, regarde devant lui comme s'il cherchait quelque chose, ou subitement, se disait qu'il avait oublié un objet dont il aurait besoin, alors qu'il porte à bout de bras un lourd cabas d'où jaillissent des poireaux et des carottes qu'il va emmener dans sa retraite de Fontenay aux Roses.
Nous y voici, justement, alors qu'on allait chez l'ami Pierre Descargues qui habite une jolie maison pleine de livre et de sculptures. On s'égare un peu dans ces douces rues de banlieue qui sont restées des rues de village. Soudain, alors qu'on ignorait sa survie ( Léautaud étant mort depuis longtemps), on bute sur la maison aux cent chats, reconnaissable à travers la belle image qu'en a donné J.J.J Rigal dans une gravure ouatée comme une confidence.
Du Quartier Latin à cette bourgade tranquille il y a la juste distance d'une vie dont le quotidien a nourri l'oeuvre littéraire de celui qui n'inventait rien mais voyait tout avec un oeil impitoyable et une sentimentalité de fillette perverse. Celle d'un homme blessé. Le misanthrope de Molière a troqué sa pelisse de théâtre contre le vieux pardessus qui sert de refuge au chat quand il n'est pas l'uniforme créant la silhouette de celui qui en est devenu une légende.

 


 
 
posté le 27-11-2008 à 14:59:17

Emmanuel Bove : le malheur tranquille.

Bove ou une misère tranquille.
L'errance parisienne de Bove est bien éloignée de celle d'un Léon Paul Fargue ou d'un Breton, voire d'un Aragon. Ces derniers y cherchent le merveilleux, l'insolite, l'amour enfin. Les héros de Bove y dévident le long fil de leur solitude, et si, d'occasion, ils participent à un fait social ( une réunion mondaine) c'est pour décrypter la médiocrité morale et intellectuelle des personnage qui dénoncent la société. Une galerie de figures ridicules souvent sordides qui rejettent Bâton (le personnage type de Bove) dans sa solitude, et la justifient. A quoi s'ajoute la misère matérielle, le décor souvent sordide des hôtels de basse catégorie, l'incapacité de s'afficher dans le costume glorieux du conquérant mais dans celui, banal du quidam que rien ne sauvera de son état.
Bove situe avec une grande précision ses personnages dans un Paris qui parfois fait penser à celui de Simenon. Une écriture qui se veut neutre, minimale, terne pour donner plus de relief à la personnalité des protagonistes de cette effroyable chronique du malheur tranquille.
A noter la réaction significative de Paul Léautaud mettant son nez dans un manuscrit de Bove qui devait traîner dans les bureaux du Mercure de France où il était employé. Frappé par le ton de Bove,  Léautaud affirme, dans son journal, qu'il en fait  des cauchemars. Pourtant il était l'initiateur d'un style qui se fait neutre, le plus économe possible d'effets, de relief. Mais celui de Léautaud fourmille d'humeur, et de sentimentalité, alors que Bove se maintient dans une neutralité éprouvante. On ne peut s'accrocher à rien, ni à personne dans cet univers, sinon être entraîné dans une sorte de dérive.

 


 
 
posté le 27-11-2008 à 14:00:56

Le bord du livre.

Chargé de l'illustration de la couverture de la revue Littérature, Picabia avait innové dans l'orthographe,  jouant sur les mots il avait créé "Lits et ratures". Grande est la tentation de suivre son exemple en partant de Bord de livre d'inventer :
"bordel ivre" ce qui conviendrait assez bien à un grand nombre d'ouvrages (et parfois parmi les meilleurs) et donnerait la juste mesure de ce qu'ils proposent. Ecrire n'est-ce pas s'avancer dans la fouillis de son âme, bousculer la réalité même quand on prétend la décrire, créer en somme un monument de désordre pour nous toucher, nous interroger, percer le secret de notre vie, de sa raison d'être.
Qu'est-ce que le bord du livre sinon son aspect premier, sa matérialité, et le pouvoir de nous attirer. Quel plaisir (pour celui qui aime le livre) d'errer devant un rayonnage et d'y quêter le titre qui va retenir notre attention, nous séduire.
Le bord du livre c'est un peu la plage qui nous annonce la mer. L'appel du grand large.


 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 23-12-2009 à 07:53:43  (site)

Je vous livre cet aveu que, sans avoir eu connaissance du jeu de mots de Picabia, j'ai moi-même usé de celui-ci dès vingt ans : je fais de la lit-et-rature (au singulier, toutefois);
qu'est-ce à dire, à signifier par mon signifiant ?

 
 
 
posté le 25-11-2008 à 13:55:48

Alain Cuny lisant "L'Affamée" de Violette Leduc.

Je l'avais reconnu à sa voix. Vibrante, avec des couleurs étranges qui s'alliaient si bien à la lecture de poèmes. C'était Alain Cuny qui fouillant dans les rayons (l'enclave réservée aux livres rares) avait déniché l'édition marginale de "L'affamée" de Violette Leduc éditée par Jean Jacques Pauvert sous l'impulsion d'un admirateur de Violette Leduc, le bibliophile Jacques Guérin.
Portrait de Pauvert en ce temps là : " c'était un jeune homme froid, très froid, distant, très distant, une sorte d'oeuvre d'art glacée, avec un visage agréable au sourire méprisant d'asiatique. Il portait lunettes et costume étriqué. Timidité. Présence en retrait. Il débutait, il se cherchait". D'ailleurs l'ouvrage ne paraît sous le sigle de Pauvert à ses débuts mais celui qu'il s'était choisi : Palimugre.
Le Soleil dans la tête s'était installé dans les locaux de ce qui fut cette ébauche de maison d'édition qui visait déjà très haut. Elle publiait de minuscules fascicules signés Sartre ou Camus.
"L'Affamée" se présente comme un livre d'un format plus grand que l'ordinaire et tiré sur un papier grenu, la couverture en particulier, d'un beau gris, offrait cette texture qui retient le doigt qui aime s'attarder sur ces papiers rares, signe d'une recherche et de distinction éditoriale qui fait les livres cultes.

 


 
 
posté le 24-11-2008 à 14:48:16

Le manteau de Proust.

Il y avait le perroquet de Flaubert (empaillé et sur son bureau), il y avait la canne de Balzac (à pommeau d'ivoire), il y a le manteau de Proust. Tous les commentateurs, témoins, s'accordent pour souligner l'étrange silhouette que Proust se faisait en endossant cet épais manteau qui le protégeait du froid.
Il le traînait aussi bien au Ritz où il donnait des dîners raffinés à ses relations aristocratiques (qui ne voyaient en lui qu'un aimable farfelus) que dans ce bordel de garçon de la rue de l'Arcade où il avait casé les meubles de famille hérités lors du déménagement de la rue de Courcelles.
Sorti des moiteurs de la chambre transformée en prison pour élaborer son oeuvre, Proust traînait avec lui cette peau qui créait sa silhouette de malade fiévreux et de somnambule entraîné dans un rituel mondain dont il connaissait tous les codes et les usages en imposant moins une élégance héritée de sa classe qu'une figure déclassée et  flottante dans ses propres chimères.
Le perroquet de Flaubert soulignait un amarrage à sa table de travail (et un état de sédentaire), la canne de Balzac un étalage un peu puéril de sa vanité, le manteau de Proust une contrainte de la maladie, une défensive contre le quotidien qui le rongeait quand il naviguait en haute mer de sa mémoire.


 


Commentaires

 

1. ooz  le 25-11-2008 à 03:59:47

moi aussi on me reconnaît à mon grand manteau noir, long et large et de belle ampleur, un peu pincé à la taille, tout rapé et brûlé ... je l'adore mon manteau-poème (comme celui du voyageur, et dont le dernier vers est :
... sa bure où je voyais des constellations ...

édité le 25-11-2008 à 04:00:39

 
 
 
posté le 17-11-2008 à 15:11:15

Le pays Prévert.

Plus que toute autre oeuvre poétique, celle de Jacques Prévert ressemble à un  territoire balisé par celui qui l'occupe, et constamment enrichi d'apports qui relèvent de la même pensée, d'un unique tempérament. Où règne, ici, l'humour et une sourde colère. Un poète enraciné dans l'amour de l'humanité blessée, meurtrie, saccagée par un  certain "ordre" social qu'il refuse. S'il fut compagnon des surréalistes c'est moins pour la recherche verbale qu'on y entreprenait (dont l'écriture automatique) qu'un esprit d'insurrection. Ce qui le faisait alors plus proche de "dada".
Ce qui le conduit tout naturellement au spectacle. La vie en est un, dont il est moins le troubadour que le bateleur. Avec la verve imagée du montreur de foire qui invite le public à pénétrer dans la barque où l'on présente des "merveilles" ;  le recours au verbe comme incantation, ou encore le rythme récitatif des conteurs. Ce qui le conduit tout logiquement du mot à l'image. Ses collages ne procèdent  pas de la même technique qu'un Max Ernst (creusée dans une image ancienne pour y introduire des rapprochements insolites) encore qu'elle joue, elle aussi, sur la découpe d'images pour les dévier de leur signification première. Y introduisant moins l'insolite que l'insolence.
Quand on s'engage dans le pays Prévert c'est tout autant pour y chantonner la mélancolie et l'amour blessé que refuser l'injustice, l'horreur des conventions, l'insolite du quotidien, un certain bonheur qui tient à ces menus choses qui ne sont données qu'à ceux qui les méritent.


 


Commentaires

 

1. ooz  le 25-11-2008 à 04:03:43

j'espère que vous pourrez aller jusqu'à la Bibliothèque François Mitterrand on s'y promène à la mémoire de Prévert jsuqu'à la fin de février

2. Saintsonge  le 23-12-2009 à 07:33:02  (site)

J'ahborre aussi l'ordre établi, les conventions et l'injustice dans ce monde "cirque" Foutoir !

 
 
 
posté le 12-11-2008 à 15:40:44

Le Carnet de Rimbaud.

On le dirait juste sorti de sa poche. Il devait l'avoir sur lui, randonneur inspiré, le secours des mots pour mieux s'enfoncer dans la délice des sensations. Reliure usée, abîmée par le frottement dans le sens de la marche. Ce n'est pas le carnet du sédentaire qui reste au fond du tiroir d'où on l'extrait parfois pour scander le temps de la réflexion ou du rêve, mais celui de l'errance, du risque, de l'aventure.
Il y a, en Rimbaud, un homme en perpétuelle fuite. De lui-même ? de l'atroce quotidien qu'il bouscule.
Bizarrement il rejoint le bleu infini qu'affectionnait Yves Klein, et qui en fit "son fond de commerce". Le bleu d'un ciel toujours recommencé. Le bleu de l'azur. Du noir y passe, y sommeille, s'y annonce. C'est un ciel d'orage.


 


 
 
posté le 11-11-2008 à 15:03:47

Jean François Chabrun, le surréalisme dans les années noires.

S'il n'est pas des premiers combats, en figure de proue avec ceux qui, dans l'entre deux guerres, militent pour le surréalisme, Jean François Chabrun prend le relais quand l'occupation allemande chasse les poètes et que, clandestinement, il assume avec quelques complices et amis la relève, sinon le maintien d'un esprit qui défiera la bêtise ambiante, l'horreur de l'Histoire. Avec Noël Arnaud l'ombre de Jarry, et quelques autres, ce sera l'aventure de "La Main à plume". Rimbaud est déjà cité, la couleur de la révolte y trouve ses forces.
Chabrun vient des petits groupes qui, dans les années 1938-39, allument "Les Réverbères", une revue qui est un peu le vivier des forces nouvelles. On y trouve le peintre Jean Marembert, injustement oublié, le poète Léo Malet qui, venu de "dada", se lance dans la construction d'un Paris de fantasmes et de crimes (un peu à la manière d'Eugène Sue) qui en fait une sorte de Balzac d'un Paris poétique.
Porteur de flambeau, Jean François Chabrun va fédérer ceux qui ne renoncent pas, ce sera "Le surréalisme encore et jamais".

 


 
 
posté le 11-11-2008 à 12:59:33

Le protocole de Vénus.

Tout commence par un choix. Celui de Pâris, qui d'entre trois belles (Minerve, Junon et Vénus) doit désigner celle à qui il remet la pomme d'or, signe tangible de son admiration. Dilemme angoissant et qui n'est pas sans conséquence puisque la guerre de Troie en découle. Est la logique conséquence d'une adhésion contenant en elle des refus qui blessent des susceptibilités.
Nantie d'une sorte de label au regard des hommes et des dieux, Vénus va, désormais, conduire son action avec la sûreté et l'audace de celle qui se sait désignée pour, à son tour, trancher, choisir, imposer sa loi.
Toute la comédie sociale va se développer autour d'elle. Elle en est l'ornement, l'objectif premier, une sorte de graal justifiant toutes les quêtes.
Elle se donne en spectacle, elle mobilise l'attention, elle dirige les ondes du désir qu'elle inspire. Hors cet espace de la séduction elle perd sont statut, son pouvoir.

Entre le Vénus (naissante) mise en scène par Boticcelli et la fille faisant son strip-tease dans le plus vulgaire beuglant il n'y a que la distance de deux civilisations qui y affichent leur conception de la gloire  féminine, de sa séduction. Elle se met à la portée de ceux qui l'acclament, la vénèrent.
Elle sera inaccessible avec les troubadours, très chèrement payée avec les courtisanes, mais toujours reine de leur espace avec ses ornements, ses références, son protocole.

 


 
 
posté le 10-11-2008 à 14:51:35

Un livre culte Alcools d'Apollinaire.

Un livre culte.

Il provient de la collection  de Jacques Guérin. C'est le jeu d'épreuves corrigées d' "Alcools" de Guillaume Apollinaire enrichi d'aquarelles du poète.
Il témoigne du travail effectué par l'auteur sur l'imprimé. La suppression de la ponctuation (inspirée dit la légende par Blaise Cendrars ) mais aussi parce que selon Apollinaire lui-même : "le rythme même de la coupe du vers voilà la véritable ponctuation". Un changement aussi important : celui du dernier vers de "Zone". Il était "soleil levant cou tranché", il devient "soleil cou coupé" On connaît la prestigieuse destinée de cette formule reprise par Aimé Césaire, pour l'un de ses plus important recueils de poèmes.
Certains des poèmes sont dédicacés à quelques amis et familiers du poète dont Paul Léautaud, Max Jacob ou Maurice Raynal.
Jacques Guérin fut un  prestigieux collectionneur et bibliophile qui avait su réunir des pièces d'exception. Avec une large place accordée aux poètes qui se situent à a la charnière des XIX° et XX° siècle

 


 
 
posté le 10-11-2008 à 10:58:44

Parade pour Posada.

Parade pour Posada.

On est sous le soleil mexicain. Ardeur et passion. Tout y prend des proportions ignorées sous la clémence (?) de notre ciel européen. Affaire d'époque.
Que l'on songe au moyen-âge aux farandoles, cortèges, processions qui déchaînent les bas instincts des foules. Car c'est une folie collective qui entraîne mêlés, fondus dans un seul mouvement, hommes et femmes, un instant avant s'ignorant, bientôt, par l'ardeur d'une ronde, confondus dans des étreintes où la volupté se confond avec une sorte de violence : celle qu'inspire la peur, l'effroi de la mort qui se joint au cortège, d'où les "danses de la mort" perpétuées par la sculpture, les images.
Qui, fréquentant les Halles de Paris, et la place du Marché des Saints Innocents,  peut échapper à l'espèce de stupeur qui suspend, là, le temps et nous transporte par l'imaginaire vers les cultes d'un moyen-âge si fertile en "esbatements" virils, ceux là même qu'évoque le truculent Rabelais.
L'ossuaire a disparu ainsi que les tombes (elles furent les premières à gagner les profondeurs des Catacombes) et aujourd'hui des filles délurées font de l'oeil au passant en exhibant des tenues tapageuses et cuissardes de motard en écoutant, en cercle complice, des rocks durs sur une radio portative. La danse de la mort se camoufle.
 

 


 
 
posté le 04-11-2008 à 23:30:37

Apollinaire et le temps qui passe.

Le clic-clac du temps qui passe.

Avec ses nonchalances, ses rythmes diversifiés, la poésie d'Apollinaire épouse les contours d'une mémoire et d'une sensibilité qui s'est colorée aux accents pittoresques du voyage, On le voit mobile, comme le mouvement des  mots qui se cherchent, s'assemblent et flamboient d'une rencontre inspirée. Pratiquant le journalisme Apollinaire satisfait au mouvement qui le place en situation d'observateur, de témoin, alors que les mots, dans le jeu qu'il adopte, tournoient autour de sa sensibilité toujours en éveil.
Alors, parce qu'il est dans la vie, le personnage même peut passer inaperçu, son allure  est celle de quiconque. Vous le rencontreriez  lors de votre promenade, rien ne vous dirait qu'il porte en lui des myriades de mots magiques.
La légende a retenu un Apollinaire à la tête bandée des suites de sa blessure sur le Chemin des Dames (il fallait bien que ce fut en un endroit ainsi nommé) que nous propose Picasso qui le fréquente alors avec assiduité. Le poète transformé en icône. Le clic-clac du photographe (serait-ce, ici, le poète ami André Rouveyre ?) retient un homme dans son ordinaire, le visage en attitude de questionnement, comme s'il s'adressait à celui qui le fixe sans complaisance.

 


Commentaires

 

1. cybel  le 07-11-2008 à 20:05:58  (site)

de tête :
voici le vent qui s'élève
et gémit dans le vallon

...voici l'errante hirondelle
qui rase du bout de l'aile
l'eau dormante des marais
voici l'enfant des chaumières
qui glane sur la bruyère
le bois tombé des forêts
(sans le support musical de Brassens je n'aurais pas pu mémoriser tout cela !)
et quand je dis en moi-même
où sont ceux que ton coeur aime ?
je regarde ... I'm gone !

 
 
 
posté le 04-11-2008 à 23:03:40

Silhouette de Sima.

La vie littéraire s'appuie aussi sur le monde de l'art. La commentant, la complétant, lui donnant une dimension visuelle qui entre pour beaucoup dans son audience.
Le surréalisme aura  largement usé du concours des peintres qui lui assurent une part considérable de son prestige et de son attrait. L'exemple aura été suivi. Ainsi du groupe que Léon Pierre-Quint fédère sous le sigle du "Grand Jeu".
Léon Pierre-Quint est un esprit libre, ouvert, aux curiosités multiples. On lui doit de remarquables observations sur Lautréamont. Il pilotera un réseau éditorial qui donne toute ses chances à un poète (réputé difficile) comme Roger Gilbert Lecomte. Une amitié intense, une complicité fidèle donne toute ses chances à une voix essentielle de la pensée et de la poésie des années de l'entre deux guerres.
Le peintre complice, c'est Sima, venu des brumes de l'Est, chasseur de mystères, inventeur d'un monde délicat et fluide où des ombres surgissent comme venues d'une eau profonde.
C'est dans la délicieuse et calme cour de Rohan (débouchant du passage du Commerce, à l'Odéon) que Sima a installé son atelier (il y a aussi Balthus qui fait du lieu le sujet d'une de ses toiles les plus audacieuses).
On a, là, la conjoncture des personnages et du lieu propice au développement de leur personnalité. Léon Pierre Quint est saisi dans toute la subtilité de son évanescence, un profil d'aristocrate, une désinvolture de dandy.
Ami des poètes, leur complice drapé dans son mystère. La pudeur de l'intelligence.


 


 
 
posté le 28-10-2008 à 13:57:21

Le Soleil dans la tête.

Avant d'être une librairie galerie le Soleil dans la tête était un recueil de poèmes (mauvais) imprimés sur une petite presse à bras, sur un méchant papier-journal, et broché à la main. Un moyen de s'introduire dans le milieu poétique de l'époque (les années 50) qui ne fut pas insensible à cette initiative et les multiples revues qui faisaient, à l'époque, l'actualité poétique, lui furent largement ouvertes (c'était Io, La Tour de Feu).
L'époque était totalement mobilisée par le succès alors phénoménal de Jacques Prévert. Le Soleil dans la tête, dont les poèmes hésitent entre le ton badin de la confession, léger de la chanson, et naturel dans un usage de mots simples, devait beaucoup à Prévert et ne s'en cachait pas.
Transporté (muté ?) en librairie galerie, le Soleil dans la tête devient le "laboratoire central" de la poésie (jeune) dans les années 1955-60 avec de nombreuses signatures, expositions qui permettent aux poètes de cette génération de se mieux connaître, de se rencontrer. Des expositions soulignent le rôle joué par Pierre Albert Birot, Pierre André Benoit, Jean Rousselot, René Guy Cadou et bientôt une ouverture sur le surréalisme permet de mieux associer poésie et peinture. La revue Sens Plastique (une trentaine de numéros) va prolonger cette action.

 


Commentaires

 

1. cybel  le 28-10-2008 à 17:40:04  (site)

oh, Pierre André Benoït ! C'est LE Pierre Benoit, celui de "l'Atlantide" et "le Lac Salé ?"

2. repolio  le 22-11-2008 à 00:06:25

P A B,Pierre André Benoit fut poéte et créateur de livres d'artistes fait main d'une facture rare ,exceptionnelle et reconnaissable par son grand talent.
Le Musée P A B,se trouve à Alès dans le Gard et l'on peut visiter d'innombrables oeuvres de grands peintres et ses livres objets qui sont de vrais bijoux.

 
 
 
posté le 26-10-2008 à 14:25:14

Souviens toi de Gérard de Nerval.

La composition d'un livre pour Gérard de Nerval procède d'un  système qui souligne que toute l'oeuvre baigne dans le même climat. Chaque livre est le morceau du "livre unique" qui est le miroir de son moi profond. On le voit, à la fin de sa vie, et peut-être parce qu'il publie dans la presse, avec ce que peut entraîner son rythme, ses exigences dans la manière même d'écrire, procéder à des assemblages de textes divers, qui n'a rien d'arbitraire que la multiplicités des orientations choisies, des "entrées" comme on dit dans un ouvrage de référence.
Chaque morceau est une ouverture, une pénétration à la recherche du coeur central, là où toute une vie s'épuise à le trouver, le retrouver peut-être puisqu'écrire c'est aussi chercher le point central, le lieu de félicité perdu ( comme on a perdu le paradis).
Alors, avec l'âge, une certaine précipitation s'explique. On rassemble les bribes, les morceaux épars pour sauver la maison sinon la construire quand il est encore temps.
On ne veut pas laisser les efforts de toute une vie en chantier.
Ne va-t-on pas scruter les cahiers, les  notes, les fiches autour d'une oeuvre achevée pour en mieux comprendre le sens. Connaître les fondations, les épreuves, les recherches et même les échecs qui l'entourent.
Gérard de Nerval est exemplaire dans ce destin d'une oeuvre avec ses joyaux, ses éclats, et la mise en forme compacte de tout ce matériel d'exploration jusque dans les  arcanes de l'inconscient, de l'imaginaire. Des Filles du feu aux Petits châteaux de Bohème, des Illuminés aux Chimères, c'est tout un monde dispersé qui trouve son unité. Il construit son propre mausolée. Pour le souvenir.

 


 
 
 

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