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lettres de la campagne

posté le 13-01-2011 à 10:06:35

Troie, la recherche du merveilleux.

Sur les murs d'un gris sale de la classe d'Histoire il y  avait les photographies prises par le professeur lors de ses séjours annuels sur les sites de l'Histoire des Hellènes. C'était, là, le tremplin de voyages imaginaires dont il était le vaillant pilote. Et point Ulysse pour autant, encore que l'on connaissait sa Pénélope fidèle aux fêtes où chacun s'emparait d'un personnage de la Mythologie grecque, se contentant le plus souvent d'agiter avec conviction le costume censé nous distinguer : qui est Jupiter (même la barbe, si  bien qu'il ressemblait tout autant à Dieu le père que nous honorions chaque matin à la messe basse), Neptune et son trident et Apollon qui n'était pas nécessairement le plus beau de la classe. Ne manquaient que Vénus à laquelle nous aspirions et même Junon.
C'étaient des fêtes sans bacchanales ni satyres, ce qui enlevait beaucoup de leur charme.
Le retour en classe se faisait néanmoins avec plus de conviction et il fallait traduire Homère dans le texte. Ainsi Troie fut-elle de notre quotidien, et ses ruines jamais visitées que par l'imaginaire, plus connues par  nous que les rues chaudes de la ville qui nous étaient normalement interdites.
Vint ensuite la découverte du fameux Schliemann "l'inventeur" de Troie, qui voulait prouver la véracité de ses convictions par la lecture d'Homère. Il fut la raison de notre passion partagée pour l'archéologie et, pour certains, l'amorce de notre vocation.
Henrich Schliemann est, en soi, un étonnant personnage, digne de Blaise Cendrars (curieux qu'il ne l'ait pas engagé dans sa folie biographique), autodidacte, féroce homme d'affaire, qui, débutant comme vendeur ambulant, constituera un telle fortune qu'il pourra financer d'importantes missions de recherches archéologiques, dont celles de Troie et de Mycènes.
Mais sa passion pour l'archéologie n'est pas née dans la sillon scientifique (il ne l'était guère et mal vu par les spécialistes) mais dans un climat particulier qui entoure son enfance, son père lui contant les légendes allemandes du romantisme, entretenant chez lui le goût du merveilleux.
Il se fait le preux chevalier de son amour d'enfance et développe un goût prononcé pour les aventures périlleuses qui relèvent du folklore germanique.
Troie, pour lui, est la ville d'une folle aventure amoureuse, de sang et de larmes, mais menée par des héros. Il veut arracher au sol la mémoire de cette aventure hors-normes.
On a beaucoup critiqué sa fougue, contesté ses conclusions, mais l'homme, dans ses dimensions fantasmatiques, reste un personnage attachant (pourtant d'un moral douteux et point étranger à certaines manipulations et spéculations contestables). Freud se penchera sur son cas. Il illustre pas cette féroce volonté de se plonger dans le passé une compensation à la médiocrité du quotidien qu'il a précocement perçue. Confondant archéologie et recherche du merveilleux.


 


Commentaires

 

1. saintsonge  le 13-01-2011 à 12:43:37  (site)

Cassandre laissa-t-elle tout ça en l'état, sitôt Clytemnestre la trucida ?..La fille de Priam cria atrocement.... Toutes ces pierres churent-elles à son fiel alarmant ?
Nul n'écouta davantage Chryséis, Briséis, et, de la femme, l'homme chuta ainsi que les Dieux qui s'en éprirent : ruine de l'humanité, par èros ...né du Chaos ?...Toute passion est mal-heureuse, non ?. Deuil et mélancolie, signe Freud.... Alain : "ce qui est criminel, c'est l'amour manqué", qui devient un terrain de ruines "merveilleux" à contempler ?...
Le miracle est prévisible.
Crachin breton dans la grisaille filamenteuse.....Trébouliste !

 
 
 
posté le 11-01-2011 à 21:53:56

Paul Delvaux croise Zola.

Avant d'en donner une vision  théâtrale, puisant dans son imaginaire et une mise en scène érotisée, Paul Delvaux a peint la gare dans sa stricte réalité et un brin de misérabilisme, soulignant son caractère halluciné où le travail de l'homme y est dans sa plus radicale pénibilité. On est pas loin de Zola.
Mais le réalisme, sous le regard de ceux qui savent le "transcender", n'est jamais tout à fait innocent sur la toile. On y glisse vers des zones d'émotion (voire de réflexion) qui sont du ressort de l'art.
Monet tirait la gare vers la dilution de la lumière, Delvaux la transpose dans une scène aux multiples énergies qui se croisent, et une sorte de vaste frisson de l'espace en dépit de la pesanteur du sujet, des éléments qui le composent.  
De la plus directe réalité il fait une "vision" qui a là des allures typiquement nordiques, on y retrouve le caractère si prenant de la poésie d'Emil Verhaeren (Villes hallucinées).
Quand on sait que le poète est mort, justement, écrasé par un train à Rouen, en 1916, on peut suggérer que cette composition est un peu en son hommage.

 


 
 
posté le 10-01-2011 à 11:40:55

Fragonard souffle sur la fête.

Mieux que Versailles, engoncé dans son protocole, Saint Cloud pouvait être un séjour de délice. Louis XVI l'offre à Marie Antoinette non comme un caprice mais le souci de préserver son intimité et retrouver dans le calme de son parc les plaisirs simples qu'elle cherchera également à Trianon.
Est-ce une légende, un trait de la petite Histoire, il est dit par certains chroniqueurs qu'elle s'y rendait en barque et y déployait le luxe tranquille de sa féminité sanctifiée par son rôle royal. Intouchable et, sans doute, souffrant de l'être et ne pouvait vivre cette liberté tant vantée dans son entourage et le milieu des philosophes. La chronique picturale dépasse la réalité en donnant une sorte de souffle lyrique à d'innocentes ( ? ) parties de campagne. Ce sont moins les divertissements d'une Olympe de fantaisie que vont décrire les peintres "pompiers" à venir qu'une chronique donnée à l'emporte-pièce et dans une tendresse légère comme un souvenir qui s'efface, ou est condamné à s'effacer.

 


 
 
posté le 10-01-2011 à 09:43:33

Flaubert rature.

Flaubert rature. L'écriture c'est sa souffrance, son calvaire. Le résultat tend à la perfection. Alors, quand on pénètre dans son champ d'exploration, on se prend les yeux sur des ratures, comme le marcheur dans un champ labouré.
Déchiffrer les ratures c'est entrer dans le vif de la conscience de celui qui s'y soumet au doute, combattant les erreurs, accumulant les recherches, niant au final le tout pour repartir sur une autre piste.
Faut-il admirer celui qui écrit d'un premier jet, avance comme finalisé ce qui était le premier état de sa pensée. Ou, au contraire, admirer celui qui revient sans cesse sur la forme. On peut voir, chez le peintre (le dessinateur), l'aveu des incertitudes et parfois même il va en jouer. Son oeuvre est un champ de bataille. On y dénombre les victimes, y découvre les divers assauts qui, additionnés, font l'oeuvre.
Aujourd'hui on est sensible à ces étapes intermédiaires, à cet espace de recherche. On va jusqu'à exposer les brouillons.
Chez l'écrivain le brouillon reste caché, inconnu (sauf des spécialistes), non qu'on en est honte mais on veut offrir un "produit fini", estampillé du talent que l'on accorde au signataire.
Sera d'autant plus précieuse la connaissance de ces étapes douloureuses, où l'on voit monter, comme des profondeurs d'une pensée à vif, les diverses versions (tentatives) de la formulation à terme choisie comme étant la plus appropriée à répondre aux intentions de l'auteur.

 


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1. saintsonge  le 10-01-2011 à 10:07:38  (site)

Bienheureux retour, après que Vefblog vous ait "raturé"... J'ai toujours appelé biffures, les "ratures" - chaos, masse informe, l'Univers de la Nature Une de la page, sans Amphitrite, que la mère de Flaubert (toute ma jeunesse, avec son fils spirituel, Maupassant, avec les mots passant, disai-je....) Toutes les métamorphoses d'Ovide dans ce bout de page raturé(e)..., je trouve, un vrai petit tableau aussi ! Vide et plein, à la fois... Non ?....Le ciel est bleu, la lumière faible, mais présent soleil... L'univers évolue comme une page de Flaubert !! Ailleurs, et en Finis-terrae !

 
 
 
posté le 10-01-2011 à 09:39:29

Trébucher dans l'Histoire.

Selon la nature du chemin la promenade trouvera son style, sa couleur, proposera ses surprises, creusera en celui qui s'y engage une nouvelle poche où se nichent les sensations qui font l'essentiel du plaisir qu'il propose et dont il est l'enjeu.
C'est, en miniature, un itinéraire d'initiation dont les épreuves sont loin de valoir celles qui fabriquent les grandes légendes mais entrent dans notre mémoire comme des instants de bonheur. Ou du meilleur savoir des choses.
Qui n'a pas des souvenirs de promenades enchantées, conduit par un grand père un peu savant des choses de la nature. Il  ouvre les yeux des enfants en leur "racontant" la nature qui se déploie en ses multiples aspects lors de ce cheminement.
En voici un dans la rocaille et scandé par des portiques magnifiques, des splendeurs rendues à leur état sauvage quand le végétal reprend ses droits sur le minéral. Ce sont des pans de légendes (toujours attachées aux ruines) qui se mêlent aux croissances naturelles. Elles imposent leur règne. Ce sont elles qui conduisent le rythme de la marche, la valorisent. L'Histoire est victime de la nature qui la rend à son aspect informe mais auréolé de tout le mystère qui la rend plus séduisante. Marcher, trébucher, c'est avancer aussi dans le passé.

 


 
 
posté le 07-01-2011 à 09:52:54

Cioran, poison ou potion ?

On ne consomme du Cioran qu'à petites doses comme un médicament qui n'est pas loin d'être un poison (ils le sont tous). De s'immerger dans les mots qu'il manipule avec une science unique de leurs effets (de leur profondeur) c'est risquer de n'en pas revenir. Ou brisé. Décoiffé comme lui-même l'a été après une jeunesse roumaine folle d'exaltation, de choix radicaux, et d'erreurs qui vont peser sur tout son avenir.
Le voilà réfugié (apatride) dans un Paris qui, au delà de l'épreuve douloureuse de l'Occupation, va flamboyer de talents et d'énergie salvatrice, jusque dans l'expression du doute, de la douleur, de l'angoisse, le génie étant d'en faire une matière à réflexion, et forcer ceux qui s'en approchent à revoir le sens à donner à leur vie.
Une poignée de ceux là qui vont bouleverser nos vie étroites (Artaud, Genet, Becket, Sartre, Michaux, Gracq, Bataille, Camus) et Cioran en retrait, mais sulfureux et pourtant très "classique", "faisant le philosophe" distillant les aphorismes qui vont faire leur chemin dans l'esprit de ceux qui les découvrent, les rencontrent, s'en délectent comme d'une drogue.
Mais il faut aborder et lire Ciora "à petites doses". D'entrer dans sa prose comme on pénétrerait dans un roman ou même un  essai habituel, risquerait de nous éloigner de lui, de nous lasser.
On le lit comme le prélat son bréviaire, d'ailleurs il écrit "court", bref, en aphorismes qui demandent qu'on s'y attarde, qu'on s'en imbibe, comme d'une potion qui entre en nous et fait son nid.


 


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1. saintsonge  le 07-01-2011 à 14:19:10  (site)

C'est ce quarto que j'avais, c'est celui-là que j'ai donné - "cadeau" empoisonné, en ce cas de votre billet, ou antalgique pour l'acquéreur-receveur ? D'ailleurs, j'ai l'impression de le revoir , ici, "mon" volume biffé de pleins de notes que je n'ai plu - que ne donné-je pas ? - ; Proust nous répond peut-être : "la souffrance est une sorte de besoins de l'organisme de prendre conscience d'un état nouveau qui s'inquiète, de rendre la sensibilité adéquate à cet état".... Voilà, je crains devoir vous dire qu'il me manque, un peu, ce Cioran annoté de ma petite main d'ignorant (que sait-on auprès de ces "génies" ?) Dans le crachin de l'instant breton, ma vive pensée...(quand ce matin, j'étais sur la plage, substance pensante solo, tel un Spinoziste questionnant la "substance étendue", il faisait bien doux, savez-vous, très doux - j'étais en mini pullover d'automne, qui plus est - , si bien que je me dit qu'à changer d'aspect tout le temps comme ça, à nous placer quatre saisons en une journée, le ciel breton a corps de femme (chut , tenez-le vous pour dit , ne le répétez pas !) Ah, j'ai posté mon exemplaire "papier" , photocopié, pour P.. Dhainaut, il y a deux jours...Je l'eusse fait pour vous, si je savais où le joindre.)

2. saintsonge  le 07-01-2011 à 14:21:50  (site)

PS / Vous avez mangé le "n" dans votre texte à Ciora(n), je constate que j'ai croqué le "s" à ce qu'il faut lire comme étant significatif de plus dans la formule "que je n'ai plus"

 
 
 
posté le 04-01-2011 à 10:33:30

Cioran rue de l'Odéon.

La rue de l'Odéon est bien celle de toutes les rencontres. A quoi s'ajoute le défilé des fantômes qui la hantent : James Joyce, Valery Larbaud, Léon Paul Fargue. Adrienne Monnier et Sylvia Beach sont sans doute pour beaucoup dans cet état de fait et l'accès au théâtre de l'Odéon qui décline les colonnes de sa sobre façade pour lui donner un petit air antique.
Pour aller au Soleil dans la tête depuis le métro (Odéon) on la gravissait (elle est légèrement en pente) en songeant qu'était là, autrefois, le jardin de l'hôtel de Condé où le jeune Sade gambadait quand il avait encore une âme d'enfant.
André Breton, à la fin de sa vie, y promenait sa solitude. Parfois Michel Leiris rejoignant son domicile du quai des Augustins, y frôlait les murs aux côtés de sa femme Louise, Jean Louis Barrault la gravissait avec l'énergie de celui qui mène une vie de hâte et de passion, et ce n'étaient souvent que des vieillards qu'on y croisait portant nom de célébrité déjà coincées dans les pages d'un manuel scolaire.
Une figure tranche, tant par son allure, sa démarche, alors qu'il se rendait ( sa promenade quasi quotidienne) au Luxembourg, car il vivait là, dans une modeste chambre (de bonne !) au plus près des étoiles et dans le silence qui annonce les sommets épargnés par la violence de la rue. On aura reconnu Cioran, ignoré du grand public mais plébiscité par une poignée de fidèles, dont d'élégantes jeunes femmes qui lui donnaient le bras pour sa promenade, et se repaître de ses aphorismes déprimants.
Un philosophe est à proximité de nos hâtes, piétons coupés du monde et tout entier enfermés dans le quotidien qui nous ronge.
J'y ai enfin croisé un jeune homme, de ceux que le monde va broyer, la tête à l'image de celui qu'il admire (ne se fait-on pas la tête de son Dieu ?), la démarche lente du rêveur, du piéton céleste. Il a entre les mains "Le crépuscule des pensées". Certaines se sont détachées des pages du livre, tombant sur la chaussée et disponibles à qui veut bien les ramasser.
"Si l'on n'avait pas d'âme, la musique l"aurait créée".
"Etre ? Une absence de pudeur".
"Dieu est le moyen le plus propre de nous dispenser de la vie".
"Sans le malheur, l'amour ne serait guère plus qu'une gestion de la nature".
"Tous les hommes me séparent des hommes".
"La timidité est l'arme que la nature nous offre pour défendre notre solitude"
Et tant d'autres menacées à l'arrivée des éboueurs.


 


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1. saintsonge  le 04-01-2011 à 13:43:33  (site)

Ah Cioran !..J'ai goûté de son acide.. Il ne classe pas la linguistique selon le mode de l'articulation heureuse sur toute la longue du canal buccal, n'est-il pas ?.. On dit qu'il nie Dieu, mais il écrit pourtant, sur lui, quelquefois.. Tiens, j'aurais dû le citer à mon ami richissime qui se plaint tout le temps (de ce gouvernement), m'invitant plusieurs fois dans sa villa de Dinard et dans son grand dupleix Rennais, car il me chagrine chaque fois qu'il devient rapiat : "ce qui est terrible, c'est de se plaindre de ses difficultés devant un riche, et l'entendre, lui, se plaindre plus que vous, de sorte qu'à la fin, on est obligé de s'apitoyer sur lui. Il faut bien consoler plus chanceux...", cet aphorisme lui irait comme un gant, si j'y avais songé, en poche les Carnets 57 (année de ma naissance, d'ailleurs)... Evitant les angoisses, je ne le lis plus... Pourtant... Le ciel d'aujourd'hui ressemble à son portrait-ci (de votre "propriété", ce cliché ?) La rue de l'Odéon, j'ai sûrement dû la faire, ah si j'avais pu vous croiser alors , en ces temps-là, je ramerais moins !... Mais, y étiez-vous encore entre 78 et 81 /82 ?

2. saintsonge  le 04-01-2011 à 13:44:36  (site)

Lire évidemment : sur toute la longueur du canal buccal

3. sorel  le 09-01-2011 à 15:38:38  (site)

Non, malheureusement cette photo vient de googel, comme tant d'autres. La rue de l'Odéon c'est vrai fait partie de ma petite mythologie personnelle. Que de fois l'ai-je remontée.... Ciel bleu, fin de l'hiver ? Bonne journée. Vefblog ne veut plus (pourquoi) de mes petites contributions. Je suppose que c'est une panne. Alors à plus tard.

4. saintsonge  le 09-01-2011 à 22:24:32  (site)

Je vous pensais en sueur sur votre l'autre-et-amont, ou par monts et vaux, ailleurs, ne pensais plus à une éventuelle "panne"... dont vefblog semble vous accabler souvent.... Suis en relecture d'un vieil Alain que vous possédez peut-être : "les aventures du coeur"(MCMLII / Paul Hartmann Editeur ; 11 rue Cujas - Paris (Ve) -),
votre "mythologie" doit avoir son cachet, enviée sûrement des Voies romaines et d'autres Via Greco-latines ! A la revoyure..., proche j'ose espérer .... Très très beau soleil ce jour itou, j'ai même éteint le chauffage, il y a trois jours. Une couverture polaire me suffit, rouge d'un côté, jaune de l'autre (je change tel un caméléon, au gré des énergies et des humeurs)

 
 
 
posté le 02-01-2011 à 10:59:01

Fragonard annonce le crépuscule.

Le doux murmure des ombres sous les arbres où les galants lutinent les belles évaporées a laissé la place à l'annonce de l'orage. Un arbre décharné en est le signal, qui frémit sur l'avancée du rocher au sein des frondaisons épaisses comme si elles préparaient la nuit. L'eau, elle aussi, s'agite comme avant un cataclysme.
Surgissant de n'importe où (un caprice royal, une fantaisie coûteuse dont est coutumière cette Cour à la tête folle) un navire de fantaisie transporte ces désoeuvrés qui provoquent les foules, les rabaissent à leur état de misère.
Tant de luxe facile et vain étalé ne peut qu'engendrer la colère.
 La nature l'annonce et Fragonard la peint. Gondoles sur le Grand Canal à Versailles, char aquatique sur le bassin des Suisses, et des virées maritimes pour aller à Fontainebleau, à Saint Cloud. On invente des navires au luxe effrayant, qui singent les drakkars des normands, les lourds navires envoyés par le roi de part le monde pour conquérir de nouveaux territoires, découvrir des continents...
La soie déborde, qui enveloppe des silhouettes frêles d'être si enfermées dans leurs caprices, leur vanité suicidaire. Le navire de la galanterie se risque dans les remous ardents d'une eau turbulente.
Avec une force singulière la nature annonce la tempête qui sourd, que les acteurs entraînés dans leur comédie coutumière ne voient pas venir. Le navire du plaisir deviendra celui du naufrage.

 


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1. saintsonge  le 02-01-2011 à 11:16:22  (site)

Ah les frottis galants sont supposés de "retour", à dévérouiller l'art de Fragon'art..(sic perso), ici, dans le bas du tableau, sous la tente (de la Rencontre ?), plus sagement, ce qui ne fera pas dire aux Goncourt : "la gravelure blaireautée est impardonnable", il a son aise dans le plein air des...coloristes, ah oui, ah oui...Du coup, je m'en retourne voir celui que j'ai dans mon couloir (enfin, le mini trésor de ma propriétaire qui ne s'intéresse qu'à ses plaques électriques, ou à la pomme de sa douche...., pour quelques sous, dirait Rimbaud !)

2. philippine  le 02-01-2011 à 15:05:46  (site)

bien sûr Sorel que vous pouvez utiliser cette jolie photo ! heureuse que vous aimiez mon blog, c'est toujours agréable ! je vais découvrir le vôtre !

 
 
 
posté le 01-01-2011 à 16:13:16

La Villa d'Hadrien, la mémoire perdue.


Cela commence comme la rencontre du jour qui pointe ses lueurs fauves sur Rome toute bruissant des sonnailles de la première messe. La voiture tressaute sur les dalles de la Via Appia.  Chaque tombe est une Histoire intime.
Un brin de campagne et c'est le long mur qui cerne le territoire de la Villa d'Hadrien. L'ayant franchi, il y a encore de longues distances sur des pelouses à l'herbe rase et l'inquiétude de s'être trompé de destination. Et puis, surgissant d'entre les pins parasols, une perspective de colonnes cernant un basin. On est bien au coeur de la Villa. L'instant est sublime. Un point ultime dans l'amour du partage quand un être aimé participe à la découverte.
Elle est de celle qu'on ne peut faire sans y rejoindre le coeur qui bat au rythme du votre et dont le regard croise  celui de votre âme émerveillée.
Pierres en désordre sur le sol,  car c'est l'état de ruine qui prévaut, coins plus secrets, et rares passants qui ont des allures de fantômes (on en voit, du  genre anglais qui fait son "grand tour", et accroupi, dessinant avec un sorte de saveur intime, ces ruines qui lui parlent d'une légende), et la pose, d'usage, devant tant de beauté livrée aux caprices de la nature.
On aura subtilisé  à une muraille moussue, une pierre taillée en  forme de pavé, que précieusement on aura gardé "en souvenir".
Lourd à la main, de grès gris foncé et comme taillé en biseau sur le côté, elle ira parmi les livres jetés au hasard sur les rayonnage de la bibliothèque comme un trophée d'une chasse superbe dans  le vaste espace du temps conquis de haute lutte.
Conquérir le temps, ce fut une illusion passagère. Il a construit ses sombres murailles au cours des ans, creusant de plus en plus un fossé où est tombée la pierre qui était celle d'un miracle : celui d'un instant.
Tout comme la Villa d'Hadrien, marbres et pierres mêlés s'enfonce dans la moiteur du temps qui détruit jusqu'à sa mémoire.

 


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1. saintsonge  le 02-01-2011 à 10:45:14  (site)

Ah bien, "cela commence" par un bug, je ne l'ai pas reçu, cet article qui me fait aussitôt songé aux deux académiciennes qui se côtoient désormais sous la Coupole Céleste, Marguerite Yourcenar (que j'appelais Marguerite du Crayon-Court) et sa consoeur, Jacqueline de Romilly (que je surnommais Jacqueline de Rome-Ici...), les latins-grecs s'amusent dans les ruines de notre pauvre langue française, ne trouvez-vous guère ?..Ils ont trucidé Thucydide et massacré Mozart, ah bon sang, quelle dés-humanité, vraiment (déjà un attentat, en plus, en ce second Jour, devant une église d'Alexandrie....Oui, "ça commence bien" ! Le monde part à sa "ruine", s'il ne l'ait déjà en pure perte... Cultura animi prévaut pour moi, d'où mon Jardin Spirituel que je sculpte à l'intérieur de moi ; ici, n'entre pas la violence. ) Léger crachin sur la baie de Douarnenez.

 
 
 
posté le 31-12-2010 à 11:15:43

Elsa Triolet sur le Pont des Arts.

Je la revois, noiraude, tassée dans ses châles, avec quelque chose des vieilles paysannes qui viellent un mort en Corse, ou des pleureuses antiques. Appuyée contre la cheminée dans ce logis haut perché où avec Aragon elle menait, tenace, une entreprise littéraire qui aura accès au succès grâce à son compagnon.
Elsa Triolet se laisse aller à des confidences, elle aura traversé le vie d'Aragon comme une tenace ouvrière de la littérature, pour créer ces fameuses oeuvres parallèles qui ne prouvent rien, l'apport d'Aragon passant par l'insolence, le brio, la provocation et la volonté de refaire une immense saga de la société où il piaffe, même âgé, comme un adolescent trop doué.
Elsa Triolet donc, s'aventurant dans une sorte de roman à plusieurs voix qui dessinent une femme certainement pas à sa ressemblance mais crédible, quoique conventionnelle, entre célébrité et clochardisation.
C'est "Ecoutez voir".
L'idée qui mène le courant des mots, c'est de se glisser dans la proposition des illustrations qui précèdent le texte (Hans-Baldung Green, Gustave Doré, Max Ernst, Man Ray, Caravage, Donatello, André Masson, Jérôme Bosch, Memling, Soutine, Lorenzetti, Carpaccio).
Un procédé éminemment séduisant, auquel chacun peut se livrer, l'histoire ayant ainsi une double vie, la visuelle cognant sur celle que les mots cernent, encore qu'ici le verbe soit souvent banalisé (volontairement ?) et sans aucun effet de style sinon d'un usage courant.
On s'y promène dans Paris avec une longue station sur le Pont des Arts, ce souk des sans abris, des errants et des dessinateurs de trottoir.


 


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1. saintsonge  le 31-12-2010 à 13:59:25

Fitchre ! Vous l'avez rencontrée aussi !.. J'aimais lire pourtant "les yeux d'Elsa", à voix haute, qui plus est... J'aimais bien le feutre d'aragon... Vous m'en évoquez un autre écho...à quoi j'adhère à demi, via le "côté d'adolescent surdoué", il aimait en cachette les petits garçons , Cocteau avait plus d'allant assumé, de ce côté (je n'apprécie pas son époque peu glorieuse durant la guerre, par contre)...L' "écoutez voir" prélude -t-il le donner - à - voir d' Eluard ?
Je viens de me promener en long loden gris par les quais de l'Odet, sortant du restaurant le Café de l' épée, songeant ainsi à Max Jacob (pour l'anecdote, je lisais aussi en salle de silence, dans la cathédrale St Corentin quand les lampes s'éteignent, et, avec deux autres hommes, y fus "enfermé" à l'intérieur, le temps de nous trouver l'issue par une porte dérobée ! il était midi passé,... Amusant, non ?.. Comme les autres avaient le visage qui blanchissait, je le leur dis : rassurez-vous, nous sommes en bonne demeure, nous ne sommes pas perdus !.. On nous ouvrira !..(ils m'ont souri...) Bien à vous sous le ciel grisonnant de la capitale de Cornouaille, depuis la médiathèque, à l'instant !.. Je compte envoyer mon manuscrit--papier à Pierre Dhainaut, la semaine prochaine, il n'est pas encore au fait des trois dédicataires...

2. sorel  le 31-12-2010 à 15:29:11

J'aime bien ce journal de votre quotidien.Il est plutôt savoureux. Oui j'avais rencontré la sinistre Elsa Triolet rue de Varenne dans le bel apparement qu'elle avait avec Aragon, dans un hôtel particulier du XVIII°, c'était pour l'ORTF quand j'y travaillais. Une interview dont j'ai par ailleurs tout oublié. Franchement elle écrit comme un cochon non ?

3. saintsonge  le 31-12-2010 à 20:29:59  (site)

ah merci, puisque c'est l'heure des bilans, vous me permettez ainsi de dire qu'à la découverte (heureuse !) de votre blog, je n'osais pas trop répondre, je lisais, c'est tout, puis de petit commentaire en petit commentaire à la Poucet, je fis "salon Sorel"..., ce qui me donna plus d'estime de moi, ici perdu en Trébouldingue..., tout solo, là , tout solo !.Jusqu'à vous placer maintenant en dédicace d'un de mes livres (à paraître ; la maternité belge est "fermée" pour l'heure), à me dire "positif" ce bilan blogiste (ça se dit ce vilain néologisme ? Non ! Je l'invente ...) pas très reluisant de mon côté, sauf vos passages. Suite à quoi, oui, le "journal" s'est naturellement imposé de lui-même, en catimini, cultura animi...Il m'évita aussi de m'en tenir un à la Gide, de mon côté (force carnets intimes jetés auparavant). Pour la féroce ennemie, enfin "la senestre" , oui, elle écrit comme un accroc de 200 Frs...ou comme un gant, puisque née Kagan..., toutefois soutenue , nourrie logée par Denoël qui fut assassiné en 1945 (vous sûtes qui et pourquoi , au fait ?), lequel publia son "cheval blanc" quand elle connut Aragon à l' Istria (mais vous savez, suis-je sot)...Je ne l'ai pas trop lue , ensuite, faisant mon "paysan de paris"...ou plutôt mon "Aurélien"...alors je crois que c'est Aragon qui l'empêcha de penser juste afin d'écrire bien... L'âme est un violon qu'il faut accorder à son coeur, pour jouer la Symphonie de la Vie, en alliance avec l'amour du bien écrire, si on est écrivain, du bien sculpter, si on est issu de la main de Michel-Ange, du magnifiquement peint, si on recherche La lumière dans la nuit des temps post-modernes, actuels, quoi : la toile (là où nous sommes, sans-visage comme la "mort", curieux non, je crois que les défunts communiquent ainsi avec le fil invisible, sans se voir : clic-clic clac-clac, m'entends-tu, je te vois sans te voir, clic-clic, voilà, nous sommes connectés par-delà l'univers...allume ton étoile !...que nous, terriens, pauvres humains captons...)... Je fus heureux en votre Salon "de campagne"...De bien étranges et mirifiques vrais "vivants" y surgirent même ! Donc oui, la Triolet ne fut guère inspirée par ses proches amis pourtant poètes ou peintres, Maïakovski, Picabia, Duchamp, j'en passe et des meilleurs, tel encore Man Ray....et..vous alors ! Quelle chance tout de même.. Car c'est mieux que "l'incipit Hitler" pour ce brillant Zweig (je lisais dans le bus, m'amenant sur quimper, ce matin, "brûlant secret" - chut ! n'en dîtes rien...) Maintenant, je vais me cuire mon boudin blanc truffé avec des lentilles, ben pourquoi pas, après ma tranche de galantine de sanglier...Tout à l'eau plate, abstème suis-je... Bon réveillon à vous....De vous lire d'ici ...demain , peut-être (si mon ordi veut bien, que j'ai réparé avec un ...trombone d'ange...)C'est la nuit noire, aucun bruit, tout est calme, et Dieu dort... L'humanité le réveillera de ses cris , à Minuit, l' idiote !..

4. saintsonge  le 31-12-2010 à 20:40:39  (site)

ah zut, j'ai oublié le pain !... passé devant la boulangerie... tant pis !!

 
 
 
posté le 30-12-2010 à 14:49:36

Le charme des ruines.

Tout palais, tout temple qui impose sa majesté et exprime un pouvoir menaçant devient, à l'état de ruine, un lieu de méditation, inspirant plutôt la mélancolie et quelque chose de gracieux qui porte le visiteur à l'apaisement, un état de douce convivialité qui explique qu'on n'ait pas hésité à créer des ruines de fiction.
Le XVIII° siècle, porté à la cérébralité de toutes choses, et qui annonce les divagations romantiques (bien plus qu'on le pense), va en multiplier l'édification dans les parcs, aux points stratégiques du développement urbain, comme des lieux de repos, d'harmonie  nécessaire au sein de la dynamique d'une architecture rationnelle et pratique.
 La fausse ruine est le décor de notre théâtre intérieur, comme il théâtralise la ville ou la nature, où il offre des étapes plaisantes, signifiantes.

 


Commentaires

 

1. saintsonge  le 30-12-2010 à 16:04:49  (site)

Un modeste clin d'oeil à votre "favori" Hubert Robert ?.. Ou : une Piranèsalisation de l'espace moderne, via les ruines qui resteront après le passage (double ?) de "l'empire des Riches" actuel ?.. Dans mon livre , j'écris justement qu'il vaut mieux contruire un château sur des ruines que sur du sable.., il y a moins de risque d'effondrement rapide !..Ce sont les ruines, la signature d'un bon ou d'un mauvais architecte... Très beau soleil tout à coup sur la Sodome Bretonne (douarnenez-Ys, selon Perros, PC III)....Hier, mes proprios sont venus chercher leurs "ruines" : les plaques électriques, qui avaient rendu l'âme, qu'ils ont dû changer, non sans ronchonner, elle surtout qui me prit un peu en grippe comme un gamin de dix ans, mais, à l'instar de Zweig (vous me le faîtes revenir en mémoire, aujourd'hui !!) qui ne répondait jamais aux invectives ni aux injures faites, je me tus.... Pension Vauquer avions-nous dit, dans un précédent billet ?... Je vais plutôt appelé mon gîte Pension Vauvenargues (pour tenter de réconlier Raison et Sentiment, comprendre autre esprit humain, breton s'il en est que l'universel mien.., né sur les Terres Flamandes, ah tenez, sur les Champs dont les carrés de terre "travaillés" en sillons parallèles et découpés inspirèrent ainsi grandement Mondrian...?) Bon, je me tais...

2. saintsonge  le 30-12-2010 à 16:06:52  (site)

LIRE : réconcilier

 
 
 
posté le 30-12-2010 à 10:41:47

En marge de Le Palais de Dioclétien.

Notes en marge de

LE PALAIS DE DIOCLETIEN .

L'épisode Berlinois a pour cadre le blockhaus de la Chancellerie où Hitler se suicide dans une atmosphère de fin du monde. C'est l'obsession des sous-terrains avec l'étape des carrières creusées sous le Chemin des Dames. On sait (on dit) qu'un véritable labyrinthe conduit jusqu'aux sous-sols de Laon.
On aura imaginé, dans Le Palais de Dioclétien, une circulation des personnages depuis les tours de la cathédrale, les coulisses où sont entassées les défroques dont ils s'emparent pour créer divers personnages  car ce sont des gens du spectacle. Ils le présentent ici ou là, dans les plus modestes villages et conduisent une action trouble, inquiétante, où des gens disparaissent, car on est là dans la tradition des romans gothiques avec caches, pièges, mort et supplices.
Autour de Dioclétien, (le professeur de latin qui officie au lycée de la ville) des jeunes gens un peu exaltés, prêts à toutes les ignominies en référence à leur savoir des bévues de l'Histoire qu'on leur apprend doctement.
L'Histoire n'est-elle pas le plus vaste catalogue de toutes les vilenies de la nature humaine.
A ne pas mettre entre toutes les mains.
A consommer avec modération.

 


Commentaires

 

1. saintsonge  le 30-12-2010 à 11:59:32  (site)

Vrai, mon service National (encore une valeur de perdue !) effectué à Compiègne, vrai, j'ai entendu dire ce que vous avancez concernant ces boyaux labyrinthiques jusqu'à ..Laon..! Pourtant, on sait maintenant tout détecter, où seraient-ils ?...
C'est "le monde d'hier" à la Zweig, votre article, enfin, un peu...dans le sens de la nomination des personnages qui ont mené l' Europe au bord du suicide quand l'auteur Viennois lui, au véronal, s'en fut vraiment, ras-le-bol de cette histoire-là, justement. VRAI donc aussi, je l'affirme avec vous, l' Histoire n'est qu'un sale catalogue...! Divorcé d'une professeure d'Histoire / Géographie, j'aime encore à dire qu'elle me chercha plus d'histoire(s) que je n'ai vu la Géographie de son corps !....
Légère douceur en la valse de l'air, ce jour. Season's Greatings !

2. sorel  le 30-12-2010 à 14:46:49

L'amertume vis à vis de la géographie, et accord pour l'Histoire. C'est l'aliment d'une journée grise. Bonne année.

 
 
 
posté le 29-12-2010 à 10:46:14

Le jardin Opéra de Fragonard.

C'est l'époque des jardins-théâtre, l'idée d'une nature à la fois livrée à elle-même, conservant quelque chose de ses origines sylvestres, et agrémentée pour les plaisirs de l'esprit (et de la galanterie). Une curieuse évolution qui voit le jardin passer de son ordonnance  (voulue par monsieur Lenôtre) à des fantaisies architecturales où les références à l'Antiquité annoncent déjà l'art à venir.
Fragonard peint une sorte de Villa d'Este au quotidien, en faisant évoluer dans le décor les ouvriers qui lui donnent vie, l'ornent, et sont les machinistes de cette féerie végétale. Comment ne pas penser à Piranèse qui met en scène, dans des paysages de ruines, le petit peuple perpétuant les rites de la vie à son niveau le plus modeste. Hubert Robert aura aussi ce goût du quotidien dans la splendeur (souvent désolée chez lui) de jardins, ruines et palais écartés de leurs fonctions officielles.
Qu'on ne s'y trompe pas, la théâtralité implique une action (à venir) plus en conformité avec le décor qu'on lui prépare. C'est alors un temps suspendu, un lieu d'attente, les personnages vont surgir, s'emparer de l'espace et l'action déroulera ses séquences comme dans un rite d'Opéra.
Le jardin voulu par le peuple n'existe pas encore. Un jardin qui lui ressemble. C'est le XIX° siècle qui va le lui offrir sous la forme du square qui, lui aussi, émiettera les références culturelles (bassins et statues), mais en jouant la bonhomie, voire l'effet pratique.
Le jardin aristocratique n'est qu'un décor qui reste vide en l'absence de ceux à qui il est destiné. Il en tirera une certaine désolation qui ne peut charmer que les rêveurs et ceux à qui ses rites sont interdits. Il s'ouvre alors à de plus larges explorations fantasmées  


 


 
 
posté le 28-12-2010 à 11:14:28

Rimbaud sur le mur.

On se souvient combien les surréalistes (et bien d'autre encore qui les rejoignaient) s'étaient insurgés contre l'idée de statufier Rimbaud dans sa ville, qu'il détestait tant. On le voyait mal côtoyer dans l'espace public le soldat mort pour la patrie et quelque gloire locale ou encore un militaire haï par celui-là même qui courrait les chemins et s'épuisait d'user de toutes les sensations. Un appel qui détruit toute idée de mise en place d'un objet dont le destin est de servir de socle aux gamins qui s'ennuient et devant lequel les chiens en laisse, conduits par leur maître dans une promenade digestive, pissent avec solennité.  
Fugace par nature, il ne pouvait que faire une apparition (comme une idole), et le parti pris par Ernest Pignon-Ernest était certainement le meilleur et le mieux adapté à son sujet. Transcrire, sur papier (déchirable, fragile à l'assaut des éléments, sans valeur) la photo devenue une icône qui impose l'image du poète ange et démon comme un héros de bande dessinée, un personnage de cinéma, et retrouvant justement l'espace laissé libre sur les murs, bâtiments, tout support urbain, sa place, comme une sorte de référence sans cesse reprise de notre désir d'ailleurs.
Au même titre qu'un acteur de cinéma, une vedette du show, les icônes populaires d'aujourd'hui qui aspirent notre conscience collective. Rimbaud en est l'idôle première.
Sa veste sur l'épaule invite au voyage, beaucoup le suivent, quand les images d'Ernest Pignon-Ernest qui en furent le ticket d'entrée, sont entrées dans la matière même de leur support; confondus avec d'autres invitations, d'autres évocations. Dans le coeur même de la mémoire de la ville.


 


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1. saintsonge  le 28-12-2010 à 12:33:08  (site)

Ah RIMBAUD !... Son cri de Charlemerde-à-la Poésie... C'est tout un livre que je devrais vous placer en commentaire..., ici , vous devinez !.. Rimbaud est "sur mon mur" aussi, ici...Vous avez pu le constater via un de mes articles sur blog...La veste sur l'épaule est un suivez-moi....Trouver, son verbe vagabond "trouve des fleurs qui scient des chaises..." Bien à votre Rimbaldienne journée, peut-être, dans votre "habitation bénie du ciel et des ombrages..."

 
 
 
posté le 27-12-2010 à 14:46:56

La mélancolie de Fragonard.

Fragonard, peintre multiple, qu' il ne faudrait pas trop rapidement (et légèrement) enfermer dans l'esprit de galanterie qui était de son époque et dont il donnera de si aimables traductions. Plus volontiers porté à souligner le caractère juvénile que polisson, et séduit par la féminité des modèles, il dit plus leur tendres émois que l'élan d'un désir qui deviendra sulfureux et morbide avec Sade. Il est plus proche des Contes de La Fontaine (qu'il a d'ailleurs illustré) et dans ce domaine tenté par la grâce plus que par la folie amoureuse qui connaîtra d'autres chantres.
On le voit suivre les émois d'une jeune fille jusque dans la mélancolie qui en est une sorte de couronnement, plus fait pour exalter sa beauté que l'expression du désir qui serait déjà l'amorce de sa chute. Thanatos est si proche d'Eros que Fragonard veut l'ignorer.
N'est-ce pas, déjà, dans l'innocence exaltée, cette mélancolie traduite bien longtemps après par Corot (Souvenir de Mortefontaine) et on entre là dans le territoire de Gérard de Nerval. Fragonard en maintes de ses évocations l'annonce.
Le cynisme de son époque n'est pas de son tempérament. S'il s'accorde à son temps c'est pour annoncer son crépuscule, prenant le relais du Watteau de l'Embarquement pour Cythère.

 


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1. saintsonge  le 27-12-2010 à 17:20:03  (site)

Dans le couloir de mon logis, une tapisserie : un ...Fragonard ! (en simili), la balançoire (ou l'escarpolette)... L'avant "faux pas" de Watteau ?.. Je lui ai fait savoir, à la propriétaire, qu'elle avait un joli trésor de tableau cousu main...Mais elle s'en fout...Mon paiement de loyer lui sied mieux !...L'escarpolette, insistai-je, ce regard du baron de Saint-Julien fixant l'entre-jambes de la belle demoiselle rose, ça vous dit rien ?... - Bof !.. - La chaussure qui vole, laissant le pied nu, tout un érotisme, vous ne trouvez pas ?.. - Bof !..J'ai bien reçu votre paiement, merci... (là, c'est moi qui fis : Pftt, bof !..) Vinci s'intéressa déjà à la complexité nerveuse du pied, n'est-il pas, cher ami ?.. Il paraîtrait même (me démantirez-vous ?;;Clin doeil que Victor-Emmanuel II se laissait pousser l'ongle du gros orteil jusqu'au 1er de chaque année (là, c'est bientôt, s'il fût là !!!) Les pieds nus de la Vierge Marie offusquent les Japonais, aussi ;..... Bonne soirée. La pluie séjourne au ciel du soir....

2. saintsonge  le 27-12-2010 à 17:21:40  (site)

Un truc bizarre m'a déposé un smiley à mon insu !!! Lire aussi : démentirez-vous

3. sorel  le 28-12-2010 à 11:17:23  (site)

qu'est ce qu'un smiley ? cette étrange petite bête qui vient se planter là comme un insecte. J'en vois parfois sans comprendre ce que c'est. Quand à votre "logeuse" elle sort de Balzac non ?

4. saintsonge  le 28-12-2010 à 12:57:02  (site)

Oui, c'est cela, ce petit personnage orangé...Ne sais d'où il est sorti pour se placer , du reste, au bon endroit...Ah ! Ce n'est pourtant pas la Pension Vauquer, quoique je loge "en garni", et rue des Poules (d'eau, à retranscrire, pour la rue Petites eaux, Treiz an douric), à moins qu'elle ne soit une Rabouilleuse , rue Mazarine (elle me fit une "leçon" de choses, l'autre jour, quand j'ai dû l'appeler pour la douche qui ne fonctionnait plus !.. Jusqu'à m'expliquer ainsi qu'à un ...gamin de douze ans, comment l'eau coule..Hum ! )Hier, c'était la plaque électrique qui rend l'âme (maison de 1930 tout de même où je crèche-écris-lis-dors-onanise...rêve et fantasme !) : aller dîner chez Flicoteaux, alors, pour rencontrer un L. de Rubempré...? Tiens, à y penser, au Restaurant ouvrier les Remparts de Quimper où je vais à chacune de mes escapades vers la capitale de Cornouailles, plus qu'à penser à Max Jacob, je devrais songer, oui, à l'auteur de la Comédie, puisque la Vie n'est et ne sera toujours qu'une Comédie, l'Art seul soulevant le lapin (agile) de l' Invisible !!!! Maintenant, si je lui faisais part de votre remarque, la connaissant, elle me dirait : Balzac ? Non, je ne l'ai pas connu, je ne l'ai pas logé, pourquoi me dire que je ressemble à une logeuse de Balzac ?...Alors, à lui répondre que que je tiens de vous le parallèle, elle serait capable de vous y espérer comme locataire ...! (elle adore que je lui cause "argent"...à être versé prochainement sur son compte, ignorant qu'il m'en restât qu'un euro 34, il y a deux jours encore ....!) Tiens, peut-être savez-vous : qu'y a-t-il aujourd'hui, au 22 rue Cassette ? rue des Poules ? rue Mazarine ?...

 
 
 
posté le 27-12-2010 à 10:04:50

L'orage de roses.

Entre un paysage de Klimt (photo) et un souvenir de promenade.

Des promenades dominicale Valentin faisait un catalogue qui avait des allures d'herbier, ou d'étal de fleuriste en gros. Toutes les couleurs s'y fondaient. La palette de sa mémoire avait des sonorités d'orage, des éclats de plein soleil, une diversité prodigieuse qui l'aurait fait peintre de l'ardeur, un prophète des éléments déchaînés, un artisan des catastrophe.
Aura-t-on noté que l'ordre du monde passe par la modération des teintes qui le composent. En versant dans l'excès c'est la dérive des continents qui s'annonce, les déchirures du ciel, les vertiges des éléments.
D'entre des promenades dominicales, l'une reste gravée comme une enseigne inscrite sur un ciel azuré, un dessin d'une précision d'aphorisme.
Une maison de village, pierre de taille en saillie et blonde, porche à l'antique mais fort délabré, incitant à l'intimité des couples qui peuvent s'y réfugier le temps d'un orage.
On l'aura franchi après une longue promenade sous la pluie, transi, et heureux de l'être, on se retrouve corps à corps parce que l'âme s'est fondue dans la complicité d'un  instant.
En revanche, les volets fermés, en signe d'abandon dans l'abondance végétale qui scelle le jardin dans l'idée de l'oubli.
D'excès et d'opulence impudique, des flambées de roses grimpent sur le mur, escaladent le relief, se fortifiant au moindre éclat furtif du soleil qui sculpte les ruelles au plus fort de l'après-midi quand le silence s'y fait radical.
Un flot d'odeurs mêlées. A celle de la rose à la délicate effluve, se fond, indécise, lancinante, celle de la pourriture qui accompagne si tenacement la plus fabuleuse éclosion végétale.
Un voisin interrogé, qui contemplait benoîtement la déambulation somnambulique des touristes s'extasiant sur le caractère pesamment mélancolique du lieu, quasiment abandonné par ses habitants, répondant à un questionnement aussi futile qu'indiscret, affirma que la maison, quasiment par les roses étouffée, avait été le cadre d'une tragédie familiale. Une poignée de morts violentes marquant la maison du sceau de l'interdit, la rendant invendable, et dans sa beauté navrée, condamnée à n'être que cette somptuosité florale où  l'odeur de la mort s'était glissée dans celle enivrante de la vie.
Une maison devenue un tombeau. 


 


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1. saintsonge  le 28-12-2010 à 09:21:23  (site)

Vu rené Quéré, sous un bob noir, manteau noir, à la boulangerie , ce matin ; il allait avec la canne en bois des randonneurs quand ma pensée gagna votre site...dans l'accalmie des cattleyas, si je puis dire..., en parallèle de vos roses orageuses... à la source des excès...Cette demeure tout en long m'évoque celle de ...Balthus !

 
 
 
posté le 25-12-2010 à 16:47:55

Paul Delvaux entre en gare.

L'assimilation de Paul Delvaux au Surréalisme souligne bien l'ambiguïté de ce qui est moins une "école" qu'une convergence de la pensée et des buts assignés à l'exercice de l'art (ici de la peinture). A en croire André Breton, de qui dépend l'orthodoxie, le surréalisme pictural est la mise en orbite d'une pensée qui bouscule la nature de la réalité, en transcende les conventions, en interroge le sens profond :  traverse le miroir.
La peinture est subversion de l'image, et tous les procédés sont bons pour y parvenir. Ce qui conduira le surréalisme a reconnaître la force de la peinture de pur instinct qu'est l'automatisme, le tachisme, l'abstraction lyrique qui prend en relais cette avancée lumineuse dans le monde de l'image, la représentation qui passe alors du sujet à l'objet, le peintre accordant toute sa confiance aux élans premiers, à son inconscient.
Mais celui qui interroge les images qui conservent leur apparence réaliste, peut bien revendiquer cette appartenance au surréalisme pour autant qu'il en perturbe le sens, introduit dans la réalité le désordre qui est celui de l'imaginaire. Et Paul Delvaux répond pleinement à cette obligation qui le laisse pourtant à cette frontière fragile qui se situe entre surréalisme et fantastique.
Un monde assez répétitif, de quais de gare, où des femmes fantomatiques errent, en un exercice d'exhibition qui tient plus du défilé de mode que du Paradis Latin et distille un érotisme angélique et presque innocent, car ce n'est pas un monde énigmatique comme celui de Chirico dont il précède pourtant par la mise en scène de villes théâtralisées et d'un pesant silence.
La poésie surréaliste s'est engouffrée dans cette proposition où la peinture se cherche moins de nouvelles issues (et naturellement de nouvelles techniques) qu'elle entretient des procédés de la tradition. Pour en tirer de nouvelles suggestions, un accent très séduisant et personnel.

 


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1. Saintsonge  le 25-12-2010 à 18:51:08

nous en parlâmes avec Pierre Dhainaut, dans un jardin belge où il y avait une statue l'honorant ; je l'assimile encore avec mon goût pour Magritte... Je vous envoie un signe de Concarneau, après un retour de Pont-Aven (où j'aime y revoir l'espace où Gauguin et Xavier Grall y laissèrent des empreintes subtiles), personne , les rues désertes, les galeries toutes fermées, les bars, il n'y a que la Nature, vivante, une beauté réelle sous de belles couleurs de..."talisman"..., sous 9°c ensoleillés... Bien à vous.

2. sorel  le 27-12-2010 à 10:01:44

en somme c'était Pont Aven par Chirico ! Froid de cristal. Bonne journée.

3. saintsonge  le 27-12-2010 à 11:43:24  (site)

Vu en "perspectives", oui da... - bien vu !..
Pour la ville, il me semble que ce soit à Furnes, que nous discutâmes autour d'une statue de....Delvaux.
Le temps est à la pluie, mais je reste en chemise. Douceur comparée à votre "cristal". AI FINI mon PDF...sur la mort de mon ordi...Un autre, ici, dans l'ailleurs Michaldien !

 
 
 
posté le 22-12-2010 à 16:41:08

L'atelier-salon du peintre académique.

Il s'agit d'un héritage, d'une tradition (remonte-t-elle à la Renaissance ?), l'atelier du peintre est un lieu social, un espace de spectacle, un musée. Le peintre y travaille mais il y reçoit. Ses clients, ses admirateurs, et comme tout Salon, une tranche de cette classe qui, oisive et disposant de bons revenus, se montre, s'exhibe, et se donne l'illusion de jouer un rôle actif dans la vie des Arts. On la retrouve, épinglée comme des insectes, dans la magistrale saga de la "Recherche du temps perdu",  Proust se faisant entomologiste pour l'éterniser tout en la caricaturant.
La mode était alors (à la fin du XIX° siècle), aux imposantes peintures d'Histoire, pleines d'exactitude dans les détails et de fantasmes qui perçaient derrière les sujets choisis.
L'atelier est le laboratoire des rêves les plus fantasques. Comme on travaille volontiers dans la déraison, le démesuré, on y traîne des chevalets énormes, des échelles et tout un matériel impressionnant, et par un effet de contraste, le peintre aime aussi les alcôves feutrées, profondes et sombres, où le modèle se repose après la pose. Mais l'alcôve est aussi l'invite à tous les jeux d'une sensualité qui se pare volontiers des défroques d'une Antiquité de pacotille, d'un Orient imaginé.
Dans la tradition des cabinets d'amateurs (mais le peintre en est un par métier) il y accumule des pièces d'art qu'il collectionne, soit par goût personnel soit dans la finalité de son travail pictural.
C'est souvent une haute salle, avec des trophées, des panoplies d'armes anciennes, des tentures, des meubles médiévaux (style Troubadour), des missels enluminés, des objets étranges. Dans une niche il se réserve un coin de repos (de plaisir ?), entre des vitrines chargées de curieux bibelots, de moulages antiques.
Ce sera un espace documentaire où l'ostentation de la présentation s'accompagne volontiers d'un souci de décoration, d'une mise en scène capable d'illustrer sa propre culture.
L'atelier, par l'accumulation même, est plus qu'un espace de création, mais l'anthologie d'une pensée, d'une vie, la carte de visite de son occupant. On pénètre dans son oeuvre en pénétrant dans ce laboratoire-salon et c'est souvent sa plus belle oeuvre.
Photo de l'atelier de Rochegrosse.

 


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1. Saint-songe  le 24-12-2010 à 16:43:33

cher ami, mon ordi est...."mort' , juste après avoir transmis mon PDF final à l'éditeur, ouf !... Réussi l'envoi. Au prix d'une mort d'ordi (annoncée, par tous ces derniers bugs ?)... Bonnes pensées festives à vous, sous un ciel bleu quimpérois d'un fort soleil éclatant... Nuit de Noel en la cathédrale de Saint-Corentin, célèbrée par Monseigneur l' évêque de la région (clin dieu pour moi, qui vous enverrai de bonnes prières, idem)...Hors sujet, car depuis la médiathèque de quimper, qui va fermer, n'ai pas le temps d'une réelle réflexion - comment être bon lecteur pressé par un topos d'urgence, fermeture dans un petit quart d'heure, avancée.... PROTAGORAS, à moi !!!

 
 
 
posté le 21-12-2010 à 15:10:33

Le Vert Galant en passant par Mandiargues.

On peut découvrir Paris à travers les écrivains qui l'ont choisi comme cadre de leurs fictions (ou de leurs souvenirs). André Pieyre de Mandiargues est parmi ceux qui constituent les meilleurs guides pour s'y perdre. Car c'est son mystère qu'il analyse et c'est dans ses coins les plus secrets qu'il nous entraîne. On peut ainsi le suivre pas à pas dans cet étrange roman aux accents d'itinéraire initiatique : "Tout doit disparaître"
Et voici le square du Vert Galant, à la pointe de l'Ile de la Cité et comme la proue d'un navire fendant l'eau du fleuve.
On aime s'y attarder, profiter de l'ombre de ses arbres, s'étendre au niveau de l'eau pour en capter le doux murmure, car c'est un lieu de réflexion et de quiétude qui s'est créé alors que sa mémoire est lourdement chargée de terreur et de malédiction quand, simple île aux juifs, il fut l'endroit où était livré au supplice du bûcher le grand Maître du Temple lors de la grande opération policière qui visait à supprimer l'Ordre.  Le roi, des fenêtres de son palais (aujourd'hui palais de Justice), contemplant la scène. alors que Jacques de Molay l'apostrophe et lui prédit une série de malheurs (ce qui arriva effectivement).
L'escalier qui conduit sur le pont (Pont Neuf) ,à l'endroit où est érigée la statue équestre d'Henri IV, est noblement encadré, comme les portes d'un formidable monument qui conserve tout son mystère.
C'est sur ces marches qui constituent le plus étonnant décor pour un théâtre improvisé que Denise Miège (me semble-t-il), en digne admiratrice d'Henri Pichette, avait monté une pièce de son choix (j'ai oublié laquelle).
Comme le théâtre antique qui, lui, donne sur l'espace de la nature, celui là décide du spectacle qui peut y être donné dans une idée d'enfermement. Il ne peut qu'être sombre et dramatique.
Photo d'Atget.

 


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1. Saintsonge  le 21-12-2010 à 15:48:11  (site)

Au point où on en est, passer du "vert galant" au "Musée noir", c'est aller , pour Pieyre, de l' érotisme pathétique à l'étrangement grave, n'est-il pas ? Alors, j'ai lu cet écrivain précoce à la gloire tardive, quand je débutais à la Poste (1978), à "la Marge", si je puis dire, car pas du tout carriériste !.. J'avais "l' âge de craie", débutant quelque peu sur mon tableau noir les premières écritures sérieuses : - Confidences à la Page, écrites sur une table en coin de l' Hôtel Larvor Le Gouestre, à Levallois (le souvenir est si profond que je m'y revois ; j'ai jeté les cahiers)... Toujours ici, Beau Temps, enfin, aucune neige !

2. Saintsonge  le 21-12-2010 à 15:50:15  (site)

...et déjà signes bretons, au nom de l'hôtel, et un trio de Nantais avec qui je faisais "équipe" !!!

3. Air Jordans  le 22-12-2010 à 07:49:31  (site)

air jordans constituent les meilleurs guides pour s'y perdre.

 
 
 
posté le 20-12-2010 à 15:58:41

Mathias Braun en forêt.

La légende antique veut que les dieux en courroux transformaient en arbres leurs victimes. Comment ne pas imaginer, allant en forêt, croiser quelques humains édifiés en bruissants halliers dont on devine le murmure et les plaintes quand le vent joue dans leurs feuillages.
En retour, des artistes ont sculpté les pierres enchâssées dans le sol, créant des figures mythiques, dieux effondrés, chus de l'Olympe ou saints abandonnés à leurs supplices.
Elsa Triolet, se promenant dans la forêt de Kuks (aux environs de Prague), a rencontré ceux qu'avait imaginé Mathias Braun.
Mais le temps a fait son ouvrage. "... d'autres ermites nous attendaient, à l'entrée de leurs grottes, géants nus, pliés en quatre, barbe et chevelure tombant en volutes sur le crâne qu'ils tenaient à la main comme un ballon, nobles proies du temps qui les sculptaient lentement et autrement que la main de l'homme afin de les englober à nouveau dan la nature."
Homme voulus par l'imagination du sculpteur et rendus semblable à la bête inquiétante qui veille au seuil des temples sacrés. Figures à moitiés effacées et rendues à leurs origines minérales.
Telle cette Marie Madeleine couchée sur le sol. Le visage qui est déjà celui du cadavre sur lequel les stigmates de la mort font leur travail,  mordu jusqu'à le rendre informe. En surface du sol les métamorphoses qui s'exercent dans l'intimité des  profondeurs, reconduisant le corps à ses origines.

 


 
 
posté le 20-12-2010 à 11:13:15

Péladan en gourou.

A quoi (et où) peut mener le souci de s'extraire de la réalité , de prétendre offrir un horizon dégagé de toute banalité, d'exalter des valeurs spirituelles ou strictement cérébrales quand on ne dispose pour y parvenir que du domaine des mots, eux-mêmes prisonniers des habitudes, des préjugés mais qui se révèlent des armes redoutables selon les mains de ceux qui s'en emparent ou les précipitent sous un jour nouveau, des couleurs inédites, une aspiration profonde de l'âme.
La "fin de siècle est pleine de ces aventures qui rejettent le "naturalisme" de Zola et cultivent le mot rare, la pensée sophistiquée, les paradoxes de l'esprit et souvent la provocation pour donner plus de poids à leurs choix.
Si Mallarmé, Rimbaud surent prendre à bras le corps le mot pour lui donner un nouveau sens, les écrivains considérés comme des "décadents" ne disposent que d'un arme trop usée. Ils jouent de la préciosité (Jean Lorrain, les Goncourt), ou dérivent vers des vocations qui atteignent le statut d'homme de lettres et le confondent avec le gourou.
C'est dans le monde des gourous que Joseph Péladan fait son étrange chemin parsemé non seulement de livres, mais d'actions, de provocations qui couvrent même sa façon de s'habiller (entre le prêtre et le mage). Il veut réformer radicalement l'acte d'écrire, le transcender, lui donner une dimension mystique qui n'échappe pas au clinquant du fétichisme, du sulfureux message des sectes et l'alchimie des légendes descendues dans l'espace de la création littéraire.
Le voici  "drapé d'un burnous noir en poil de chameau filamenté de fils d'or, en velours vieux bleu, botté de daim et comme Absalon chevelu, la barbe ointe d'huile de cèdre." prêchant la bonne parole, tirant la pensée vers les cimes d'un idéalisme teinté de religiosité, adhérant aux sources de la kabbale (avec Stanisla de Guaïta), entraînant dans son équipée (le salon de la Rose Croix) l'énigmatique Eric Satie (point exempt de malice et un brin farceur, n'est-il pas aussi bientôt dans les coudées fumeuses de dada ? ), et naturellement militant pour la reconnaissance de Wagner en qui toute cette génération (en dépit d'une forte poussé de l'opinion anti-germanique) voit le mage d'une pensée élevée la sauvant d'un quotidien honni. Péladan s'agite dans ce mouvement, milite, fait, de l'écriture, une arme étincelante pour diffuser une pensée ardente, quasi religieuse.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 20-12-2010 à 15:05:27  (site)

L' Androgyne en quête de son propre Graal ! Celui qui osa prendre nom de Sar Merodak dans cet accoutrement qui me fait d'ailleurs aussitôt penser à...Klimt, habillé ainsi dans son atelier, tête nue, toutefois ! Rosicrucien qui écrivit sous l'égide de Léon Bloy dans le fameux "Chat noir" !... Fasciné par Vinci, j'eus en main (de la BNF, quand j'étais sur Paris) le volume "La philosophie selon les manuscrits de Vinci" (ou quelque titre approchant), en fait, ça m'avait troublé ses recherches ...occultes ! .. D'où ma bifurcation vers la spiritualité pure. N'est pas Sar-truc qui veut !..(ou madame Blavasky !).. Je vous envoie du très beau ciel bleu envahi d'un éclatant soleil pour faire fondre la neige dont me parla, hier soir, la chipie "Poppins"...qui m'invite pour 2011 (utopie, reve, réalité d'un désir ?... La Femme est si changeante que je ne mise sur plus un propos tenu !..) Relire : le "vice suprême" , alors ?

2. sorel  le 20-12-2010 à 16:02:40  (site)

j'aime bien le zig zag (savant) de votre pensée. Oui la spiritualité vous guide, je l'avais remarqué dans votre blog et en était intimidé. Je ne suis qu'un païen pas paillard...

3. Saintsonge  le 20-12-2010 à 16:44:31  (site)

Vous avez pointé juste ce qui avait aussi séduit POL en le "zig zag savant" , le stipulant dans mon manuscrit romanesque en : " - mouvement de sensualité et d'érudition joyeuse" , via sa lettre du 4/12/2007, déjà ! Du plus loin que je remonte, cela doit me venir de ma position demi-trois quarts aile au rugby...(je slalomais entre les jambes des adversaires, tout petit que je fus..., au grand plaisir de mon équipe, et du prof...d'alors !)... ; j'ai poursuivi ainsi dans mes cheminements spirituo-littéraires, car au lieu de courir le jupon à Paris, je furetais parmi nombreux ouvrages, de siècle à siècle... Merci de cette confirmation d'expert... Je continuerai ainsi, jusqu'à la dernière heure, dessins-crobars aidant...

 
 
 
posté le 18-12-2010 à 15:05:08

Mery Laurent un personnage de Proust.

C'était bien dans l'esprit (pervers) du temps, il avait suffit à Mery Laurent (nom acquit d'un premier mariage alors qu'elle est mineure, et sous la protection du maréchal Canrobert, avec un épicier dont rapidement elle se sépare) d'apparaître  nue sur la scène du théâtre des Variétés pour devenir célèbre et attirer à elle l'attention de quelques riches protecteurs. De fait, le théâtre aura été, à cette époque, le tremplin de pratiquement toutes les carrières galantes.
Anne Rose Suzanne Louviot (son véritable nom) était née en 1849 à Nancy, d'une mère lingère d'origine paysanne, elle même fille naturelle. Le processus se poursuit de génération en génération, avec, à la clef, un père protecteur mais souvent pour des raisons inavouables.
Anne Rose (qui deviendra Mery en hommage à celle qui l'avait judicieusement instruite et formée à une culture qu'elle développera par elle-même) fait son chemin dans le Paris des Arts et des Lettres. On lui attribue un grand nombre d'amants et des plus considérables par la portée sociale, le niveau culturel et l'emprise qu'ils purent, successivement, avoir sur elle. Après François Coppée elle devient la maîtresse de Théodore de Banville, allant même jusqu'à lui attribuer Victor Hugo ("grand chasseur de femelles").
Finalement pensionnée par le docteur Evans (attaché à la cour) et non sans être passée par le prince de Metternich, elle rencontre (pour sa plus grande gloire posthume) Edouard Manet qui entretient avec elle des relations intimes, respectueuses et chargées de tendresse. Manet mort c'est Mallarmé qui prend le relais avec la même dose de subtilité qui conduit Mery Laurent à pénétrer sans complexe dans le domaine d'une culture non seulement plus distinguée mais ayant toute la finesse et l'audace de la nouveauté.
D'ordinaire les "cocottes" se contentent d'une culture convenue, d'essence bourgeoise, même pour Valtesse de la Bigne, qui passe pour être férue de culture, le niveau reste celui de la commune mesure (la peinture "pompier" lui convient très bien).
Mery Laurent entre dans le cercle étroit de ceux qui font la modernité et son physique alors appréciée (mais répondant aux critères de l'époque qui favorisait la "rondeur") en constitue une sorte d'ultime icône.
Même  Robert de Montesquiou, pourtant langue de vipère, vante son charme.
Elle était grande, avec une abondante chevelure rousse entourant un visage plein et rond, aux traits réguliers, avec des sourcils haut placés, des yeux d'un bleu intense, un teint rose clair et une expression presque enfantine d'étonnement qui entrait pour beaucoup dans son charme au delà de sa plastique attrayante.
Son "intérieur" de la rue de Rome qui fut un haut lieu de la vie mondaine succédant ainsi opportunément aux excès d'une vie galante, était très représentatif d'un mauvais goût de l'époque. C'était la profusion de passementeries et de pompons, de fourrures et de coussins, de tapis d'Orient, de poufs, de consoles trop dorées, et d'une multitude bibelots. Proust s'en inspirera pour créer le décor pour madame Swann, et le personnage entre dans la composition d'Odette.

 


 
 
posté le 17-12-2010 à 11:42:33

L'occupation des lieux.

Dans sa fatale chute depuis le chevalet la peinture s'est répandue dans l'espace en usant de tous les médias qui pouvaient concrétiser  cette nouvelle vocation (?), exigence,  et se trouvant de nouveaux matériaux pour concrétiser cette espèce de mégalomanie qui est contenue dans toute entreprise artistique. De peinture d'ailleurs on ne peut plus parler.  A l'art, et en globalisant ses ambitions, on sera désormais contraint de faire référence. Tout est art, comme à en croire certains héritiers de la pensée de 68, tout est politique (même l'amour disait-on alors).
A une telle évolution il fallait bien des modèles, des références, des maîtres à penser. On aura, en vrac, et en première ligne, Marcel Duchamp, grand perturbateur qui a effectivement amorcé ce passage de la peinture (qu'il pratiquait dans l'esprit de son temps, et dans l'orbite du cubisme), mais aussi "dada" qui valorise (et perturbe) l'objet (et le plus dérisoire au besoin).
Cette prise de possession du réel passe par le biais de la dérision. Il faut voir en elle le recours pour lutter contre les angoisses. C'est de rire du réel que dada s'en sauve.
Kurt Schwitters est historiquement considéré comme un membre éminent (même furtif) du mouvement dada dans son développement international.
Mais on peut considérer son oeuvre comme autonome et dans la logique de son développement. Avec le Merz (Merzbau) Schwitters ouvre la porte à toutes les entreprises qui visent à occuper l'espace, pour le rendre "signifiant".  C'est une énorme production qui englobe des visées et des solutions totalement étrangères les unes aux autres, n'ayant pour point commun que cette volonté d'occupation.
Schwitters introduit cette ambition dans sa propre demeure, dans le quotidien de son environnement, finissant par vivre en son sein, comme il compose une sorte de reliquaire pour les oeuvres de ses amis. L'entreprise développe une formidable énergie de réflexion sur le rôle de l'art dans notre vie et sur ses formes.
Quand Duchamp assèche le terrain, Schwitters le féconde, avec une pointe d'humour ici, de mélancolie là. On lui doit beaucoup.

 


 
 
posté le 17-12-2010 à 10:25:45

Schwitters le collage volubile.

Le collage volubile.

La pratique du collage (de Braque à Sophie Arp en passant par Georges Grosz) épuise les ressources du support papier, ne se risquant qu'occasionnellement vers le relief. Celui-ci dépendant de l'apport des matériaux qui entrent dans la composition de l'oeuvre.
Avec Kurt Schwitters le pas est franchi. Il aboutira aux combine-painting des "néo dada" américains comme Rauschenberg.
Le collage pour Schwitters est peut-être une sorte de journal intime, le développement de ces recueils de menues choses glanées, collées sur un cahier et qui constituent un souvenir matérialisé par ce qui n'est que détritus et  qui scandent notre quotidien, surtout dans le rythme du voyage, ou d'un simple déplacement comme celui qui l'on fait au quotidien.
D'où cette mise en valeur des miettes comme tickets de métro (ou d'autobus), papiers d'ordinaire destinés à la poubelle, et, par extension, des brindilles d'objets au rebut ramassés et assemblés "d'harmonieuse manière".
Quand le collage de Max Ernst joue d'associations d'images, souvent d'une simple redistribution de ses détails, d'une sorte de perturbation de sa logique narrative pour inventer une nouvelle narration, celui de Schwitters revendique une forte présence plastique. Il n'est narratif qu'au second degré en dépit de cette sorte de volubilité qui est celle de la forme. Celle-ci ayant trouvé une nouvelle fonction par un jeu d'associations, additions, accumulations, une sorte d'overdose de la miette du réel qui y rejoint la magie de l'insolite, une sorte de grâce totalement détachée de sa réalité matérielle.
Moins qu'une mise en accusation  de l'objet de consommation (ce que sera le pop-art et le nouveau réalisme), c'est une sorte de langage rêvé, malicieux, parfois mélancolique. Toute la gamme des sensations qui l'ont justifié.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 17-12-2010 à 11:23:03  (site)

Très joli "collage" (Papier collé inventé par Braque en 1912, si je ne m'abuse !..Lequel influença Picasso. Lesquels ont selon moi inspiré Perros pour titré ses 3 volumes de "Papiers collés"..Les récupérations artistiques d'autres récupérations matérielles font ainsi des compositions étalées dans le temps de 1912 au Pop Art, comme vous dîtes...(ou même, nos blogs qui sont des fenêtres collées, non ?) Un procédé de "Ou bien...ou bien" à la Max ernst, aussi... Le ciel est Mallarméen ici aussi, très lumineux entrecoupé d'averses de poudreuse...Perros des collés, ou maxime décollée Perrosienne : "Un bout de ciel détaché qui vous prend le coeur en écharpe"... Oui, aussi, quel message "chiffré" dois-je déchiffrer dans la carte-poème de Paris de "ma" Poppins ?...

2. sorel  le 18-12-2010 à 11:02:41

que ne suis-je déchiffreur ! je pense à Edgar Poe qui avait sans doute des idées là dessus. Mais le jeu vaut la peine de se poursuivre. Une correspondance chiffrée c'est peut-être un art à cultiver.

 
 
 
posté le 17-12-2010 à 10:21:16

Le sphinx de Bona.

En forme de souvenir, mais réduit en une sorte de flash. C'était après le déménagement de la rue Payenne, l'installation, presque en face, à la hauteur de l'entrée du musée Carnavalet ( de la fenêtre de la chambre on voyait le décor sculpté de la porte d'entrée). Le matériel radio étalé, le micro sur la coiffeuse de Bona et celle-ci faisant l'odalisque sur un vaste lit (on avait envie de dire, "dans le lit", tant elle s'y confondait avec des tentures sombres, des coussins chatoyants, comme en quelque embarcation pour un monde de sensations, de stupéfactions car rien ne semblait, avec elle, demeurer dans les mesures du raisonnable). Mandiargues, sagement sur sa chaise, pour répondre aux questions (je crois stupides) que je lui posais. Il devait en résulter une émission Dieu merci égarée dans les archives de l'ORTF puisque tel était le sigle en ces années lointaines.
Peintre, d'une famille de peintres (son oncle est de Pisis),  Bona suivait, par l'image, les textes d'André Pieyre de Mandiargues, son compagnon. Le hasard m'a laissé de nerveux dessins qu'elle avait conçus en marge du texte d'Astyanax.
Losfeld (l'éditeur du texte), m'avait aussi donné un projet pour la couverture.
J'aime cet animal venu d'un pays de terreur solaire, planté comme une énigme sur le bord de ces territoires que Mandiargues explorait avec une sorte de gourmandise qui tient du curieux et du savant.

 


 
 
posté le 15-12-2010 à 11:49:41

La mort du Livre.

Des tonnes de livres vont à la décharge publique, laminés, ils vont au pilon qui est leur passage vers leurs origines profondes de pâte à papier.
Livres boudés, thèses dépassées, traités négligés.
Le sort du livre souligne la fragilité de ce qui lui est confié : la passion des mots. Et  plus encore que tout autre texte, le poème (d'audience si réduite) est le premier exposé à cette fin infamante.
D'en faire des sculptures monumentales, d'en entasser comme des colonnes, dans le souvenir des travaux de Kurt Schwitters, ne lui redonne pas vie, en en faisant un usage qui n'était pas prévu ou  trahissant sa fonction, le détournant de sa vocation, accélérant sa chute.
Mais l'entassement prend un  autre sens. Celui qui lui avait donné Arman quand il faisait "le plein", à la galerie Iris Clert, dans les années 60.
Il donnait à chaque visiteur, un bout de cette masse informe de déchets où dominait le papier, creusant ainsi progressivement une sorte de grotte dans laquelle il s'enfonçait de plus en plus, comme en une sorte de retour aux origines même de la nature humaine, de la création du monde.
Cette interrogation sur le sort du déchet (du papier, donc du livre) donne la mesure des problèmes que pose sa survie, fort improbable. C'est la version moderne de l'incendie de la Bibliothèque d'Alexandrie. Des bûchers de livre qui effacent les acquits de la civilisation. Tout pouvoir qui veut détruire une pensée jette les livres au bûcher.
Les livrant à une autre vocation que la leur, on entre dans le même jeu d'extermination.

Photo extraite du blog Locus Solus.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 15-12-2010 à 15:02:09  (site)

Ah bah voilà, au moment où j' appose le point final à la retranscription informatique de mon manuscrit, voici votre article qui me ré-angoisse, . du même coup... A quoi sert de le publier, alors ?.. Nonobstant, l'éditeur travaille écolo , pour éviter ce pilon (annoncé ?) : il publie peu d'exemplaires, afin d'en réimprimer (par cas de demande) et d'éviter la mort des restants... J'ai donc fini, à 14h43...ce qui m' a paru fastidieux, non à l'écrire sur papier, mais à refondre en mise-en-page virtuelle... Oui, le Ouèbe tue ainsi le Livre-papier, ô Gutenberg ! Bon, je fais quoi, maintenant, je lance, ou je lance pas ce projet...? Soleil en la cité....Longue conversation avec "ma" Poppins réapparue , hier, m'évoquant un Paris qui devrait de nouveau s'enneiger, en pis ...Pensée pour vous.

2. Saintsonge  le 15-12-2010 à 23:35:59

Devinez la poisse, au point final de tout mon travail de retranscription informatique de mon manuscrit , l' ordi se plante, et tout mon travail avec !... Super le modernisme !... A la dernière seconde, il se plante !... C'est ici votre titre pleinement vécu !...Je ne comprends pas !... Fort étrange, en tout cas... J' y travaille des heures durant, sur des jours entiers, et paf, plus rien ...qu'un support internet je crois intraitable...en mode PDF demandé par l'éditeur, ah ras l'bol du faux modernisme.... La bonne nuit, cher ami...(vous étiez comme dit dans ma dédicace)

3. Saintsonge  le 16-12-2010 à 19:51:23

Ouf, ai pu récupérer sur PDF, via l'aide d'une collaboratrice de l'édition belge, quelle histoire!!!C'est maintenant au tour du vent, de s'affoler, la tempête se lève;
Âme lasse, cœur seule heure,
la tempête est dans l'âme qui pleure (mienne, hier), un an de plus, ce jour, aussi - en solo !
(ah !...Toutefois, de "ma" poppins, un mot, sur une carte : Paris-Poème (ce genre de carte vous dit ?..), elle représente le tableau de la Joconde, mais le visage traversé par le bras du Porteur du Tableau, curieux choix, non , pour quel subtil message ????)

4. sorel  le 17-12-2010 à 10:16:37

C'est toujours amusant de recevoir des cartes postales et je suis certain qu'elles sont toujours chiffrées. Plein soleil et neige au sol, ça fait un espace plein d'éclat et d'intensité lumineuse. On pense à Mallarmé.

5. katherine  le 02-05-2011 à 13:24:44  (site)

je ne peux pas imaginer mettre un livre à la poubelle, et je suis furieuse contre mes soeurs quand elles ne me rendent pas mes livres prétés, je ne jette aucun magazine féminin que j'achéte en abondance, du coup il y en a partout chez moi, sous les meubles, dans les armoires, je crois que je vais devoir acheter un garde-meubles spécial livres ou magazine !

 
 
 
posté le 13-12-2010 à 16:11:23

Rochegrosse l'histoire à l'Opéra.

Venue de l'Opéra, de ses splendeurs barbares pour dire l'Histoire sur une scène, la peinture va déployer la vaste panoplie de ses armures clinquantes, de ses extravagances gestuelles, de ses nudités morbides. Elle se fait déclamatoire, ampoulée et bizarre comme des rêves malsains, une dimension de théâtralité où elle fait passer sa passion pour le sang, les cris et les larmes. On va fouiller nerveusement dans les textes antiques, reconstruire le décor de villes fabuleuses, réinventant Babylone et Troie, Mycènes et Sparte la guerrière. Les femmes apostrophent les hommes, les poussent au combat, poitrail offert, mêlant exotisme et meurtre, érotisme et passion pour réécrire l'Histoire échevelée et dépravée.
On y célèbre les grandes prêtresses de la mort, chez les Atrides (une sinistre histoire de famille) ou dans Troie assiégée.
Le rideau s'ouvre sur les pages les plus sanglantes, les plus lascives, les plus corrompues. C'est une Antiquité baignée de sang et de vices, de clameurs et de sombres vengeances. Rochegrosse y brille pas l'ampleur de ses mises en scène, le déploiement des costumes et des nudités, la véhémence des situations.
 Il n'y manque que la musique. Un cousin de Wagner ferait l'affaire.

 


 
 
posté le 10-12-2010 à 11:26:52

Héliogabale vu par Artaud.

C'est un ouvrage de commande. Artaud s'y donne tout entier et avec un ton de passion qui va gratifier le texte de son rythme et ses couleurs.
Il a accumulé de nombreux documents pour aborder un sujet qui relève de l'Histoire, et pour lui, qui n'est pas un spécialiste, la nécessité d'un support venu d'emprunts, de lectures, d'une accumulation de connaissances  ne freine pas le texte qui reste dans l'esprit de son travail personnel.
Il pose (et l'illustre) le problème des travaux de commande pour  ceux qui y répondent sans avoir nécessairement les qualités requises, ni la culture, sinon qu'ils s'en servent pour faire passer quelque  chose de leur propres préoccupations, de leur monde propre.
Le style donc, emporté comme propre à la nature d'Artaud, avec cette fièvre qui coule derrière la phrase comme le fleuve tumultueux d'un passion dont l'écriture est le reflet.
Mais le choix du sujet joue aussi pour beaucoup dans une sorte de fidélité à son propre travail de mise à jour (si difficile) de son intériorité blessée. N'aurait-il pas existé qu'il l'aurait inventé. C'est un personnage pour lui, pour sa fougue visionnaire et provocatrice.  Héliogabale, la proie des biographes en recherche de scandale, de détails scabreux selon celui qui les donne, et qui, chez Artaud, prennent une dimension quasi mystique.
Messaline, Isabeau de Bavière, Théroigne de Méricourt, sont des personnages qui exigent une vision gagnée par une certaine "noblesse" et peuvent facilement tomber dans l'équivoque et le vulgaire  pour répondre aux appétits malsains d'un public qui ne voit les excès sexuels, les déviances, que comme un catalogue d'anecdotes piquantes. Chez Artaud ils conduisent son personnage vers un destin tragique, qui semblerait illustrer son "Théâtre de la Cruauté".

 


 
 
posté le 09-12-2010 à 11:21:58

L'Origine du monde.

L'origine du monde.

Courbet l'a peinte, une femme l'a incarnée. L'entre jambe est le lieu du miracle de la vie donnée (abandonnée) . Courbes et enlacement de chair, ici de pierre, et la végétation qui y prolifère comme le suc des naissances annoncées.
Le regard y perçoit l'obscurité des origines, un lieu de mystère. Il serait périlleux de s'y aventurer. Pourtant il évoque la protection, le fut aux origines de l'homme.
Naître, c'est sortir des obscurités profondes de la chair, mais chassé de sa chaleur, comme le premier homme fut chassé du paradis. Un jardin de protection et de délices.
Gisèle Prassinos a lucidement évoqué "La Calamité des origines".


 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 09-12-2010 à 17:44:27  (site)

C'est du Blason de Brassens aussi, qui s'entend là, non ?..
"La malepeste soit de cette homonymie !
C'est injuste, madame, et c'est désobligeant
Que ce morceau de roi de votre anatomie
Porte le même nom qu'une foule de gens..."

Quand je "la" regarde , et la fixe bien, elle ressemble à une tête de bélier qui est prête à nous captiver au fascinus de la chose !,nous foncerait-elle dessus, si nous ne bougions pas ?

2. Saintsonge  le 09-12-2010 à 17:45:59  (site)

PS / J ' évoque la vraie "origine", sinon celle de Courbet (sens de la phrase équivoque, même...)

 
 
 
posté le 09-12-2010 à 11:07:05

La Calamité des origines.

en hommage à Gisèle Prassinos auteur de "La Calamité des origines".
A propos de l'Histoire de Valentin.

Né, que déjà mourant. Il ne le sait pas encore. Il l'apprendra peu à peu. Sa vie n'est qu'une longue descente vers la mort.
D'où il vient, il ne retient que le noir. Dans les cavernes profondes de la chair il a germé comme une plante en serre. La chaleur profonde l'a fragilisé alors que, jaillissant du ventre maternel, il est déjà agressé par la froideur du monde qui l'attend.
Certaines vies ne formulent que le regret d'avoir été chassées de ce lieu indécis, vaguement perçu, où la vie balbutiait, où les éléments n'exerçaient pas la loi inflexible de leurs forces déchaînées.
Dans la grotte des origines, diront ceux qui savent, la vie est douce et souriante, le séjour à l'égal de celui des dieux de la mythologie, quand Jupiter vagissait au milieu des animaux en cercle, lui faisant une chaude couverture. Nourri de miel et dans l'extase des délicieuses attentes, bercé par le chant des vestales, le doux murmure des abeilles venues poser leur couronne sur un front vierge encore de toute atteinte.

photo de la grotte de fantaisie dans le jardin du domaine de Madame Elizabeth à Versailles.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 09-12-2010 à 17:34:31  (site)

Joli brin de "fantaisie", néanmoins, après l'article des gisants - et, de votre dire, leur ressemblant -, vous m'intriguez..., par cette "cavité " vagino-naturelle ! L'homme qui rétrécit y a voulu y pénétrer , d'ailleurs, la vulve le gobe, il m'en souvient, dans le film... Almodovar prit la suite : dans une baignoire, la femme écarte ses cuisses pour qu'un godemiché-plongeur y vient buter jusqu'aux parois qui commencent à jouir (Cut ! Fin de plan de coupe...Dommage !) Vous m'intriguez, néanmoins...

2. sorel  le 10-12-2010 à 10:56:17

non point d'équivoque ni de sous entendu. Ou bien il me faut aller consulter un psychiatre. Je crois être quelqu'un d'assez simple (un peu simplet !)

3. Saintsonge  le 12-12-2010 à 09:25:40

"simplet", grand mot tout de même !
Bonjour très doux de Pont-de-Buis, une évasion - échappée du rituel douarneniste-trébouliste, léger rapt psychique aussi, il faut comprendre l'Abyssinie Rimbaldienne qui vous chaparde les grandes envolées créatives !.. les espérances, tout, presque tout...

 
 
 
 

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