posté le 10-07-2009 à 10:49:52
Dada à Paris.
Dada à Paris.
L'Histoire
le dit, né à Zurich, et simultanément à New York et Berlin, Dada, à
Paris, fait la synthèse de ces mouvements de contestation qui tiennent
du monôme d'étudiant et d'une remise en question des formes
d'expression que sont les arts plastiques et l'écriture. Toute remise
en cause, et chahut des choses données, ne va pas sans désordre,
conflits, contradictions et moments "forts". Toute une jeunesse (celle
qui sort meurtrie des épreuves de la première guerre mondiale) va y
faire ses classes et il sortira le surréalisme qui est une nouvelle
morale autant qu'un art nouveau. On en est les héritiers. Un peu
abusifs sans doute. Si l'art actuel est en si mauvaise passe (voir les
expositions officielles consacrées à la création contemporaine) , c'est
sans doute qu'on ne sait pas bien sortir d'une telle crise, alors on
radote on insiste on se contente de copier les oeuvres clefs de cette
aventure, d'où la position de "maître à pense" de Marcel Duchamp.
posté le 10-07-2009 à 10:38:05
D'Ubu à Rousseau.
Le chemin qui va de Jarry à
Henri Rousseau, dit le Douanier, est plus court qu'on le croit. Ubu
nous conduit au maître de la jungle en chambre. Naïf disait-on,
roublard aussi pensaient certains. Voire. Ni l'un ni l'autre, un
merveilleux rédempteur de l'âme enfantine avec ses joies, ses terreurs
et ses fantasmes (une femme nue dans la forêt !) Chaque tableau est un
enchantement, une délectation. Et si l'on faisait un bout de chemin
ensemble !
posté le 10-07-2009 à 10:33:19
Gentil Rousseau.
On l'aura choisi comme
compagnon de route. On avait annoncé un texte en forme de
labyrinthe, ce n'est pas pour se perdre mais fortifier des rencontres
qui peuvent paraître contradictoires alors qu'elles constituent une
trame qui nous conforte dans notre quotidien, nous soutient dans nos
craintes et enchante notre imaginaire. Avec Jarry, pour la part acide
de notre parcours et Henri Rousseau pour l'enchantement de chaque
étape. Le voici, paisible ( voire qu'elle inquiétude pouvait l'habiter
lui qui fut moqué avant d'être, mais d'une manière fort équivoque
célébré, par des esprits singuliers comme Robert Delaunay, Guillaume
Apollinaire ou Picasso qui n'est pas à une provocation près). Il
pourrait être notre grand-père et d'ailleurs la photographie qui nous
restitue sa présence s'encadre comme ces vieilles images qui, dans les
cuisines de campagne, constituent une sorte de galerie des ancêtres.
Gardons le pour tel. Il y a plus mauvaise compagnie.
posté le 10-07-2009 à 10:30:16
Rousseau compagnon de Léon Paul Fargue;
Les liens de Rousseau avec la littérature sont multiples. Outre Jarry,
dont il fit le portrait que ce dernier s'empresse de détruire, il
peindra aussi le portrait de Léon Paul Fargue, autre complicité
significative avec un piéton de Paris, dénicheur des coins insolites,
inventeur d'une poésie cocasse, où la magie du regard se substitue à la
banalité qu'elle transcende. La poésie c'est surtout une certaine
manière de regarder les choses. La manière de le dire peut alors
varier. Et évoluer selon les époques. Le génie de Rousseau est de
n'avoir pas la marque du temps, c'est le règne de l'intemporel. Méfions
nous des oeuvres qui sont à la mode. Elles passent avec elle. Chaque
saison a la sienne. Rousseau est de toutes les saisons.
posté le 08-07-2009 à 16:17:12
Gaston Criel enfant du jazz et de Saint Germain des Près.
Gaston Criel un enfant du jazz et de Saint Germain des Près.
Il
aura été l'un des premiers à franchir le seuil du Soleil dans la tête.
C'est qu'il venait de sortir un livre et assurait sa promotion. C'était
"La grande foutaise" publié chez Fasquelle et dont on parla,
fugitivement, pour le Goncourt. On disait qu'Henry Miller le "portait
aux nues" ce qui était une référence. On fit en son honneur une vitrine
qui soulignait ses liens étroits avec le monde de Saint Germain des
Près et le jazz.
Ce dernier lui avait inspiré un ouvrage (Swing) qui fut rapidement salué par toute l'intelligentsia de l'époque.
Il
est alors secrétaire d'André Gide, et vivait dans une chambre que lui
louait Jean Paul Sartre, 42 rue Bonaparte, l'immeuble dans lequel le
philosophe vivait avec sa mère.
L'homme
annonçait par son apparence physique l'oeuvre, lui donnait corps. Le
visage émacié, le verbe sonore, il faisait parti de la famille
d'Antonin Artaud, des irréductibles, des rebelles. Il avait, dans son
comportement, quelque chose d'impressionnant. Mais il sera emporté par
la vie, écrasé par elle.
Gaston
Criel a une vie mouvementée. Tantôt assistant de cinéma (pour "La Belle
et la bête" de Cocteau) tantôt secrétaire à la galerie Maeght.
On
le retrouvera ensuite dans sa région natale (Seclin), où il travaille
dans la publicité et, ayant perdu sa place, s'installe avec sa compagne
dans un mobil-home, où il créé un bar au bord de l'autoroute.
posté le 08-07-2009 à 16:06:24
Les Minutes d'Alfred Jarry.
Les Minutes d'Alfred Jarry.
Il est mort, il y
juste cent ans. Je viens de trouver sur une brocante son Ubu, préfacé
par Jean-Hughes Sainmont, (le grand spécialiste de Jarry devant le
seigneur), qui fréquentait assidûment le Soleil dans la tête. J'y vois
un signe, peut-être un appel. C'est décidé, on va cohabiter avec Jarry
pendant quelques séquences. Histoire de retrouver le sens vrai des
choses : derrière l'humour, la grimace, les provocations. Une quête
pathétique.
posté le 08-07-2009 à 15:53:58
Entrons en Pataphysique.
La compagnie des élus.
En
se réunissant sous l'égide du Collège de Pataphysique, les admirateurs
d'Alfred Jarry ont créé une sorte de société secrète qui a le mérite de
ses conventions, de ses jeux de piste, de ses références, ces dernières
surtout qui rallient à l'ombre de Jarry des poètes, des peintres, des
écrivains de tous les horizons qui ont pourtant en commun le sens aigu
d'un non conformisme salutaire devant cette crise de la pensée qui
gagne tous les arts. L'annuaire des sympathisants du Collège est, à lui
seul, une véritable anthologie de la pensée la plus rare, la plus
fécondante, la plus périlleuse aussi pour qui se calfeutre dans
des idées reçues, des conforts intellectuels ramenant la culture à
n'être qu'un bien de consommation.
posté le 08-07-2009 à 15:37:56
Alfred Jarry maître en décervelage.
Tout comme Marcel Duchamp
est la référence absolue de la création plastique contemporaine, Alfred
Jarry est celle du théâtre et par glissement progressif celle de la
littérature comme instrument de perversion des traditions et remise en
place des idées-forces. Ils sont quelques uns comme cela, au fronton
d'une nouvelle manière de penser : Rimbaud en figure d'ange fatal,
Lautréamont, passant considérable pour reprendre les termes d'André
Breton, et Alfred Jarry qui conservera jusqu'à sa mort son "âme
d'enfant". Et si le point commun à tous ces créateurs était justement
d'avoir préservé, en dépit des agressions de la réalité et de la
banalité du quotidien, cette force première qui suscite les découvertes
et les colères, les passions et les refus.
posté le 08-07-2009 à 15:23:36
Marie Bashkirsteff
Marie Bashkirtseff.
Identifiée
à son Journal (mais c'est aussi le cas d'Eugènie de Guérin, il faudra y
venir) elle a une vocation de peintre, la volonté de s'affirmer par la
peinture, comme si l'écriture n'était qu'un exutoire. Elle l'est, mais
devient oeuvre littéraire, considérée comme telle. Sa peinture, pour
autant qu'elle s'inscrit dans l'histoire de l'art ne se distingue pas
(ne se détache pas) de celle que l'on pratique "autour" d'elle, et dans
son milieu. A l'Académie Julian elle trouve plutôt un espace de
liberté, et elle il apprend une technique. Solide, consciencieuse,
cette technique lui permet de réaliser une oeuvre que l'on situera
plutôt du côté de Rosa Bonheur que de Berhe Morisot, c'est à dire dans
la tradition et un réalisme au premier degré. Sans invention, ni
révolution, alors que l'art de son temps est secoué par de grandes
inquiétudes, de vifs élans de nouveauté.
posté le 08-07-2009 à 15:00:06
Reconnaissance d'Arthur Cravan.
Justice à rendre. On
doit à Bernard Delvaille la réhabilitation d'Arthur Cravan dont il
rassembla les textes dans les années 50, chez l'éditeur Losfeld (Le
Terrain Vague) dans un joli volume dont la couverture en papier kraft
évoquait la fameuse revue du poète-boxeur : "Maintenant".
C'était
là un véritable découverte, car en dehors de quelques spécialistes et
les connaisseurs du mouvement "dada ", qui incorpore Cravan dans son
combat, il était resté pratiquement inconnu. Pourtant, il a sa place
près de Jacques Vaché (on parlera de lui), et pourquoi pas des poètes
de la modernité comme Blaise Cendrars. Il y a chez lui des rythmes
poétique qui valent bien ceux de la "Prose du Transibérien" avec la
même fascination pour les voyages, les trains et les paquebots. Une
fraîcheur, une vigueur de la vision, avec quelque chose de désenchanté,
de provocateur, de jouissif, qui est alors une véritable nouveauté.
Depuis, les rares textes de Cravan sont publiés et popularisés, ainsi
que son oeuvre peinte (voir galerie 1900-2000, à Paris). Il reste
cependant une figure de légende. Celle qui a façonné l'esprit de la
modernité au XX° siècle.
posté le 08-07-2009 à 14:51:46
Arthur Cravan bis.
Arthur Cravan bis.
On
n'en finira jamais avec lui. Il est au coeur de cette quête qui donne à
nos vies sa raison d'être. C'est à dire sortir de l'horrible quotidien
que dénonçait déjà Rimbaud et que toute une forme de poésie ( dont
Cravan est un héros) tente de défier, sinon de nier, du moins de nous
sauver. Oeuvre mince que la sienne. Forte comme un élixir (Apollinaire
n'a-t-il pas intitulé "Alcools" ses plus importants poèmes ?) elle
porte aussi les marques d'une époque sans jamais vieillir pour autant.
Dans sa modernité elle offre quelque chose de viril, de dopant qui nous
transporte.
posté le 08-07-2009 à 14:46:05
Arthur Cravan en dandy.
Et si l'on parlait du dandy.
Au XIX° siècle son élégance visait à s'imposer au monde comme à la
séduction sur les cocottes qui l'entouraient. Au XX° siècle (on peut y
voir un signe des temps) c'est plutôt une approche élégante de la mort.
Une certaine manière de la défier tout en s'y engageant. Flirter avec
elle, comme Jacques Rigaut (on va le rencontrer bientôt) qui lui donne
rendez vous sur un miroir. Il n'a pas voulu, comme Alice, le
franchir, mais se briser sur son reflet. A méditer.
posté le 08-07-2009 à 14:32:50
Le Désert de Retz en danger.
- Le désert de Retz.
- Il
était abandonné, ou presque, un propriétaire indigne et inconscient,
n'avait pas cru devoir protéger un lieu qui enchantera ses visiteurs
clandestins, comme la savoureuse Colette, le sensuel André Pieyre de
Mandiargues et plus généralement les surréalistes de la dernière heure
qui y firent un pèlerinage que la photographie a immortalisé. Ils
sont, en groupe, mais masqués, et comme les noceurs fatigués, au petit
matin, après une fête nocturne. A moins que l'esprit d'une Venise à la
Casanova y est porté son empreinte furtive. C'est que le jardin tel que
le XVIII° siècle les invente, est un lieu de fête, un cadre de
galanterie. On est bien dans le sillage de Watteau, de Fragonard avant
qu'Hubert Robert y plante de fausses ruines et que les philosophent y
viennent jeter les graines de la contestation qui va entraîner la
Révolution. Car le jardin pittoresque a une force de suggestion autant
qu'un éclat de charme et de volupté. D'ailleurs la Révolution voudra en
créer à sa manière. Ce seront les "folies" sorte d'espace de
divertissement ( et de prostitution) qui mêlent dans la bonne humeur
les familles en goguette et les aventuriers de la galanterie. Déviation
du jardin anglais et ses ruines de fantaisie.
- Poussons
encore l'évolution, et l'on obtient Disney Land, On n'y entraîne pas
que les enfants, des légendes modernes s'y ébauchent. Mais quelle
déchéance.
posté le 08-07-2009 à 14:17:29
Le parc Monceau livré à la littérature.
le parc Monceau livré à la littérature.
Comme
beaucoup de parcs parisiens (Luxembourg, Tuileries, Buttes Chaumont) le
parc Monceau est très intimement lié à la littérature. Les personnages
de la Recherche du temps perdu y étaient dans un cadre à leur
ressemblance. C'est que tout l'élégance aristocratique du XVIII°
siècle, qui l'avait inspiré, trouvait son écho dans cette société qui
pratiquait l'art de ne rien faire en faisant beaucoup de bruit, dont
Proust tirera des portraits cinglants et d'une rare cruauté. Gustave
Flaubert fut un riverain (rue Murillo) et Zola a admirablement situé
des scènes de son roman "la Curée" dans son opulente et sensuelle
ambiance. La légende voulait aussi que des rencontres furtives et
"scandaleuses" y étaient dans ce temps de la "fin de siècle" faciles et
lascives. On ira les retrouver du côté des pages sulfureuses des petits
maîtres de la décadence ou chez un Jean Lorrain, chroniqueur aussi bien
de la société mondaine que des bas-fonds de Paris. N'oublions pas le
charme des ruines qui y sont disposées pour le plaisir de la promenade.
Ce fut le rêve d'un prince, organisé par le délicieux et prodigue
Carmontelle.
posté le 08-07-2009 à 14:04:14
L'art du Journal intime.
Avec
son visage d'ange et son allure de jeune fille sage elle trompe bien
son monde. Derrière cette allure calme et convenue une ardeur contenue
s'exprime et elle tente de vivre, de survivre, derrière les
capitonnages et les futilités de sa classe, de son quotidien.
Elle
est toute entière dans son Journal. Complaisante vis à vis d'elle-même,
étroitement attachée aux usages mondains et aux rites qui rythment sa
vie. Elle peint (d'une manière conventionnelle mais avec un réel
talent). L'écriture n'est pas que sa vie cachée, rêvée, elle est sa vie
totale.
Elle pose cependant le problème du journal intime qui n'a
d'intérêt que lorsqu'il donne accès à une vie elle même créative,
exemplaire. Pourtant, il se dégage de ces pages un feu, une flamme qui
peut toucher. De peu de choses, sinon ses angoisses intimes, son
appétit de vivre, elle fait une oeuvre qui n'est pas qu'un témoignage
de son époque, elle est aussi l'aveu d'une féminité qui veut sortir de
ses contraintes, d'une certaine banalité imposée. On est dans le monde
de Proust, où passe l'orage de la passion.
posté le 08-07-2009 à 12:01:53
Ruines de fantaisie.
Ruines aux champs.
L'amour
de la nature passe aussi par celui des ruines. Une leçon donnée par les
philosophes et les amateurs de jardin du XVIII° siècle. Il ne subsiste
presque rien de ces rêves d'amateurs qui vont à Ermenonville,
Méréville, Monceau, ériger, avec la collaboration d'Hubert Robert,
Carmontelle, des itinéraires champêtres ponctués de fausse ruines
exprimant la mélancolie que suscite ce retour à la nature qui rêve d'un
jardin d'Eden, évoque l'Arcadie et distille des préceptes
philosophiques sur les pierres qui sont de larges livres ouverts où
s'expose la sagesse.
Ce retour à la nature passe par la
littérature et s'appuie sur des références, des conventions, des mots
de passe et des recueillements Nous allons en emprunter quelques
uns.
Et pourquoi ne pas remonter dans le temps, et aller rendre
visite à Adrien, en sa villa ! On peut, pour le plaisir, relire
le si beau livre de Marguerite Yourcenar : "Les mémoires d'Adrien".
Ainsi les jardins nous entraînent aussi vers l'Histoire.
posté le 08-07-2009 à 11:24:10
Quelques pas dans un jardin anglais.
Quelques pas dans un jardin anglais.
Il
n'est pas illogique d'évoquer l'art des jardins dans ce blog du Soleil
dans la tête. Plusieurs expositions y furent présentées qui avaient
pour sujet le jardin dans ses rapports avec l'art et la littérature. La
peinture actuelle est largement nourrie d'évocations "jardinières". La
peinture, dans ses rapports avec la nature, échappe à la simple
description et s'appuie sur les ressorts de la peinture dite
"abstraite" qui est une approche plus sensible, plus approfondie du
phénomène de la nature. L'Impressionnisme annonce cet accord
fondamental avec la nature. Le jardin anglais qui échappe aux règles
contraignantes de la rigueur classique (incarnée par Le Notre, à
Versailles) constitue lui aussi une approche de la nature "pour ce
qu'elle est", acceptant ses caprices, ses diversités. Le jardin est
alors une invitation à la promenade ( surtout sentimentale) rêveuse et
en harmonie avec les éléments qui y portent leur marque.
posté le 08-07-2009 à 11:05:42
Allons chîner.
Le retour progressif des
"beaux jours" (oublier un peu l'usage qu'en fit Samuel Becket),
entraîne l'organisation des brocantes qui enchantent nos dimanches de
campagnard ( une campagne à 60 kilomètres de Paris et accessible en
RER), et permettent la découverte de ces petits trésors qui nous
ravissent, chacun ayant sa passion, ses motifs de recherche. Pour l'un,
la vaisselle, l'autre les cartes postales, un autre encore, des
bibelots kitch, pour moi ce sont les livres, et j'y fais des
découvertes exceptionnelles. C'est à dire des textes que je recherche
et que l'on ne peut trouver que chez des bouquinistes. Sinon que
le livre ici est dans un domaine plus ouvert, dans ce mélange touchant
des choses qui échoient après un héritage, ou quelques unes de ces
aventures humaines qui jalonnent les vies, leur donnent ce sel
particulier dont on fait les belles histoires, les riches destins.
Livres à histoire et souvent portant des marques de leur passage dans
la vie de ceux qui en eurent un instant la propriété. Des livres
marqués aussi, ceux que je préfère. Notations en marge, dédicaces,
signes particuliers d'appropriation tout ce qui les charge d'une
histoire qui entre pour beaucoup dans leur attrait. Ils sont au prix
unique, 1 euro aussi bien pour un René Char qu'un Guy des Cars. On peut
y voir une certaine vision saine de la littérature, ou la saveur de
l'initiation qui vous rapproche du plus précieux, au prix de
l'ordinaire.
posté le 08-07-2009 à 10:55:29
Dérive, errance.
Dérive, errance.
La
lecture a le pouvoir de nous sortir de nous même, d'un présent parfois
contraignant et nocif pour l'éclat de la pensée, la saveur de
l'émotion. On évoquait un labyrinthe, on en a suivi les méandres,
traînant avec soi des souvenirs et un savoir (volé au hasard des
rencontres, des lectures, des accidents du quotidien) on y rencontre
des images d'une puissante force de suggestion. Les seuls portes de
sortie (comme il y a des sorties de secours dans les salles de
spectacle).
En voici une, arrachée à quelque livre d'épopée et de
flamboyante victoire et qui parle aussi de la vie de tous les
jours. Qu'on ne s'y trompe pas, ce n'était qu'un intermède, une dérive,
l'errance d'un instant. Pour prendre l'air d'hier, découvrir les
rumeurs d'un marché, le cri des marchands à l'étal, le meuglement des
animaux qui sont en si étroite intimité avec la vie des hommes, leurs
bourreaux. On marchande, on cancane, bientôt la nuit venue tout
rentrera dans un ordre puissant et menaçant.
posté le 08-07-2009 à 10:30:11
Gloire à Cendrars.
On avait évoqué, Cendrars pilier de bibliothèque, et par
l'abondance des livres effrayé. Le voici, résumé, serti comme un
joyau, dans un livre dont la formule, justement, est de donner
l'essentiel de son oeuvre ( la remarquable collection des Poètes
d'Aujourd'hui de chez Seghers). Le voici, dans la fougue de son verbe
ardent et généreux, d'un modernisme aigu, qui flambe les
mots, cisèle
les images, traduit le rythme de la machine, des forces
mécaniques, quand on croyait encore aux vertus de la modernité, à la
beauté du progrès.
Cendrars sorte d'Homère de l'homme nouveau
quand le XX° siècle,( à son aurore), était celui d'un nouvel âge d'or.
On peut lire Cendrars comme une épopée d'un monde qui devait exister,
que l'on souhaitait, qui est dépassé. Mais quelle beauté dans la phrase
poétique, dans l'élan, la cadence, qui est celle de la musique de jazz.
A vivre avec ferveur.
posté le 08-07-2009 à 10:10:17
Le bibliothécaire vu par Arcimboldo.
Avec l'acuité de vision qui
lui est propre René Char parlait de "La bibliothèque est en feu". Image
forte nous projetant dans le chaos de l'Histoire, d'Alexandrie aux
turpitudes guerrières qui détrônent la culture et brisent les liens que
nous entretenons avec le monde de l'esprit. La suprématie de la force
aveugle sur l'équilibre du coeur. Le rôle du bibliothécaire est celui
du "passeur" qui guide vers les sources fécondantes auxquelles nous
aspirons. Il faudrait faire l'histoire du bibliothécaire comme on
ferait celle du chevalier ou du pèlerin. Un homme de foi.
Le voici,
imaginé par Arcimboldo. Pétri non dans la glaise comme notre ancêtre
Adam le "pécheur" mais composé des livres qu'il va distribuer à la
juste mesure de nos besoins. Dispensateur non de grâce mais de savoir.
De sagesse aussi.
posté le 08-07-2009 à 09:57:46
J.P.Sartre, dans la bibliothèque.
Blaise Cendrars
l'évoque magistralement dans ses textes autobiographiques. Lecteur
assidu de la bibliothèque Nationale (à Paris) il contemple avec un
mélange de fascination et d'effroi l'étendue des rayonnages avec cette
quantité invraisemblable de livres qu'il sait très bien n'avoir pas
logiquement le temps de consulter. Un savoir si immense qu'il est
écrasé par lui.
De son côté, Jean Paul Sartre dans "La Nausée" (un
livre admirable) raconte l'histoire d'un "client" de la bibliothèque
publique ( serait-ce celle de Laon alors que Sartre, enseignant au
collège, rédigeait justement "La Nausée") qui prend le parti de lire
tous les livres étalés sur les rayonnages, en suivant l'ordre
alphabétique. Un pari fou, dont même la logique dérange. La
lecture c'est aussi une quête, une errance parmi les livres, un jeu de
rencontres, d'approche très personnalisée.
Il résulte pourtant de
ces deux vision l'émergence d'un rêve entretenu par maints écrivains.
Celui du livre UNIQUE contenant tout de l'expérience, de la
connaissance, de la sensibilité de celui qui le compose.
posté le 07-07-2009 à 18:09:38
La main à plume.
La main à plume.
Avoir accès au manuscrit offre
le plaisir de découvrir le texte dans son élaboration, sa naissance
(parfois difficile). C'est à l'accouchement même que l'on assiste. Elan
de la main, conquête de l'espace, et cette manière si particulière,
selon son tempérament, des circonstances, du cadre même de l'écriture,
d'occuper la page : dans l'économie, la prodigalité, avec méthode,
assuré et triomphant ou dans l'effort, la difficulté, les remords.
D'où, le plus souvent les ratures, les biffures cette bataille pour
trouver le mot juste et dont on est alors le témoin. On entre dans
l'intimité de la création. Au stade le plus essentiel, le plus
douloureux quand l'échec est encore possible.
Imprimé, le
texte affirme sa victoire, manuscrit, il est encore l'enfant fragile,
choyé que l'on veut élever à sa forme la plus juste.
Victor Hugo est à l'ouvrage.
posté le 07-07-2009 à 17:55:00
Léautaud chez le Père Tanguy.
Léautaud chez le Père Tanguy.
On le sait, le père
Tanguy tenait boutique 14, rue Clauzel, où se fournissaient en matériel
les peintres qui furent les impressionnistes. Le père Tanguy se faisait
payer en tableau et c'est ainsi qu'il avait dans son arrière boutique
des oeuvres de Cézanne, de Van Gogh, de Gauguin, de Monet.
C'est
dans le voisinage de ce modeste, mais haut lieu de la vie artistique,
que Paul Léautaud vivra son enfance, en cette fin de siècle, entre un
père souffleur au théâtre et une mère "cocotte" qui l'abandonnera
et qu'il rencontrera dans une maison de passe de la rue
Laferrière.
Il habite avec son père, 13 puis 21 rue des Martyrs et
14 rue Clauzel, chez sa "nounou" cette Marie Pezé à qui il rendra
souvent hommage dans sa vie de vieux célibataire ronchon, lorsqu'il
vivra enfin dans la petite maison de Fontenay aux Roses. Il fait
quotidiennement le voyage (en train) jusqu'à la station Luxembourg, (où
on pouvait le rencontrer, cabas à la main plein de la nourriture qu'il
réservait pour ses nombreux chats), et la rue de Condé, où il
travaillait au Mercure de France. L'écriture de son Journal, à qui il
doit sa gloire posthume, se fait lors de ses soirées solitaires dans
cet enfermement qu'il a choisi. Autre exemple d'écriture en immersion
radicale sur sa propre sensibilité, en lieu clos. D'où l'importance de
la chambre dont on peut voir une reconstitution au musée Carnavalet.
A signaler le remarquable travail d'historien de Bernard Vassor: pour le Père Tanguy voir : paperblog.fr
et d'une façon plus générale : wikio.fr/news/BERNARD VASSOR.
posté le 07-07-2009 à 17:15:58
Anna (de Noailles) au lit.
Anna de Noailles.
Elle aussi est condamnée à
"garder la chambre" pour raison de maladie. Elle aussi, née Brancovan,
fréquente, surtout après son mariage avec un de Noailles, ce monde que
Proust avait déjà investi. Le même, entre futilités, vanités et
calculs, qui n'altère pas les forces principales de son génie propre.
Une adhésion sensuelle, profonde, avec la nature. Retirée dans sa
chambre du 40, rue Scheffer (dans le 16° arrondissement de Paris), elle
poursuit une oeuvre surtout poétique : L'ombre des jours, Les
Eblouissements, Les Vivants et les morts, Les Forces éternelles. Sa
gloire quasi officielle cache la part la plus captivante de sa
démarche. Une saturation sensuelle qui vidant le corps de sa substance,
nourrit un verbe d'ardeur et de souffrance, à la sensualité chargée de
coloration orientale due à ses origines. Tout comme Proust exploite
avec ferveur les souvenirs d'une enfance aux riches connotations
sensorielles et mémorielles, Anna de Noailles s'appuie sur le caractère
merveilleux (et d'un luxe tapageur) mais qui l'écrase, entretenu dans
l'hôtel particulier du 34 avenue Hoche, où l'on cultive le souvenir d'
ancêtres prestigieux, en leurs terres de Valachie et dont se sent
débiteur son père Grégoire Bassaraba de Brancovan, et la "campagne" des
bords du lac de Genève où sa famille possède une villa à Amphion, où
elle "écoutait, les voix de l'univers". Une oeuvre formée dans
l'enfance et formulée dans le tapage d'une vie d'abord mondaine avant
d'être recluse.
posté le 07-07-2009 à 17:00:23
En compagnie de Léon-Paul Fargue.
D'avoir été le fameux "piéton de Paris", balisant de
mots et de formules saugrenues le macadam parisien, et de finir cloué
dans un lit ( dans l'immeuble du café baptisé le François Coppée, à
Montparnasse) a quelque chose de tragique. En aucune logique avec un
esprit plutôt porté à la fantaisie. Celui qui fut, jeune, le compagnon
de tournées nocturnes d'Alfred Jarry, l'un des piliers de la NRF, le
compagnon d'un autre noctambule célèbre en la personne d'André
Beucler, va devoir cohabiter avec la lenteur de la méditation en
chambre, les lourdeurs d'une vie sans sommeil, et l'atteinte
progressive de ses moyens intellectuels. La maladie aura mis du plomb
dans ses "'semelles de vent" qui en faisait, tel Rimbaud, un aventurier
du hasard objectif, un chroniqueur savoureux d'un Paris qui va de
biais, n'obéissant pas à la logique d'un urbanisme pragmatique, volant
à l'instant des splendeurs qu'il savait saisir comme au clic-clac d'un
appareil photographique. Un épigone du précieux Jacques Réda qui a
repris, pour son compte, la tradition de l'errance, un frère en
piétonnerie de Jean Follain, car ils sont quelques uns à donner du prix
à la promenade de la saveur au quotidien, du sel à la vie. La
chambre est alors l'antichambre d'une chute finale. L'ultime souffle
d'un destin.
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posté le 07-07-2009 à 16:44:16
Le laboratoire central de Max Jacob.
Le laboratoire central.
Le titre, inventé par Max
Jacob, couvre, au delà de ses propres textes, une activité littéraire
qui se concentre en un lieu fixe, chargé, et diffuseur d'une pensée.
Celle de l'écrivain qui se referme (se renferme) sur son cabinet de
travail, et dans certains cas, qui en accuse le caractère intimiste,
dans sa chambre, et souvent, pour des raisons médicales, comme
l'illustre exemplairement Joé Bousquet. Blessé au cours de la première
guerre mondiale, il est condamné "à la chambre" jusqu'à la fin de ses
jours. "Dans cette maison de la rue de Verdun, à Carcassonne, cette
maison aux voletes toujours clos, il y avait un lit immense avec le
coussin réceptacle de son corps, un petit guéridon rond plein de
médicaments, une table pour les manuscrits et la bibliothéque basse.
Quelques tableaux et des lampes toujours allumées". C'est autour de ce
lit (et sa couronne de tableaux porteurs d'une énergie poétique, de Max
Ernst, Tanguy, Bellmer, Fautrier, Magritte, Paul Klee) que Joé Bousquet
recevait ses visiteurs : René Nelli, un voisin, et, de passage : André
Gide, Paulhan, Aragon, et beaucoup de ceux qui vont le mieux illustrer
la vitalité de la littérature française dans les années 30-50, avec une
plus forte concentration encore durant les années d'occupation,
beaucoup de ceux qui rejoignaient la "zone" libre s'y retrouvant.
Espace de convivialité, d'échange et de création. Sur son lit Joé
Bousquet écrit, avec une volonté farouche de sortir de sa condition
d'infirme par la grâce de l'écriture.Un aphorisme résume bien cette
aventure de l'esprit : "C'est le désastre obscur qui porte la
lumière"
posté le 07-07-2009 à 16:32:06
La chambre de Proust.
Les allongés, Proust en figure d'icône.
"La
recherche du temps perdu" a été pratiquement écrite dans l'enfermement
d'une chambre de malade, et celui-ci, couché. Ce n'est pas un cas
unique s'il est frappant. Avant d'être quasiment immobilisé par
la maladie (l'asthme) Proust va "dans le monde". Il s'y plonge, pour
noter les caractères (comme son maître Saint Simon dans le cadre de la
cour de Versailles), et ayant fait son miel d'une vie mondaine fort
riche il peut, en quelques années, dans le silence de sa chambre, (au
numéro 102 du boulevard Hausmann à Paris), construire ce monument
gigantesque, cette oeuvre coulée dans une phraséologie qui en reflète
le caractère particulier. Dans l'espace flottant d'une immense rêverie,
un rapport intime et mémoriel avec les mots. Une oeuvre qui n'aurait pu
trouver son aspect, son "style", dans un autre contexte, un autre mode
de vie, comme si celui-ci décide de celle là. Il y aurait long à dire
sur les rapports existant entre la création littéraire et son
contexte.La littérature des "allongés" se pare d'un caractère original
en ce qu'il est plus intimement lié à son auteur. Il pourrait relever
de l'art du Journal, il en a la fraîcheur d'inspiration, parfois
l'impudeur, souvent la force de persuasion parce qu'il tire ses forces
des zones les plus intimes et s'appuie sur des relations
exceptionnelles avec le corps plus présent, pesant, que dans une oeuvre
conduite selon les normes du travail d'écrivain à sa table, dans son
quotidien, et comme un "objet" plus détaché de son intimité.
La
photographie est celle de la reconstitution de la chambre de Proust,
rue Hamelin, au musée Carnavalet. On y trouve aussi celles d'Anna de
Noailles et de Paul Léautaud.
posté le 07-07-2009 à 16:18:48
Un livre culte d'Alechinsky
Livre culte. Titres et pains perdus d'Alechinsky.
Il
est de format carré, relié, la couverture, illustrée, offre la vision
de la face arrière (généralement cachée) d'un tableau. Son titre, porté
sur le cadre, est "Le mal indéfini". Toute l'histoire d'un
tableau est souvent dans ces coulisses qui consignent ses expositions,
ses déplacements. Le livre, composé de petits textes fort divers, a
fait appel à la contribution de Suzy Embo, pour les photographies, de
Reinhoud pour le rappel de son travail de sculpteur s'appuyant sur des
figures en mie de pain ( cette agitation de la main, distraite, comme
pour les dessins de téléphone - on y reviendra-) de René Bertholo
enfin, pour des mises en forme d'espaces graphiques. Le corps du livre
est l'histoire d'une disparition. Celle d'un rouleau de dessins
japonais qu'Alechinsy rapportait d'un voyage au Japon et qui fut avalé
par les éboueurs, au petit matin, rue des Pyrénées où le peintre avait
alors son atelier. On assiste à la quête de la chose perdue. Vaste
épopée (qui mériterait un développement) où l'on va à la rencontre du
déchet, de la chose condamnée à être malaxée, métamorphosée, sous
couvert de recyclage. On peut imaginer des oeuvres entières restées
inédites, abandonnées aux nettoyeurs des rues, déversées dans les
immondices à ciel ouvert avec la lente envolée des oiseaux
dénicheurs qui y viennent grappiller leur pitance. Les mots devenus
nourriture de l'oiseau, c'est un destin divin non ?
posté le 07-07-2009 à 16:06:42
Encore G.L.M.
Encore GLM
En
écoulant les livres de ses éditions le libraire Michel Bouvier, 14, rue
Visconti, Paris 6° donne un beau portrait de Guy Levis Mano. " de 1923
à 1974 un homme, seul, le plus souvent, a travaillé à donner aux poèmes
qu'il aimait, la demeure qui lui semblait la plus juste" L'idée émise
est éclairante qui fait, du livre, la demeure du mot. Il doit s'y
sentir bien, s'y développer au meilleur de lui-même, y gagner
l'audience qu'il est en droit d'espérer.
Guy
Lévis Mano, dans son imprimerie artisanale de la rue Huyghens, au
carrefour Vavin, à Montparnasse, y parvient, s'attachant la confiance
et l'amitié chaleureuse, de René Char et d'André Breton,
d'Antonin Artaud et Maurice Blanchard, Jacques Dupin et Paul Eluard ou
encore la malicieuse Gisèle Prassinos, le pensif Armel Guerne, la
troublant Pierre Jean Jouve, la magistral Henri Michaux, le facétieux
Jacques Prévert, le discret Gaston Puel, l'élégant Philippe
Soupault ; en jetant des ponts de sympathie, d'allégeance,
vers Gérard de Nerval, Edgar Poe, Rimbaud, Maurice Scève, Kafka,
Laforgue, toute une bibliothèque de l'excellence.
Guy Levis Mano est aussi poète. Un livre de ses derniers textes vient de paraître.
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