Tout facteur n'est pas Cheval. Et il y a trop de volonté, d'ingéniosité, de ferveur devant le savoir pour ne pas faire du Facteur Cheval un être d'exception et un exemple. Proche, en cela, du douanier Rousseau qui dévore les ouvrages scientifiques, les revues savantes, pour combler son manque de culture, ayant quitté l'école trop tôt et en souffrant. C'est souvent le propre des autodidactes que d'avoir plus de respect pour la culture que ceux qui y ayant accédé jeunes, et sans effort (comme une chose naturelle, de leur éducation) n'en mesurent pas toujours le prix.Concevant une maison (un Palais idéal) il l'a fait à la mesure de ses connaissances, accumulant les références comme pour se prouver l'étendue de son savoir, et soulignant avec une sorte de naïveté, toute la force humaine qu'elle justifie, valorise.Le voici, durant ses tournées (à pied, et avec sa brouette), récupérant, ça et là, dans les champs, les fossés, les pierres qui vont venir s'ajouter à celles de la veille et qui, peu à peu, se métamorphosent en multiples détails ornementaux d'un palais fou, sorti tout droit de son imagination.J'ai souvenir de Miro, me montrant dans son atelier, les bois mangés par l'eau, le soleil et le temps, ou les galets, en formes étranges jusque dans leur suaves sinuosités, et m'affirmant que c'était là son catalogue à partir duquel il réinventait un monde qui nous semble insolite et qui est pourtant à nos pieds, il suffisait de savoir le regarder.Le regard du Facteur Cheval creuse au delà des éléments qu'il assemble, les profondeurs de son imaginaire qui est aussi sa mémoire, et le reflet de ses connaissances livresques patiemment apprises.