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lettres de la campagne

posté le 26-06-2010 à 11:43:54

René Char bien illustré.

Avec Tristan Tzara, René Char aura un des poètes de sa génération qui aura apporté le plus de soin aux éditions bibliophiliques de ses poèmes.
L'amitié naturelle qui aura lié le poète avec les peintres de sa génération, ceux dont la sensibilité s'accorde avec la sienne et dont le regard fonctionne en complicité avec la lecture du réel (et de ses traductions), situera René Char au coeur des rapports enrichissants qui s'établissent entre peintres et poètes. De Giacometti, à Picasso en passant par Vieira da Silva, Valentine Hugo, Georges Braque, Wilfredo Lam, Joan Miro, Zao Wou Ki, le poète trouve des échos, fertiles à ses propres incursions dans l'univers  lumineux qu'il réinvente à la mesure d'homme, lui qui en a éprouvé les forces et les angoisses dans les remous de l'Histoire où il a sa part. Non qu'il fasse de celle-ci une chronique ( il est loin de toute vision réductrice et anecdotique) mais le ciment d'un nouvel humanisme, altier et généreux, probe et imprégné de cette force qui a ses racines dans une profonde connaissance du monde, frôlant même le registre de la philosophie sans s'y faire son territoire, et donnant au mot, dans son intégrité, tout son poids d'exemplarité.

 


Commentaires

 

1. corail  le 26-06-2010 à 11:54:08  (site)

Un énième article splendide et vibrant de vous, aka Sorel. Moi Marta, does it make any difference ?

2. saintsonge  le 26-06-2010 à 12:33:45  (site)

M'est avis que vous faites un transfert (non psychanalytique !), un copier-coller de vos articles qui m'ont tous échappés, vus qu'ils étaient sur l'autre planète de votre soleil-dans-la-tête littéraire... Je les reconnais, pour les avoir lus, hier , le Capitaine Alexandre à l'honneur, en tête de cette nouvelle liste... comme de juste...

3. sorel  le 29-06-2010 à 11:09:24

Oui Char en tête (le nom y dispose non ?)

 
 
 
posté le 26-06-2010 à 11:23:40

Lewis Carroll n'est pas pour les enfants.

C'est une bien étrange idée que de confier à la lecture d'esprits encore innocents, et surtout disposés à mieux sentir toute chose pour la sentir la première fois, les Aventures d'Alice (au pays des merveilles). Les adultes sont armés pour tous les coups, et les inventions diaboliques de Lewis Caroll ne le troubleront pas. Il regardera les aventures d'Alice comme une divertissement distingué, un peu bizarre, mais sans doute ainsi parce qu'anglais. On place l'humour anglais là où il se déploie avec le plus d'aisance, et surtout dans la montée en force des mots à double sens.
Dire qu'Alice est précipitée au "pays des merveilles" c'est placer le merveilleux non dans l'enchantement attendu mais dans l'incongruité, l'inattendu, l'espace des prodiges qui est aussi parfois celui des cauchemars. Où situer les aventures, les épreuves, les rencontres qu'Alice affronte, sinon dans un pays qui n'a pas nos règles (convenues) ni notre mesure (le poids des habitudes). D'ailleurs elle y parvient dans une longue chute. Premier indice qui retient l'attention des psychiatres amateurs. De là à évoquer la matrice originelle, quelque exploration dans la libido, il y a toute la distance entre un regard innocent et celui qui prenant ses distances peut établir des analogies, dresser des comparaisons auxquelles tout esprit encore vierge échappe.
Reste les animaux rencontrés, un bestiaire que n'aurait pas dédaigné Lautréamont non ? il se métamorphose en jeu de cartes. Comme quoi, disposer d'un bon jeu dans une partie (bridge ou poker), c'est un peu établir une alliance, un contrat, avec quelque force supérieure.
Peut-on se fier au chat du Cheshire Humpty ? Tous les illustrateurs l'ont vu grimaçant et pas loin de la morphologie d'un monstre.
Lewis Carroll lui-même est un bien étrange personnage, à double face. Quand il est le révérand Charles Dogson il est de figure sévère qui déplaît à ses élèves au point que circule une pétition pour se dispenser de ses cours (de mathématique), mais quand il est Lewis Carroll, et surtout en barque en compagnie de petites filles, il est l'homme le plus charmant, le conteur le plus captivant. Et quand on sait que c'est pour séduire quelques unes d'entre elles (le soeur Liddell), il devient l'homme le plus doux, le plus charmant, le plus séduisant. A-t-on assez bien noté que son conte est d'une violence assez calfeutrée, de ce confort un peu étriqué du sweet home britannique. Comme une main de fer dans un gant de velours.
Ajoutons la manie de photographier les petites filles assez dénudées et l'on aura un portrait plus ou moins ambiguë du charmant homme. Pour les photos on repassera un autre jour.

 


Commentaires

 

1. saintsonge  le 26-06-2010 à 11:46:45  (site)

Mais vous avez traversé le "miroir" ?... Je ne comprends plus, je reviens de m'inscrire sur votre planète autre, hier, et, vous revoici, repassant par là ! ... Que de traces dois-je suivre en ce moment , dites-moi ! Auriez-vous perdu votre "caverne" ?... ou du miel ?... Bien à vous de retour, donc, pour le fond de l'univers de ces pages que je lui préfère... Je viens de laisser un commentaire sous l'articles d'ici "traces"

2. saintsonge  le 26-06-2010 à 14:08:46  (site)

ah oui, avez-vous rencontré votre "petit lapin blanc ?"

3. sorel  le 29-06-2010 à 11:10:30

On rencontre souvent son petit lapin blanc, encore faut-il le reconnaître.

 
 
 
posté le 26-06-2010 à 11:03:12

Pour saluer Jacques Callot.

Pour saluer Jacques Callot.

Il est, des promenades les plus innocentes, ce qu'il est du fil d'une vie bousculée (déchirée) par un incident, une rencontre. L'inattendu.
Le voiture glisse en toute innocence sur l'asphalte. Marqué, ici ou là, par l'empreinte boursouflée des défections bovines. C'est le charme des itinéraires campagnards de s'orner de ces fleurs nocturnes que picorent les oiseaux en flamboyantes danses qui donnent priorité aux plus hardis. Et pas nécessairement les plus épais de chair et de poils. L'agilité est une forme de pouvoir qui gagne sur la lenteur, sur l'immobilité forcée des plus massifs.
On s'endort presque sous le ronronnement technologiquement programmé, cet indice de sécurité, une raison de plus de choisir ce modèle qui assure tout confort et la modulation tranquille d'un moteur puissant sans ostentation.
Le paysage se déroule comme un décor que l'on déploierait avec la sveltesse des commis aux préparatifs d'une cérémonie, et que le tapis rouge en est l'objectif le plus voyant.
Nulle surprise quand on l'aura franchi maintes fois pour de futiles raisons pratiques. Et puis voici qu'au détour d'un caprice de la route, une inflexion douce autant que paisible qui confère au paysage ce charme qui n'a d'autre prix que de décliner le catalogue des saisons, voici qu'apparaît, en surprenante agression quand on attend que l'harmonie promise par la familiarité des formes végétales, voici que s'inscrit dans le ciel, encore transparent car il annonce une tempérance du climat, la longue fusée inquiétante d'un piquet fiché dans le sol solitaire au milieu des coquelicots, ces tâches de l'innocence dans l'effort du blé à naître, et, pendue à un fil, la forme noire (un noir d'encre) d'un grand oiseau aussi immobile qu'un cadavre pendu à son gibet.
On aura, au passage, par une coquetterie de la culture qui nous chatouille, pensé à Jacques Callot qui d'un stylet aussi vif que cruel, énuméré les massacres d'une guerre intestine qui saigne le petit peuple. Mais la terre a besoin de sang frais pour  forcir ses cultures et donner sa ration de blé à ceux qui la cultivent
Repassant à quelques temps de là, on découvre que l'oiseau que l'on croyait mort tournoyait toutes ailes déployées autour de l'infernal piquet., les pattes soigneusement attachées au fil qui rendait vain tout effort.
Et cette soif d'espace et de liberté se trouvait réduite à un ridicule encerclement de la prison immatérielle.
Je pensais alors aux jeunes enfants qui s'étourdissent du manège où il avaient le choix entre une voiture de sport ou un cheval de cirque.
Et si le manège ne s'arrêtait pas ?

 


 
 
posté le 26-06-2010 à 10:58:32

La théorie des traces.

De la manière de faire des livres.

J'admire jusqu'à les envier ces écrivains qui achètent à l'épicerie du village le cahier d'écolier de 100 pages, couverture ornée d'une Jeanne d'Arc virile, et dans un café, dans le brouhaha des parties de belote, suivent au fil de la plume l'histoire qu'ils ont dans la tête et se dévide, régulièrement, comme d'une pelote.
Un livre en sort, qui aura la cohérence de sa fabrication même, une logique et cette continuité fondamentale d'une écriture en continuité. Linéaire, ramassant au passage personnages, situations et décors pour en faire une histoire attachante.
Mon propos, la manière anarchique, éclatée de l'élaboration découle de l'ampleur (vaine ?) d'un projet qui veut construire une sorte de mosaïque où des pièces rapportées, assemblées, venues de tous les horizons, s'agencent peu à peu, dessinant un motif qui prend son allure générale, la forme souhaitée, au terme d'un nombre de manipulations indéterminables, nécessitées progressivement par des besoins qui surgissent et qu'on n'aura pas obligatoirement prévus.
Des incises s'imposent, des annexes doivent s'agglomérer, des échappées qu'il faut retenir. Un mixage épuisant et difficile, où écrire constitue alors à placer des balises, des poteaux indicateurs.
Un livre est un territoire fléché où le lecteur suivra l'auteur dans les méandres labyrinthiques de ses fantasmes, de ses propres investigations, car écrire c'est aussi  explorer, découvrir, se risquer dans l'inconnu de soi-même.
J'en confonds volontiers la pratique avec celle de l'archéologue qui fouille le sol apparemment vide et sans vie, pour en tirer des villes fabuleuses, des vies légendaires.
D'où le titre général donné à ce qui n'est ici qu'une parcelle indécise et largement ouverte sur le hasard, de THEORIE DES TRACES.

 


Commentaires

 

1. saintsonge  le 26-06-2010 à 11:41:34  (site)

Ah mais je fais pareil, cher ami ! M'admireriez-vous pour autant ?... Mon ex venait me chercher dans l'un desdits cafés de Pérenchies (nord), me bousculant le coude de la main qui écrivait : reviens, reviens à la maison, ...
Je vous apprends ainsi que la concentration est à son maximum quand le travail d'écriture se poursuit (que j'interrompais, parfois, d'une partie de billard avec la clientèle m'y invitant - fût-ce le bon temps ?.. Maintenant, je suis un ours comme vous ( il faut dire que les douarnenistes n'aimaient pas me voir écrire dans l'un des bars de la ville, ils me cherchaient la castagne plutôt ! Aussi, un soir, cahier-manuscrit sous le bras, je le remis à l'entrée de la discothèque où j'allais m'encanailler (dirait l'autre) , lequel cachier, je repris, à 6 heures le matin, à la fermeture, pour le relire sur la plage d'ici... Qu'en pensez-vous ?)

 
 
 
posté le 21-06-2010 à 15:12:53

La modernité en question.

Avant qu'une guerre effroyable n'en ait démontré les limites, n'en ait fustigé l'énergie, la Modernité aura été le grand rêve du début du XX° siècle. Elle avait ses chantres, en poésie Apollinaire et Blaise Cendrars, en peinture Fernand Léger, les Delaunay, Picabia. Complices en des oeuvres menées en commun ils vont instaurer le règne des formes dynamiques, de la vitesse et des utopies liées à l'idée de progrès.
C'est Apollinaire, faisant l'expérience de la guerre de tranchées et saluant la beauté des tirs d'artillerie qui font une sorte de feu d'artifice, c'est Fernand Léger s'inspirant du canon de 75 pour le renouvellement de ses formes géométriques, froides et impérieuses.
La passion des automobiles de sport, des voyages en transatlantique, du télégraphe qui inspire une nouvelle forme de poésie, entrent dans l'espace de la poésie qui sort de la simple expression des sentiments pour exalter des forces nouvelles.
Un retour de l'Histoire, une nouvelle prise de conscience aura entraîné cette mythologie de la modernité vers des pages expirées, (dépassées)  laissant la place à une prise de conscience qui dévalorise ce qui avait été exalté.
La modernité aura été le romantisme du siècle de la machine, un rêve de progrès, une exaltation des formes nouvelles, une mise en valeur des comportements qui ont perdus tout crédit aujourd'hui.
On a tourné la page.

 


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1. saintsonge  le 21-06-2010 à 19:50:55  (site)

Aïe, et quelle... page !...
Et ma chère petite première OLIVETTI que je dus délaisser pour le triste et froid ORDI !!! Ainsi sommes-nous follement passer de votre belle génération pourvoyeuse de richesses et de talents dans les horreurs du temps à la mienne, totalement perdue, sans repères, de l'après 68 qui n'a rien libérer que la débandade et la décadence, la vitesse dans les malheurs de l'après 11 Sept ! Une régression plus qu'un progrès s'est annoncée, depuis, m'est avis !... Aïe, que fais-je ici, dans ce temps de l'argent-roi (qui réduit à l'imbécillité cette piètre "équipe" Domenech ?), moi qui ne pète pas de thunes ? La régression en résultante, eût pu titrer cette page....

2. lejardindhelene  le 22-06-2010 à 07:53:01  (site)

Merci pour tes jolis mots sur mon blog...J'avoue que je me sens bien modeste devant la richesse des connaissances du tien et sa culture...

3. lejardindhelene  le 22-06-2010 à 20:37:30  (site)

Oups ...Désolée pour mon erreur de ce matin , une confusion avec quelqu'un d'autre passé sur mon blog...mais je maintiens ce que j'ai dit sur le tien...quelle richesse ici...

 
 
 
posté le 21-06-2010 à 15:01:16

Femme au piano.

Plus que tout autre, le XIX° siècle cultive les vertus bourgeoises. Elles décident de l'éducation des filles et de la formation de la future femme qui sera condamnée au foyer. Hors de celui-ci, il n'y a d'autre issue que la galanterie. D'où ce partage systématique entre courtisanes et femmes d'intérieur, accordées au rytme de la vie domestique sans pour autant y déchoir. Si, sous l'impulsion du naturalisme, on y dénonce la condition de la femme prisonnière d'un système qui l'écrase et la nie, elle règne aussi, mais dans une minorité, sur le foyer en lui apportant toute la grâce que l'on attend d'elle, qu'elle incarne par sa présence même.
L'Impressionnisme, ce baromètre de la vie sociale de l'époque, s'était volontiers attardé sur cette femme d'accompagnement et de délectation, de sérénité et d'équilibre qui est au coeur de la vie d'intérieure.
Au foyer, la femme règne au salon, à la table, dans les exercice paisibles de la vie sociale. Au piano, elle acquière un statut d'exception. Souvent elle est encore jeune, et "promise".
Toute jeune fille au piano semble destinée  à quelque avenir placé sous le signe du bonheur, où l'homme interviendra. Qui est le spectateur, le prétendant. Gants blancs et fleur à la boutonnière.
Renoir, le peintre de la séduction féminine, assemble autour du piano, dans la, douce complicité familiale, de jeunes femmes qui s'appliquent à déchiffrer la partition. Il suppose un climat de quiétude tranquille, de douceur partagée, d'un luxe aimablement bourgeois. S'il entre dans les rites d'une classe, s'il traduit la qualité d'une éducation, l'art du piano, et sa pratique, entrent aussi pour beaucoup dans l'art de la séduction qu'exerce une femme dans la qualité de ses rapports intimes avec les arts. Musicienne on lui prête une âme élevée et un coeur ardent. La séduction n'est pas sexualisée si elle est féminisée, à tel point qu'il se créé une musique tout exprès conçue pour les rapprochements studieux, les duos amoureux, les tendres rêveries sur le clavier.
Même le rugueux Van Gogh, débarquant comme un vagabond dans la famille du paisible docteur Gaschet, peint avec une tendresse patiente et presque appliquée la fille de la maison à son  piano, jouant une romance.
C'est à Marthe, tout récemment entrée dans sa vie que Maurice Denis dédie cet hommage de la femme au piano, offrant un portrait aussi attendri qu'apaisé, et
et sortant de la pratique audacieuse de son art pour se glisser dans une facture intimiste, moins énigmatique que réfléchie et imprégnée de cette conception idéaliste de l'amour. L'homme des images de piété sait trouver le ton pour donner une dimension sacrée à une scène domestique.
Le bourgeois provincial qu'est  Cézanne use de la même pudeur imprégnée de sentimentalité pour décrire la scène typée où s'inscrit tout le confort bourgeois et l'espèce de rigueur pincée qui l'accompagne.

Extrait de "Maurice Denis le peintre de l'âme" éditions ACR.

 


 
 
posté le 21-06-2010 à 13:48:42

Conversation dans la bibliothèque.

Conversation dans la bibliothèque.

Fallait-il converser ?  On se retrouvait, disait-on, pour échanger des idées, faire un petit tour du monde comme on aimait le faire, et il arrivait que dans des lieux publics on soit peu à peu au centre d'une grande agitation des cervelles quand, par nature, nous sommes plutôt des êtres amoureux du secret.
Ma fréquentation des bouquineries du Quartier Latin (elles deviennent rares) suppose une certaine solitude de la pensée, une disponibilité. Et les échanges se font, furtivement, avec le bouquiniste s'il en a le loisir. Beaucoup ont le nez plongé dans un polar ou, crayon à la main, dans de mystérieux comptes.
Dans un "chez soi" douillet la conversation se déroule par saccades, un livre à la main, pour le commenter ou parce qu'il y a des livres qui ont le pouvoir d'allumer au fond de notre tête une idée qui va faire son chemin. Ne fusse-ce que dans le plus modeste dialogue.
Je me souviens du peintre Benrath (celui-là aussi on va l'oublier !) qui venait au Soleil dans la tête (le matin à l'ouverture quand l'eau des caniveaux chantait le long de la rue de Vaugirard jusqu'aux frondaisons du jardin du Luxembourg) et feuilletait fébrilement les livres de poèmes pour y trouver, disait-il, des titres pour ses tableaux.
S'en tenir au titre est-ce trahir le livre. Je pensais alors qu'il aurait été curieux de construire un texte à partir du titre de n'importe quel livre et de comparer ensuite. Ce serait une histoire en cascade me disais-je.
On est, là, dans le fouillis sympathique des livres entassé en fantaisie, rangés ils seraient déjà morts, d'être placés un peu au hasard de leur arrivée leur donnait quelque chose d'incongru et provoquait des voisinages surprenants.
Sur le conseil de ma fille Camille j'avais, un moment, placé les livres sur les rayons de ma bibliothèque au fur et à mesure de leur acquisition dans les brocantes que je fréquentais avec une fureur de chasseur. Imaginez le catalogue que cela pouvait créer.
Et, dans tout ça, la conversation. Ce sont les livres qui la menèrent.

 


Commentaires

 

1. saintsonge  le 21-06-2010 à 19:33:23  (site)

J'apprécie, l'endroit me ravit, il répond déjà à ma curiosité de venir vous y voir, pour "converser", justement, alors qu'il me faut continuer, seul, mes "consolations" (à la Sénèque) de n'y être physiquement, mais bon, j'apprécie le geste comme la teneur du bon billet, avec ce "ne fût-ce" qui eût pu séduire l'avantage de l'oeil (à la bataille) du lecteur que je suis (avec la "fureur" idoine du "chasseur" - chez mon bouquiniste trébouliste avec qui je cause, oui, il prend son temps, quittant ses cahiers de compte pour venir jusqu'à moi, qu'il voit arriver de loin, les samedis...) Heureuse fille que vous avez là, aussi... Ah, si je puis me permettre, lorsque je fus apprenti-libraire au Furet du Nord de Lille, j'ai vite appris qu'un libre dit "mort" était, en fait, ces livres à plat, qui s'empilent ou qui se côtoient sur une table, comme ceux de votre premier plan, eh oui, souvenez-vous du Père Lachaise et autres boulevards des allongés, ils sont pareils, qu'on voit de haut, sans pouvoir "les" toucher, ces "vivants" éternels qui nous voient passer ; j'évite ainsi chez mon petit antre d'en disposer de cette façon... Ce n'est qu'un modeste avis. Benrath avait l'astuce des surréalistes, façon cadavre exquis, ou de Magritte, qui faisait choisir par ses amis des mots pris au hasard à la suite dans les dictionnaires, afin d'en titrer ses toiles, ou de ce poète encore qui jeter ses poèmes par-dessus sa tête, que ses amis surréalistes ramassaient, les prenant au hasard, mais vous savez sûrement..."Fallait-il" vous le dire ? Et, est-ce votre ordi, là, qui se voit tout fier, en lampe d'aladin qui ne demande qu'une caresse pour s'allumer ?..Non, vraiment, j'aime bien, ce billet... Bonne soirée Lunaire (lundi)

2. saintsonge  le 21-06-2010 à 19:35:37  (site)

J'ai la dactylographie à dix doigts trop vive - lire, bien sûr : un livre dit mort...

3. saintsonge  le 21-06-2010 à 19:36:59  (site)

et : qui jetait

4. saintsonge  le 21-06-2010 à 19:38:05  (site)

ah, et le buste, qui est en "buste" ?

 
 
 
posté le 21-06-2010 à 11:35:49

Gaston Chaissac poète.

Gaston Chaissac a entretenu une vaste correspondance auprès de ceux qui venaient lui rendre visite (ici à Vix), ou qui marquèrent un intérêt (qui fut croissant) pour son oeuvre. Des personnalités aussi différentes que Jean Dubuffet (qui lui doit beaucoup), Michel Ragon (originaire de Vendée, le territoire de Chaissac), Benjamin Péret, furent ses correspondants préférés. Chaissac écrivait pour se raconter, raconter le village, il y est une sorte de Marquise de Sévigné du bocage vendéen, d'une campagne pittoresque où il descelle des personnalités bien croquées, des faits saugrenus, ou plutôt qu'il rend saugrenue par une tournure d'esprit où cohabitent une humour très personnel, une pensée originale et volontiers frondeuse.
Il adresse un curieux poème à Christian Ouvrard (à identifier, Google ne donne de ce nom qu'un médecin du travail...)
"De la Canchère à Vix
via le bled de Janay-clan
c'est le chemin des écoliers...
Des Dieux qu'on attise
pour les rendre combustibles
et finirent étoiles
prêtes à servir de cible
aux plus vulnérables
ne doutant encore de rien
au point de s'incruster vénérables,
sublimes et grands vauriens"

 


Commentaires

 

1. saintsonge  le 21-06-2010 à 13:16:33  (site)

Ah bien aise de voir une telle page, dessin associé à l'écriture, inutile de vous en faire savoir le pourquoi...
De caverne en caverne, je vous espère en bonne compagnie d'abeilles (les idées) autour de votre miel (l'esprit ou l'imagination, cette dernière ayant été déjà bizarrement classée "folle du logis")
Bien à votre Lundi...d'ursidé !
Cursus d' Ursus, aviez-vous fait en Université ?

 
 
 
posté le 18-06-2010 à 11:12:35

Lecture intime.

Lecture intime.

Des habitudes prises pour rythmer l'évolution d'une amitié, la progression d'une reconnaissance mutuelle, d'une rencontre émerveillante, il y a celle de la lecture. A haute voix. Julien se souvient (il en a une reproduction) du tableau de Cézanne. Il est médiocre mais on sent, sous la pâte, le frémissement d'une impatience qui le touche. On y voit Paul Alexis faisant la lecture à Zola. Celui-ci est mollement assis sur un tas de coussins. Accoudé et pensif. Le cadre est sobre, sévère. On y partage une saine pauvreté. Mais le verbe a, un instant, occupé l'espace, empli la pièce de sa musique, les mots ont fait leur corbeille multicolore. Ce sont d'immenses bouquets suspendus au plafond tandis que la lumière du modeste logis s'épuise. Les amis communient dans cette fête verbale.
Et comment ne pas évoquer les séances amicales, plus goguenardes, plus rocailleuses, plus forcées dans le ton et le timbre, de Flaubert réunissant autour de lui, Maxime du Camp et le fidèle Bouilhet, pour lire la première version de "La Tentation de Saint Antoine". Echec. Les amis vont remettre l'auteur dans le droit chemin. Tristesse. La communion s'est brisée sur la critique. Il faut, d'un revers de la main, effacer une erreur, oser l'aventure sur un autre rythme, avec une autre ligne d'horizon.
Julien n'a, pour auditoire, que Charlotte. Mais il en apprécie la pensive attention, la tendre complicité quand tout est en place. La fête des mots les unit, ils se fondent, complices, dans la lente avancée de l'histoire que Julien invente pour lui plaire.
Il ne l'invente pas vraiment, il brode autour de l'histoire de Marat. Un choix moins futile ou gratuit qu'il peut y paraître. Il n'est pas historien, il n'apportera rien à ceux qui compulsent fiévreusement des archives. Il a choisi de vivre, pourtant, là où son héros a vécu. Là où il est mort. Se disant que des échos de cette mort subsistent, que l'air est saturé de l'Histoire qu'il enveloppe tendrement de ses effets, de ses nuances.
Le choix de Marat c'est celui d'une aventure immense et fracassante, portant un homme doté d'une âme hors mesure, depuis les solitudes d'une enfance bercée de romantisme, jusqu'aux clameurs monstrueuses de la Révolution. Il s'est brisé, pensait-il, dans l'action, dans le verbe qui la porte, la suscite, la justifie.
Manieur du verbe il est, telles les pythies des temples antiques, le souffleur du bruit et de la clameur, de la tempête qui passe sur la tête des hommes et les précipite vers la mort.
La vie de Julien allait être une lente agonie, et il ne le savait pas encore. Charlotte, telle la mère nourricière, la soeur complice, l'amante attendrie, allait l'aider à parfaire son destin. Elle ne le savait pas encore.

Extrait de Maratmort.

 


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1. saintsonge  le 18-06-2010 à 12:01:12  (site)

Je me souviens bien de cet épisode de déception de Flaubert , comme de la séance "lecture" de Boule de suif, qui remporta l'honneur (puis la gloire) de Maupassant, et, j'eusse aimé vous faire lecture de mes romans, non sans être alexis ni vous Zola, mais pour mieux concrétiser cette amitié qui ne nous est que virtuelle, comprenez-vous ?.. Et puis, nous résisterions ensemble (j'insiste, il est vrai, mais cette fois, c'est le bon jour !)... De plus, l'aval d'un pair , c'est ce dont j'espère depuis longtemps... Bon, ranger les soupirs !

2. sorel  le 18-06-2010 à 16:20:22

Je suis devenu un ours (genre Walser) et envisage même une fiction où l'auteur s'enferme avec son ordinateur dans un lieu secret et loin de tout pour décrire son expérience.

3. saintsonge  le 19-06-2010 à 04:42:46  (site)

walser est des miens, vous le savez ; j'ai Vie de Poète idem, venez ici , nous serons deux ours, Littérature pour miem !.. Cocteau : "La France a toujours tué ses Poètes..." Nous sommes fix&s : - Venez chère Grande âme : vous voilà Rimbaud ! Ne boudez pas ce luxe de l'amitié réelle, nous serons deux à Kantiétiser ou Hegéliser ce monde si immonde, venez ; je me meurs seul aussi, je sature au Pays où la sardine
n'est plus reine, non plus ! Venez ! Deux ours unis valent plus que leurs forces isolées ! Venez, ou... j'arrive !

4. saintsonge  le 19-06-2010 à 04:46:08  (site)

Il est tôt, lire : pour miel , bien sûr, tôt et j'écris dans le noir, à la lumière de l'ordi seul !!! Voyez que je suis un ours !!! Caverne de ma chambr'océan !!!

 
 
 
posté le 17-06-2010 à 10:47:53

Artaud face à Van Gogh.

Il se serait assis dans le fauteuil vu par Van Gogh (était-ce le sien) ou un tout pareil, car on peut imaginer l'entresol de Pierre Loeb (à l'angle de la rue des Beaux Arts et de la rue de Seine) meublé ainsi "à la rustique". On est au dessus de la galerie qui, sous l'enseigne toute simple de Pierre, a joué un si grand rôle dans l'histoire de la peinture de l'entre deux guerres. N'a-t-il pas exposé Miro (1925), Picasso (1927), Giacometti (1930), Balthus (1934), Lam (1939), ou encore Hélion, Brauner, Magnelli, Gonzales, Henri Michaux, Riopelle, Zao Wou Ki. J'en avais, pensionnaire, collégien, suivi l'aventure par la presse (à travers Arts et Loisirs et Les Nouvelles littéraires dont je fus, bien après, un fidèle collaborateur) et lors de mes virées parisiennes souvent visité les expositions. Jeune critique, assez ignorant de l'actualité artistique qu'on apprenait "sur le tas", il me donna les bons conseils, m'aida à me "former". J'en conserve une sorte de tendresse au delà du gouffre du temps qui a si cruellement défiguré le sens de la peinture pour l'abandonner à ses derniers excès. S'il y a crise, et il l'annonçait, c'est bien parce que les poètes déjà en parlaient (relisons Baudelaire). Bref, chez Pierre Loeb, Antonin Artaud, qui venait de sortir, brisé, de l'asile de Rodez, grâce à quelques amis comme Marcel Bisiaux, Henri Thomas, et le parrainage de Jean Paulhan, était chez lui. Au dessus de la galerie dans cette pièce qu'ornaient des toiles somptueuses de Vieira de Silva, Zao Wou Ki, Georges Mathieu, Artaud pouvait se réchauffer au vieux poêle semblable à ceux qu'on avait alors dans nos salles de classe. Le mobilier, lui, était de bric et de broc, chaises et table de jardin, profond divan avec ses couvertures de vive couleur qui évoquaient de lointains pays, Artaud, revenu de l'exposition Van Gogh ( qui fut, dans cet après guerre, un événement) va, avec cette frénésie qui domine sa pensée et son écriture, sur les cahiers d'écolier qui sont de son ordinaire, tracer les lignes fébriles (l'écriture le prouve) qui suivent une pensée qui ne l'est pas moins. Et Van Gogh trouve, là, sa véritable dimension, son rôle moteur dans la pensée de l'art qui accompagne celle du destin des hommes qui y disent et y lisent l'essentiel de ce qu'ils sont, chacun luttant pour survivre au delà de ses rêves, de ses angoisses, sortir du quotidien qui l'étreint. Le problème de la folie qui n'est pas étranger à Artaud lui inspire des pages bouleversantes. C'est "Van Gogh ou le suicidé de la société".

 


Commentaires

 

1. Saint-songe  le 17-06-2010 à 11:19:07

C'est vrai que leurs "cris" se répondent, c'est aussi vrai que leur vie se font écho, miroir d'un mal-être alliée à une indifférence de "la société" qui , à mon avis, ne semble guère avoir changé d'avis face aux artistes, comme précédemment évoqué pour vous (et pour autrui du même acabit)...
C'est l'heure de la résistance, c'est la veille, gardez confiance !...On ne voulut pas de Camille Claudel, non plus, et la pauvre adèle H. faisait honte à sa famille.... Halifax Halifax Gardez-la en mémoire ! About Van Gogh, Arles in Fax, too !

 
 
 
posté le 16-06-2010 à 14:56:58

Colette Thomas, fille de coeur d'Antonin Artaud.

Colette Gilbert (née en 1918) était devenue Colette Thomas en épousant le romancier Henri Thomas et par lui elle découvre (lors d'une visite à l'asile de Rodez) la personnalité à la fois captivante et redoutable (pour un esprit fragile) d'Antonin Artaud. Comédienne jusqu'alors restée dans l'ombre elle sera, aux dires d'Artaud : "la plus grande actrice que le théâtre ait vue", sans doute porté aux excès du langage (surtout à la fin de sa vie) il ajoutera "c'est le plus grand être de théâtre que la terre ait eu". Ce qui ne la portera pas au premier rang et, de fait, sa carrière théâtrale sera brève autant qu'obscure.
Pourtant, de l'expérience Artaud qui fut volcanique, elle tirera un texte devenu mythique :  "Le Testament de la fille morte" que Gallimard publiera en 1954 sous le pseudonyme de René et Colette Thomas sombrera dans une sorte de nuit mentale jusqu'à a mort en 2006.
Avant d'aborder une carrière de comédienne elle avait été étudiante en philosophie et rencontré alors Gabriel Marcel, Jean Paul Sartre, Jean Wahl et Maurice Merleau Ponty chez lesquels elle a laissé le souvenir d'un être exquis dont la fragilité était perceptible et émouvante. Elle fut, par la suite, dans le sillage de Charles Dullin et Louis Jouvet. Elle participera aux activités de Théâtre et Culturelle et aurait joué dans la pièce d'Audiberti "Le Mal court".
Les rapports d'Artaud avec les femmes ont toujours été complexes. Jeune acteur, d'une beauté rayonnante, il vivra des aventures sans lendemains du temps de la courte vie du Théâtre de la Cruauté, mais Colette Thomas surgira alors qu'il est aux bords de sa mort, vieillard éructant, porté par une gloire sulfureuse et lui-même  enfermé dans une virulente haine du sexe et comme frappé d'un esprit d'inquisiteur. Colette ne pouvait qu'être une de "ses filles de coeur". Elle héritait de cette brûlure intérieure qui devait la conduire à la folie. Eprise d'amour autant que de chasteté.

 


Commentaires

 

1. saintsonge  le 16-06-2010 à 16:43:31  (site)

Pour Artaud, le fait théâtral doit être un "exorcisme"; "un exutoire à nos mauvais instincts", en avait-il face à C. Thomas, car je me demande s'il ne l'a pas fait hurler ses tirades comme il traita ainsi la plupart de ces comédien(ne)s ? Il guérissait la peur par la peur elle-même, et, de votre crainte, hier, de vous sentir en solitude sur ce blog, j'ajoute l'avis de Pessoa sur la Littérature en France, qu'il publia sur Barcelone, livre dans lequel il la jugea , déjà, faite par des maquereaux et des prostituées, voyez, nous avons été avertis très tôt du désintérêt de cet amour que nous portons à cette Dame "de coeur" aussi, La Littérature !
Qui comprit d'ailleurs aussi un Héliogabale de 1934 ou les Cenci de 35, gueulés, non ? "Toute écriture est de la cochonnerie" dit-il tout de même dans l'un de ces célèbres (é)cri(t)s !!!

2. saintsonge  le 16-06-2010 à 16:45:04  (site)

lire : l'un de ses

3. corail  le 17-06-2010 à 13:11:20  (site)

oui, cela m'intriguera tout au long de la vie, ces gens qui ont le talent et la sensibilité, et qui restent obscurs. De même, ces gens que l'on place en pleine lumière et dont les flatteries dont ils sont l'objet égarent et perdent
Je savoure mon anonymat, et je suis heureuse que l'on ne ne puisse lire des pléiades de mensongerise au sujet de ma vie privée, dans les journaux.
Merci d'avoir pour un instant tiré Colette Thomas de l'obscur ordinaire.
"sombrée dans une sorte de nuit mentale jusqu'à sa mort". Voilà qui me ressemble, voilà que je comprends.

 
 
 
posté le 15-06-2010 à 13:55:34

Dans les jardins du Prince Louis.

Ici l'eau se divise en de multiples canaux au parallélisme nonchalant, enfermant des carrés d'herbe sauvage où se posent, après de longs encerclements de leur vol planant, des oiseaux migrateurs.
En des temps de splendeur, on a voulu canaliser cette richesse aquatique, construit des murs avec leurs balustres ouvragées, esquissé des pontons, des perrons, des points de vue, des zones d'embarquement pour de coquines Cythères, l'usage du lieu se confondant avec un canotage pompeux et le goût des promenades en lourdes barques richement ornées où les dames posaient un pied effrayé de sa propre audace, avant de se caler, toutes crinolines étalées qui leur faisait des sortes de nids douillets où s'égaraient des mains finement baguées mais impertinentes, de galants à la charge de jouer les nautoniers.
Je parle là d'un temps où l'olifant, dont on entend en écho lointain le son doucement voilé, trace dans l'épaisseur des forêts environnantes, le chemin des cavaliers forçant cerf  ou loup. On chassait la bête malfaisante, et les paysans s'assemblaient sur le chemin pour, d'un bâton énergique, fracasser le crâne de l'animal apeuré, se vengeant sans remords de la mort de brebis retrouvées éventrées dans les champs de pâquerettes. C'était au grand mécontentement des pages qui encadraient la marche galopée de leur maître furieux d'être privé du plaisir d'aller plonger un élégant poignard à manche d'argent, dans la gorge de l'animal vaincu. Bientôt, après le retour en fanfare, ce serait la rencontre tant attendue du chasseur fourbu, mais le pied léger, avec des belles qui portent, jusque dans leur démarche, le souvenir du bercement de la barque dont on les arrache dans une grande envolée de soie tissée de fils d'or.
Un souvenir donné :  la fête s'est achevée dans un massacre, aurait dit l'histoire locale. Une bande de malfrats, rudement armés, surgissant, alors qu'on attaquait un menuet. Sur un trône dominant la salle toute en verdure au pied de son château, le seigneur sera le premier frappé. D'un coup bien ajusté sur la nuque. Il se sera affaissé d'un seul coup, comme l'arbre qu'on abat, sur le sol qu'ornaient  de somptueux tapis. Ils furent gâchés quand le sang mousseux ira en rigoles redessiner les fleurs de fantaisies qui en faisaient l'ornement.
 Le soir vient en douceur, fermant, dans une ombre tremblante, des pans entiers du jardin portant nom d'un prince d'antan dont on vantait le luxe et la frivolité, et qui fit ici séjour de tous les plaisirs au milieu de la misère du peuple fait de pêcheurs en eau douce et de bûcherons.
Rendu aujourd'hui au citoyen en ses ultimes beautés qui sont celles de la ruine quand elle entaille dans les murailles des brèches où dorment les oiseaux de nuit, et dépouille les pelouses de leur héros de marbre rendus aux frissons du lierre qui les enserre.
Une indication certifiée par la signature des élus locaux, précise la réglementation du jardin où il est seulement interdit de cueillir les fleurs plantées en terre-pleins encadrés de buis taillé au carré, et de circuler à bicyclette, mais on peut y promener son chien.
Nous nous y sommes risqués, après la longue coulée d'asphalte d'une voie de grande circulation, séduits par l'appel du nom du lieu et son encadrement de ruines qui, curieusement, conservent quelque chose de la grâce des ciselures médiévales annonçant la Renaissance. Des fleurs et des animaux taillés dans la pierre s'enrobent de mousse, et le ruissellement tranquille des eaux donne à l'endroit une atmosphère de bonheur nostalgique. On y vient comme dans un salon dépouillé de son luxe d'origine mais ayant conservé quelque chose de ce qui fit sa beauté.
J'allais, obtempérant à l'invitation d'aller dîner en quelque auberge de l'endroit, préalablement repérée en raison de ses tonnelles et ses jardinières encadrant une aire réservée au plaisir des clients quand, venait vers moi, sur le chemin gravillonné, une haute silhouette dont il me paru, quand je la croisais, que le haut manteau qui l'enveloppait la situait dans un autre temps.
J'ai toujours aimé le décalage des modes, regrettant que le style vestimentaire impose des règles propres à uniformiser l'aspect de ceux qui les suivaient. Repérant avec sympathie dans une foule celui ou celle qui y déroge. Imposant sa manière propre d'être. Et de se montrer.
C'était une femme dont on devinait à peine le visage tant était haut son col et la lumière déclinante effaçant l'éclat de ses traits. Je la voulais belle. Elle ne pouvait que l'être à en juger par sa démarche à la fois déterminée et légèrement hautaine.
Après qu'elle m'eut croisé, elle emprunta brusquement une allée transversale et alla s'appuyer avec une nonchalance  étudiée sur un parapet contre lequel l'eau coulait avec un très doux bruit qui dénonçait l'idée qu'elle devait être claire, translucide et heureuse. Il en est des eaux comme des êtres. On en rencontre de toutes natures. Des sombres et tourmentées, des agiles et souriantes, des impétueuses et narquoises, des fines et caressantes.
Est-ce l'insolite de l'heure tardive ou cette manière de se pencher presque pour l'admirer, et semble-t-il tendre l'oreille à sa musicale allégresse, la femme mystérieuse semblait attendre.
Intrigué, je me suis arrêté. Ce fut, un court instant, deux silhouettes immobiles qui semblaient se surveiller, comme les personnages dans les coulisses du théâtre attendant leur tour d'entrer en scène.
Fallait-il qu'il y eut une pièce à jouer ?
Après avoir hésité je renonçais au rôle qui pouvait m'échoir n'ayant pas une vue suffisante de ce qu'il pouvait être.
Au sortir du jardin je croisais deux garnements suivant un chien à qui ils étaient sensés faire faire sa promenade hygiénique du soir. C'est ainsi qu'on qualifierait leur démarche à supposer qu'il y ait reconstitution de l'événement dans le regard scrupuleux, mais convenu qui est celui de la police lors d'une enquête.
Sans bien savoir ce qui pouvait susciter une telle décision, je rebroussais chemin et, de loin, suivais les promeneurs qui se déplaçaient avec vélocité et comme habitués des lieux.
Ils menèrent à travers les circuits quadrillés des allées, jouant avec le parcours géométrique des eaux, jusqu'à la femme toujours à sa place et comme une statue immobile et qui bientôt se confondait avec l'ombre qui l'enveloppait.
A cet instant j'entendis au loin, la sirène d'une ambulance qui devait s'engager dans les rues tortueuses du village. Les deux promeneurs encadraient la femme sans qu'elle manifeste le moindre signe de crainte ou de refus. Elle écartait son manteau. L'un après l'autre, il était facile de l'imaginer à leurs gestes, l'empoignaient avec toute la force saccageuse du désir et la laissèrent pantelante après un long orgasme qu'elle manifestait par un cri modulé comme celui d'une bête qu'on égorge. Puis les promeneurs s'enfoncèrent dans la nuit avant que j'eusse pu prendre une décision, et je fus bientôt bousculé par deux infirmiers dont la blouse blanche faisait dans l'ombre le dessin presque comique d'un sismographe affolé. Ils allaient vers la femme agrippée au muret et la trouvèrent pantelante, entre l'extase de la jouissance et les premiers spasmes de l'agonie. Outre le viol auquel il semblait qu'elle fut consentante, ses agresseurs avaient planté un couteau de cuisine  en son flanc ensanglanté qui ruisselait sur la peau à nue sous le lourd manteau...
Je m'égare, c'était l'ombre portée d'une histoire que j'avais lue, relatant un incident survenu en l'endroit en l'an de grâce 1461, alors que Charles VII régnait sur une France en morceau.
En sortant du jardin j'ai vu qu'il y avait un hôtel arborant le nom du souverain comme une enseigne. J'y ai passé une nuit agitée. Il y avait un bal dans la salle commune. On me dit que c'était pour le mariage de la fille de la maison. Son promis était le jardinier du parc public que dominent, en silhouette agressive et zébrée comme par la chute de la foudre, les restes d'une tour médiévale que l'on peut visiter de 14h à 18h tous les jours, pour la modeste somme de 15 francs, gratuit pour les enfants.
Quand je disais que je pratiquais le tourisme culturel !


 


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1. Saintsonge  le 15-06-2010 à 16:28:30

Eh bien, encore un sacré bug informatique, je ne découvre votre superbe long texte qu'en médiathèque de douarnenez... Une bien belle promenade...!

2. corail  le 16-06-2010 à 12:57:18  (site)

émerveillée, intriguée jusqu'au bout, m'identifiant naturellement à cette longue silhouette hasardeuse, nue et sanglante sous son manteau, soufflant douleur et plaisir en un même râle. Le temps ne passe pas, il ne fait que se déplacer

 
 
 
posté le 14-06-2010 à 22:34:08

Flaubert et le voyage en Orient.

Le voyage en Orient était, au XIX° siècle, la suite du "grand tour" qui faisait parti de l'éducation des jeunes gens de la bonne société au XVIII° siècle. Une sorte de rite d'initiation plus qu'une quête qui suppose la recherche de la vérité, alors qu'il ne s'agissait que de Savoir, cette nouvelle religion.
Le XIX° siècle, lui, apporte une note d'exotisme en élargissant le champ d'investigation (le grand tour était celui de l'Europe des capitales culturelles), et en menant des pointes jusqu'en Asie.
Le "de Paris à Jérusalem" d'Ernest Renan donne le ton, comme le voyage de Byron ou de Chateaubriand. Ce n'est point en se mettant sur les pas des Croisés (et Jérusalem n'est pas perçu sous un angle strictement religieux), mais à la recherche d'horizons nouveaux, d'une lumière qui soit de nature plus colorée. L'exotisme est à la mode, les peintres vont chercher de nouveaux motifs, les écrivains de nouveaux sujets d'inspiration.
Gustave Flaubert chaussera ses chaussures de longue marche, il les avait expérimentées dans ces promenades "par les champs et par les grèves", un remarquable journal de voyage où il grave quelques paysages qui seront ceux de sa Bovary.
En allant en  Orient, et toujours en compagnie de Maxime du Camp alors son ami (et qui se montrera si peu digne de cette amitié sans calcul), Gustave Flaubert se fait le journalier de ses déambulations . L'Egypte, la Palestine, Le Liban, Rhodes, l'Asie mineur puis Constantinople enfin la Grèce.
Il tient scrupuleusement sa relation de voyage qui semble avoir été rédigée chaque soir à l'étape (le lieu et l'heure sont indiqués à la fin de chaque texte).
L'esprit scrupuleux de l'écrivain, accumulant des informations se traduit bien dans ces pages curieusement venues d'un trait, comme si l'impression première devait être respectée. C'est comme une sorte de flash photographique. D'ailleurs, dans le même temps, Flaubert se livre à la photographie, l'art de saisir la réalité dans l'instant et sa totalité. De quoi donner à un écrivain en formation une orientation pour son devenir.

 


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1. saintsonge  le 15-06-2010 à 07:16:08  (site)

Eh bien, plus d'un jour pour parvenir à vos articles récents !!! Bug ! Une vraie expédition flaubertienne, dites-moi !.. Ca vous transmettrait une "attaque nerveuse" sans pouvoir la définir, ce qui baptisa à 23 ans ce "condamné à la solitude", frappé violemment par ces "nerfs qui tressaillent comme des cordes de violons" tout son corps !.. Donc, à part ces voyages, un gueuloir de Croisset qui l'enragea plus d'une fois, je présume ; pouvez-vous me confirmer que ce "Sphinx" de Croisset (sur les pas des "croisés") a bien séjourné à l' Hôtel de L'épée sur les quais Quimpérois de l'Odet (ai voulu le spécifier dans mon article "l'épée", avant qu'un doute ne m'assaille..) - on m'a volé mon superbe "par les champs et les grèves", un relié de luxe comme mes cahiers écrits depuis ma descente du Nil, pas plus âgé que notre ami, d'ailleurs ! Contraste de l'Egypte entre pauvreté des rives et richesses Cairotes !

2. saintsonge  le 15-06-2010 à 07:20:07  (site)

J'ajoute, cher ami, que Samedi dernier, j'eusse voulu que vous fûtes avec moi au marché de Tréboul car vu un exemplaire - unique, de 1797 -, du Voyage Sentimental !! Un Sterne pas plus grand qu'une paume mais concurrençant les Presses de Causse, un bijou hors de prix pour ma petite bourse... Sûr, vous l'auriez acquis, sûr et certain !.. Pièce de collection chez le bouquiniste (qui ne voulut pas me baisser le prix dessous 60 euros !!)

3. sorel  le 15-06-2010 à 09:29:47

Je n'aurai certainement pas acheté ce Sterne si grande en soit l'envie. Mes achats, sur les brocantes se situent toujours autour de 1 ou 2 euros (oui pour des livres de qualité....).

4. sorel  le 15-06-2010 à 09:33:21

J'ignore l'histoire de l'hôtel que vous évoquez, je ne suis pas un spécialiste de notre ami de Croisset. Pourtant je suis sensible à ce genre de détail. Je suis toujours impressionné par vos commentaires souvent drôles et si subtils. Autrement quelle solitude sur ce blog mais sans doute mes propos n'intéressent guère !

5. Saintsonge  le 15-06-2010 à 16:44:17

Ah, je ne pensais pas trouver votre réponse ici ; c'est un réel plaisir de les lire aussi (je vois que je me fais "arnaquer" avec mon bouquiniste trébouliste - je suis un piètre actionnaire ! et naif de surcro^^it , en décalé par rapport au monde, ainsi que ces accents sur le poste de la médiathèque..) Les adjectifs "dr^^ole et subtil" ont aussi été émis par l'éditeur POL lui-m^^em !! il emploie "humour savant"... Ca me réconforte et m'énerve bien de ne pouvoir le faire mieux partager éditorialement car j'ai autant de "solitude" sur mon blog qu'en une abbaye sans visiteurs ou sur le v^^otre (rigolo ces accents qui se décalent !)... Rassurez-vous : pour qui travaillèrent Gauguin, Van Gogh, N. De Stael, autres Rimbaud et tous ces inconnus ? L'essentiel est la résistance (sur ce point : vous en savez historiquement un morceau plus réaliste que moi !) Résistez donc, cher ami ! Résistez , continuez, je vous lis !.. Moi, j'apprécie ! .. Sartre : il est toujours bon de commencer par une révolte nue ! Révoltez-vous par ces articles-bijoux, tout en résistant contre l'indifférence. Vous verrez, d'ici une décennie, nous n'aurons plus l' Euro non plus ! Tout est ingérable en ce triste bas-monde. Il ne reste plus que le mot "cul" de la CULture , m'est avis, qui plaise mondialement. Merd(r)e aux impedimenta, vivat les libérateurs et les salvateurs de la pensée pure, nette et précise ! Tout fait retour, un jour !.. Un jour , je vous évoquerai dans de grands salons littéraires (rions un peu)... Sorel, vous ne connaissez pas monsieur Sorel, non non pas celui du Stendhal, le vrai, le bon, le merveilleux Sorel, défenseur des Arts et Lettres du visuel Bloggiste ! Les bonnes Lettres à senteur unique de "campagne", et vous voilà défait de votre tristesse de solitude, vous verrez - Dieu est avec les patients ! Bonne fin de journée...

 
 
 
posté le 14-06-2010 à 22:26:46

Man Ray, un dessin sur la poussière.

Man Ray en passant considérable.
En culottes courtes Valentin H.. l'alla voir en son antre de la rue Férou. Une amitié a lié l'homme alors presque oublié de tous et un adolescent qui frémissait rien qu'à l'évocation du nom de Rimbaud. Dans l'atelier que le temps avait scellé dans la grisaille de la poussière, parfois une belle visiteuse s'aventurait.
Celle-ci avait ôté ses gants avec cette lenteur qui fait la femme exquise quand elle se penche sur elle-même, comme une fleur qui s'enivre de son  propre parfum.
Me venait à l'esprit l'image tout de fulgurance et de défi de Rita Hayworth jouant de ces gants qui gainent l'avant-bras comme une cuissarde le fait pour une jambe et lui confère une majesté équivoque et troublante.
Plus nue que nue, elle, s'avançait dans l'atelier encombré de choses qu'elle, bouscule parfois par maladresse, le plus souvent contourne avec des soins d'animal se frayant un passage dans un épais fourré, ou dans les abords touffus de roseaux plantés aux rivages d'eaux dormantes.
Man Ray, l'appareil photographique à la main, et déjà l'oeil dans l'objectif en pensée, la suivait de son gros oeil malicieux. Il l'avait convoquée. Ou plutôt, elle l'avait sollicité pour qu'il "tire son portrait". Elle avait énoncé de cette manière un peu vulgaire et un rien stupide son désir et Man Ray s'était dit que c'était bien dire, en fait, les choses. Car il savait être cruel autant que lascif. Celle-là, modèle d'occasion, venue des salons où l'on s'étouffe les jours de réception, avait plutôt flairé la bonne idée de se voir à travers le regard du fantasque américain dont tout Montparnasse se vantait de l'avoir accueilli dans ses méandres de soupers fins et d'Amer Picon dégustés à  la terrasse du Dôme ou du Sélect, et dans ce va-et-vient de vagues qui suit le rythme de la marée, poussant des femmes vers des divans et des peintres à leur chevalet dans cet échange fructueux du désir et du talent où l'art trouve son compte.
La voilà en pleine lumière, ou, plutôt, dans un rayon comme celui qui, dans une église, vient frôler la tête penchée d'une Vierge à l'enfant et a subitement saisi dans sa trajectoire la silhouette ambiguë de la femme qui, surprise, cligne des yeux, ce qui lui donne cet air égaré des oiseaux de nuit brusquement affrontés aux violences d'un phare d'automobile.
Man Ray a porté l'appareil à sa joue. Il dit qu'il le caresse tandis qu'il appuie sur le déclic. D'un seul coup, comme l'on tire, d'une baguette magique, l'ouverture d'une boîte à merveille. Un jour il commente  - Comme le chasseur appuie sur la gâchette pour tuer.
La séance est terminée. Un seul coup d'oeil aura suffit. On rebrousse chemin.
C'est alors que Man Ray remarque que, d'un doigt distrait, son modèle aura laissé une marque discrète sur "l'élevage de poussière" qu'il entretenait sur Le Grand Verre de Marcel Duchamp.
Loin de s'en affliger, il la regardait avec tendresse. C'était un dessin hasardeux, créé avec la douce mollesse d'un doigt étourdi. Man Ray en fait une photographie et décida qu'était là le vrai portrait de sa visiteuse. 


 


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1. saintsonge  le 15-06-2010 à 08:12:55  (site)

"La très chère était nue";....
elle n'avait gardé que ses gants sensuels, si nous avions à paraphraser qui vous savez !
Hayworth est de mes aimées, à tel point que j'en avais pensé placer quelques photos sur mon blog, ...

 
 
 
posté le 11-06-2010 à 16:41:10

Gérard de Nerval admirateur de Weimar.

Nerval décrit à  Liszt les conditions de travail de "L'Imagier de Harlem".
"J'ai souffert d'une maladie nerveuse dont la convalescence a été longue et qui a commencé à la suite d'un excès de travail occasionné par une pièce de théâtre jouée dans l'hiver de 1851 à la Porte Saint Martin. Je vous avais parlé de ce sujet à Weimar. C'est une sort de second Faust que j'ai arrangé avec Méry parce que Dumas, avec qui je devais le fa    ire d'abord, n'était plus en France. Je me faisais une joie de vous proposer cela accessoirement comme sujet d'opéra pouvant être traité dans un goût allemand. Puis la maladie arrive. Puis rien..."  Et de préciser qu'il s'était attaché à Weimar,  "par vous, ainsi que par mon admiration pour cette vieille terre privilégiée des poètes et des artistes, à la considérer comme la vraie patrie des intelligences, triomphante des chances qui peuvent faire que le reste soit submergé"
A l'exemplaire de "L'Imagier de Harlem" offert à Liszt, signé par Méry, Gérard de Nerval a ajouté sa signature. Modeste, à son image, et comme se coulant depuis les coulisses pour murmurer qu'il est pour quelque chose dans cette oeuvre.
Quant à Weimar, il me souvient, lors d'un voyage culturel, alors que la ville était encore sous le joug communiste, qu'on montrait, dans un gastaus du centre ville la banquette où Hitler venait savourer une bière. On hésitait à s'y asseoir.

 


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1. saintsonge  le 11-06-2010 à 16:58:19  (site)

N'est-ce pas dans un de ces jardins de Weimar qu'Hitler et Mussolini se croisèrent sans se voir, le destin les liant déjà, comme fort curieusement ?
Et, fort curieusement aussi, de mon côté, sourirez-vous, un ami Gérard vient de m'écrire de... Haarlem !!! Etonnant, n'est-ce pas ce que la réalité se joue de nos hasards et bizarreries de l'existence ?... Nerval, bien sûr, pourquoi se pendre ?.. J'eus ma forte maladie nerveuse, jadis... Et me voici.
J'avais trop donné à l'image Maupassantienne et Flaubertienne, tout d'un seul coup en une petite décennie...nervalienne ! Vous voyez quoi, à peu près..

2. saintsonge  le 11-06-2010 à 21:17:52  (site)

Au fait, j'ajoute qu'avec Nerval, c'est surtout - et aussi - le mythe de "l'éternel retour" (comme vous y aviez de même posé un article le concernant)

 
 
 
posté le 10-06-2010 à 10:21:42

Lautréamont sur le Boulevard.

Publié à part, le Chant premier de Maldoror le sera chez Balitout, rue Baillif entre la rue de la Croix des Petits Champs et celle des Bons Enfants. L'édition définitive, complète, sera confiée à l'éditeur Lacroix, boulevard Montmartre (les Poésies paraîtront à la librairie Gabrie passage du Verdeau). C'est baliser, du même coup le champ d'exploration piétonne de Lautréamont qui tient à un espace réduit, que le Second Empire avait il est vrai doté de tous les prestiges. Ce sera le mythe des Bopulevards.
Lautréamont n'avait pas a aller bien loin pour se tenir au courant de l'actualité littéraire. C'est du temps où il habitait la rue Vivienne (plus tard ce sera celle du faubourg Montmartre) qu'il peut découvrir à la vitrine de l'éditeur Michel Levy, les nouveautés.
Ce solitaire hautain et splendide, errant sur le boulevard, frôlant les passants comme des ombres quasi irréelles " subissait le sortilège de la grande ville, captant ses messages et, la démarche somnambulique, cherchant de la rue Vivienne à la rue de la Paix, l'ombre des héros de ces romans noirs dévorés dans la solitude de Bazet".
Descendu de sa chambre d'hôtel, il est la proie de toutes les fantasmagories qui le harcelent, la solitude le rendant moins impropre au contact d'autrui,  que porté par le pouvoir de transfigurer dans son espace imaginaire les remous du réel, dans une autre dimension.
Fondu dans le foule il en extrait des forces suffoquées de cruauté ou d'angoisse, et la portée de son texte est si périlleuse qu'il le publiera d'abord dans l'anonymat le plus complet (les trois étoiles !) avant de se camoufler derrière un nom d'emprunt.

 


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1. saintsonge  le 10-06-2010 à 10:56:38  (site)

"Je n'écrirai pas des mémoires" (phrase de Lautréamont préférée par JMG Le Clézio) ; dans Rebelote (avec Jean Pierre Léaud) "Je remplace la mélancolie par le courage, le désespoir par l'espoir, la méchanceté par le bien, les plaintes par le devoir, le scepticisme par la froideur du calme et l'orgueil par la modestie", vous avez eu un chant de Mal d'aurore, par le nouvel habit de votre lapsus , dévoilant "le mythe des Bopulevards"... Lord Byron est dans la strophe de l'océan du chant 1 ! Votre dernière phrase sur le camouflage me fait songer à Paul Ricoeur sur le fragment d'une inscription de "soi-même comme un autre"... Vrai : " il n'est pas donné à quiconque d'aborder les extrêmes, soit dans un sens, soit dans un autre...." Enfants, et famille, enfants sadiques, aussi, amitiés masculines, guerre en 1846 entre l'Argentine et l'Uruguay, tous ces chants dans les paysages de l'Humanité : beau ! (de l'air, déjà ?)

2. Fanny39  le 10-06-2010 à 11:23:07  (site)

Certainement un écrit à lire

 
 
 
posté le 09-06-2010 à 15:29:44

Louis XVI et la loi du sang.

La loi du sang.

La légitimité du roi reposant sur le sang (sa pérennité à travers les générations) il n'y avait d'autre solution pour gommer à tout jamais son pouvoir que de le "verser au nom du peuple". L'exécution de Louis XVI prend ainsi une valeur absolue à laquelle il semblait qu'on ne pouvait échapper si choquante que puisse être sa mise en spectacle. Car elle tenait sa valeur de la seule scénographie qui l'accompagnait.  D'ailleurs, les exécutions des assassins et autres condamnés par la justice, se déroulaient toujours en public et dans un grand déploiement de rites qui en soulignaient le caractère atroce, pour souligner le principe de justice auquel  elles étaient censées répondre.
La mort d'un roi signifiait la mort de la royauté. Le sang versé l'était au nom d'une justice à laquelle le mouvement révolutionnaire était censé apporter une réponse.
Mesurer la cruauté du geste selon les normes sensibles du commun c'est ignorer le sens symbolique qui y est attaché.
L'imagerie qui accompagne l'exécution de Louis XVI est abondante, et toujours inspirée par un point de vue qui peut être aussi celui de la réprobation. On voit ainsi cohabiter des images qui l'exaltent  et d'autres qui la condamnent. C'est, déjà, le règne de la communication qui prendra, avec les techniques modernes, des proportions telles que c'est la manière de rendre compte d'un événement qui a une réelle valeur. La mémoire de l'Histoire est toute entière contenue dans notre façon de la rapporter et de l'illustrer, d'où l'importance de l'iconographie qui l'accompagne, en prolonge les effets, en reforme  les faits eux- mêmes, leur donnant le sens voulu

 


 
 
posté le 09-06-2010 à 11:17:14

La pluie des mots de Pierre Albert-Birot.

Ils sont, dans l'histoire de la littérature, des sortes de repères vers lesquels ont est sans cesse ramené, tant leur oeuvre, même, comme dans le cas de Pierre Albert Birot, tenue dans les marges, et d'une audience discrète, aura exploré des forces nouvelles des formes inédites et imposé une vision qui nous aura séduit.
Pierre Albert-Birot (tout comme James Joyce et, bien avant, Laurence Sterne) aura exploré une nouvelle manière de conter, de dire le monde dans ses multitudes et ses frissons.
Grabinoulor est le livre clef de son oeuvre mais il a de multiples satellites comme un soleil et avec lesquels se sont établis des liens subtils et essentiels, car, de fait, ils constituent un tout autonome où l'on se retrouve dans le même climat, qu'on aille de l'un à l'autre. Et c'est bien l'enjeu d'une action créatrice qui ne papillonne pas d'un sujet à un autre mais explore un monde par des chemins différents, ses voies multiples.
Les "gouttes de poésie" qu'évoque Pierre Albert Birot sont la pluie bienfaitrice qui nous réconcilie avec les mots.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 09-06-2010 à 15:22:49

Pluie quimpéroise de ma promesse tenue, je rentre avec l' AUTRE COTE, de Kubin (ma réservation, honorée) :

"Parmi mes amis de jeunesse se trouvait un homme curieux dont l'histoire mérite d'être ravie à l'oubli..." : "autre marge, autre audience discrète", aussi, pour cet auteur que vous m'avez fait connaître...

 
 
 
posté le 09-06-2010 à 10:10:15

Verlaine vu par Jean Teulé.

Le principe est excellent. Faire d'une biographie un roman. Faire passer dans l'exposé d'une vie le souffle de l'imaginaire, reconstituer ce qui fut, faire comme si on y était. Témoin.
Jean Teulé a inventé un personnage (un jeune admirateur du poète) qui vient à Paris pour rencontrer son idole, et le suivre dans sa démarche zigzagante alors qu'il est sur la pente déclinante de sa chute finale.
Hôtels sordides,  bordels, hôpitaux, le pauvre Lélian se fabrique une légende de martyr.
S'il s'attarde à reconstituer le climat de l'époque (bien schématiquement) Jean Teulé n'échappe pas à des facilités et une complaisance à peindre l'horreur (l'abattoir) qui colore son récit sans lui donner la juste dimension du cas Verlaine. Il force le trait, et l'on débouche sur la simple caricature avec des relents de roman populaire, l'utilisation de procédés narratifs (et d'images) qui viennent tout droit de Paul Féval ou d'Eugène Sue.  Verlaine, là dedans, ne ressort par bien grandi (on peut l'être jusque dans l'horreur).  
Finalement, on se trouve coincé dans une histoire qui nous retient en raison du personnage qui en est le héros, mais irrité sans cesse par des procédés simplistes et vulgaires..

 


 
 
posté le 07-06-2010 à 17:34:37

Un livre fétiche d'Apollinaire.


L'objet - Les faits.

Certains livres sont comme des fétiches. Souvenir, souvent d'amour, lien avec une personne entrant dans notre mythologie personnelle.
Sur un exemplaire d'  "Alcools", qu'elle marque de sa signature, Marie Laurencin colle la photo du premier amour d'Apollinaire, Annie Playden qu'il avait rencontré en Belgique  dans la famille où il était précepteur des enfants . L'amour qu'elle lui inspira (peu payé de retour) sera marqué par quelques uns des poèmes qui figurant dans "Alcools", d'autres (Le pont Mirabeau, Cor de Chasse) étant en revanche, des poèmes inspirés par la rupture du poète avec Marie Laurencin. Triste bilan que Marie Laurencin semble souligner en faisant allusion à celle qui fut la première d'une longue suite d'aventures amoureuses plutôt marquées par l'échec.

Supputations.

Etrange démarche, où l'on peut voir une marque d'attention très équivoque, ou la simple volonté de tracer une sorte d'itinéraire amoureux de celui qui vivait l'amour comme un destin, dont elles étaient les étapes et les enjeux. D'autres muses vinrent et d'autres poèmes pour les célébrer. Ainsi une oeuvre se fait et progresse entre désir et mélancolie. Au coeur de cette cosmogonie amoureuse Marie Laurencin tient un rôle de prestige. Elle lui doit aussi d'être reconnue comme peintre "cubiste", elle poursuivra son chemin sans lui, mais sans doute sans totalement l'oublier.

Livre fétiche.

Sa valeur d'origine est mince, de plus c'est la quatrième édition. Ou bien Apollinaire lui aura donné un exemplaire de la première édition (qui aura disparu) et Marie Laurencin n'aura conçu son montage qu'après avoir relu les poèmes et peut-être tenté d'en retracer l'histoire, d'en situer les origines.
La valeur du livre pourtant est considérable au regard d'un amateur et surtout d'un admirateur d'Apollnaire. Tant par son destinataire que l'usage qui en a été fait, l'intervention biographique qui l'aura détaché d'une situation banale pour en faire une sorte de monument de la mémoire amoureuse.

 


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1. Saintsonge  le 07-06-2010 à 19:40:09  (site)

Tiens !... Tiens tiens...
Ah oui ?... Bien...
Votre style de composition aurait-il changé, itou ?... Ah oui...
Une "évolution" , aussi ?... Semble-t-il ?...et, ce rayon du Poète sur l'azur de nos idées partagées, oui oui,
"ex animique uomluntate id procedere primum" !!!

 
 
 
posté le 07-06-2010 à 09:12:52

Promenade à Montmartre.

Si elle perd, jour après jour, son caractère champêtre, la Butte Montmartre reste l'un des "coins" les plus pittoresques et charmants de Paris. Non qu'y subsiste l'esprit de Gérard de Nerval qui y faisant un séjour à la clinique du docteur Blanche y musardait, donnant de ses promenades dans ce qui était alors la campagne des notations délicieuses et teintées d'une sensibilité qui fait tout l'attrait de ses écrits. Ce n'est pas, non plus, pour y retrouver l'esprit de la bohème qui entourait la bande de copains peintres et poètes du Bateau lavoir.  André Warnod, Roland Dorgelès, Francis Carco en ont donné des souvenirs et rumeurs qui sont entrés dans l'Histoire par la porte de la légende. Enfant, aux mains d'un Grand d'Espagne, cadet de famille, devenu coiffeur des stars de l'époque, et par des liens de famille un cousin, je découvrais les derniers témoins de cette aventure qui fit l'art du XX° siècle, de Picasso à Van Dongen, de Max Jacob à Pierre Reverdy, de Juan Gris à Georges Braque, en passant par Gen Paul et Mac Orlan que me contais avec une verve attendrie Paul Yaki, l'historien attitré du lieu. Bien longtemps après j'avais grand plaisir à rendre visite à Jacques Baron qui fut le Rimbaud du surréalisme. Il restait un "jeune poète" jusque dans les rigueurs et la banalité du quotidien qu'il défiait avec une sorte d'humour rageur. Se faisant, par nécessité financière, l'ultime historien du surréalisme, l'ultime témoin d'une folle aventure.
Sortant de chez lui, il fallait affronter les cohortes de japonais,  appareil photo sur le ventre et en bandoulière, qui suivaient docilement le porte drapeau du tourisme pour découvrir dans la même foulée le Sacré Coeur et le Lapin Agile.
Alliance heureuse de la piété et d'une nostalgie de la débauche, encore que le Lapin Agile, avec le temps, n'était plus qu'un vague écho de sa pétulance première.


 


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1. saintsonge  le 07-06-2010 à 12:38:40  (site)

Ah oui, l'article est plus épais que l'autre jour !...
Montmartre, je m'y revois écrire au...
Lapin Agile.
Moins que Carco aimant les lieux dangereux et obscurs comme les sales garçons, j'y goûtais joie d'un autre mystère tout autant risque-tout !...

 
 
 
posté le 03-06-2010 à 10:28:23

L'autre côté d'Alfred Kubin.

L'autre côté d'Alfred KUBIN.

Le titre de son seul roman est une clef pour pénétrer dans son oeuvre aussi énigmatique qu'inquiétante. L'imagerie qu'il gère avec une sorte de frénésie maladive (il travaille volontiers selon la loi des suites, des séries), une acuité de voyeur (par la douleur il s'est fait voyeur), ne procède d'aucun monde connu, et il l'invente, le parcours avec une sorte de fièvre communicative. Voici l'art habité, qui n'existe qu'en fonction de la vie (des souvenirs) de celui qui en explore toutes les issues, les cheminements les plus inattendus, les plus périlleux à qui peut craindre la violence de ses rêves. S'il ne peut revendiquer aucune référence antérieure à son oeuvre, il sert de référence à bien de ceux qui le découvrent, et cela peut aller jusque chez des écrivains (Kafka, Henri Michaux ?).
On aura dit qu'il résumait à la fois Goya et Brughel, voisinait avec Rops, Redon, Munch et même Ensor. C'est plutôt l'esprit d'une époque qui, plus que toute autre, était en mesure de le comprendre. De fait, c'est une aventure très solitaire. Dans un contexte familial assez éprouvant, son père se mariant successivement avec trois femmes qui  meurent prématurément, dont la mère de Kubin et  dont il éprouve grande douleur. Il aurait tenté de se suicider sur sa tombe. Un choix, un cadre, un geste qui entrent au coeur de ce monde situé entre le rêve et la réalité. On ne peut s'empêcher de songer à Nerval qui s'enivrait de ses propres songes au point  de perdre conscience du réel, de perdre pied et d'en devenir fou. "L'autre côté" de Kubin est peuplé de visions infâmes, de formes fantomatiques dans une lumière de catastrophe. Une lumière de demi jour, d'entre nuit. Un pays de landes stériles, de vastes plaines hostiles, Peuplées par d'étranges créatures venues d'ailleurs et point disposées à nous apaiser, entretenir la sérénité. Plus que de rêve on devrait parler de cauchemars.



 


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1. Fanny39  le 03-06-2010 à 13:03:43  (site)

Je vous conseille aussi de lire "Le bonheur continue"

2. Saintsonge  le 03-06-2010 à 15:36:20

BATAILLE se masturbant à la morgue, près du corps de sa défunte mère, ce graveur-dessinateur (romancier donc, vous me donnait l'envie de le lire, d'y aller voir), qui tente de se suicider sur la tombe "maternelle" (comme sur un corps froid, aussi), cela ne m'étonne pas que les kafka-michaux et autres troublés psychiques y trempèrent leurs affects et inspirs... J'y goûterai sagement, promis !

3. saintsonge  le 03-06-2010 à 22:48:23  (site)

Promesse tenue, comme ce livre fut édité en....1983, je me le suis fait réserver par la médiathèque de quimper, et, je lirai donc "l'autre côté" la semaine prochaine, merci pour l'appât de mon appétit livresque !

 
 
 
posté le 02-06-2010 à 14:28:39

Saint Louis rendant la justice.

La notion de sainteté s'accorde assez bien à celle du pouvoir. Dans son principe même, celui qui détient ce dernier se devait d'être perçu comme un individu échappant aux faiblesses de l'homme ordinaire. Et pourtant elle ne s'affirme pas comme le moteur principal de son efficacité. Elle l'auréole cependant d'un prestige particulier. Et l'on verra, par exemple, Louis IX entrer dans la légende par le biais de son attitude qui prépare à l'idée que l'on se fait de la sainteté. On fera (dans l'imagerie qu'il inspire) étalage de gestes et d'une attitude qui, n'étaient, en fait que l'application d'une éducation toute entière tendue vers la charité, le respect d'autrui. Et la prééminence de Dieu dans la vie quotidienne. La sainteté de Louis IX n'est pas contemplative et jamais pétrifiée dans une égoïste abstinence (il aura une vie normale de mari et de père), ignorance du monde (sa fonction le lui interdisait) toute action qui dégage la responsabilité de l'homme au nom d'une quête sanctifiante (l'état du moine voué à la prière). Mieux encore, elle s'exprime dans l'engagement. Celui de la charité au quotidien, celui de la guerre en période de crise, et par nécessité. Ce n'est pas l'un des moindres paradoxes de l'Eglise que d'admettre, sinon de promouvoir, l'action des armes au nom de la vérité qu'elle défend. D'où les Croisades.
Elle avait, jusqu'alors, accrédité cette violence des armes sans qu'aucune figure centrale en soit porteuse, dotée d'un caractère sacré, quoique sanguinaire, et qui va justifier les razzias des carolingiens, car c'était une affaire collective, une responsabilité partagée par tous et par tous vécue comme la conséquence d'une adversité devant laquelle il convenait de trouver une parade.
Le goupillon justifiait l'épée. Alliance périlleuse mais rendue nécessaire par les appétits multiples qu'éveillait le savoir-faire de l'Eglise dans l'organisation des territoires qu'elle dominait, soutenue par l'épée des princes.
Bien plus que les féodaux de l'époque antérieure, surtout affairés à leur querelles intestines de prérogative et leur concupiscence primaire, imprévoyants parce que motivés uniquement par des actions immédiates, une politique ponctuelle, sans programme cohérent, l'Eglise saura organiser les territoires à l'appropriation desquels elle travaille, avançant ses pions, et les souverains qu'elle accrédite.
Les fastes qu'elle exige, les structures rigoureuses de son administration sont autant de facteurs propres à dynamiser le commerce, ciment des économies qu'elle recouvre de ses bénédictions.
L'Eglise est provocatrice de richesses ; elle va susciter des envies, éveiller des appétits. Jamais la spiritualité ne se sera aussi intimement mêlée à la matérialité qui est censée l'incarner. Le luxe inouï dont la société de ce temps entoure la célébration du culte religieux s'accompagne d'une grande sobriété de ceux qui se placent sous sa protection et affichent, ainsi, par ne vif effet de contraste, une allégeance qui fait leur puissance.
Homme de guerre au nom de Dieu, Saint Louis est, avec Jeanne d'Arc, une grande figure d'une France qui se cherche une image de perfection, alors même qu'elle est territorialement inachevée, sinon menacée (et, dans le cas de Jeanne d'Arc, en lambeaux).
Territorialité menacée de l'intérieur, par des féodaux félons, sous Louis IX, de l'extérieur par la anglais sous Jeanne d'Arc. Toute lutte, fut-elle sanglante, trouvera, du même coup, sa justification. Son excuse. Si l'on demande à Jeanne d'Arc la virginité, on demandera à Saint Louis, le sens de l'équité.
Ce sera le " Saint Louis rendant la justice", dont l'imagerie s'est emparé et a largement réinventé.

 


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1. saintsonge  le 02-06-2010 à 15:11:21  (site)

Curieusement, la parole de Jésus me revint : "je ne suis pas venu vous apporter la paix, mais l'épée..."
Epée défensive , ou épée pour combattre ses démons , ses ennemis ?
Cette reproduction me fait sourire, elle me ramène à l'illustration de mes cahiers d'écolier, un lointain bail !

 
 
 
posté le 31-05-2010 à 16:46:39

Matisse vu par Henry Miller.

Au milieu de cette tourbe qu' Henri Miller nous inflige dans le "Tropique du Cancer" il y a des pages admirables qui soulignent ses émotions profondes devant divers aspects du réel (que d'élans purs pour décliner les fantaisies climatiques du ciel !) et rencontrant la peinture de Matisse il se surpasse en lyrisme sain et dynamique. "...je suis ramené entre les véritables limites de l'humanité. Sur le seuil de cette grande salle, dont les murs flamboient maintenant, je m'arrête un moment pour me remettre du choc que l'on ressent lorsque le gris habituel du monde se déchire subitement, et que la couleur vive s'étale en chant et en poésie. Je me trouve dans un monde si naturel, si complet, que je suis perdu. J'ai la sensation d'être immergé dans le plexus même de la vie, de me trouver au foyer central, quelle que soit sa place, la position ou l'attitude que je prenne."
Et de risquer une  comparaison avec Proust.
"Perdu, comme le jour où je m'enfonçai dans l'ombre des jeunes filles en fleurs, et où je m'assis dans la salle à manger de ce gigantesque monde de Balbec, saisissant pour la première fois le sens profond de ces silences intérieurs qui manifestent leur présence par l'exercice de la vue et du toucher."  Donnant, au passage une pertinente définition du "miracle Proust" : il " avait permis de déformer l'image de la vie au point que, seuls ceux-là qui, comme lui, sont sensibles à l'alchimie du son et du sens, peuvent transformer la réalité négative de la vie et lui donner les formes substantielles et significatives de l'art".
Séduisant parcours que celui-là, qui conduit de Matisse à Proust par le plus court chemin des métamorphoses du réel, ce que Miller fait si bien quand il ne s'attarde pas à des détails scabreux.  La réalité à laquelle il veut échapper ?  

 


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1. saintsonge  le 01-06-2010 à 07:57:16  (site)

Jeudi dernier, j'étais au.... Bois d'amour , une autre "limite de l'humanité".... Gauguin, le premier des naturistes (il se baignait nu dans l'Aven et aux Marquises, le saviez-vous ?)

 
 
 
posté le 31-05-2010 à 10:17:50

Un moment d'intimité avec Yves Tanguy.

Un moment d'intimité avec YVES TANGUY.

En provenance, semble-t-il, d'un album de photographies appartenant à André Breton. De modestes clichés sans prétention artistique (attention il y a un artiste :Man Ray), et dont la valeur sentimentale n'en est que plus grande.
Man Ray, justement, est saisi dans une pose qui lui était familière, (il l'avait gardée à la fin de sa vie), vous regardant droit dans le yeux mais avec cette inclinaison du corps qui dit à la fois l'attention et une certaine douceur d'expression, la cigarette apportant la note virile (comme chez Malraux). Un inconnu l'accompagne tandis que René Crevel (l'air absent, ou rêveur) est saisi dans un moment  d'intimité ( de complicité ?) avec Yves Tanguy. C'est lui le personnage important dont est moins connue la silhouette dégingandée. Il a encore cette allure de l'étudiant sage, et pourtant c'est dans cette tête que naîtront les rêves les plus inquiétants de la peinture surréaliste (Dali fait plutôt du spectacle). Pourquoi inquiétant ?
Des espaces infinis (désert ou plage, normal chez un breton) où il a déversé une infinité de ces cailloux célestes, venus d'ailleurs. Paysages de catastrophe.

 


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1. saintsonge  le 01-06-2010 à 07:54:10  (site)

Mince, il a encore bug(u)é , l'ordi, qui ne me prévint pas de vos deux articles d'hier dont celui-ci - vous pensez bien, Tanguy, j'y aurais répondu illico presto !
Ainsi aviez-vous cette photo-là de Crevel et Tanguy, mais ce n'est la mienne ( de 29) - en noir et blanc, impossible de la poser sur mon blog... Trop floue.. Bon. "La cigarette", elle n'a jamais fait "virile", à mes yeux, mais dénote un net attachement au tétin-mégot du sein de la mère, et, tout fumeur a donc ainsi une forte dépendance, non au mégot qu'il tire de la cigarette ni à la fumée qu'il avale, mais bien au petit bout marron du sein de sa mère( souvent même couleur que le filtre, avez-vous remarqué ?) et au lait maternel (nuage defumée = blancheur du lait) En tout cas, j'ai une affiche de Tanguy chez moi, donc suis constamment en "sa" présence, et, Locronan est moins loin que N..Y , vue d'ici !... Bien à votre Saint Sébastien, bientôt, peut-être ?...

2. saintsonge  le 01-06-2010 à 13:32:29  (site)

Pour rajouter à ma propre réponse sous votre aimable commentaire sur mon blog, aucun livre psychanalytique en mon domaine, il suffit de penser à l'importance de la cigarette pour le grand timide Gainsbourg , homme à femmes / mères, pour que j'en signifie le même propos, chanteur à la clopine (copine de la clope en bouche, il tira sur le mégot pour "envoyer la purée" d'une pépite de chanson, par opportunisme : savoir ce qui ne se fait pas, pour le faire !) Mon professeur d'université, étonné de mes trouvailles, me disait quelquefois : mais vous avez triché !
- Mais non, monsieur, mais non, l'inspiration pure !...Ce qui vient dont ne sait d'où, surtout sans (y) réfléchir, à l'instinct, au feeling, comme ça (dirait Beckett, sûrement !) La bonne après-midi.... (sans cigarette, au fait - fumez-vous, ou non ?... Je fus , de plus , gros fumeur, alors voyez d'où me viendrait alors l'origine de mon analyse !...)

3. saintsonge  le 01-06-2010 à 13:34:15  (site)

Lire : d'on ne sait où...

 
 
 
posté le 30-05-2010 à 10:47:35

René Crevel un "dandy intérieur".

L'image qu'il donne de lui, plutôt flatteuse et répercutée par son entourage, l'effet de séduction qu'on lui reconnaît ou qu'on lui attribue faussent l'itinéraire de sa pensée. Je fus, le premier, victime de l'équivoque. Les nombreux témoins que j'avais rencontré (Valentine Hugo, Pierre Minet, Tristan Tzara) lors de l'Hommage que je voulais lui rendre (à travers la revue Temps Mêlés) m'a conduit à écrire une assez stupide introduction, ce qui n'échappa pas aux surréalistes du moment qui ne manquèrent pas de me clouer au pilori. Ils avaient alors raison. Mention honorable faite, revoyons le cas Crevel. Un écorché vif, le sang au fleur de peau et la mort qui rôde autour de lui (suicide du père) jusqu'à ce qu'elle le plaque au sol comme un lutteur affaibli.
C'est bien ce qui pouvait justifier le correctif engagé par les Nouvelles Littéraires rendant, à leur tour, un hommage à celui qui y avait assuré, dans les années 30, le rôle de secrétaire de rédaction. Je ne pouvais m'empêcher d'y songer lorsque j'y  étais, à mon tour, rédacteur, et dans les mêmes locaux, sans doute parmi les mêmes meubles car la maison jouait la carte de l'ancien, avec poussière garantie et complicité intérieure qui faisait d'un journal ( de modeste tirage) une plaisante famille. Insuffisant, sans doute, pour faire obstacle à la mort  d'un "dandy intérieur".

 


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1. saintsonge  le 30-05-2010 à 16:12:58  (site)

Le titre me ravit !..
Je présume que vous connaissez La photo de 1929 le représentant auprès des Tzara/Eluard/Ernst/Ray/Arp/Tanguy/
Breton et votre "ennemi" Dali...
J'ai de lui le caractère "d'imprimerie" ! (mais lui est né dedans, si je puis dire..par son père) "Mon corps et moi" ont des bouffées d'enthousiasme, suivi d'un désespoir venu de je ne sais où, sourire en italique, voix en Capitale de Solitude d'imprimerie - j'évite le "gaz" -,
avec cependant moins de cruauté aiguë dans le ton....Avec lui, je suis "docile aux voies souterraines", vous savez !
On me trouve austère, quand je prône le sérieux, puis sévère quand je vénère l'intransigeance...dans une "impossibilité de vivre" aussi, au coeur de ce siècle honorant la Vitesse !
Je Crevélise mes moments d'attention, donc j'ouvre mes yeux !
Un receveur des Postes m'a dit un jour :
- "Vous avez été reçu au concours difficile de receveur, et vous quittez votre beau métier pour l'écriture, si jeune ? Etes-vous fou ?...."
Voyez que j'avais du Crevel à ma petite trentaine, déjà !.

 
 
 
posté le 29-05-2010 à 11:10:47

Apollinaire en majesté.

D'avoir un nom d'emprunt, fabriqué, choisi (dit-on à la vue d'une bouteille d'eau minérale Apolinaris) fait de Wilhelm de Krostowitzky le fantôme d'un autre qu'il n'a pas voulu être, et bâtard de surcroît. Que de pères imaginaires ne lui prête-t-on pas, et même quelque sommité du Vatican. De quoi le faire entrer dans la légende. Ce qui fut. Et le restera en dépit des nombreuses études qui tentent de percer les mystères qui l'entourent et qu'il ne dédaigne pas de semer autour de lui.
Il y a du patriarche en sa posture, et même sa silhouette si cordialement (mais avec un brin de moquerie) dessinée par Picasso. Il sera, tout à la fois : le poète assassiné, l'enchanteur pourrissant, le guetteur mélancolique, et le diable amoureux.
Après sa blessure, au Chemin de Dames, il aime parader à Saint Germain des Près (son village) en tenue de militaire, et le bandeau sur la tête signant le blessé de guerre qu'il est fier d'être.
André Breton le  classe parmi les "passants considérables", il est un nom de référence, de ralliement. C'est autour de lui que toute une génération (celle d'Aragon, de Breton, de Soupault, de Reverdy, de Max Jacob) s'est assemblée  dans une sorte de ferveur à son endroit. Il fut, juste avant la terrible explosion de la première guerre mondiale, le berger d'une troupe, animée, brillante, qui incarnait la modernité. Elle allait de Cendrars au douanier Rousseau, de Fernand Léger à Léon-Paul Fargue et aux Delaunay. Dans les éloges funèbres qui lui furent rendues ne dit-on pas qu'aucune "hardiesse ne lui fut inconnue et il a marqué d'une empreinte profonde et durable nos chercheurs d'art nouveau". Le titre est donné, et le nom d'emprunt a trouvé son rôle. Incarner la modernité fébrile qui précipite le XIX°siècle dans le passé et annonce, en fanfare, ce XX° siècle qui va naître dans le sang.
Première victime, et exhibée comme un trophée de ce siècle balbutiant.




 


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1. saintsonge  le 29-05-2010 à 15:09:23  (site)

A prendre le nom de sa mère qui l'ennoblit, un pseudo le rendit quasi invisible, si ce n'est l'amour pour LOU , qui le fit partir à la guerre sans savoir que l'aimée, de son côté, s'enticha déjà d'un autre, plus gradé !.. Le départ voulu ("le front de l'armée"), la mort qui rôde ("si je mourais../..mon souvenir s'éteindrait.. / L'espace couvrirait de mon sang.../Le fatal giclement de mon sang.../Souvenir qu'on oublie (la nuit qui descend !! ("la mort est là, qui couvre tout...")
OUI, Apollinaire (que les universitaires de DEUG LETTRES écrivirent pour la plupart avec deux "p" trois "l", ce qui faisait rager le professeur - et moi !), apollinaire, à mes yeux :
c'est la mort dans l'amour,
c'est le sang dans la chair,
ce lever de l'aurore que LOU pourrait apercevoir au lendemain de la nuit qui descend, pressentie mortelle, ce serait encore Lui, cet "amour inoui", poète évanoui parmi les Hommes, ici, s'il meurt encore à le citer, ou là (là-bas, lorsqu'il mourrait, souvenir qu'on oublie, "long destin de sang"), c'est pour moi, toujours : une trace sur l'horizon rougeoyant !
Merci de votre article.

2. saintsonge  le 29-05-2010 à 21:31:59  (site)

Au fait, tout en "majesté" qu'il fut, c'est bien lui qui fit , avec d'autres, connaître Freud en France, dit-on, non ?

 
 
 
posté le 28-05-2010 à 10:38:08

Salvador Dali, une tête à claque.

Salvador Dali, une tête à claque.

Philippe Soupault cultivait la haine de Dali qu'André Breton avait mis à l'ordre du jour en le baptisant Avida Dollars. Il portait la bonne parole surréaliste et applaudissait ceux qui, comme moi, portaient un égal mépris pour celui qui, après avoir brillé de tous ses feux, et apporté au surréalisme une part importante de sa vision onirique, cultivait la provocation primaire et quelque peu mondaine.
Quel bonheur aurait été de lui asséner une claque méritée, comme je fus tenté de la faire, c'était galerie André Scholler, pour une exposition de mon ami Recalcati.
Une envie réprimée par un sursaut de bonne éducation qui interdisait de manifester publiquement ses sentiments. Pourtant quel affligeant spectacle que ce vieillard postillonnant, roulant les R et agitant sa canne à pommeau d'or, jouant son personnage pour un public pourtant blasé mais qui trouvait en lui l'indispensable vedette nécessaire à toute événement artistique.
Ce que l'on reprochait au peintre (que l'on admirait) c'était cette fabrication d'un personnage sans rapport avec l'oeuvre et lui apportant même préjudice et qui voulait qu'un artiste fut un être hors du commun, dont le personnage fut "visible", au point que Dali amorçait  cette dangereuse tendance à confondre oeuvre et comportement au point de lancer un mouvement artistique (?) qui se résumait au comportement. Etre suffisant en soi, du moment qu'on en soulignait la singularité voire l'excentricité, substituant une performance gestuelle ( ou vestimentaire ) à l'expression, la construction d'une vision, la qualité d'une traduction et d'une maîtrise de la matière pour dire le monde, ses sentiments, sa pensée.
Va déferler toute une génération de pseudo artistes qui s'agitent et jouent uniquement la provocation, comme si choquer était en soi une fin suffisante, une preuve qualitative du statut d'artiste. Celui-ci, métamorphosé en clown, ne s'est-il pas égaré, en transformant le monde de l'art en piste de cirque ?

 


Commentaires

 

1. saintsonge  le 28-05-2010 à 11:47:32  (site)

Enfant, je m'interrogeais de savoir qui était ce "fou du chocolat Lanvin" !... La claque eût été donnée, en ne publiant pas cet article puisque c'est encore l'honorer, non ?.. Ils adorent ça, d'être encensés, ceux qu'on déteste même... Ca prouve toujours un intérêt pour la haine de cette personne, et eux, ils ne voient que "leur personne" adulée, non la haine ou le mépris - d'ailleurs, de mon côté, je ne mettrai jamais un de ces tableaux qui fut pourtant de mes chouchou, ne citant même pas ici le titre, ce serait trop donné encore... A New York, aussi, dans un hôtel de luxe, il fit son "cirque" : vomitif à souhait !

 
 
 
posté le 27-05-2010 à 15:26:18

Ladislas Kijno à la rencontre des poètes.

C'est comme une lecture furtive, dans le rythme des rangements qu'on est amené à faire de temps à autre, quand on brasse trop de documentation et qu'il faut faire des choix, oser des rejets. Et voici un petit livre qui surgit, élégant comme tous ceux qui sortaient de la galerie Creuzevault où Kijno était chez lui, les murs clairs de l'avenue Matignon investis par son graphisme large, impétueux, d'une volonté qui était celle de la colère, de la passion.
Oser mettre en calligraphie le sentiment, c'est ce que faisait Kijno, ami des poètes et prêt, toujours, à orner de ses signes pleins de vie le déroulé du poème (Henri Kréa, poète de toutes les colères sociales, en sait quelque chose, que de beaux signes Kijno, a donné à ses vers !).
Ici c'est René de Solier qui s'est penché sur l'oeuvre de son ami, de son complice (leur amour commun pour la sculptrice Germaine Richier). Les mots sont toujours en bonne compagnie avec les images, les écritures qui les remplacent, quand l'estime entre en jeu, quand une certaine complicité des esprits se formule à travers cette riche collaboration. On l'aura vu, en maints endroits de ce que nous a laissé le surréalisme qui a magnifiquement enrichi ce jeu de dialogue entre peintre et poète. Et que dire d'Apollinaire qui allait à la rencontre de la peinture comme à celle d'une femme aimée.

 


 
 
posté le 27-05-2010 à 09:50:34

Pour un musée à la campagne.

Louis Deledicq faisait parti de ces animateurs culturels qui ont, dans les années 80, largement contribué à la diffusion et à la reconnaissance des formes et de l'esprit de l'art contemporain. Contrairement aux fonctionnaires de la conservation des musées, trop souvent liés à d'obscures complicités pour actionner la réputation des artistes et entretenir leur côte, ils travaillaient en toute indépendance et dégagés des courants de la mode qui sont un phénomène urbain, et surtout parisien, D'ailleurs le titre donné à une exposition qui illustre parfaitement leur "politique" : "Souvenir d'un musée à la campagne", en dit long.
L'exposition se situait dans un vaste programme accueilli au château de Tanlay, dans ce pays tant aimé par Colette, dans le département de l'Yonne dont la politique culturelle aura été particulièrement intelligente quand l'état de ses finances le permettait.
Tanlay est un charmant château que son  propriétaire fait avec gourmandise visiter et ses vastes dépendances ont été transformées en salle d'exposition. C'était, dans ces années fastes où l'art brillait de tous ses feux, une étape obligatoire, chaque été, pour les vacanciers, et  "Les chemins de la création" n'ont jamais aussi bien justifié leur nom.
Ce musée à la campagne se plaçait sous le signe d'une modernité moins nourrie de technologie (ce qu'elle fut au début du XX° siècle),  que marquée par l'adoption de formes d'expression qui n'entraient pas dans la logique d'une articulation de l'art prétextant le progrès (par une élimination progressive de la figuration, le recours à des matériaux nouveaux) mais donnant son crédit aux marges de la création, aux impulsions ayant échappées aux académismes (dont ceux de la mode) et faisant référence aux arts primitifs.
L'illustraient une centaine de contributions signées d'artistes de tous bords, et faisant feux de tous bois, dont ceux de l'art brut, des suites du surréalisme, d'un retour à une figuration fortement individualisée. De Chaissac à Michaux, en passant par Dubuffet, Brauner, Bellmer, Dereux, Avril, Artaud (le dessin d'écrivain enfin reconnu comme art à part entière), Bettencourt, Fautrier, Fernandez, Mason, Lam, Hartung, Louis Pons, Saura, Hélion,  Szafran, Requichot, Pastor,  Marfaing, Maryan, d'Acher,  Criton, Atlan, Balthus, soit une gamme fort étendue qui confronte gloires reconnues et artistes confidentiels. Un choix qui ne se veut pas logique ni dominé par un courant et des théories restrictives, mais largement ouvert à toutes les inventions formelles à tous les rêves exprimés avec ferveur. Sa logique est dans celle des goûts de son organisateur d'où le poids de celui-ci et l'idée qu'à travers un choix il fait un peu son portrait mental. C'est à ce stade qu'il devient lui aussi un créateur.
Un musée virtuel et ici provisoire, qui peut entrer dans l'imaginaire de ce musée universel voulu par André Malraux.


 


 
 
 

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