posté le 28-11-2008 à 16:14:51
L'abbaye de Créteil.
C'était un fantasme juvénile. J'avais toujours rêvé de vivre dans une abbaye (en partie ruinée pour signifier le passage du temps) et bien sûr, disposant d'un vaste espace, organiser une vie collective qui ne soit pas en contradiction avec la tentation d'une vie familiale. Il y avait du Rabelais là dessous, et certainement pas une pensée religieuse. Encore que la recherche de la spiritualité, le refus des lois purement commerciales de notre quotidien pouvait y être pour quelque chose. Enfin, nul n'ignore que la "qualité" de l'habitat peut jouer sur celle de notre vie, et de nos rapports humains.Tout est dit pour mieux comprendre ce qui était plus un rêve qu'un fantasme à y bien réfléchir.Alors on parlera de phalanstère. Ce sera pour évoquer Alfred Jarry et l'équipe du Mercure de France qui tentera à Créteil de créer un lieu d'échange et de fraternité. Mais l'image d'un Jarry excentrique brouille le jeu. Il en tire l'essentiel des souvenirs qui retiennent des gestes de sa gestuelle provocatrice et significative. Elle va faire des émules.Toute différente est l'ambition de quelques poètes et peintres qui, dans les années 1900, s'installent dans un lieu agreste, à Créteil, et tentent une vie commune. Il y a là Charles Vildrac, Arcos, Georges Duhamel, Albert Gleizes, Mercereau. Pour survivre ils éditent, sur une presse artisanale, des ouvrages d'écrivains de leur cercle (de Pierre Jean Jouve à Robert de Monesquiou, de Roger Allard à Jules Romains). L'expérience est de courte durée, la légende se charge de lui donner une certaine pérénité.
posté le 28-11-2008 à 15:47:24
Léautaud pour mémoire.
Première et furtive vision : il est là, menu dans son accoutrement qui lui donne l'air d'un clochard. C'est au bout de la rue de Seine, quand elle frôle l'Institut, dédaigne l'arcade qui conduit vers le Pont des Arts. Il est immobile, pensif, regarde devant lui comme s'il cherchait quelque chose, ou subitement, se disait qu'il avait oublié un objet dont il aurait besoin, alors qu'il porte à bout de bras un lourd cabas d'où jaillissent des poireaux et des carottes qu'il va emmener dans sa retraite de Fontenay aux Roses. Nous y voici, justement, alors qu'on allait chez l'ami Pierre Descargues qui habite une jolie maison pleine de livre et de sculptures. On s'égare un peu dans ces douces rues de banlieue qui sont restées des rues de village. Soudain, alors qu'on ignorait sa survie ( Léautaud étant mort depuis longtemps), on bute sur la maison aux cent chats, reconnaissable à travers la belle image qu'en a donné J.J.J Rigal dans une gravure ouatée comme une confidence.Du Quartier Latin à cette bourgade tranquille il y a la juste distance d'une vie dont le quotidien a nourri l'oeuvre littéraire de celui qui n'inventait rien mais voyait tout avec un oeil impitoyable et une sentimentalité de fillette perverse. Celle d'un homme blessé. Le misanthrope de Molière a troqué sa pelisse de théâtre contre le vieux pardessus qui sert de refuge au chat quand il n'est pas l'uniforme créant la silhouette de celui qui en est devenu une légende.
posté le 27-11-2008 à 14:59:17
Emmanuel Bove : le malheur tranquille.
Bove ou une misère tranquille.L'errance parisienne de Bove est bien éloignée de celle d'un Léon Paul Fargue ou d'un Breton, voire d'un Aragon. Ces derniers y cherchent le merveilleux, l'insolite, l'amour enfin. Les héros de Bove y dévident le long fil de leur solitude, et si, d'occasion, ils participent à un fait social ( une réunion mondaine) c'est pour décrypter la médiocrité morale et intellectuelle des personnage qui dénoncent la société. Une galerie de figures ridicules souvent sordides qui rejettent Bâton (le personnage type de Bove) dans sa solitude, et la justifient. A quoi s'ajoute la misère matérielle, le décor souvent sordide des hôtels de basse catégorie, l'incapacité de s'afficher dans le costume glorieux du conquérant mais dans celui, banal du quidam que rien ne sauvera de son état.Bove situe avec une grande précision ses personnages dans un Paris qui parfois fait penser à celui de Simenon. Une écriture qui se veut neutre, minimale, terne pour donner plus de relief à la personnalité des protagonistes de cette effroyable chronique du malheur tranquille.A noter la réaction significative de Paul Léautaud mettant son nez dans un manuscrit de Bove qui devait traîner dans les bureaux du Mercure de France où il était employé. Frappé par le ton de Bove, Léautaud affirme, dans son journal, qu'il en fait des cauchemars. Pourtant il était l'initiateur d'un style qui se fait neutre, le plus économe possible d'effets, de relief. Mais celui de Léautaud fourmille d'humeur, et de sentimentalité, alors que Bove se maintient dans une neutralité éprouvante. On ne peut s'accrocher à rien, ni à personne dans cet univers, sinon être entraîné dans une sorte de dérive.
posté le 27-11-2008 à 14:00:56
Le bord du livre.
Chargé de l'illustration de la couverture de la revue Littérature, Picabia avait innové dans l'orthographe, jouant sur les mots il avait créé "Lits et ratures". Grande est la tentation de suivre son exemple en partant de Bord de livre d'inventer :"bordel ivre" ce qui conviendrait assez bien à un grand nombre d'ouvrages (et parfois parmi les meilleurs) et donnerait la juste mesure de ce qu'ils proposent. Ecrire n'est-ce pas s'avancer dans la fouillis de son âme, bousculer la réalité même quand on prétend la décrire, créer en somme un monument de désordre pour nous toucher, nous interroger, percer le secret de notre vie, de sa raison d'être.Qu'est-ce que le bord du livre sinon son aspect premier, sa matérialité, et le pouvoir de nous attirer. Quel plaisir (pour celui qui aime le livre) d'errer devant un rayonnage et d'y quêter le titre qui va retenir notre attention, nous séduire. Le bord du livre c'est un peu la plage qui nous annonce la mer. L'appel du grand large.
posté le 25-11-2008 à 13:55:48
Alain Cuny lisant "L'Affamée" de Violette Leduc.
Je l'avais reconnu à sa voix. Vibrante, avec des couleurs étranges qui s'alliaient si bien à la lecture de poèmes. C'était Alain Cuny qui fouillant dans les rayons (l'enclave réservée aux livres rares) avait déniché l'édition marginale de "L'affamée" de Violette Leduc éditée par Jean Jacques Pauvert sous l'impulsion d'un admirateur de Violette Leduc, le bibliophile Jacques Guérin.Portrait de Pauvert en ce temps là : " c'était un jeune homme froid, très froid, distant, très distant, une sorte d'oeuvre d'art glacée, avec un visage agréable au sourire méprisant d'asiatique. Il portait lunettes et costume étriqué. Timidité. Présence en retrait. Il débutait, il se cherchait". D'ailleurs l'ouvrage ne paraît sous le sigle de Pauvert à ses débuts mais celui qu'il s'était choisi : Palimugre. Le Soleil dans la tête s'était installé dans les locaux de ce qui fut cette ébauche de maison d'édition qui visait déjà très haut. Elle publiait de minuscules fascicules signés Sartre ou Camus. "L'Affamée" se présente comme un livre d'un format plus grand que l'ordinaire et tiré sur un papier grenu, la couverture en particulier, d'un beau gris, offrait cette texture qui retient le doigt qui aime s'attarder sur ces papiers rares, signe d'une recherche et de distinction éditoriale qui fait les livres cultes.
posté le 24-11-2008 à 14:48:16
Le manteau de Proust.
Il y avait le perroquet de Flaubert (empaillé et sur son bureau), il y avait la canne de Balzac (à pommeau d'ivoire), il y a le manteau de Proust. Tous les commentateurs, témoins, s'accordent pour souligner l'étrange silhouette que Proust se faisait en endossant cet épais manteau qui le protégeait du froid.Il le traînait aussi bien au Ritz où il donnait des dîners raffinés à ses relations aristocratiques (qui ne voyaient en lui qu'un aimable farfelus) que dans ce bordel de garçon de la rue de l'Arcade où il avait casé les meubles de famille hérités lors du déménagement de la rue de Courcelles.Sorti des moiteurs de la chambre transformée en prison pour élaborer son oeuvre, Proust traînait avec lui cette peau qui créait sa silhouette de malade fiévreux et de somnambule entraîné dans un rituel mondain dont il connaissait tous les codes et les usages en imposant moins une élégance héritée de sa classe qu'une figure déclassée et flottante dans ses propres chimères.Le perroquet de Flaubert soulignait un amarrage à sa table de travail (et un état de sédentaire), la canne de Balzac un étalage un peu puéril de sa vanité, le manteau de Proust une contrainte de la maladie, une défensive contre le quotidien qui le rongeait quand il naviguait en haute mer de sa mémoire.
posté le 17-11-2008 à 15:11:15
Le pays Prévert.
Plus que toute autre oeuvre poétique, celle de Jacques Prévert ressemble à un territoire balisé par celui qui l'occupe, et constamment enrichi d'apports qui relèvent de la même pensée, d'un unique tempérament. Où règne, ici, l'humour et une sourde colère. Un poète enraciné dans l'amour de l'humanité blessée, meurtrie, saccagée par un certain "ordre" social qu'il refuse. S'il fut compagnon des surréalistes c'est moins pour la recherche verbale qu'on y entreprenait (dont l'écriture automatique) qu'un esprit d'insurrection. Ce qui le faisait alors plus proche de "dada". Ce qui le conduit tout naturellement au spectacle. La vie en est un, dont il est moins le troubadour que le bateleur. Avec la verve imagée du montreur de foire qui invite le public à pénétrer dans la barque où l'on présente des "merveilles" ; le recours au verbe comme incantation, ou encore le rythme récitatif des conteurs. Ce qui le conduit tout logiquement du mot à l'image. Ses collages ne procèdent pas de la même technique qu'un Max Ernst (creusée dans une image ancienne pour y introduire des rapprochements insolites) encore qu'elle joue, elle aussi, sur la découpe d'images pour les dévier de leur signification première. Y introduisant moins l'insolite que l'insolence.Quand on s'engage dans le pays Prévert c'est tout autant pour y chantonner la mélancolie et l'amour blessé que refuser l'injustice, l'horreur des conventions, l'insolite du quotidien, un certain bonheur qui tient à ces menus choses qui ne sont données qu'à ceux qui les méritent.
posté le 12-11-2008 à 15:40:44
Le Carnet de Rimbaud.
On le dirait juste sorti de sa poche. Il devait l'avoir sur lui, randonneur inspiré, le secours des mots pour mieux s'enfoncer dans la délice des sensations. Reliure usée, abîmée par le frottement dans le sens de la marche. Ce n'est pas le carnet du sédentaire qui reste au fond du tiroir d'où on l'extrait parfois pour scander le temps de la réflexion ou du rêve, mais celui de l'errance, du risque, de l'aventure. Il y a, en Rimbaud, un homme en perpétuelle fuite. De lui-même ? de l'atroce quotidien qu'il bouscule.Bizarrement il rejoint le bleu infini qu'affectionnait Yves Klein, et qui en fit "son fond de commerce". Le bleu d'un ciel toujours recommencé. Le bleu de l'azur. Du noir y passe, y sommeille, s'y annonce. C'est un ciel d'orage.
posté le 11-11-2008 à 15:03:47
Jean François Chabrun, le surréalisme dans les années noires.
S'il n'est pas des premiers combats, en figure de proue avec ceux qui, dans l'entre deux guerres, militent pour le surréalisme, Jean François Chabrun prend le relais quand l'occupation allemande chasse les poètes et que, clandestinement, il assume avec quelques complices et amis la relève, sinon le maintien d'un esprit qui défiera la bêtise ambiante, l'horreur de l'Histoire. Avec Noël Arnaud l'ombre de Jarry, et quelques autres, ce sera l'aventure de "La Main à plume". Rimbaud est déjà cité, la couleur de la révolte y trouve ses forces.Chabrun vient des petits groupes qui, dans les années 1938-39, allument "Les Réverbères", une revue qui est un peu le vivier des forces nouvelles. On y trouve le peintre Jean Marembert, injustement oublié, le poète Léo Malet qui, venu de "dada", se lance dans la construction d'un Paris de fantasmes et de crimes (un peu à la manière d'Eugène Sue) qui en fait une sorte de Balzac d'un Paris poétique.Porteur de flambeau, Jean François Chabrun va fédérer ceux qui ne renoncent pas, ce sera "Le surréalisme encore et jamais".
posté le 11-11-2008 à 12:59:33
Le protocole de Vénus.
Tout commence par un choix. Celui de Pâris, qui d'entre trois belles (Minerve, Junon et Vénus) doit désigner celle à qui il remet la pomme d'or, signe tangible de son admiration. Dilemme angoissant et qui n'est pas sans conséquence puisque la guerre de Troie en découle. Est la logique conséquence d'une adhésion contenant en elle des refus qui blessent des susceptibilités. Nantie d'une sorte de label au regard des hommes et des dieux, Vénus va, désormais, conduire son action avec la sûreté et l'audace de celle qui se sait désignée pour, à son tour, trancher, choisir, imposer sa loi.Toute la comédie sociale va se développer autour d'elle. Elle en est l'ornement, l'objectif premier, une sorte de graal justifiant toutes les quêtes.Elle se donne en spectacle, elle mobilise l'attention, elle dirige les ondes du désir qu'elle inspire. Hors cet espace de la séduction elle perd sont statut, son pouvoir.Entre le Vénus (naissante) mise en scène par Boticcelli et la fille faisant son strip-tease dans le plus vulgaire beuglant il n'y a que la distance de deux civilisations qui y affichent leur conception de la gloire féminine, de sa séduction. Elle se met à la portée de ceux qui l'acclament, la vénèrent. Elle sera inaccessible avec les troubadours, très chèrement payée avec les courtisanes, mais toujours reine de leur espace avec ses ornements, ses références, son protocole.
posté le 10-11-2008 à 14:51:35
Un livre culte Alcools d'Apollinaire.
Un livre culte.Il provient de la collection de Jacques Guérin. C'est le jeu d'épreuves corrigées d' "Alcools" de Guillaume Apollinaire enrichi d'aquarelles du poète. Il témoigne du travail effectué par l'auteur sur l'imprimé. La suppression de la ponctuation (inspirée dit la légende par Blaise Cendrars ) mais aussi parce que selon Apollinaire lui-même : "le rythme même de la coupe du vers voilà la véritable ponctuation". Un changement aussi important : celui du dernier vers de "Zone". Il était "soleil levant cou tranché", il devient "soleil cou coupé" On connaît la prestigieuse destinée de cette formule reprise par Aimé Césaire, pour l'un de ses plus important recueils de poèmes.Certains des poèmes sont dédicacés à quelques amis et familiers du poète dont Paul Léautaud, Max Jacob ou Maurice Raynal.Jacques Guérin fut un prestigieux collectionneur et bibliophile qui avait su réunir des pièces d'exception. Avec une large place accordée aux poètes qui se situent à a la charnière des XIX° et XX° siècle
posté le 10-11-2008 à 10:58:44
Parade pour Posada.
Parade pour Posada.On est sous le soleil mexicain. Ardeur et passion. Tout y prend des proportions ignorées sous la clémence (?) de notre ciel européen. Affaire d'époque. Que l'on songe au moyen-âge aux farandoles, cortèges, processions qui déchaînent les bas instincts des foules. Car c'est une folie collective qui entraîne mêlés, fondus dans un seul mouvement, hommes et femmes, un instant avant s'ignorant, bientôt, par l'ardeur d'une ronde, confondus dans des étreintes où la volupté se confond avec une sorte de violence : celle qu'inspire la peur, l'effroi de la mort qui se joint au cortège, d'où les "danses de la mort" perpétuées par la sculpture, les images.Qui, fréquentant les Halles de Paris, et la place du Marché des Saints Innocents, peut échapper à l'espèce de stupeur qui suspend, là, le temps et nous transporte par l'imaginaire vers les cultes d'un moyen-âge si fertile en "esbatements" virils, ceux là même qu'évoque le truculent Rabelais.L'ossuaire a disparu ainsi que les tombes (elles furent les premières à gagner les profondeurs des Catacombes) et aujourd'hui des filles délurées font de l'oeil au passant en exhibant des tenues tapageuses et cuissardes de motard en écoutant, en cercle complice, des rocks durs sur une radio portative. La danse de la mort se camoufle.
posté le 04-11-2008 à 23:30:37
Apollinaire et le temps qui passe.
Le clic-clac du temps qui passe.Avec ses nonchalances, ses rythmes diversifiés, la poésie d'Apollinaire épouse les contours d'une mémoire et d'une sensibilité qui s'est colorée aux accents pittoresques du voyage, On le voit mobile, comme le mouvement des mots qui se cherchent, s'assemblent et flamboient d'une rencontre inspirée. Pratiquant le journalisme Apollinaire satisfait au mouvement qui le place en situation d'observateur, de témoin, alors que les mots, dans le jeu qu'il adopte, tournoient autour de sa sensibilité toujours en éveil.Alors, parce qu'il est dans la vie, le personnage même peut passer inaperçu, son allure est celle de quiconque. Vous le rencontreriez lors de votre promenade, rien ne vous dirait qu'il porte en lui des myriades de mots magiques.La légende a retenu un Apollinaire à la tête bandée des suites de sa blessure sur le Chemin des Dames (il fallait bien que ce fut en un endroit ainsi nommé) que nous propose Picasso qui le fréquente alors avec assiduité. Le poète transformé en icône. Le clic-clac du photographe (serait-ce, ici, le poète ami André Rouveyre ?) retient un homme dans son ordinaire, le visage en attitude de questionnement, comme s'il s'adressait à celui qui le fixe sans complaisance.
posté le 04-11-2008 à 23:03:40
Silhouette de Sima.
La vie littéraire s'appuie aussi sur le monde de l'art. La commentant, la complétant, lui donnant une dimension visuelle qui entre pour beaucoup dans son audience.Le surréalisme aura largement usé du concours des peintres qui lui assurent une part considérable de son prestige et de son attrait. L'exemple aura été suivi. Ainsi du groupe que Léon Pierre-Quint fédère sous le sigle du "Grand Jeu". Léon Pierre-Quint est un esprit libre, ouvert, aux curiosités multiples. On lui doit de remarquables observations sur Lautréamont. Il pilotera un réseau éditorial qui donne toute ses chances à un poète (réputé difficile) comme Roger Gilbert Lecomte. Une amitié intense, une complicité fidèle donne toute ses chances à une voix essentielle de la pensée et de la poésie des années de l'entre deux guerres.Le peintre complice, c'est Sima, venu des brumes de l'Est, chasseur de mystères, inventeur d'un monde délicat et fluide où des ombres surgissent comme venues d'une eau profonde.C'est dans la délicieuse et calme cour de Rohan (débouchant du passage du Commerce, à l'Odéon) que Sima a installé son atelier (il y a aussi Balthus qui fait du lieu le sujet d'une de ses toiles les plus audacieuses).On a, là, la conjoncture des personnages et du lieu propice au développement de leur personnalité. Léon Pierre Quint est saisi dans toute la subtilité de son évanescence, un profil d'aristocrate, une désinvolture de dandy. Ami des poètes, leur complice drapé dans son mystère. La pudeur de l'intelligence.