Cybel: et on dit : une héroïne, en faisant la liaison ...
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posté le 25-05-2011 à 16:30:58
Colette à l'ombre de Willy.
Arrivée sur scène d'une petite paysanne délurée (Gabrielle Colette) grandissant dans une famille non conformiste où s'impose Sido. Déjà le goût des sensations naturelles (marcher pieds nus dans l'herbe, s'enivrer du parfums des fleurs, s'identifier à la force végétale) forment une future Colette dans les limites de son monde même s'il s'inscrit bientôt dans celui de Willy, la fanfaron connu de "Tout Paris", fils de famille (dans l'édition) et critique musical de renom qu'elle épouse. Mais ce n'est pas tout. Willy, épris de gloire et de mondanité, va créer un atelier d'écriture (une usine !) où des "nègres" affluent qui seront quelques unes des plumes les plus savoureuses du temps (Jean de Tinan, Curnonwsky, Paul Jean Toulet ) Devant l'espièglerie de sa jeune épouse Willy la pousse à écrire ses impressions d'écolière. Ce sera la naissance de Claudine (tour à tour à l'Ecole, en Ménage) et le succès assuré pour Willy qui signe effrontément la prose de sa femme.Outre la main mise sur le talent de sa femme, il se conduit en mâle à qui tout est permis (l'époque le veut), multipliant les maîtresses et favorisant les instincts saphiques de Colette qui devient avec son amie Misty (duchesse de Motny) le couple lesbien le plus scandaleux de Paris, surtout qu'il se produit sur les planches dans des mimes vaguement coquins.Colette avec Willy devient elle même. Atteignant la gloire quand Willy, auteur (par captation de la prose de ses nègres) d'un nombre considérable d'ouvrage, reste une curiosité pour bibliophiles. C'est en surprise que l'on trouve parfois, chez les bouquinistes, des livres signés de lui, publiés à la va-vite, mais qui ont le charme des choses passées.
Comme un souvenir lointain, celui d'avoir rencontré Michel Rachline qui ne m'avait pas laissé une bonne impression. Une assurance (très parisienne) de celui qui a ses entrées partout, sait tout, peut débiter des informations qui nourrissent les réputations (ou les défont) et que les maîtresses de maison un peu snob adorent avoir dans leur dîner. Un bouffon en somme.Et puis un mince petit livre sur Jacques Prévert découvert chez Monalisait.L'allusion à Prévert seule justifiait qu'on s'y arrête. D'ailleurs je n'avais même pas remarqué le nom de l'auteur étant surtout fort amateur de biographies.Le charme opère tout de suite. Ce n'est pas une biographie ordinaire. C'est une déclaration d'amour. Simple emportée, traversée de souvenirs, et le mélange des souvenirs de l'auteur avec l'évocation du poète fonctionne très bien. On y gagne une présence de celui-ci. Sans concession, sans détours, avec la franchise qui était d'ailleurs dans sa nature. Rachline ne construit pas une icône mais nous fait entrer dans l'intimité d'une admiration-amitié qui a la franchise de son modèle. Ce serait ça l'image du vrai poète !
Peu d'écrivains suscitent, comme Proust, une sorte d'amour fétichiste mêlant l'homme à l'oeuvre et sa souffrance comme le prix à payer pour la mener à bien.A se demander si l'énorme entreprise de la Recherche n'est pas une manière de défier son mal de vivre, et sa mise à l'écart de la réalité qu'il aura, avant d'être terrassé par le mal, pris le soin d'observer en s'y mêlant non sans un mélange de flatterie et de cynisme. L'aurait-il, jeune, évitée, négligée, qu'il n'aurait pu s'appuyer pour écrire que sur l'instant de sa douleur, en rétrécissant progressivement son champ d'investigation, et, au final, s'asséchant sur lui-même.Le miracle veut qu'il ait constitué une réserve fabuleuse d'émotions, de personnages, pour les assembler comme en un puzzle géant.Alors que Balzac est proche du journaliste qui relate une chose observée de près et mise en musique par le génie du verbe, Proust construit sa musique sur le seul secours de la mémoire. Peu à peu, et Swann en ouverture du spectacle, voici que s'avancent les personnages recomposés dans le silence de la chambre tapissée de liège. C'est le formidable transfert dans une sorte de tapisserie chatoyante et finement brodée où les mots s'assemblent comme sur une partition musicale pour donner leur timbre le plus riche et le plus complexe dans les assemblages, la menée de la mélodie qui devient une vaste symphonie. Achevée.
Gamin encore, et mal dégourdi, pris en main par un lointain cousin, grand d'Espagne et coiffeur de métier (il coupait les cheveux des stars du cinéma d'alors et me traînait derrière lui pour combler ma curiosité) je déambulais les jeudi et les dimanche dans les rues pentues de la Butte Montmartre dont il connaissait (en riverain) tous les secrets. Sa culture était vaste et désordonnée. Il me faisait découvrir les traces des peintres et poètes qui avaient encore laissés là leurs souvenirs devenus des légendes (les choses ont bien changées). Il me faisait descendre l'escalier de mauvais bois du Bateau Lavoir, pour retrouver le souvenir de Max Jacob, de Domergue et de Picasso. Pour un peu on pourrait croire qu'il les avait rencontrés. Passant devant un sobre immeuble dominé par une haut grenier et sa lucarne ovale il me déclarait : - c'est là que vivait Pierre Reverdy.Il semblait porter une attention particulière à ce poète qui n'aura jamais atteint la gloire universelle s'il retient l'attention (et la passion) d'une élite.C'est bien plus tard, dans le sillage de l'Ecole de Rochefort dont Jean Rousselot était alors le plus pressant ambassadeur, que je découvrais les poèmes d'une couleur quasi monastique qui ont séduits toute cette génération, et jusqu'aux surréalistes qui ont finalement leurs racines chez Valery (quel paradoxe) et Reverdy qui les avait accueillis dans sa revue "Nord Sud". Allusion à la ligne de métro qui portait longtemps ce nom et ralliait Montmartre à Montparnasse.Les voitures bringuebalaient dans un jeu brillant de cuivre et d'émail avec le joli dessin 1900 des sigles du Métropolitain. Cordon ombilical des forces poétiques qui défient le temps.
Il aura fallu s'engager dans l'étroit couloir pavé du Passage du Commerce. Celui qui a la mémoire des lieux croit entendre le bruit métallique de la presse de Marat qui imprime là sa feuille explosive (aujourd'hui derrière des panneaux de verre on expose des meubles design) et à quelques mètres plus loin c'est l'atelier où monsieur Guillotin expérimente sa terrible machine en sacrifiant des moutons venus d'une ferme du Loiret où il a ses habitudes. Puis, dans un coude des maisons souvent de guingois, l'arrière du Procope. On entend le murmure des voix, c'est Diderot qui discute avec Jean Jacques Rousseau. On y parle de Greuze. Le passé vous tombe dessus, comme une pluie d'orage quand vous vous attardez, freiné dans votre marche par un sol qu'eut aimé Proust qui butait sur les pavés de la cour de l'Hôtel de Guermantes.Et puis, en surprise, un portail comme on en voit à l'amorce d'une noble allée dans les maisons de campagne que fréquentent les épiciers enrichis, uniquement en fin de semaine, en traînant derrière eux des flopées d'enfants sortis de leur pensionnat. Derrière, protégée, une cour entourée de maisons austères qui portent des végétations grimpantes comme les bourgeoises en sortie, leur collier de perle.Sima, le doux peintre ami de Jouve et de Roger Gilbert Lecomte avait là son atelier. On y parlait poésie et ésotérisme. Un air à la fois sévère et d'une profonde mélancolie s'élève comme une odeur d'encens parmi les vignes vierges et la ronde des volets fermés, tant le calme est grand qui fait un écrin magnifique à cette musique surprenante en ce coeur de Paris alors qu'à quelques mètres à peine, le boulevard Saint Germain lâche ses cohortes de voitures agressives. J'y ai vu, attablé au café qui fit l'angle de la rue de l'Ancienne Comédie, le poète Benjamin Péret, sirotant avec gravité un haut verre d'une boisson teintée en vert. Pour donner des couleurs au poème qu'il mijote.
Comme frappé par la foudre (il le fut) déchiqueté à la Révolution par un entrepreneur de construction qui en use comme d'une carrière de pierre, le château de Mehun sur Yevre s'inscrit dans le paysage comme une agression, l'affirmation d'un pouvoir qui passera des mains du duc de Berry (un des oncles prédateurs du pauvre Charles VI) à Charles VII qui y meurt non sans y avoir exercé son mince pouvoir de prétendant dépossédé de l'essentiel de ses biens territoriaux. Jeanne d'Arc y passe, qui y reçoit des mains du souverain le titre de noblesse qui la distingue avant que la sainteté ne l'emporte et les partis politiques la prennent en otage.Mehun sur Yevre en lambeaux et repaire à corbeaux, s'est posé comme un épouvantail au bord d'eaux dormantes sillonnées par des chemins aux allures de parc public. C'est un lieu arraché au temps, donné en pâture à la rêverie solitaire et la nuit à d'étranges ballets où la morale fait défaut.n
Elle se déroule sur 68 mètres 30, c'est la tapisserie de Bayeux. Ou, plus exactement, une broderie due à la reine Mathilde (selon une légende parfois contestée), commandée par Odon de Bayeux, demi-frère de Guillaume de Conquérant et qui relate (en lui donnant une allure mythologique) la conquête normande de l'Angleterre en 1066.En neufs panneaux elle constitue une sorte de chronique où passent, et trépassent six cent vingt-six personnages, deux cents chevaux et une multitude d'animaux divers dans un décor de catastrophe mais traité d'une manière joviale, où la main d'une femme donne un peu d'humanité à ce qui n'est après tout qu'une histoire de bataille. Un ton familier, badin, avec de délicieux détails comme quoi la broderie qui est un art de la lenteur, de l'attention, de la rêverie maîtrisée, est le support d'une dimension imaginaire dans le rythme d'une vie casanière.Même l'exaltation de l'héroïsme se fait sur un ton qui est plutôt celui du conte que de la rubrique guerrière. La guerre désincarnée par le charme d'une femme qui la voit de son château, Elle s'offre des fantaisies (les animaux en bordure), détaille des aspects de la vie pratique, offrant ainsi un véritable témoignage de son temps.On y voit parfois l'origine de la Bande dessinée, s'appuyant sur le principe narratif par cases successives. Une vision cinématographique aussi de l'Histoire.Elle a une place unique et d'exception dans les Icônes de l'Histoire.
Comme celui de Lautréamont le visage de Sade est resté inconnu (celui de Lautréamont a cependant été retrouvé dans les années 70 par J.J.Lefrère).Sade encore dans les limbes de l'imaginaire de ceux (nombreux) qui tentent de reconstituer la présence physique de celui qui a si fortement marqué les esprits par la virulence de son verbe, la violence de ses idées, la soufre qui entoure sa légende.Quand l'imagination se substitue à la réalité toutes les voies sont ouvertes, et celui qui dépeint son modèle en dit long sur lui.A ce stade le portrait devient un autoportrait.L'humour de Man Ray s'est distingué dans son portrait de Sade constitué par un amoncellement des pierres de la Bastille qui fut sa prison jusqu'aux premières heures de la Révolution (dont il fut peut-être un des initiateurs !).D'autres ont imaginé un seigneur de son temps dans un fouillis de dentelles et de luxe, afin de signifier son statut social (tout prisonnier qu'il fut).Il est traité comme une icône. Et le voici dans une ronde allégorique énumérant les diableries parmi les quelles l'illustrateur a voulu l'imaginer, non sans naïveté.
Joan Miro avait commencé comme tout peintre qui, débutant, s'embourbe dans la matière, lève de tonnes de couleurs qui s'encrassent. On sait (l'histoire nous le dit) que c'est à partir de "La Ferme" qu'il se découvre, faisant, de celle-ci, un émiettement de détails, chacun prenant son autonomie.Dès lors, il était près pour occuper l'espace en des visions aussi vastes que ses rêves. Ce sont des plongées dans les galaxies, des abysses mouvantes, des danses exotiques et des gestes fous.Lutins, corps en lévitation, étoiles chutant des sommets de l'infini, tout se met en branle et fait de chaque toile une fête.Il est familier des galaxies, sorte de Charon mythologique qui fait passer le fleuve de l'espace pour conquérir des continents scintillants et ardents de neuves forces, à moins qu'il ne soit, tel Icare, filant vers l'infini, autrement dit un imagier d'espaces nouveaux où l'oeil aime à se perdre.
A en croire des photographies faites à l'époque, l'Ecole, devenue obligatoire, était censée conduire l'enfant vers des valeurs sociales (morales) propres à en faire un bon citoyen. Sur les murs, entre le tableau noir et les belles cartes de géographie, représentant les continents, aux couleurs vives, étaient épinglés des cartons sur lesquels le maître avait calligraphié des phrases que l'on apprenait par coeur, maximes qui tirent toujours leur force de leur valeur poétique.Cet art de l'économie des mots pour dire l'essentiel rejoint la poésie dans ce qu'elle a de plus distingué et de plus fort. René Char est passé maître en la matière.Piéton inconditionnel et parce que ce genre de formulation jaillit souvent lors d'une marche et d'une conquête tranquille de l'espace, Restif de la Bretonne avait pour habitude (il était presque un riverain habitant la rive gauche) de faire le tour de l'Ile Saint Louis et d'y graver, dans la pierre des berges, des phrases (Mes inscriptions) qui relevaient de cet art de la brièveté.Mais, en raison de la sensibilité excessive et démonstrative de l'auteur (bien de son époque), la maxime devient aveu, note hâtive, invective, une sorte de condensé de ce que pourrait être un Journal intime. Devient son journal intime. C'est "un ensemble de notes écrites pour saisir au vol une idée, garder mémoire d'un dîner, d'un malaise ou d'un rendez-vous, soulager sa colère ou adoucir son chagrin". Dire une douleur c'est la chasser de soi. L'offrir sur l'autel de la déambulation pour que le passant d'un léger coup d'oeil puisse la recueillir, s'en soucier. La légende veut qu'en cherchant bien on en trouve encore quelques unes, sensibles au toucher sur le grain de la pierre. Les amoureux qui s'y accoudent les soirs d'été peuvent ainsi entre un baiser et une caresse recueillir la pensée vive et écorchée du pauvre Restif, l'homme de l'errance urbaine.
Curieux la différence de vision qu'ont de la femme Picasso et Matisse. Celle de Picasso est (mise à part quelques exceptions) plus souvent agressive, pathétique, douloureuse, en état de tension et au bord de la tragédie. Il n'est pas espagnol pour rien, héritier de Goya.Matisse donne dans la douceur, la volupté, penchant pour des attitudes d'odalisques, de femmes au repos et comme offertes à la douceur.Il peint moins le désir, générant la violence chez Picasso, qu'une une sorte d'extase amoureuse où le corps triomphe dans une disponibilité tranquille. La femme est à l'égal de la fleur, une émergence naturelle de la nature, sa vitalité nonchalante.La couleur est rayonnante, solaire, créant un climat de sieste éternelle, de volupté sans agressivité ni excès.Le trait, chez Picasso évoque la blessure, il est nerveux, ardent, colérique, agressif, destructeur. Chez Matisse il est aérien, voluptueux, élégiaque, et son absence parfois donne libre cours à la diffusion de la couleur comme une montée de la lumière aux heures chaudes de la journée.Picasso tend vers la violence qui évoque la mort, Matisse cultive l'éternité du Paradis où l'idée de l'amour n'était pas freinée par celle du péché.
Quand deux "monstres" de la littérature se rencontrent, que se disent-ils. On a souvent cité le cas de la rencontre (furtive) de Joyce et Proust qui font un trajet en taxi dans Paris.Un bref instant d'échange où sans doute il eut été difficile d'aborder de grands problèmes. De fait, curieux l'un de l'autre, ils s'en tiennent à une conversation que n'importe qui aurait alors, au devant de sa porte, en faisant la queue à la boulangerie de son quartier. Rien pour briller, ce n'était pas un championnat d'intelligence comme il est d'usage d'en entreprendre lors d'un dîner en ville (il y a des spécialistes de cet art de l'éphémère et de l'esbroufe et Proust dont on appréciait tant l'art de l'imitation n'est pas en reste). Barrière de la langue, timidité, refus de s'engager plus loin que les banalités de la politesse. Le chauffeur de taxi n'aura pas eu l'impression de faire une course d'exception qui aurait pu être une page d'Histoire. Une question reste sans réponse. Qui a payé la course ?
Encline à se vanter de ses nombreuses relations (aussi bien dans le monde littéraire que politique) la princesse Bibesco ne pouvait se passer d'une prestigieuse relation (fut-elle ténue) avec Marcel Proust. A partir de quelques rares entrevues, mais un nombre plus important de lettres qu'elle met en valeur dans un petit volume (Au bal avec Marcel Proust), elle fait un portrait de Proust qui ne manque ni d'intérêt ni de subtilité.On ne peu nier la force de certains de ses portraits, même s'ils sont toujours dressés comme un faire-valoir de sa propre personnalité.Ainsi en est-il de sa première rencontre avec l'auteur de la "Recherche"." J'éprouvais du déplaisir à la voir là. Pourquoi avait-il gardé son manteau en entrant dans le bal ? Ainsi vêtu, il jetait un sort. Dans une fête les gens vont et viennent, sont en mouvement, même ceux qui ne dansent pas ; l'air brûlant, léger est à la température des épaules et des bras nus. Que cherchait-il ici, cet homme étrange qui grelottait intérieurement ? Sa vue seule me donnait le frisson. Le corps pris dans une pelisse trop large, il avait l'air d'être venu avec son cercueil.... Dansant à l'autre extrémité de la salle, il m'apparaissait dans les intervalles laissés par les couples, avec sa face exsangue et sa barbe noire de Christ arménien au tombeau".
La manière de représenter la femme dénonce son statut social. Elle s'affiche dans l'état du regard que l'on porte sur elle. De fait ce sont les hommes qui assurant la représentation, la définissent dans le rôle qu'on lui accorde.Les photographes de mode sont, pour la plupart des hommes et ils s'inventent une femme telle qu'il la désirent, la faisant désirable. Les siècles passés manipulent moins l'opinion s'ils restreignent souvent la femme à un rôle dont elle n'est pas maîtresse.La moyen-âge est à ce propos particulièrement représentatif qui enferme la femme dans sa condition de maîtresse du foyer et lui limitant son espace à celui d'innocents travaux (souvent d'aiguilles, faisant de chaque femme une sorte de Pénélope).N'est-elle pas, le plus souvent, au service de l'iconographie religieuse qui la fait mère (de Jésus elle devient Marie, la Vierge).Pourtant, dans le même temps, elle est érigée au rang d'une sorte de beauté inaccessible. Les troubadours tissent autour d'elle, et en son honneur, des poèmes qui chantent ses charmes, sans songer à en abuser. Et la femme telle qu'ils la représentent, se tient sur une réserve qui la divinise.Les femmes d'aujourd'hui, qui entrent dans l'arène du désir et s'affranchissent de toute contrainte, sont des divinités d'un autre genre. Ne sont-elles pas aussi des diablesses ?
C'est bien le charme et l'attrait d'un portrait "mondain" de Vuillard qu'il ne tombe pas dans le cliché, jouant la flatterie et donnant de son modèle une vision stéréotypée qui répond à des exigences souvent futiles.Avant d'être un portrait de la Princesse Bibesco (un caractère !), Vuillard fait un tableau qui est de son monde. Ouaté, appliquant religieusement la matière picturale sur une description minutieuse de ces choses que créent un cadre de vie, et en disent long sur ceux qui le choisissent. La princesse Bibesco se fond dans un climat douillet qui est propre à Vuillard et fait l'exquise douceur de ses compositions déclinant des intérieurs feutrés (pas nécessairement luxueux). Avec ce sens unique de donner une sorte de chair à la matière, une vibration qui joue avec la lumière.
D'avoir été la compagne de Léon Paul Fargue (dont la célébrité couvre aussi bien le monde des lettres que celui des "salons") aura rejeté Chériane dans son ombre et sans doute occulté ce qu'elle apporte à la peinture alors que celle ci dans son ensemble (et que l'Histoire retient) joue la modernité et la recherche de la nouveauté dans un rythme de surenchère, quand elle demeure dans un registre intimiste qui ne manque pas de charme. Mais n'est-ce pas le prix de la peinture qui ne cherche pas à défier la réalité et en tire des accents personnels et nécessairement sentimentaux. Une peinture qui s'applique à dire l'instant, le quotidien dans son déroulement immuable, qui fait tout son prix à ceux qui savent le vivre avec intensité et par les sens plus que par la réflexion. Se laisser porter par les petites choses qui lient les êtres, confortent des amours, parent la vie de quelques uns de ses plus beaux atouts.
Le titre, d'emblée, incline à une lecture tranquille, un peu celle qu'on accorde à des textes qui demandent à mûrir en nous quand on les a assimilés. René Char apporte à la poésie la dimension de la maxime, de l'énoncé philosophique (voire moral) ce qui donne à chaque phrase le poids du temps qu'elle meuble, comme un souvenir très cher, une patience qui est celle de la sagesse.Miro vient dans ce territoire si épuré, jetant taches et signes comme pour musarder dans un parterre de fleurs épanouies. C'est tout le charme de sa pratique, encore qu'il possède le savoir avec pudeur et la philosophie avec respect. Il faut le voir, se promener rêveur dans son atelier et distribuer ça et là, sur des toiles en attente, ces signes qui sont non seulement les marques d'un passage mais la quintessence de la sagesse qu'il distille avec méticulosité, un rien de retenue, ce qui est bien un paradoxe quand on voit sa peinture en coulées, jetées, mais ce sont des instants fixés dans l'instantanéité de l'émotion. Philosophie et sentiments font bon ménage.
Le dessin n'est-il pas souvent la promptitude de l'émotion. La dire en mots exige une recherche de ceux ci, pour trouver les mieux adaptés. La culture intervient alors que le dessin est l'instantané que la main délivre avec une fulgurance qui est naturel à l'homme. Le dessin spontané n'est pas une affaire de savoir mais de sensibilité. Hugo n'étant pas un dessinateur "formaté" par un enseignement, mais conduit par le seul plaisir de faire jaillir des images, atteint des trouvailles qui valent bien tous les discours. En marge de ses textes, peut-être pour en mieux cerner l'évolution, il croque des visages, ceux de ses personnages. On rejoint là l'art de la caricature, on force sur l'expression, lui donne une intensité que le dessin académique est incapable de trouver. Il ne manque plus ici que le mât de cocagne ? Non on l'imagine bien.
Sans doute la peinture de Ducan Grant peut paraître un peu "dépassée" mais est-ce si grave, et ce critère n'est-il pas périlleux qui élimine une quantité d'artistes de l'histoire de l'art sous prétexte de n'être pas dans le courant du "progrès".Grant (comme les artistes liés au groupe de Bloomsbury, telle la merveilleuse Dora Carrington) pratique une peintre étroitement liée au quotidien et au cadre dans lequel elle s'exerce. On s'entoure de son monde intérieur en créant un cadre qui le reflète. Ici aussi on ne se met pas au goût du jour. J'aime ces intérieurs qui en disent long sur ceux qui les habitent. Une maison est comme un nid. L'oiseau le fait avec patiente, obstination, dans le cours du temps pour y façonner une vie en harmonie avec les siens.On peut imaginer des soirées tranquilles, ferventes dans un tel cadre plus intime que fastueux.
On nous dit que c'est une "lady de Bagdad". Sans doute à une époque où la ville évoquait les "Mille et une nuits" et non pas la guerre, le terrorisme, la mort au coin de la rue. La femme sortie du harem et vouée au plaisir. Elle en tire une sorte de beauté épanouie que la peinture Orientaliste a si bien su exploiter répondant au goût un peu pervers d'une clientèle (la bourgeoisie "fin de siècle") par ailleurs si complexée et ne voyant la femme qu'au bordel ou au foyer.Posant le problème du statut de la femme dans la société. Servile alors, et la beauté comme une monnaie d'échange. Libre, aujourd'hui, la femme vivra sa beauté pour son seul plaisir et non celui d'un homme qu'elle n'aimerait pas.La peinture qui s'en tient à l'anecdote, avec toutes les réserves que l'on ne manque pas de prendre à son égard, a au moins le mérite de dire une réalité sociale que seule la photographie, aujourd'hui, peut traduire.A la "lady de Bagdad" répondent les filles filiformes qui occupent les magazines féminins vantant la recherche du plaisir à travers des attitudes, des vêtures souvent inventées pour révéler les charmes du corps.
Touriste, Victor Hugo suit la mode qui est au moyen-âge. On prend alors conscience de la valeur du patrimoine et à la réhabilitation des ruines fort nombreuses qui émaillent le territoire. Bientôt Mérimée va créer l'organisme qui recense ces trésors, militant pour la restauration de certains d'entre eux (Pierrefonds). Victor Hugo aime, dans ses voyages amoureux (avec Juliette Drouet), marquer son passage, retrouvant le geste (au fond iconoclaste) qui consiste à signer quelque phrase de son nom pour s'emparer moins du monument que du moment magnifié par l'échange amoureux dont il fut le témoin.J'ai souvenir, au délicieux donjon de Septmonts (près de Soissons), qui avait failli devenir un domaine de la famille, d'avoir découvert parmi de nombreux graffitis une inscription de la main de Victor Hugo.Mais c'est aussi l'attrait des châteaux qui balisent le cours du Rhin que Victor Hugo éternise par des dessins d'une sombre vigueur. Dans un climat de catastrophe, au coeur des "orages désirés", que l'on imagine le repaire de quelque seigneur farouche, emprisonnant quelque nièce encore vierge qui éveille sa concupiscence. Hugo frôle là le caractère emphatique des romans terrifiants sans y participer laissant ce soin à ces amis du cénacle romantique comme Charles Nodier. La promenade vaut le détour.
On ne peut concevoir Lawrence (Lorenzo) sans Frieda, l'anglais d'origine modeste et la baronne allemande, couple infernal dont leurs amis affirment qu'ils vivaient dans une constante passion entre haine et désir. La vaisselle vole en éclat et les mots s'échauffent, laissant les témoins entre stupéfaction et désolation. Mais Lawrence a besoin de Frieda pour revitaliser sa vision de la femme. Plus Junon que Vénus et porteuse des forces primaires, de la terre féconde, des éléments déchaînés.Du rôle de la compagne dans l'élaboration de l'oeuvre. Beaucoup auraient évoluées différemment, à commencer par celle de Lawrence qui cherchait dans l'humain ce qui l'avait sauvé le plus radicalement des méfaits de la civilisation. Au point d'atteindre ce "ridicule" que dénonçait André Breton qui ne voyait en lui qu'un naïf égaré chez les intellectuels. Lawrence le fut-il ? Empli d'illusions. On connaît sa volonté de créer une sorte de phalanstère, préfiguration des tentatives de vie commune à la suite de Mai 68. Avec quelque chose de la philosophie orientale pour corser les rapports entre les êtres, les arracher à la civilisation occidentale, décadente et viciée aux yeux de l'auteur de Lady Chatterley. Ceci conduit à cela : un livre qui aura beaucoup fait pour la libération des moeurs.
C'est la maladie (syphilitique de naissance et de santé très fragile) qui va dominer l'oeuvre de Louise Hervieu (roman et peinture). Et c'est bien un cas particulièrement émouvant que le sien, que l'on voit plongée dans une dépendance quotidienne à la souffrance. Elle en tire les sources mêmes de son travail, et il n'est pas étonnant qu'elle se soit spécialement attachée à l'illustration des oeuvres de Baudelaire. Elle leur donne un accent pathétique, très féminisé et plongé dans les affres et les tourments d'un corps livré aux ombres de l'angoisse et de la douleur.Sans jamais tomber dans le sentimentalisme bon marché ni la vulgarité. La drapant de luxuriance et de troublantes rêveries morbides.Elle sera spécialement mise en valeur (et reconnaissance) dans le milieu médical, non pour l'étrangeté de sa vision (ce sera le cas pour des oeuvres qui intéressent aussi la psychanalyse) mais la touche de forte sensibilité qui atteint la réalité et en tire des cris déchirant.
C'est bien l'une des constantes de la poésie surréaliste (ou revendiquant son appartenance à l'esprit du groupe l'illustrant) que de se placer sous le signe de l'amour. Il est décliné en toutes les langues et c'est bien là la portée universelle du surréalisme que se s'adapter à toutes les cultures tout en l'infléchissant vers des thèmes fédérateurs et qui constituent sa base (et son matériau). Encore que la référence à l'amour, sous le couvert de langues différentes, peut s'infléchir vers des traits spécifiques, une teneur qui est propre à chacune.L'élan seul est universel. La femme en ligne de mire et comme du temps des troubadours, l'objet d'un culte qui englobe toutes les formes possibles, de l'invocation à l'érotisme, encore que l'érotisme est plus naturellement un langage universel dont les codes sont largement partagés.C'est un autre poète André Coyné, qui avait introduit l'oeuvre de César Moro (peu connue en Europe et particulièrement en France) au Soleil dans la tête. On mis aussi l'accent sur le dessinateur. Sans prétention mais fécond et d'une imagination débordante.
Comment ne pas être admiratif d'une "carrière" comme celle de Maurice Nadeau prêtre marginal des lettres et grand lecteur devant l'éternel. Collégien, j'avais découvert le surréalisme grâce à "l'Histoire du Surréalisme" qu'il venait de publier, accompagnée du volume de documents qui constituait une sorte d'anthologie des textes fondateurs du mouvement.Bien longtemps après j'avais le plaisir de collaborer à son journal "La Quinzaine littéraire", voisinant avec quelques unes de plus séduisantes signatures, car c'était un journal rédigé par des écrivains (c'est toujours). Pourtant, mon statut de journaliste professionnel m'interdisait de travailler gratuitement, ce qui était le cas dans cette publication qui restait confidentiel en dépit de son prestige.Nous dûmes nous séparer et j'ai toujours regretté de ne pouvoir continuer cette collaboration rendue agréable aussi par la présence d'Anne Sarraute (fille de Nathalie Sarraute) qui y assurait l'organisation de la Rédaction.L'enjeu pour un critique d'art enfermé dans une catégorie trop limitée du journalisme (et sujette au scepticisme du lecteur ), c'était de s'ouvrir aux rapports féconds de l'art et de la littérature, ne jamais dissocier celle-ci de celui là. Voir la critique d'art avec le regard d'un Baudelaire ou d'un Apollinaire, dans une recherche d'écriture qui puisse devenir une création en soi.
Le succès fut grand au XVIII° siècle lors de leur publication, et les noms d'Horace Walpole, Ann Radcliffe, Mathew Gregory Lewis, Hoffmann et Charles Robert Mathurin vont s'engouffrer dans l'histoire de la littérature anglaise sous le label de "Romans terrifiants" ou encore "Romans Gothiques". C'est que le décor y incitait qui déclinait de sombres châteaux où gémissaient de pauvres jeunes filles (vierges) tyrannisées par des oncles lubriques et cupides. Ne manquaient pas des religieux pervertis, des religieuses nymphomanes et tout un monde propre à jeter l'effroi aux yeux candides du lecteur. Le genre peu à peu perd de son acidité. Il va perdurer durant le Romantisme mais en perdant de la saveur de son parti pris si excessif qu'il en devient touchant. Le marquis de Sade lui donne une tournure infiniment plus radicale et philosophique avec "Les 120 journées de Sodome" cette espèce de rituel réglé par la logique mathématique qui décide des pratiques sexuelles d'un groupe de participants enfermés dans un château perdu dans la montagne.Pour un esprit adolescent la découverte du roman terrifiant constitue une étape vers la révélation des littératures marginales et son territoire de prédilection, le Surréalisme.Pour ma part je le découvre dans des ouvrages édités dans des officines douteuses, racoleuses, qui brochent de méchants petits volumes sous des couvertures, criardes et d'un si vulgaire laideur qu'elles en deviennent fascinantes.Il manque à ce genre littéraire des illustrateurs de qualité, à moins que, par ses excès même, ce type de roman ne soit pas "illustrable". Sinon que chacun s'y fait son propre cinéma. C'est sans doute le meilleur.
En Nusch s'incarne l'idéal de la femme tel que le Surréalisme l'a instauré, célébré.La compagne de Paul Eluard (rencontrée lors d'une drague dans la rue) fut sa muse et celle de ses amis (Man Ray, Picasso). Sa beauté fragile se profile en marge des poèmes qui l'exaltent, et à travers elle la femme, comme le firent les troubadours du moyen-âge, sinon qu'elle est accessible parce que libre et l'affichant, le revendiquant. L'amour vu par les surréalistes n'est pas marqué par les préjugés bourgeois (ou chrétiens) qui y associent une notion de propriété, signe évident du misogyne qui veille en tout homme.Elle préfigure la femme contemporaine qui dirige sa vie amoureuse en toute indépendance avec ou sans la complicité de ceux qui l'aiment et la désirent.Elle traverse le Surréalisme comme l'éclair de la foudre un ciel de plein été.Donnant à l'amour la dimension de la fulgurance.