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lettres de la campagne

posté le 31-12-2010 à 11:15:43

Elsa Triolet sur le Pont des Arts.

Je la revois, noiraude, tassée dans ses châles, avec quelque chose des vieilles paysannes qui viellent un mort en Corse, ou des pleureuses antiques. Appuyée contre la cheminée dans ce logis haut perché où avec Aragon elle menait, tenace, une entreprise littéraire qui aura accès au succès grâce à son compagnon.Elsa Triolet se laisse aller à des confidences, elle aura traversé le vie d'Aragon comme une tenace ouvrière de la littérature, pour créer ces fameuses oeuvres parallèles qui ne prouvent rien, l'apport d'Aragon passant par l'insolence, le brio, la provocation et la volonté de refaire une immense saga de la société où il piaffe, même âgé, comme un adolescent trop doué.Elsa Triolet donc, s'aventurant dans une sorte de roman à plusieurs voix qui dessinent une femme certainement pas à sa ressemblance mais crédible, quoique conventionnelle, entre célébrité et clochardisation. C'est "Ecoutez voir". L'idée qui mène le courant des mots, c'est de se glisser dans la proposition des illustrations qui précèdent le texte (Hans-Baldung Green, Gustave Doré, Max Ernst, Man Ray, Caravage, Donatello, André Masson, Jérôme Bosch, Memling, Soutine, Lorenzetti, Carpaccio). Un procédé éminemment séduisant, auquel chacun peut se livrer, l'histoire ayant ainsi une double vie, la visuelle cognant sur celle que les mots cernent, encore qu'ici le verbe soit souvent banalisé (volontairement ?) et sans aucun effet de style sinon d'un usage courant.On s'y promène dans Paris avec une longue station sur le Pont des Arts, ce souk des sans abris, des errants et des dessinateurs de trottoir.
 


 
 
posté le 30-12-2010 à 14:49:36

Le charme des ruines.

Tout palais, tout temple qui impose sa majesté et exprime un pouvoir menaçant devient, à l'état de ruine, un lieu de méditation, inspirant plutôt la mélancolie et quelque chose de gracieux qui porte le visiteur à l'apaisement, un état de douce convivialité qui explique qu'on n'ait pas hésité à créer des ruines de fiction.Le XVIII° siècle, porté à la cérébralité de toutes choses, et qui annonce les divagations romantiques (bien plus qu'on le pense), va en multiplier l'édification dans les parcs, aux points stratégiques du développement urbain, comme des lieux de repos, d'harmonie  nécessaire au sein de la dynamique d'une architecture rationnelle et pratique. La fausse ruine est le décor de notre théâtre intérieur, comme il théâtralise la ville ou la nature, où il offre des étapes plaisantes, signifiantes.
 


 
 
posté le 30-12-2010 à 10:41:47

En marge de Le Palais de Dioclétien.

Notes en marge deLE PALAIS DE DIOCLETIEN .L'épisode Berlinois a pour cadre le blockhaus de la Chancellerie où Hitler se suicide dans une atmosphère de fin du monde. C'est l'obsession des sous-terrains avec l'étape des carrières creusées sous le Chemin des Dames. On sait (on dit) qu'un véritable labyrinthe conduit jusqu'aux sous-sols de Laon. On aura imaginé, dans Le Palais de Dioclétien, une circulation des personnages depuis les tours de la cathédrale, les coulisses où sont entassées les défroques dont ils s'emparent pour créer divers personnages  car ce sont des gens du spectacle. Ils le présentent ici ou là, dans les plus modestes villages et conduisent une action trouble, inquiétante, où des gens disparaissent, car on est là dans la tradition des romans gothiques avec caches, pièges, mort et supplices.Autour de Dioclétien, (le professeur de latin qui officie au lycée de la ville) des jeunes gens un peu exaltés, prêts à toutes les ignominies en référence à leur savoir des bévues de l'Histoire qu'on leur apprend doctement. L'Histoire n'est-elle pas le plus vaste catalogue de toutes les vilenies de la nature humaine. A ne pas mettre entre toutes les mains.A consommer avec modération.
 


 
 
posté le 29-12-2010 à 10:46:14

Le jardin Opéra de Fragonard.

C'est l'époque des jardins-théâtre, l'idée d'une nature à la fois livrée à elle-même, conservant quelque chose de ses origines sylvestres, et agrémentée pour les plaisirs de l'esprit (et de la galanterie). Une curieuse évolution qui voit le jardin passer de son ordonnance  (voulue par monsieur Lenôtre) à des fantaisies architecturales où les références à l'Antiquité annoncent déjà l'art à venir. Fragonard peint une sorte de Villa d'Este au quotidien, en faisant évoluer dans le décor les ouvriers qui lui donnent vie, l'ornent, et sont les machinistes de cette féerie végétale. Comment ne pas penser à Piranèse qui met en scène, dans des paysages de ruines, le petit peuple perpétuant les rites de la vie à son niveau le plus modeste. Hubert Robert aura aussi ce goût du quotidien dans la splendeur (souvent désolée chez lui) de jardins, ruines et palais écartés de leurs fonctions officielles. Qu'on ne s'y trompe pas, la théâtralité implique une action (à venir) plus en conformité avec le décor qu'on lui prépare. C'est alors un temps suspendu, un lieu d'attente, les personnages vont surgir, s'emparer de l'espace et l'action déroulera ses séquences comme dans un rite d'Opéra. Le jardin voulu par le peuple n'existe pas encore. Un jardin qui lui ressemble. C'est le XIX° siècle qui va le lui offrir sous la forme du square qui, lui aussi, émiettera les références culturelles (bassins et statues), mais en jouant la bonhomie, voire l'effet pratique.Le jardin aristocratique n'est qu'un décor qui reste vide en l'absence de ceux à qui il est destiné. Il en tirera une certaine désolation qui ne peut charmer que les rêveurs et ceux à qui ses rites sont interdits. Il s'ouvre alors à de plus larges explorations fantasmées  
 


 
 
posté le 28-12-2010 à 11:14:28

Rimbaud sur le mur.

On se souvient combien les surréalistes (et bien d'autre encore qui les rejoignaient) s'étaient insurgés contre l'idée de statufier Rimbaud dans sa ville, qu'il détestait tant. On le voyait mal côtoyer dans l'espace public le soldat mort pour la patrie et quelque gloire locale ou encore un militaire haï par celui-là même qui courrait les chemins et s'épuisait d'user de toutes les sensations. Un appel qui détruit toute idée de mise en place d'un objet dont le destin est de servir de socle aux gamins qui s'ennuient et devant lequel les chiens en laisse, conduits par leur maître dans une promenade digestive, pissent avec solennité.  Fugace par nature, il ne pouvait que faire une apparition (comme une idole), et le parti pris par Ernest Pignon-Ernest était certainement le meilleur et le mieux adapté à son sujet. Transcrire, sur papier (déchirable, fragile à l'assaut des éléments, sans valeur) la photo devenue une icône qui impose l'image du poète ange et démon comme un héros de bande dessinée, un personnage de cinéma, et retrouvant justement l'espace laissé libre sur les murs, bâtiments, tout support urbain, sa place, comme une sorte de référence sans cesse reprise de notre désir d'ailleurs.Au même titre qu'un acteur de cinéma, une vedette du show, les icônes populaires d'aujourd'hui qui aspirent notre conscience collective. Rimbaud en est l'idôle première. Sa veste sur l'épaule invite au voyage, beaucoup le suivent, quand les images d'Ernest Pignon-Ernest qui en furent le ticket d'entrée, sont entrées dans la matière même de leur support; confondus avec d'autres invitations, d'autres évocations. Dans le coeur même de la mémoire de la ville.
 


 
 
posté le 27-12-2010 à 14:46:56

La mélancolie de Fragonard.

Fragonard, peintre multiple, qu' il ne faudrait pas trop rapidement (et légèrement) enfermer dans l'esprit de galanterie qui était de son époque et dont il donnera de si aimables traductions. Plus volontiers porté à souligner le caractère juvénile que polisson, et séduit par la féminité des modèles, il dit plus leur tendres émois que l'élan d'un désir qui deviendra sulfureux et morbide avec Sade. Il est plus proche des Contes de La Fontaine (qu'il a d'ailleurs illustré) et dans ce domaine tenté par la grâce plus que par la folie amoureuse qui connaîtra d'autres chantres.On le voit suivre les émois d'une jeune fille jusque dans la mélancolie qui en est une sorte de couronnement, plus fait pour exalter sa beauté que l'expression du désir qui serait déjà l'amorce de sa chute. Thanatos est si proche d'Eros que Fragonard veut l'ignorer.N'est-ce pas, déjà, dans l'innocence exaltée, cette mélancolie traduite bien longtemps après par Corot (Souvenir de Mortefontaine) et on entre là dans le territoire de Gérard de Nerval. Fragonard en maintes de ses évocations l'annonce.Le cynisme de son époque n'est pas de son tempérament. S'il s'accorde à son temps c'est pour annoncer son crépuscule, prenant le relais du Watteau de l'Embarquement pour Cythère.
 


 
 
posté le 27-12-2010 à 10:04:50

L'orage de roses.

Entre un paysage de Klimt (photo) et un souvenir de promenade.Des promenades dominicale Valentin faisait un catalogue qui avait des allures d'herbier, ou d'étal de fleuriste en gros. Toutes les couleurs s'y fondaient. La palette de sa mémoire avait des sonorités d'orage, des éclats de plein soleil, une diversité prodigieuse qui l'aurait fait peintre de l'ardeur, un prophète des éléments déchaînés, un artisan des catastrophe.Aura-t-on noté que l'ordre du monde passe par la modération des teintes qui le composent. En versant dans l'excès c'est la dérive des continents qui s'annonce, les déchirures du ciel, les vertiges des éléments.D'entre des promenades dominicales, l'une reste gravée comme une enseigne inscrite sur un ciel azuré, un dessin d'une précision d'aphorisme.Une maison de village, pierre de taille en saillie et blonde, porche à l'antique mais fort délabré, incitant à l'intimité des couples qui peuvent s'y réfugier le temps d'un orage. On l'aura franchi après une longue promenade sous la pluie, transi, et heureux de l'être, on se retrouve corps à corps parce que l'âme s'est fondue dans la complicité d'un  instant.En revanche, les volets fermés, en signe d'abandon dans l'abondance végétale qui scelle le jardin dans l'idée de l'oubli.D'excès et d'opulence impudique, des flambées de roses grimpent sur le mur, escaladent le relief, se fortifiant au moindre éclat furtif du soleil qui sculpte les ruelles au plus fort de l'après-midi quand le silence s'y fait radical.Un flot d'odeurs mêlées. A celle de la rose à la délicate effluve, se fond, indécise, lancinante, celle de la pourriture qui accompagne si tenacement la plus fabuleuse éclosion végétale. Un voisin interrogé, qui contemplait benoîtement la déambulation somnambulique des touristes s'extasiant sur le caractère pesamment mélancolique du lieu, quasiment abandonné par ses habitants, répondant à un questionnement aussi futile qu'indiscret, affirma que la maison, quasiment par les roses étouffée, avait été le cadre d'une tragédie familiale. Une poignée de morts violentes marquant la maison du sceau de l'interdit, la rendant invendable, et dans sa beauté navrée, condamnée à n'être que cette somptuosité florale où  l'odeur de la mort s'était glissée dans celle enivrante de la vie.Une maison devenue un tombeau. 
 


 
 
posté le 25-12-2010 à 16:47:55

Paul Delvaux entre en gare.

L'assimilation de Paul Delvaux au Surréalisme souligne bien l'ambiguïté de ce qui est moins une "école" qu'une convergence de la pensée et des buts assignés à l'exercice de l'art (ici de la peinture). A en croire André Breton, de qui dépend l'orthodoxie, le surréalisme pictural est la mise en orbite d'une pensée qui bouscule la nature de la réalité, en transcende les conventions, en interroge le sens profond :  traverse le miroir. La peinture est subversion de l'image, et tous les procédés sont bons pour y parvenir. Ce qui conduira le surréalisme a reconnaître la force de la peinture de pur instinct qu'est l'automatisme, le tachisme, l'abstraction lyrique qui prend en relais cette avancée lumineuse dans le monde de l'image, la représentation qui passe alors du sujet à l'objet, le peintre accordant toute sa confiance aux élans premiers, à son inconscient.Mais celui qui interroge les images qui conservent leur apparence réaliste, peut bien revendiquer cette appartenance au surréalisme pour autant qu'il en perturbe le sens, introduit dans la réalité le désordre qui est celui de l'imaginaire. Et Paul Delvaux répond pleinement à cette obligation qui le laisse pourtant à cette frontière fragile qui se situe entre surréalisme et fantastique.Un monde assez répétitif, de quais de gare, où des femmes fantomatiques errent, en un exercice d'exhibition qui tient plus du défilé de mode que du Paradis Latin et distille un érotisme angélique et presque innocent, car ce n'est pas un monde énigmatique comme celui de Chirico dont il précède pourtant par la mise en scène de villes théâtralisées et d'un pesant silence.La poésie surréaliste s'est engouffrée dans cette proposition où la peinture se cherche moins de nouvelles issues (et naturellement de nouvelles techniques) qu'elle entretient des procédés de la tradition. Pour en tirer de nouvelles suggestions, un accent très séduisant et personnel.
 


 
 
posté le 22-12-2010 à 16:41:08

L'atelier-salon du peintre académique.

Il s'agit d'un héritage, d'une tradition (remonte-t-elle à la Renaissance ?), l'atelier du peintre est un lieu social, un espace de spectacle, un musée. Le peintre y travaille mais il y reçoit. Ses clients, ses admirateurs, et comme tout Salon, une tranche de cette classe qui, oisive et disposant de bons revenus, se montre, s'exhibe, et se donne l'illusion de jouer un rôle actif dans la vie des Arts. On la retrouve, épinglée comme des insectes, dans la magistrale saga de la "Recherche du temps perdu",  Proust se faisant entomologiste pour l'éterniser tout en la caricaturant. La mode était alors (à la fin du XIX° siècle), aux imposantes peintures d'Histoire, pleines d'exactitude dans les détails et de fantasmes qui perçaient derrière les sujets choisis.L'atelier est le laboratoire des rêves les plus fantasques. Comme on travaille volontiers dans la déraison, le démesuré, on y traîne des chevalets énormes, des échelles et tout un matériel impressionnant, et par un effet de contraste, le peintre aime aussi les alcôves feutrées, profondes et sombres, où le modèle se repose après la pose. Mais l'alcôve est aussi l'invite à tous les jeux d'une sensualité qui se pare volontiers des défroques d'une Antiquité de pacotille, d'un Orient imaginé.Dans la tradition des cabinets d'amateurs (mais le peintre en est un par métier) il y accumule des pièces d'art qu'il collectionne, soit par goût personnel soit dans la finalité de son travail pictural.C'est souvent une haute salle, avec des trophées, des panoplies d'armes anciennes, des tentures, des meubles médiévaux (style Troubadour), des missels enluminés, des objets étranges. Dans une niche il se réserve un coin de repos (de plaisir ?), entre des vitrines chargées de curieux bibelots, de moulages antiques.Ce sera un espace documentaire où l'ostentation de la présentation s'accompagne volontiers d'un souci de décoration, d'une mise en scène capable d'illustrer sa propre culture.L'atelier, par l'accumulation même, est plus qu'un espace de création, mais l'anthologie d'une pensée, d'une vie, la carte de visite de son occupant. On pénètre dans son oeuvre en pénétrant dans ce laboratoire-salon et c'est souvent sa plus belle oeuvre.Photo de l'atelier de Rochegrosse.
 


 
 
posté le 21-12-2010 à 15:10:33

Le Vert Galant en passant par Mandiargues.

On peut découvrir Paris à travers les écrivains qui l'ont choisi comme cadre de leurs fictions (ou de leurs souvenirs). André Pieyre de Mandiargues est parmi ceux qui constituent les meilleurs guides pour s'y perdre. Car c'est son mystère qu'il analyse et c'est dans ses coins les plus secrets qu'il nous entraîne. On peut ainsi le suivre pas à pas dans cet étrange roman aux accents d'itinéraire initiatique : "Tout doit disparaître"Et voici le square du Vert Galant, à la pointe de l'Ile de la Cité et comme la proue d'un navire fendant l'eau du fleuve.On aime s'y attarder, profiter de l'ombre de ses arbres, s'étendre au niveau de l'eau pour en capter le doux murmure, car c'est un lieu de réflexion et de quiétude qui s'est créé alors que sa mémoire est lourdement chargée de terreur et de malédiction quand, simple île aux juifs, il fut l'endroit où était livré au supplice du bûcher le grand Maître du Temple lors de la grande opération policière qui visait à supprimer l'Ordre.  Le roi, des fenêtres de son palais (aujourd'hui palais de Justice), contemplant la scène. alors que Jacques de Molay l'apostrophe et lui prédit une série de malheurs (ce qui arriva effectivement).L'escalier qui conduit sur le pont (Pont Neuf) ,à l'endroit où est érigée la statue équestre d'Henri IV, est noblement encadré, comme les portes d'un formidable monument qui conserve tout son mystère. C'est sur ces marches qui constituent le plus étonnant décor pour un théâtre improvisé que Denise Miège (me semble-t-il), en digne admiratrice d'Henri Pichette, avait monté une pièce de son choix (j'ai oublié laquelle). Comme le théâtre antique qui, lui, donne sur l'espace de la nature, celui là décide du spectacle qui peut y être donné dans une idée d'enfermement. Il ne peut qu'être sombre et dramatique.Photo d'Atget.
 


 
 
posté le 20-12-2010 à 15:58:41

Mathias Braun en forêt.

La légende antique veut que les dieux en courroux transformaient en arbres leurs victimes. Comment ne pas imaginer, allant en forêt, croiser quelques humains édifiés en bruissants halliers dont on devine le murmure et les plaintes quand le vent joue dans leurs feuillages.En retour, des artistes ont sculpté les pierres enchâssées dans le sol, créant des figures mythiques, dieux effondrés, chus de l'Olympe ou saints abandonnés à leurs supplices. Elsa Triolet, se promenant dans la forêt de Kuks (aux environs de Prague), a rencontré ceux qu'avait imaginé Mathias Braun.Mais le temps a fait son ouvrage. "... d'autres ermites nous attendaient, à l'entrée de leurs grottes, géants nus, pliés en quatre, barbe et chevelure tombant en volutes sur le crâne qu'ils tenaient à la main comme un ballon, nobles proies du temps qui les sculptaient lentement et autrement que la main de l'homme afin de les englober à nouveau dan la nature."Homme voulus par l'imagination du sculpteur et rendus semblable à la bête inquiétante qui veille au seuil des temples sacrés. Figures à moitiés effacées et rendues à leurs origines minérales.Telle cette Marie Madeleine couchée sur le sol. Le visage qui est déjà celui du cadavre sur lequel les stigmates de la mort font leur travail,  mordu jusqu'à le rendre informe. En surface du sol les métamorphoses qui s'exercent dans l'intimité des  profondeurs, reconduisant le corps à ses origines.
 


 
 
posté le 20-12-2010 à 11:13:15

Péladan en gourou.

A quoi (et où) peut mener le souci de s'extraire de la réalité , de prétendre offrir un horizon dégagé de toute banalité, d'exalter des valeurs spirituelles ou strictement cérébrales quand on ne dispose pour y parvenir que du domaine des mots, eux-mêmes prisonniers des habitudes, des préjugés mais qui se révèlent des armes redoutables selon les mains de ceux qui s'en emparent ou les précipitent sous un jour nouveau, des couleurs inédites, une aspiration profonde de l'âme.La "fin de siècle est pleine de ces aventures qui rejettent le "naturalisme" de Zola et cultivent le mot rare, la pensée sophistiquée, les paradoxes de l'esprit et souvent la provocation pour donner plus de poids à leurs choix.Si Mallarmé, Rimbaud surent prendre à bras le corps le mot pour lui donner un nouveau sens, les écrivains considérés comme des "décadents" ne disposent que d'un arme trop usée. Ils jouent de la préciosité (Jean Lorrain, les Goncourt), ou dérivent vers des vocations qui atteignent le statut d'homme de lettres et le confondent avec le gourou. C'est dans le monde des gourous que Joseph Péladan fait son étrange chemin parsemé non seulement de livres, mais d'actions, de provocations qui couvrent même sa façon de s'habiller (entre le prêtre et le mage). Il veut réformer radicalement l'acte d'écrire, le transcender, lui donner une dimension mystique qui n'échappe pas au clinquant du fétichisme, du sulfureux message des sectes et l'alchimie des légendes descendues dans l'espace de la création littéraire.Le voici  "drapé d'un burnous noir en poil de chameau filamenté de fils d'or, en velours vieux bleu, botté de daim et comme Absalon chevelu, la barbe ointe d'huile de cèdre." prêchant la bonne parole, tirant la pensée vers les cimes d'un idéalisme teinté de religiosité, adhérant aux sources de la kabbale (avec Stanisla de Guaïta), entraînant dans son équipée (le salon de la Rose Croix) l'énigmatique Eric Satie (point exempt de malice et un brin farceur, n'est-il pas aussi bientôt dans les coudées fumeuses de dada ? ), et naturellement militant pour la reconnaissance de Wagner en qui toute cette génération (en dépit d'une forte poussé de l'opinion anti-germanique) voit le mage d'une pensée élevée la sauvant d'un quotidien honni. Péladan s'agite dans ce mouvement, milite, fait, de l'écriture, une arme étincelante pour diffuser une pensée ardente, quasi religieuse.
 


 
 
posté le 18-12-2010 à 15:05:08

Mery Laurent un personnage de Proust.

C'était bien dans l'esprit (pervers) du temps, il avait suffit à Mery Laurent (nom acquit d'un premier mariage alors qu'elle est mineure, et sous la protection du maréchal Canrobert, avec un épicier dont rapidement elle se sépare) d'apparaître  nue sur la scène du théâtre des Variétés pour devenir célèbre et attirer à elle l'attention de quelques riches protecteurs. De fait, le théâtre aura été, à cette époque, le tremplin de pratiquement toutes les carrières galantes.Anne Rose Suzanne Louviot (son véritable nom) était née en 1849 à Nancy, d'une mère lingère d'origine paysanne, elle même fille naturelle. Le processus se poursuit de génération en génération, avec, à la clef, un père protecteur mais souvent pour des raisons inavouables. Anne Rose (qui deviendra Mery en hommage à celle qui l'avait judicieusement instruite et formée à une culture qu'elle développera par elle-même) fait son chemin dans le Paris des Arts et des Lettres. On lui attribue un grand nombre d'amants et des plus considérables par la portée sociale, le niveau culturel et l'emprise qu'ils purent, successivement, avoir sur elle. Après François Coppée elle devient la maîtresse de Théodore de Banville, allant même jusqu'à lui attribuer Victor Hugo ("grand chasseur de femelles").Finalement pensionnée par le docteur Evans (attaché à la cour) et non sans être passée par le prince de Metternich, elle rencontre (pour sa plus grande gloire posthume) Edouard Manet qui entretient avec elle des relations intimes, respectueuses et chargées de tendresse. Manet mort c'est Mallarmé qui prend le relais avec la même dose de subtilité qui conduit Mery Laurent à pénétrer sans complexe dans le domaine d'une culture non seulement plus distinguée mais ayant toute la finesse et l'audace de la nouveauté.D'ordinaire les "cocottes" se contentent d'une culture convenue, d'essence bourgeoise, même pour Valtesse de la Bigne, qui passe pour être férue de culture, le niveau reste celui de la commune mesure (la peinture "pompier" lui convient très bien).Mery Laurent entre dans le cercle étroit de ceux qui font la modernité et son physique alors appréciée (mais répondant aux critères de l'époque qui favorisait la "rondeur") en constitue une sorte d'ultime icône.Même  Robert de Montesquiou, pourtant langue de vipère, vante son charme.Elle était grande, avec une abondante chevelure rousse entourant un visage plein et rond, aux traits réguliers, avec des sourcils haut placés, des yeux d'un bleu intense, un teint rose clair et une expression presque enfantine d'étonnement qui entrait pour beaucoup dans son charme au delà de sa plastique attrayante.Son "intérieur" de la rue de Rome qui fut un haut lieu de la vie mondaine succédant ainsi opportunément aux excès d'une vie galante, était très représentatif d'un mauvais goût de l'époque. C'était la profusion de passementeries et de pompons, de fourrures et de coussins, de tapis d'Orient, de poufs, de consoles trop dorées, et d'une multitude bibelots. Proust s'en inspirera pour créer le décor pour madame Swann, et le personnage entre dans la composition d'Odette.
 


 
 
posté le 17-12-2010 à 11:42:33

L'occupation des lieux.

Dans sa fatale chute depuis le chevalet la peinture s'est répandue dans l'espace en usant de tous les médias qui pouvaient concrétiser  cette nouvelle vocation (?), exigence,  et se trouvant de nouveaux matériaux pour concrétiser cette espèce de mégalomanie qui est contenue dans toute entreprise artistique. De peinture d'ailleurs on ne peut plus parler.  A l'art, et en globalisant ses ambitions, on sera désormais contraint de faire référence. Tout est art, comme à en croire certains héritiers de la pensée de 68, tout est politique (même l'amour disait-on alors).A une telle évolution il fallait bien des modèles, des références, des maîtres à penser. On aura, en vrac, et en première ligne, Marcel Duchamp, grand perturbateur qui a effectivement amorcé ce passage de la peinture (qu'il pratiquait dans l'esprit de son temps, et dans l'orbite du cubisme), mais aussi "dada" qui valorise (et perturbe) l'objet (et le plus dérisoire au besoin). Cette prise de possession du réel passe par le biais de la dérision. Il faut voir en elle le recours pour lutter contre les angoisses. C'est de rire du réel que dada s'en sauve.Kurt Schwitters est historiquement considéré comme un membre éminent (même furtif) du mouvement dada dans son développement international.Mais on peut considérer son oeuvre comme autonome et dans la logique de son développement. Avec le Merz (Merzbau) Schwitters ouvre la porte à toutes les entreprises qui visent à occuper l'espace, pour le rendre "signifiant".  C'est une énorme production qui englobe des visées et des solutions totalement étrangères les unes aux autres, n'ayant pour point commun que cette volonté d'occupation.Schwitters introduit cette ambition dans sa propre demeure, dans le quotidien de son environnement, finissant par vivre en son sein, comme il compose une sorte de reliquaire pour les oeuvres de ses amis. L'entreprise développe une formidable énergie de réflexion sur le rôle de l'art dans notre vie et sur ses formes. Quand Duchamp assèche le terrain, Schwitters le féconde, avec une pointe d'humour ici, de mélancolie là. On lui doit beaucoup.
 


 
 
posté le 17-12-2010 à 10:25:45

Schwitters le collage volubile.

Le collage volubile.La pratique du collage (de Braque à Sophie Arp en passant par Georges Grosz) épuise les ressources du support papier, ne se risquant qu'occasionnellement vers le relief. Celui-ci dépendant de l'apport des matériaux qui entrent dans la composition de l'oeuvre.Avec Kurt Schwitters le pas est franchi. Il aboutira aux combine-painting des "néo dada" américains comme Rauschenberg.Le collage pour Schwitters est peut-être une sorte de journal intime, le développement de ces recueils de menues choses glanées, collées sur un cahier et qui constituent un souvenir matérialisé par ce qui n'est que détritus et  qui scandent notre quotidien, surtout dans le rythme du voyage, ou d'un simple déplacement comme celui qui l'on fait au quotidien. D'où cette mise en valeur des miettes comme tickets de métro (ou d'autobus), papiers d'ordinaire destinés à la poubelle, et, par extension, des brindilles d'objets au rebut ramassés et assemblés "d'harmonieuse manière".Quand le collage de Max Ernst joue d'associations d'images, souvent d'une simple redistribution de ses détails, d'une sorte de perturbation de sa logique narrative pour inventer une nouvelle narration, celui de Schwitters revendique une forte présence plastique. Il n'est narratif qu'au second degré en dépit de cette sorte de volubilité qui est celle de la forme. Celle-ci ayant trouvé une nouvelle fonction par un jeu d'associations, additions, accumulations, une sorte d'overdose de la miette du réel qui y rejoint la magie de l'insolite, une sorte de grâce totalement détachée de sa réalité matérielle. Moins qu'une mise en accusation  de l'objet de consommation (ce que sera le pop-art et le nouveau réalisme), c'est une sorte de langage rêvé, malicieux, parfois mélancolique. Toute la gamme des sensations qui l'ont justifié.
 


 
 
posté le 17-12-2010 à 10:21:16

Le sphinx de Bona.

En forme de souvenir, mais réduit en une sorte de flash. C'était après le déménagement de la rue Payenne, l'installation, presque en face, à la hauteur de l'entrée du musée Carnavalet ( de la fenêtre de la chambre on voyait le décor sculpté de la porte d'entrée). Le matériel radio étalé, le micro sur la coiffeuse de Bona et celle-ci faisant l'odalisque sur un vaste lit (on avait envie de dire, "dans le lit", tant elle s'y confondait avec des tentures sombres, des coussins chatoyants, comme en quelque embarcation pour un monde de sensations, de stupéfactions car rien ne semblait, avec elle, demeurer dans les mesures du raisonnable). Mandiargues, sagement sur sa chaise, pour répondre aux questions (je crois stupides) que je lui posais. Il devait en résulter une émission Dieu merci égarée dans les archives de l'ORTF puisque tel était le sigle en ces années lointaines.Peintre, d'une famille de peintres (son oncle est de Pisis),  Bona suivait, par l'image, les textes d'André Pieyre de Mandiargues, son compagnon. Le hasard m'a laissé de nerveux dessins qu'elle avait conçus en marge du texte d'Astyanax. Losfeld (l'éditeur du texte), m'avait aussi donné un projet pour la couverture. J'aime cet animal venu d'un pays de terreur solaire, planté comme une énigme sur le bord de ces territoires que Mandiargues explorait avec une sorte de gourmandise qui tient du curieux et du savant.
 


 
 
posté le 15-12-2010 à 11:49:41

La mort du Livre.

Des tonnes de livres vont à la décharge publique, laminés, ils vont au pilon qui est leur passage vers leurs origines profondes de pâte à papier. Livres boudés, thèses dépassées, traités négligés. Le sort du livre souligne la fragilité de ce qui lui est confié : la passion des mots. Et  plus encore que tout autre texte, le poème (d'audience si réduite) est le premier exposé à cette fin infamante.D'en faire des sculptures monumentales, d'en entasser comme des colonnes, dans le souvenir des travaux de Kurt Schwitters, ne lui redonne pas vie, en en faisant un usage qui n'était pas prévu ou  trahissant sa fonction, le détournant de sa vocation, accélérant sa chute. Mais l'entassement prend un  autre sens. Celui qui lui avait donné Arman quand il faisait "le plein", à la galerie Iris Clert, dans les années 60. Il donnait à chaque visiteur, un bout de cette masse informe de déchets où dominait le papier, creusant ainsi progressivement une sorte de grotte dans laquelle il s'enfonçait de plus en plus, comme en une sorte de retour aux origines même de la nature humaine, de la création du monde.Cette interrogation sur le sort du déchet (du papier, donc du livre) donne la mesure des problèmes que pose sa survie, fort improbable. C'est la version moderne de l'incendie de la Bibliothèque d'Alexandrie. Des bûchers de livre qui effacent les acquits de la civilisation. Tout pouvoir qui veut détruire une pensée jette les livres au bûcher. Les livrant à une autre vocation que la leur, on entre dans le même jeu d'extermination.Photo extraite du blog Locus Solus.
 


 
 
posté le 13-12-2010 à 16:11:23

Rochegrosse l'histoire à l'Opéra.

Venue de l'Opéra, de ses splendeurs barbares pour dire l'Histoire sur une scène, la peinture va déployer la vaste panoplie de ses armures clinquantes, de ses extravagances gestuelles, de ses nudités morbides. Elle se fait déclamatoire, ampoulée et bizarre comme des rêves malsains, une dimension de théâtralité où elle fait passer sa passion pour le sang, les cris et les larmes. On va fouiller nerveusement dans les textes antiques, reconstruire le décor de villes fabuleuses, réinventant Babylone et Troie, Mycènes et Sparte la guerrière. Les femmes apostrophent les hommes, les poussent au combat, poitrail offert, mêlant exotisme et meurtre, érotisme et passion pour réécrire l'Histoire échevelée et dépravée.On y célèbre les grandes prêtresses de la mort, chez les Atrides (une sinistre histoire de famille) ou dans Troie assiégée. Le rideau s'ouvre sur les pages les plus sanglantes, les plus lascives, les plus corrompues. C'est une Antiquité baignée de sang et de vices, de clameurs et de sombres vengeances. Rochegrosse y brille pas l'ampleur de ses mises en scène, le déploiement des costumes et des nudités, la véhémence des situations. Il n'y manque que la musique. Un cousin de Wagner ferait l'affaire.
 


 
 
posté le 10-12-2010 à 11:26:52

Héliogabale vu par Artaud.

C'est un ouvrage de commande. Artaud s'y donne tout entier et avec un ton de passion qui va gratifier le texte de son rythme et ses couleurs.Il a accumulé de nombreux documents pour aborder un sujet qui relève de l'Histoire, et pour lui, qui n'est pas un spécialiste, la nécessité d'un support venu d'emprunts, de lectures, d'une accumulation de connaissances  ne freine pas le texte qui reste dans l'esprit de son travail personnel. Il pose (et l'illustre) le problème des travaux de commande pour  ceux qui y répondent sans avoir nécessairement les qualités requises, ni la culture, sinon qu'ils s'en servent pour faire passer quelque  chose de leur propres préoccupations, de leur monde propre.Le style donc, emporté comme propre à la nature d'Artaud, avec cette fièvre qui coule derrière la phrase comme le fleuve tumultueux d'un passion dont l'écriture est le reflet.Mais le choix du sujet joue aussi pour beaucoup dans une sorte de fidélité à son propre travail de mise à jour (si difficile) de son intériorité blessée. N'aurait-il pas existé qu'il l'aurait inventé. C'est un personnage pour lui, pour sa fougue visionnaire et provocatrice.  Héliogabale, la proie des biographes en recherche de scandale, de détails scabreux selon celui qui les donne, et qui, chez Artaud, prennent une dimension quasi mystique. Messaline, Isabeau de Bavière, Théroigne de Méricourt, sont des personnages qui exigent une vision gagnée par une certaine "noblesse" et peuvent facilement tomber dans l'équivoque et le vulgaire  pour répondre aux appétits malsains d'un public qui ne voit les excès sexuels, les déviances, que comme un catalogue d'anecdotes piquantes. Chez Artaud ils conduisent son personnage vers un destin tragique, qui semblerait illustrer son "Théâtre de la Cruauté".
 


 
 
posté le 09-12-2010 à 11:21:58

L'Origine du monde.

L'origine du monde.Courbet l'a peinte, une femme l'a incarnée. L'entre jambe est le lieu du miracle de la vie donnée (abandonnée) . Courbes et enlacement de chair, ici de pierre, et la végétation qui y prolifère comme le suc des naissances annoncées.Le regard y perçoit l'obscurité des origines, un lieu de mystère. Il serait périlleux de s'y aventurer. Pourtant il évoque la protection, le fut aux origines de l'homme.Naître, c'est sortir des obscurités profondes de la chair, mais chassé de sa chaleur, comme le premier homme fut chassé du paradis. Un jardin de protection et de délices. Gisèle Prassinos a lucidement évoqué "La Calamité des origines".
 


 
 
posté le 09-12-2010 à 11:07:05

La Calamité des origines.

en hommage à Gisèle Prassinos auteur de "La Calamité des origines".A propos de l'Histoire de Valentin.Né, que déjà mourant. Il ne le sait pas encore. Il l'apprendra peu à peu. Sa vie n'est qu'une longue descente vers la mort.D'où il vient, il ne retient que le noir. Dans les cavernes profondes de la chair il a germé comme une plante en serre. La chaleur profonde l'a fragilisé alors que, jaillissant du ventre maternel, il est déjà agressé par la froideur du monde qui l'attend.Certaines vies ne formulent que le regret d'avoir été chassées de ce lieu indécis, vaguement perçu, où la vie balbutiait, où les éléments n'exerçaient pas la loi inflexible de leurs forces déchaînées.Dans la grotte des origines, diront ceux qui savent, la vie est douce et souriante, le séjour à l'égal de celui des dieux de la mythologie, quand Jupiter vagissait au milieu des animaux en cercle, lui faisant une chaude couverture. Nourri de miel et dans l'extase des délicieuses attentes, bercé par le chant des vestales, le doux murmure des abeilles venues poser leur couronne sur un front vierge encore de toute atteinte. photo de la grotte de fantaisie dans le jardin du domaine de Madame Elizabeth à Versailles.
 


 
 
posté le 08-12-2010 à 14:18:22

Les Gisants de Sains Denis.

Une étape de la vie de Valentin.Une étape à la Basilique Saint Denis semblait nécessaire à Valentin, mieux elle était  indispensable. Aborder la ville (la vie) sans ce temps de réflexion sur la mort, ne pouvait qu'entraîner, à l'en croire, une incapacité à en bien comprendre le sens. Et le mécanisme.Il n'y  mettait ni complaisance morbide, ni mélancolie appuyée. Portant un regard froid sur l'accumulation des gisants, l'étendue de ce espace consacré à la mort. A la mémoire.Du gisant, il voyait moins les particularités physiques qui déterminent une personne, (et d'ailleurs totalement ignorées dans l'art de donner, en fait, du défunt, une image conventionnelle) qu'une position qui la rapprochait de ses semblables. Egal devant la mort (manant ou roi) dit la parole sacrée. Celle qui a pour mission de réguler les rapports des hommes entre eux, et de parer de quelques illusions son passage parmi les vivants.Qu'il faille attendre la mort pour briser les frontières si prégnantes, ne choque pas un esprit nourri de telles promesses d'égalité dans une supposée éternité. Elles sont comme des lumières posées dans une lointaine perspective, donnant à espérer. Galvanisant les coeurs.Saint Denis ne pouvait qu'être une étape. C'est aussi une épreuve. Telle celles qui, dans les légendes antiques, scandent le cheminement du postulant conduit par une force intérieure vers un but annoncé. Promis comme une récompense à sa ténacité.Une autre épreuve, et non des moindres, fut de gagner le centre de la ville par les transports en commun (le métropolitain). D'être plongé dans ces miasmes humains, somnambuliques, dans le glissement bruyant des rames, lui donnait la mesure que ce que lui promettait l'idée de vie, et il se prenait à regretter le silence de la basilique, écrin des gisants dont le marbre poli par les siècles inspirait un sérénité qu'il allait perdre peu à peu.
 


 
 
posté le 07-12-2010 à 10:23:37

Picabia fait le grand écart.

Picabia fait le grand écart.Quand Picasso passe d'un style à un autre, il poursuit une idée, s'enfonce dans le tumultueux questionnement auquel il soumet la peinture. On en voit les éclats, on en perçoit la souffrance. Il y a de l'agressivité du conquérant. De la verve hautaine et du défi qui en dit long sur l'état de décomposition de la peinture depuis le XX° siècle. Résister relève, soit d'un courage aveugle, soit d'une volonté de ne pas se jeter dans la mêlée. On peut d'ailleurs apprécier cette indifférence devant la marche des idées et s'en tenir à son propre domaine, souvent intime.Picabia, contemporain de Picasso, fait, lui, le grand écart entre l'abstraction la plus résolue et la figuration la plus conventionnelle. Mettant une pointe de provocation dans les deux.Nul doute qu'il est (avec Mondrian, Kandinsky, Robert Delaunay, Malevitch) l'un des "inventeurs" de l'abstraction, l'un de ceux qui ont conduit la peinture au coeur même de ses moyens, de ses limites. Un esprit frondeur le fait aller du côté de Dada où il se jette à corps perdu, avec une volonté farouche de défier les bonnes manières bourgeoises de penser, de représenter le monde. Un bourgeois, seul, pouvait choisir une options qui reste confortable quand elle n'empêche pas d'éventuels replis. On a vu dans la période figurative des années 40 (alors qu'il peint volontiers des scènes un peu "osées" pour complaire à une clientèle mondaine qu'il fréquentait) un retrait, sinon un reniement de ses audaces du début du siècle. Mais Pierre-André Benoit, l'éditeur qui le redécouvre dans les années 50, pratiquement oublié de tous, insuffle un nouvel élan "abstrait". Il reprend alors sa place de pionnier de l'abstraction, et les scènes légèrement érotiques qu'il se plaisait à composer quelques années avant entrent dans l'Histoire. La sienne et celle de l'art qui étale alors ses confusions, un état de crise dont il ne pouvait que se réjouir.
 


 
 
posté le 06-12-2010 à 16:42:04

Hundertwasser peint couché.

De grandes choses, souvent, partent de rien. Naissent dans l'innocence d'un moment d'oubli. L'art est l'enfant d'une distraction autant que d'un songe. C'est d'un crayon errant que certains conduisent leur rêve jusqu'aux lointains horizons de l'oeuvre accomplie.Voici Hundertwasser, sur le sol accroupi, humant cette vaste feuille de papier sur laquelle il va étaler la couleur comme le soleil étale les richesses végétales sur le déroulé tranquille des champs offerts à ses célébrations.Il prend tout son temps. Se délecte de silence. Il s'évase en lui-même comme en une eau profonde. Ce qui lui donne cet air égaré, fuyant, quand il marche. Il est encore sur ses territoires, projeté parmi nous. Le regard peu assuré, on le croit faux, il n'est qu'absent.Dans ses vieux vêtements de fakir il a des allures de mendiant hindou. Dans la rue, les passants se retournent et commentent méchamment son étrangeté. J'ai fait quelques pas avec lui, boulevard Saint Germain. Il n'est pas facile de dialoguer avec une sorte de fantôme. On le retrouve mieux, apaisé, souriant, dans son dessin qui s'est embelli entre temps. Sa croissance est semblable à celle du végétal qui chemine doucement sur le sol, l'occupe, et y dessine ses rêves intérieurs. Des rêves venus des profondeurs de la terre.Et si la forme de l'arbre qui fait danser ses ramures au vent le plus léger, et si cette invasion tranquille du lierre n'étaient que des images immergées d'une riche vie dans les profondeurs de la terre. La mise en éclat de ses chaudes croissances souterraines, cachées aux yeux des distraits, et qui ne s'adressent qu'aux pensifs, à ceux qui savent s'arrêter devant un caillou, une motte de terre, un buisson, et s'enfoncer, par la pensée, dans les profondeurs de cette matière d'aspect ingrat. Sa richesse est bien cachée. Ne la découvre que celui qui la mérite.Hundertwasser est un jardinier de ses songes. Il fait resurgir sur le papier ses errances rêveuses. Posant, ça et là, des touches vives comme des fleurs dans un parterre si bien nommé.Peu à peu se forme, à l'étonnement de ses propres yeux, mais la main vive à dénouer les surprises du dessin, une complexe construction qui évoque le cheminement de la marelle. Comme elle se fermant sur ses propres audaces, l'offrant, au final, comme un itinéraire sacré.Du dessin à l'espace il n'y a que le pas d'un autre rêve, celui de donner un horizon de vie à ceux que lassent les rigueurs fonctionnelles des maisons en série, des banalités du quotidien.Alors, Hundertwasser a conçu des maisons qui ressemblent à ses peintures, en sont la croissance magique ; une manière de développer des niches pour ces oiseaux égarés que sont les pauvres humains délogés de leur quotidien.Des maisons qui ressemblent à des nids fabuleux, à des palais de chimère pour des regards gloutons, avides de plaisirs rustiques. Entrer dans l'intimité des sols, d'une nature qui a ses chaleurs subites, ses splendeurs cachées, ses surprises pour plaire aux personnages d'Alice qui s'y trouveraient bien, au delà des miroirs vite franchis quand l'ennui gagne. Car les maisons d'Hundertwasser sont si intimes avec le sol qui les accueille qu'elles semblent en prolonger les reliefs, les fantaisies.Il dessine à demi couché, au seuil du sommeil qui est le domaine de toutes les libertés. Ses maisons lui ressemblent, elles ont cet air singulier des décors de nos livres d'enfant, cul par dessus tête, le jardin sur le toit pour courir à la hauteur du ciel.Ne peuvent habiter de telles demeures que ceux qui sortent du bois. Du bois de leurs rêves enfin réalisés.
 


 
 
posté le 05-12-2010 à 16:16:06

Georges Fourest.

C'est une petite bibliothèque vitrée, comme celles que l'on trouve dans les bureaux de notaire, ou ceux des petites communes dont la Mairie est dans une école désaffectée. Un objet qui s'est  mis en marge de notre modernité et dont le charme tient à la modestie de son apparence et le caractère un peu mystérieux qu'il a acquit d'être plutôt réservé à la conservation des livres. J'en ai fait le réceptacle de  ceux qui me sont le plus chers. Il y a là, en vrac, Baudelaire et Nerval, Cadou et Mandiargues, Callet et Vialatte, Forneret et Char, Michaux et Saint-Simon, Unica Zurn et Lautréamont, quelques suréalistes (il y en a partout) et Kafka, Violette Leduc et Jean Genet, Virginia Woolf et James Joyce, et tant d'autres encore qu'il serait fastidieux d'énumérer.Dans ce déferlement de papier surgit, modeste jusque dans sa taille, mais avec sa traînée de légende comme quelque aérolite fonçant sur notre regard, l'ouvrage qui fit la gloire de Georges Fourest : La Négresse blonde. Aujourd'hui relégué parmi les curiosités littéraires. Quelques mots pour le situer. Né à Limoges en 1864 dans une grande maison bourgeoise où son père exerçait le métier d'apothicaire. Une enfance parmi les cornus qui sont presque celles du diable. Le voici à Toulouse, à la faculté de droit, déjà plus intéressé par le culte de mots (et de l'humour) que par des chicaneries sorties du monde de Molière. Une rencontre décisive, celle de Laurent Tailhade une des figures les plus singulières de cette "fin de siècle". Grâce à lui Fourest va être confirmé dans son "amour des lettres", et il l'introduit dans les cénacles à la mode. Il débute (sous un pseudonyme) dans les revues du Quartier Latin, on voit bientôt sa signature dans la revue l'Ermitage (ce qui est une référence) dans La Plume, et Willy prend en charge sa promotion après une prestation de Fourest dans les sous sols de "La Plume" (boulevard Saint Michel) où il récite la fameuse "Epître falote et testamentaire pour régler l'ordre et la marche de mes funérailles". Tout l'humour de Fourest s'y déployant dans une envolée verbale qui se situe entre les chansons de salle de garde et François Villon.C'est le départ d'une réputation qui  va aller son chemin alors que l'auteur, loin de cultiver la bohème, se glisse dans la peau d'un honnête bourgeois gérant au mieux ses biens car il prend l'allure et le ton du rentier jusqu'à la caricature de lui-même. N'est-ce pas, dans le même temps, Alphonse Allais minant l'humour de sa verve froide et imperturbable sous l'apparence d'un aimable bourgeois bon vivant et familier de la fée verte (sans tomber dans la crasse de Verlaine et sa pathétique déchéance physique). L'humour est alors entre les mains de personnes présentant tous les signes de la bienséance bourgeoise avec un rien de respectabilité qui camoufle l'angoisse dont sa culture  est le prétexte.Fourest publie chez Crès (trois éditions) son oeuvre la plus connue, cette Négresse Blonde qui, surgissant de ma  bibliothèque, me ramène à José Corti, son dernier éditeur. L'homme avait, lui aussi, cette apparence tranquille de quiétude (encore qu'il traîne la douleur du deuil de son fils). On le voyait passer, rue de Vaugirard, venant de sa boutique de la rue de Médicis. Voûté par l'âge mais compagnon  fidèle de toutes les folies du surréalisme dont il avait été l'un des premiers éditeurs. En cultivant l'art et le souvenir de Georges Fourest il était logique avec lui-même. C'était l'une des bombes de l'esprit qu'il gardait dans sa poche.
 


 
 
posté le 04-12-2010 à 11:18:42

A Rebours contre Zola.

C'est un bien étrange texte que "A rebours", le personnage de des Esseintes créé par J.K.Huysmans est si artificiel qu'il n'a pas de consistance, il n'est que le porte- manteau d'une série de considérations sur les excès du raffinement d'une pensée imaginaire qui lui est attribuée. Là, Huysmans se déchaîne. Dans un style ampoulé (qui a vieilli, mais ne manque pas d'attrait), il développe des propos qui tiennent d'une sociologie un peu superficielle et surtout d'une analyse des sensations qui sortent chacune avec une étonnante force de suggestion. On est en somme devant un catalogue de sensations inspirées par des objets, des parfums, des livres, une avancée toujours plus périlleuse à l'intérieur d'une sensibilité taillée à vif dans la vacuité d'une vie qui s'inscrit dans le culte de la décadence alors en faveur en cette "fin de siècle" qui sent venir l'orage (le XX° siècle et son cortège d'horreurs).On a dit que des Esseintes était inspiré par Robert de Montesquiou, tant la culture du raffinement (avec chez ce dernier une ostentation irritante) y est un programme de vie. Pour marquer toute la distance qui le sépare de Zola qui plonge dans les miasmes d'une société qui n'évite pas le sordide. La Naturalisme a les pieds sales.
 


 
 
posté le 04-12-2010 à 11:14:50

Les poètes du Passage Pommeraye.

Jacques Demy en a fait le décor d'un de ses films, André Pieyre de Mandiargues à qui rien n'échappe qui ressort du merveilleux, de l'insolite ou du mystérieux, lui a consacré quelques pages ardentes. Le Passage Pommeraye est entré dans la mythologie des lieux d'attraction comme seul le surréalisme a su les sortir de la banalité et du strict usage pratique auquel on les avait condamnés.Sa fonction même le tire vers une façon insolite de cheminer dans la  ville. Tout passage a une vocation qui dépasse celle que l'urbaniste lui aura attribué. Il isole plus qu'il conduit. Enferme plus qu'il abrège la marche de celui qui en use comme d'un simple raccourcis. Loin de l'être, il est un piège pour celui qui s'y attardera, saisi par la beauté qu'il dispense (mais l'esthétique du lieu est donnée en plus). N'y avait-on pas situé (la presse locale en fait mention) l'endroit de quelques enlèvement de "jeunes filles", négligeant qu'elle furent peut-être happées par  leur propre imaginaire dont il enrichit fortement le développement.Tout passage (la magie des mots qui se rencontrent ! ) à Nantes y conduit, comme le prolongement de cette quête que ne manque pas de faire celui qui s'y rend en songeant à Camille Bryen, jeune télégraphiste jetant dans les canaux (aujourd'hui disparus) les plis dont il avait la charge ; en se souvenant que Jacques Vaché y avait éveillé à de nouvelles visées poétiques le jeune André Breton, à peine médecin, mais déjà militaire, et se préparant à être poète ;  plus proche de nous, alors que la France ployait sous le joug de l'occupant, un jeune libraire du nom de Michel Manoll découvrait un autre jeune, enseignant, et démangé par le charme des mots dont il allait devenir (trop brièvement) le plus inspiré des jardiniers : René Guy Cadou. Tous, sans nul doute, y furent, le temps d'une promenade, le pas soudain plus lourd, plus méditatif sur les marches du légendaire escalier bordé de ses statues.
 


 
 
posté le 03-12-2010 à 15:15:53

Le clan des suicidés.

Le Clans des suicidés.Ils sont l'un et l'autre aux pointes extrêmes de cette recherche de leur vérité et du refus de la banalité d'une condition in-humaine au regard des flamboiements promis par la poésie et la fréquentation de leurs semblables (en poésie). Le suicide, comme le rêve, c'est le passage du miroir, la chute dans un au-delà qui avait conduit Gérard de Nerval à la folie, qui les conduira à la mort. Une mort voulue, et même programmée dans le cas de Jacques Rigaut.Il y a le clan des suicidé (comme celui des Siciliens !) qui se recrute volontiers dans la frange de ceux qui refusent les seules satisfactions du quotidien. Le surréalisme qui est leur famille, les invite à transcender le réel, à refuser la médiocrité.C'est une ambition périlleuse et sans doute inconfortable. Certains s'en éloigneront et préféreront un prudent retrait, une mise à l'écart (encore que le grand écart proposé par André Breton c'était  justement le refus du réel en sa banalité).René Crevel aura conduit sa vie sur l'arc en ciel d'une cruelle douleur née de l'enfance, Jacques Rigaut (même milieu ou presque, même revendication du charme comme arme sociale) n'aura vécu que pour préparer sa mort, la programmant comme une finalité, et vivant dans une sorte de compte à rebours qui explique ses foucades, ses prises de position provocantes, une oeuvre ramassée  et tenant plus de l'aphorisme que du déballage autobiographique (quand Crevel puise directement dans sa propre vie). Un rendez vous d'usage à la croisée d'une oeuvre et d'une amitié (?), une dédicace en dit parfois plus long qu'elle le prétend quand elle abandonne à l'entrée d'un livre des mots qui invitent à s'y plonger.
 


 
 
posté le 02-12-2010 à 11:03:39

J.K.Huysmans chez Flaubert.

Comme tous ceux que tente la chasteté J.K.Huysmans trouve les images les plus troublantes pour poser devant notre regard les portraits de femmes qui hantent son imagination. On l'aura vu s'égarer parmi les femmes dévoreuses d'homme de Gustave Moreau, il s'est attardé du côté de Faubert. Le plus contesté, celui de la Tentation de Saint Antoine, et surtout de Salammbo, où il a mis tout le clinquant de ses fantasmes les plus fous.Et Huysmans de prendre le relais."Chez Flaubert c'étaient des tableaux solennels et immenses, des pompes grandioses dans le cadre barbare et splendide desquels gravitaient des créatures palpitantes et délicates, mystérieuses et hautaines, des femmes pourvues, dans la perfection de leur beauté, d'âmes en souffrance, au fond desquelles il discernait d'affreux détraquements, de folles aspirations, désolées qu'elle étaient déjà par la menaçante médiocrité des plaisirs qui pouvaient naître".Huysmans, par un étonnant tour de passe passe, fait passer le problème de son personnage, des Esseintes, dans la figure de toc empruntée à Flaubert.
 


 
 
posté le 01-12-2010 à 10:54:07

Dubuffet chez lez médecins.

Largement en avance sur la presse spécialisée (souvent victime de ses préjugés) les revues médicales si fortement teintées de culture, soulignent le "cas" Dubuffet.Naturellement portée à le considérer sous un angle qui n'est pas strictement esthétique et lui conférant une dimension qui intéresse plus spécialement la psychanalyse ou la science du comportement.Par son titre même, l'article incriminé a le mérite d'aller, d'emblée, au coeur du problème du peintre qui va dépasser le réalisme plat de la simple reproduction du réel (un effet d'illusion) pour aller à l'intérieur de la matière, pour l'interroger. Il s'est souvenu de la leçon de Gastoin Bachelard qui nous aura appris à regarder le monde à travers les éléments qui en moulent les formes, en définissent la nature, en font resplendir cette beauté qui n'atteint que les rêveurs.Les rêveurs de l'élémentaire précèdent ou accompagnent les artistes qui  n'usent pas de la matière picturale pour créer une image mais faire sentir les profondeurs qui s'agitent, ne serait-ce que dans notre mémoire. Nous rêvons le monde dans sa matérialité sensible et agissante (le plaisir de l'enfant à découvrir la matière ) et dont le contact nous dit son histoire et dans ses profondeurs, son intemporalité.Il est significatif que l'oeuvre de Dubuffet est été surtout commentée par des poètes et non des moindres (Paulhan, Ponge, Eluard, Limbour). Le vocabulaire de la "critique" dans ce qu'il peut avoir de réducteur, ne se prête pas à ce débordement du concept artistique (tout aussi important que celui de Marcel Duchamp). On n'y analyse pas un phénomène historique (il est hors de la chronologie et tout au plus dans le voisinage et la reconnaissance de l'art brut qu'il a travaillé à faire connaître), mais au coeur d'un territoire de pensée, de sensation, qui s'invente ses propres formes comme il reconnaît ses propres mots.