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lettres de la campagne

posté le 30-06-2009 à 16:51:51

Bernard Aubertin maître du feu.

21h15 - Maître du feu. - Général
 


 
 
posté le 30-06-2009 à 16:07:32

Le Manifeste du surréalisme de Breton, un livre culte.

Livre culte.Manifeste du surréalisme par André Breton.C'est un volume à la couverture saumon publié sous le sigle des éditions Kra, 56, rue Rodier, Paris dans la collection "Les documentaires". Le catalogue des éditions Kra est franchement orienté du côté des surréalistes et de ses épigones. On y trouve des textes de Philippe Soupault, Robert Desnos, Benjamin Péret, Michel Leiris, Ribemont-Dessaignes, soit la frange active du mouvement surréaliste dans les années 2O-3O, le livre étant imprimé en 1929. Texte capital, fondateur, de celui qui se pose comme chef du groupe, leader et dont l'action sera désormais confondue avec un souci de réguler l'élan général, de donner corps à une pensée longuement éprouvée par une vie quasiment collective à travers les réunions de café, les "jeux", les enquêtes, une vigilance permanente et pointilleuse qui entraîne un jeu d'adhésions et d'exclusions dont le Manifeste fait état, portant jugement sur les acteurs du mouvement autant qu'il se donne pour tâche d'en définir les lignes essentielles et d'en cerner les normes.Sorte de bible du mouvement à partir de laquelle vont se confronter des personnalités parfois contradictoires, se souder des enthousiasmes encore juvéniles et des ambitions poétiques qui porteront toutes la marque indélébile de celui qui est le "pape". D'où le caractère quasi religieux qui entoure la vie du groupe surréaliste et son aspect passionné, radicalisant les rapports qui ne sont plus ceux de simples écrivains mais les missionnaires d'une nouvelle foi. Le Manifeste est suivi de Poisson soluble. Il est orné d'un frontispice de Max Ernst.
 


 
 
posté le 30-06-2009 à 15:48:53

Bernard Delvaille et la curiosité comme emploi.

Delvaille et la curiosité comme emploi.Ecrire ce n'est pas que se raconter sous toutes les coutures. Se complaire dans l'admiration de soi et les épreuves de son quotidien. Il y a beaucoup de dignité à se taire sur soi et se donner aux autres, autrement dit, manifester de la curiosité pour tout ce qui nous entoure et nous séduit. Ecrire c'est aussi lire. Liseur de qualité, Bernard Delvaille le fut plus que tout autre, d'autant qu'il n'était pas lecteur professionnel ( si, d'occasion, pour la commande d'un article) mais je le soupçonne d'avoir surtout été un curieux. Un aventurier du livre qui va à l'abordage vers des terres inconnues, des auteurs séditieux, de préférence peu connus, et pour faire dans l'excellence, oubliés.Sa bibliothèque était un trésor pour bibliophile et lettré. Je lui connaissais quelques passions ( pour Jacques Rigaud par exemple) si l'on connaît celle qu'il affichait pour Valery Larbaud ou Théophile Gautier. Mais il y aura aussi Blaise Cendrars (comment y échapper ) et le si singulier Charles Albert Cingria, une perle dans la tourmente de l'entre deux guerres. Voilà un chapitre ouvert. Qui veut s'y engouffrer ?
 


 
 
posté le 30-06-2009 à 15:30:45

Restif de la Bretonne piéton de Paris.

Qu'y a-t-il au départ. Un gamin déluré qui bouscule les bergères dans les prairies de la ferme paternelle. Le soir on lit la Bible, mais on sait aussi suivre le rythme des saisons, danser aux fêtes villageoises et faire le gandin pour attirer le regard des filles. Restif sera "de la Bretonne" du nom d'un champ de la propriété familiale et va faire ses débuts de typographe à Auxerre où il "tombe" amoureux de la femme de son patron. Il manie avec dextérité le plomb des lettres qui forment les phrases et les livres ont alors cette belle allure de vieil abbé savant. Monté à Paris Restif de la Bretonne s'installe dans le quartier qui est alors celui des libraires, aux abords de la rue Saint Jacques. Il écrit directement ses livres en les "composant" sur l'atelier de l'imprimerie. Défi, audace, écriture en accord direct et immédiat avec son médium, le plomb, le papier, la presse. Beaucoup de poètes aujourd'hui s'en inspirent. Mais Restif est  aussi un noctambule. Hibou sur le sommet de son chapeau, il erre dans les rues, souvent à la recherche d'une aventure, mais observateur impitoyable aussi des menus incidents qui s'y déroulent. Paris est alors un fabuleux théâtre.
 


 
 
posté le 30-06-2009 à 13:44:10

Phillippe Soupault et la peinture.

- Général
 


 
 
posté le 30-06-2009 à 13:15:24

Gala Dali, une muse sulfureuse.

 


 
 
posté le 30-06-2009 à 13:05:14

Egon Schiele précurseur de la peinture contemporaine.

Sortie des conventions académiques, la peinture affronte plus directement, et sans complexe, sans pudeur, la réalité dans ses aspects les plus intimes. Elle lève le voile sur la sexualité qui, jusqu'alors, se fardait aux fictions des mythologies et fondait les relations humaines sur des modèles littéraires, artificiels et convenus. La peinture se donnait le droit d'être inconvenante au regard des usages, des principes édictés par la société pour se protéger de tous les écarts, les débordements, les déviances que seule la littérature (clandestine) se permettait d'explorer. L'Ecole Viennoise (sous l'égide de Gustav Klimt) aura été l'un des moteurs de cette émancipation qui va gagner le terrain d'un art international. Même si un certain accent signifie une appartenance à une culture, une tradition locale, un esprit spécifique d'une civilisation, l'esprit de liberté né dans la période "fin de siècle" va rebondir dans toutes les capitales européennes qui favorisent l'essor d'un art nouveau. Curieusement il va véhiculer des notions nouvelles, un esprit de contestation, un pessimisme qui, lui, est international. Il devient la couleur dominante d'une production picturale qui s'épie, se copie, faisant écho par un effet de libre circulation des idées et des genres, De Vienne à Munich, de Munich à Paris de Paris à Berlin, solidifiant des séquences bien orchestrées de cette avancée dans un esprit de catastrophe qu'un artiste comme Egon Shiele annonce avec une belle assurance.
 


 
 
posté le 30-06-2009 à 12:12:16

Philippe Soupault dans la tourmente.

Soupault dans la tourmente.Au lendemain de la Grande Guerre et né au sein même des événements "dada" va croître et fédérer des énergies artistiques et littéraires. De jeunes poètes comme Aragon, André Breton et Philippe Soupault vont se retrouver et penser une action collective. Ce sera le surréalisme. Breton et Soupault se lancent dans l'écriture automatique, ce sera "Les Champs Magnétiques", une écriture décervelée qui conduit le poète à lâcher au grand jour les noyaux les plus secrets de son inconscient, jouant sur le lapsus, le hasard, la spontanéité verbale, toute choses que l'on maîtrisait jusqu'alors au nom de l'art, et qu'ils libèrent au nom d'un art nouveau. La revue Littérature (d'où lits et ratures) va signifier cette reconnaissance et cette avancée où se fondent des énergies nouvelles, émergent de nouveaux talents. L'avenir est brillant dans l'absolu des choix, des arguments, la force innocente des amitiés, la vénération de l'amour. Un choix de vie.
 


 
 
posté le 30-06-2009 à 11:51:59

Jean l'Anselme le poète des marges

Jean l'Anselme. Le poète des marges.Sans avoir l'invective à la bouche, la hargne au ventre et jouant plutôt de la flûte que du tambour voilà Jean L'Anselme, qui court les banlieues de la poésie, rencontre sur son chemin Gaston Chaissac et Jean Dubuffet ( des relations dont on peut se vanter ) et qui mobilise les mots pour dire leur vérité. Il a flirté avec ce que la poésie a de plus naturel. Point de philosophie ( même du dimanche) et point d'épanchement à la théâtralité douteuse.On peut aussi aller du côté de Jean Vodaine, le poète-imprimeur ( une race de haute qualité) qui accueille volontiers ceux qui ne marchent pas dans les rangs et au pas cadencé mais cherchent leur propre musique et font valser les images. Si l'homme vous intrigue allez sur ingirum.blogspirit.com
 


 
 
posté le 30-06-2009 à 11:15:15

Baudelaire l'avait annoncée.

Baudelaire l'avait annoncée, à propos de son ami Manet : la peinture allait vers sa déchéance. Ce qui n'est pas la condamner mais lui donner une autre mission que celle qu'elle s'était arrogée depuis des siècles. D'exaltation du beau, en obéissant à des critères, elle devenait terrain d'exploration de ses possibilités matérielles, expression sans bornes ni contraintes d'un moi que les lois atrophient et qui trouve enfin un moyen de s'incarner. Non pour dire la beauté du monde, mais souvent dénoncer la condition humaine, un destin maudit, de multiples difficultés à communiquer autrement que par l'exaspération, la dérision, la provocation.Le Cercle de l'Enfer visité par Dante trouve son illustration.
 


 
 
posté le 24-06-2009 à 11:50:31

Unica Zurn et les mots.

Un titre en forme d'énigme. On saura que le passage du "bas de case" à la capitale entre dans le jeu graphique qui excuse aussi les nombreuses "photes" d'orthographe. Pourtant le texte n'est pas de la nature de ceux que prône Dubuffet pratiquant l'orthographe phonétique, dans un ton de drôlerie totalement exclus ici où le texte, dans ses bavures, ses chutes, ses reprises bizarres, traduit plutôt un certain errement à l'intérieur de la pensée qui se projette dans le texte dans l'instant même de sa formulation, sans aucune "pudeur". Avec parfois de longues brassées verbales, dans une sorte de communion avec la mémoire, et l'instant comme prise suprême sur le réel.Une mise à nu de la pensée. Une écriture qui colle directement à la fulgurance des images qui la traversent. Avec quelque chose de ce tremblement qui caractérise aussi le dessin d'Unica Zurn, un dessin de dentelle (et de soie). Il cerne les zones dont s'est emparée la folie, ou qu'elle se prépare à conquérir, avec un mélange de souvenirs et cette distorsion portée à la réalité jusque dans ses moindres détails. Unica Zurn est une fanatique du minuscule. Elle a l'oeil d'un microscope, se contente de la plus minuscule surface pour s'épandre. Donnant à son discours les dimensions et la couleur du murmure, comme ces divagations que l'on est parfois amené à abandonner dans le mi temps du sommeil et de l'irruption du réel. Elle a mis ses pas (son âme) dans cet entre temps qu'explorait si bien Gérard de Nerval mais sans se contraindre à une formulation claire et partageable de son intimité. Un peu comme si elle pratiquait un langage codé. Il importe de se souvenir que le français n'est pas sa langue maternelle, mais un espace qu'elle a acquis au nom de la connaissance, et qu'elle se livre à un exercice qu'elle aurait plus naturellement menée dans sa langue (l'allemand) où il aurait perdu sa saveur particulière. Inventant ce langage comme avait pu le faire Nadja, (mais plus portée sur le dessin) ou Léonora Carrington une soeur au delà du miroir.
 


 
 
posté le 24-06-2009 à 10:02:55

De l'alcôve au couvent.

De l'alcôve au couvent.C'est à la cour de Louis XIV que va s'ouvrir cet étrange itinéraire qui mène la belle favorite à l'instant de sa chute, des salons lambrissés de Versailles, aux cellules froides des couvents où elle achève une vie qui fut futile dans les mortifications, les macérations et la prière.La fraîche, naïve et sentimentale Louis de La Vallière ouvre la voie. Celle-là même qui l'y poussa y est à son tour conduite. C'est l'insolente, crâneuse et agressive Montespan. Françoise Athénais de Rochechourt, marquise de Montespan, après son éblouissante fortune auprès de Louis XIV amoureux, achève sa vie au couvent Saint Joseph qu'elle avait fondé.Ironie du sort, et comme un subtile écho à un destin qui n'est grand que des illusions qu'il entretient, c'est la marquise du Deffand qui, à la génération suivante, occupera la même chambre, après avoir épuisé les charmes pimentés de la galanterie de ce Palais Royal que le Régent avait transformé en lupanar. Mais d'une solitude forcée, dans un cadre religieux, déchu de ses fonctions, elle va faire un Salon, un haut lieu de l'esprit du XVIIII° siècle, celui-là même qui va préparer la chute de la royauté. Comme si l'intelligence, à défaut de la piété, était une compensation à la débauche.Le couvent comme annexe à la vanité des "grands" rendus victimes et sensibles, subitement, à ce désenchantement qui suivait de trop fortes ivresses.Il y aura des retraites saisonnières, comme on fait  une cure pour se "ressourcer",  il y aura des enfermements aussi résolus que suicidaires (celui de Louise de La Vallière). Comme si, au regard de ceux qui en sont les principaux acteurs, la pénitence est la conséquence inéluctable d'une débauche trop appuyée.Le chapelet comme médecine, après les plaisirs de l'alcôve, la solitude comme garant d'un rachat de son âme.Pour pardonner le corps qui s'est épanché dans le bruissement de la soie, l'éclat des fêtes, l'extase des plaisirs, l'âme se retrouve dans l'antichambre du tombeau.
 


 
 
posté le 23-06-2009 à 14:27:32

Roissy Express en écho de Blaise Cendrars.

Il fallait à Blaise Cendrars des espaces lointains, conquis au rythme des premières locomotives à vapeur, avec le fol défilé des villes exotiques, les clochers dorés de Moscou, les steppes immenses où l'imaginaire s'évade. François Maspero a joué la carte du réduit, aux dimensions de la banlieue parisienne, empruntant le RER, ce Roissy Express qui affiche ainsi clairement ses références.Le procédé est ingénieux. Tout possesseur de la carte orange pourrait franchir ainsi du nord au sud, d'Est en ouest, l'espace de vie et de souffrance, de saveur et d'humanité, qui ceinture un Paris que le regard du voyageur, pour une fois, évitera. La banlieue donc, dans ses diversités, sa palette étendue de races et de couleurs que Maspero aborde avec bienveillance (et patience), et pourtant il ne fait pas oeuvre de sociologue, et de poète par accrocs, presque malgré lui. Le propos est audacieux, qui demande au voyageur d'abandonner ses préjugés, ses conforts et d'aller au coeur des franges émigrés du vaste monde qui s'offre à lui.Pourquoi emprunter le Transsibérien quand le RER vous offre le monde à portée d'objectif car la photographie entre en jeu.Je me souviens d'une enquête collective que Jean François Kahn avait proposé à ses collaborateurs des Nouvelles Littéraires lors des élections de 1981. Chacun avait choisi sa cible, des hommes politiques. J'avais préféré proposer de traîner sur la ligne du Métro parisien reliant la Place d'Italie à la porte Dauphine (au nord par Barbès Rochechourt, au sud, par Denfert-Rochereau). Ce fut une belle ballade à la rencontre des gens.
 


 
 
posté le 23-06-2009 à 13:46:19

L'écriture de Gaston Chaissac.

L'écriture de Gaston Chaissac, tout autant que son dessin, s'arroge une liberté de ton qui en fait un modèle. Inimitable cependant, car toute adhésion trop étroite à un profonde originalité est condamnée avant même que de croître. L'originalité isole celui qui l'adopte et le condamne à être adoré ou détesté selon que l'on adhère ou non à sa force propre, à l'ouverture qu'elle pratique dans le mur des préjugés, des habitudes de l'académisme. C'est bien la force des artistes marginaux que de n'être d'aucune chapelle et sans héritier direct, contrairement à un théoricien comme Marcel Duchamp qui aura précipité l'avant garde vers sa chute.L'écriture de Gaston Chaissac trouve son rythme dans le quotidien, les cancans de village, toute une théâtrologie du ridicule innocent, des "gens de peu" (comme les qualifiait avec tendresse Pierre Sansot).Une écriture qui, aux yeux d'un graphologue, traduit une certaine rusticité dont Chaissac fait une arme de bataille, un style, lui donnant ses lettres de noblesse.La saveur du langage y trouve son cheminement malicieux et désinvolte, une dimension qui confine à une forme de sagesse viscérale profonde.
 


 
 
posté le 23-06-2009 à 12:09:48

Plaisir du Conte

Y-a-t-il une enfance heureuse sans la culture des Contes de fées ? S'impose alors le rite charmant (et éducatif) de l'adulte qui fait partager à l'enfant le plaisir éprouvé par lui-même lorsqu'on lui fit découvrir ces récits où le merveilleux s'installe et prodigue ses fascinantes inventions qui nous font échapper aux pesanteurs du réel. L'image y joue un rôle majeur, s'imprimant dans une mémoire encore vierge et conservant au cours des âges toute sa force, ne serait-ce que celles de retrouvailles enchantées quand, longtemps après l'avoir gravée en soi, on la redécouvre avec toute la force de l'instant de miracle qui l'avait annoncé. C'est le phénomène de "la madeleine de Proust" qui s'avère si exact, car nul n'y échappe et y trouve une source indélébile de plaisir innocent.Le goût du conte de fées aura conduit certains écrivains à en perpétuer la pratique, nourrissant leur oeuvre de ses ressorts (comme Charles Nodier)  ou y puisant quelques fragments de l'état de merveilleux qu'ils veulent traduire (comme Gérard de Nerval) ou simplement en en affirmant la nécessité, quitte à en théoriser l'esprit (comme André Breton).
 


 
 
posté le 22-06-2009 à 11:52:42

Piranèse mégalomane.

Bien qu'il soit fondamentalement latin Piranèse atteint dans ses visions le caractère grandiose et sombre de Wagner dans le déploiement ostentatoire des architectures qui sont le cadre de drames sanglants, d'une féroce et ambiguë magnificence.Outre la Rome antique qui est l'un de ses sujets de prédilection, et le souci de la montrer dans un réalisme moins objectif que pittoresque (l'adjonction de petits personnages vacant parmi les ruines est un procédé largement partagé - on retrouve également chez Hubert Robert-), il se lance dans des prospectives utopistes franchement mégalomanes. La ruine laisse place à un rêve de ville à la somptuosité vaguement inquiétante.  Elle semble ne pouvoir être que le cadre de quelque tragédie à "la mesure de cette démesure". Avec lui les pierres prennent la parole : celles de tyrannie, d'une folie suicidaire. N'annonce-t-elle pas celle d'un Adolf Hitler ?
 


 
 
posté le 19-06-2009 à 14:48:51

Egon Schiele, une icône "fin de siècle"

Egon Schiele : une icône "fin de siècle".Il fallait oser s'en prendre à la représentation de la femme, à l'image que l'art donne d'elle. Jusqu'alors magnifiée, idéalisée selon des critères culturels qui la liait à l'héritage greco-latin dont est faite une civilisation qui accordait à la femme un  certaine type de beauté mais lui interdisait, dans le même temps, d'être elle-même, fusse dans ses faiblesses, voire ses affront aux canons classiques de la beauté.Egon Schiele ose affronter de face le corps féminin, soulignant ce qui fait à la fois sa séduction et ses tares. Mais aller vers la femme en connaissant ce qui la distance d'un idéal fabriqué, c'est aller vers la force réelle des rapports que l'on peut attendre de l'amour, et de sa dimension physique.Egon Schiele peint de "vrais" femmes, celles qui posent dans son atelier  ne sont pas dans l'illusion mythologique. Ce ne sont pas des Vénus, des Minerve, des Diane de convention, mais une femme habitée par son histoire, ses désirs et son appétit sexuel qui n'est pas honteux.Il ouvre le voie à une peinture qui va définitivement tourner le dos à un idéal qui rend la femme inaccessible, pour définir une présence effrontée et tangible. Basculant, du même coup, dans l'introspection qui accompagne les rapports sexuels, Freud est intervenu, qui était un contemporain d'Egon Schiele, peut-être un voisin.
 


 
 
posté le 19-06-2009 à 11:31:23

Monet jardinier.

Monet fera de son jardin sa plus belle palette. Ici le peintre commande le jardinier, programme des floraisons en raison des couleurs qu'elles promettent. Se promener dans le jardin de Giverny c'est se promener dans un tableau de Monet avec ses vibrations, ses scintillements, ses ardeurs végétales qui suivent le rythme des saisons. A Ville d'Avray, Louveciennes, Argenteuil, ses précédentes étapes, il avait déjà eu ses jardins. Mais de modestes dimensions et impropres à répondre à son ambition d'en faire une oeuvre globale, comme une sorte d'horloge des saisons et conçu de telle sorte que chacune y apporte sa spécificité, y fasse croître les plantes qui s'accordent à l'évolution du climat, à ses facettes temporelles. Aidé par plusieurs jardiniers il faisait planter les fleurs non au hasard et selon ses goûts,  mais avec la certitude de ce qu'elles pourraient donner le moment venu et de telle sorte qu'il n'y ait jamais de temps mort.Penché sur leur vivacité et leurs langueurs,  il scrute la vie secrète des plantes. Dans cette croissance qui épouse les variations climatiques, les caprices de la lumière, l'ordre immuable des saisons. Il ne le fait pas en scientifique, même s'il partage leur rigueur, il y met plus de souplesse, voire une pointe de mélancolie. Voir les fleurs s'épanouir et disparaître n'est-ce pas, sans emphase, une image de la vie. Une leçon de sagesse.Il y saisit, fragmentairement, le rythme souverain du monde, exprimé par la main scripteuse (celle du peintre) et il y retrouve une unité impossible à restituer par la description, choisissant de traduire la palpitation qui conduit le végétal de l'émergence à l'engloutissement. Le passage de la vie à la mort. Chantant la vie. Fut-elle brève. La rapidité du geste pictural en mesure la véritable dimension.
 


 
 
posté le 16-06-2009 à 13:57:00

Poliphile au Paradis.

Poliphile est l'espace d'un jardin qui conduit à la félicité. La Bible offre celui d'un jardin d'où l'homme et sa compagne sont chassés. Espace de la désolation.Le Songe de Poliphile serait un retour au Paradis et la femme, toujours tentatrice, en serait l'enjeu.Ici et là, l'homme est en mouvement. Cheminant. Voûté par la contrition quand il quitte le Paradis, ardent et résolu quand il traverse les diverses étapes d'un itinéraire d'initiation qui le conduit vers l'amour.Le Songe de Poliphile serait la version positive du Paradis perdu. Une revanche ?
 


 
 
posté le 16-06-2009 à 11:34:52

Degas photographe.

Comme bien des peintres de son temps Degas était fasciné par la photographie et en faisait volontiers usage pour analyser son art.A tout photographe on demande de "faire son portrait" ce qui est une manière aimable et parfois surprenante, d'entrer dans l'intimité de quelqu'un. Daniel Halévy n'était pas un inconnu pour Degas. Celui-ci avait son rond de serviette dans le bel hôtel particulier de la rue de Douait où toute la fratrie Halévy tenait table ouverte, salon bourdonnant et une vie sociale relevée par l'intelligence, le goût du savoir et de l'art.Pourtant le Daniel Halévy  photographié dans l'intimité de son chez soi, a quelque chose d'à la fois satisfait et tragique. Un jeu de l'ombre qui est celui de l'intimité mais aussi peut-être d'un mauvais jour.La pose, dans sa dynamique oblique, est bien celle que pouvait inventer un peintre. Elle donne de l'accent au personnage comme l'éclat volontaire, bien affiché, de la manche de chemise qui relève l'élégance pourtant naturelle du modèle. Et si j'apprenais que je m'égarais que la photographie n'était peut-être pas de Degas (il a peint le père de Daniel, son ami Ludovic), je maintiendrais que j'y vois une familiarité avec l'art du peintre, un prolongement (ou une approche ?) significatif de son art. L'aurait-il peint qu'il n'aurait rien changé à la pose.
 


 
 
posté le 15-06-2009 à 11:12:03

Baudelaire à la perfection.

S'incarnant tout entier dans son oeuvre, et plaçant celle-ci au meilleur de son destin, comme une sorte de trophée de sa victoire sur la banalité de la réalité (ou de sa vie), Baudelaire court moins après la gloire qu'après la perfection de son "travail" de poète (qu'il pratique en orfèvre). S'il rassemble ses poèmes pour en faire un recueil (et jamais le terme n'aura aussi bien qualifié un ouvrage) Baudelaire pousse à l'extrême le souci du bien faire, un goût presque maladif de la perfection que traduit la rigueur de ses corrections. Quand Balzac s'en sert comme tremplin pour rebondir dans la rédaction de ses romans,  Baudelaire y apporte une touche de finalité.La poésie s'est calée, dans une formulation excluant tout relâchement, toute gratuité. Elle est taillée comme un précieux bijou. Serait-il noir et redoutable.
 


 
 
posté le 15-06-2009 à 10:38:44

Ler bar de Manet.

page arrachée à "LA FEMME FLAMBEE".Bar de nuit.Le tumulte est considérable. Ce ne sont que mouvements de chapeaux, de capes, bousculades, accolades, mots échangés et regards sous les voilettes pour observer la foule. Une électricité passe sur les nuques et dans les yeux, un frisson secoue les rangs, le moment est à la détente, c'est l'entracte, dont le sens est souvent oublié, qui donne aux spectateurs, l'occasion de quitter une action où ils ne sont que des voyeurs, pour une action virtuelle dont ils deviennent les personnages, les proies et les victimes, les meneurs ou les stratèges des rencontres arrangées, des retrouvailles fâchées, des affrontements sans masque. Le théâtre est l'enjeu de la fiction et, paradoxalement, dans ses temps morts, ses répits, ses essoufflements, l'espace des rencontres dont parfois toute une vie dépendra, une intrigue amoureuse naîtra, une réputation se fera.Le bar en est le pôle d'amarrage."Le Bar des Folies Bergère" de Manet résume à lui seul toute l'intensité d'une des grandes étapes de la vie sociale où la femme est au coeur de l'action, sinon son enjeu.Qu'une femme soit au centre de l'oeuvre, en figure énigmatique et sans attache et si perdue qu'elle s'arrime au bar comme pour ne pas choir, distillant une sorte de pesanteur que contredit son apparence et sa fragilité, exprimée dans son regard, dit bien que la femme est l'enjeu du rite qui s'engage, et que l'homme dispose du pouvoir d'en modifier sinon pervertir le destin.Elle est de face, muette, apprêtée comme une figure de divinité, disponible, attentive et pourtant absente. Distante comme l'est la figure qui incarne la puissance divine. Faible parce qu'offerte, mais si profondément intériorisée en sa solitude qu'elle ne peut montrer d'elle qu'une apparence. L'image qu'on en attend. Se préservant de toute conquête par l'indifférence qu'elle affiche.Elle ne donne d'elle que l'image qu'on lui a fabriqué pour séduire.
 


 
 
posté le 14-06-2009 à 18:21:22

Dessin de poète, dessein du rêve.

A propos d'un dessin de Verlaine.Le poète dessine, il ne fait qu'écrire avec une plus grande liberté. Il s'affranchit de la tyrannie des mots pour conquérir son espace. A la dimension de ses rêves, de son humeur. Parfois de son humour.Dessiner, pour lui, c'est encore DIRE plus que MONTRER. Le dessinateur qui précède le peintre a une vision globale des choses. Il résume le monde. Il met en scène. Il compose.  Le dessinateur qui prolonge l'écriture a une vision plus immédiate des choses et parfois brouillonne, en voie d'être formulée On assiste à l'éclosion de la pensée. Il énumère et ne résume pas, il distille et ne compose pas. Il vise moins l'harmonie que l'énoncé.D'ailleurs son trait est plus nonchalant que celui du dessinateur professionnel. Il s'abandonne à l'instant. Souvent, pour lui, dessiner c'est errer au bord des mots. Les dessins d'écrivain sont un temps de repos dans la rédaction d'un texte, en marge, et comme un espace de respiration quand la tension a été trop forte, l'idée s'est égarée a batifolé. Il n'est pas dominé par un souci d'esthétique. Il peut même dénoncer des inaptitudes,  On peut savoir écrire et non dessiner.  Ecrire et dessiner procède pour l'écrivain, d'un même élan qui est si près du corps (et de la pensée) qu'aucune discipline relevant de l'esthétique n'en vient freiner la dynamique.
 


 
 
posté le 13-06-2009 à 16:15:16

Le Journal de Jules Renard, une leçon d'écriture.

La leçon d'écriture de Jules Renard.N'aurait-il laissé que son "Journal" Jules Renard s'impose comme un étonnant styliste. Pourtant, tout comme Flaubert, il peine sur les mots, dans sa recherche de l'exactitude. De la perfection. Ecrire c'est aller au devant de la vérité. Des hommes, de la vie, de la réalité qu'il ne voit guère souriante. Son enfance en serait la cause. Il en naîtra plus tard Poil de Carotte qui lui donne son ticket de célébrité quand le Journal en dit bien plus sur lui.Il est une sorte de manuel de la formule brève et cinglante : Il faut aimer les hommes malgré la boue. La peur de l'ennui est la seule excuse du travail, Le rêve c'est le luxe de la pensée. L'accent circonflexe est l'hirondelle de l'écriture, La femme est un roseau dépensant.Une oeuvre mince, assez marginale par rapport aux grands courant de son temps, des amitiés qui signalent ses choix : Tristan Bernard, Georges Feydeau, Alphonse Allais,Mais le Journal est un monument à placer sur sa table de chevet pour maîtriser notre appréhension devant l'ignominie du quotidien.Charles du Bos, qui tenait le sien, peut préciser qu'il est "un Montaigne minuscule dont La Bruyère aurait affûté le style".Une anecdote pour finir. Avec M.C. nous badinions dans cette France profonde allant de village en village, boire des piquettes locales et visiter des églises (on aimait les caquetoires qui les ceinturent). Un aimable village avec en son centre une modeste pelouse et une sorte de stèle rustique. Le chien de M.C est pris d'une subite envie de lever le patte. Contre la pierre, je m'insurge, m'approche, lit et découvre qu'on était à Chitry-les-Mines dont Jules Renard fut le maire. Il y avait passé une partie de son enfance.
 


 
 
posté le 12-06-2009 à 18:35:45

Dans les jardins de Poliphile.

Il fallait bien traverser cette série de jardins, la femme étant l'enjeu de la promenade qui, telles celles des légendes antiques, promettaient toujours un pan du paradis perdu au terme d'un voyage semé d'épreuves. La femme est absence, elle est promesse. Elle est source d'ardeur. Une flamme tranquille l'habite.La nature offre tous les visages, tous les aspects de sa complexe croissance dans l'espace, répartissant les éléments selon une architecture qui a ses secrets, ses mystères.L'illustration du Songe de Poliphile (d'attribution discutée mais se situant dans le coeur de la grande Renaissance florentine), instaure ce trait précis mais doux, net mais gracieux, qui déroule ses splendeurs architecturales, défini ses effets de perspective, distribue, comme sur le plateau d'un théâtre, ses personnages.Le moment est venu de faire entrer en scène, les blondes jeunes filles rêvées par Botticelli, au nom du printemps, ou pour célébrer la naissance de Vénus.Sortant de l'onde, toute frissonnante, elle s'avance avec une calme fierté, une assurance rassurante, une séduisante audace, mais sans rien d'agressif,  ni de provocateur. Comme un état de la nature. Pourtant, la légende la faite naître de l'écume des flots après que les organes sexuels d'Ouranos (le ciel) qui dévorait ses enfants, furent jetés dans la mer lorsque Gaia (la terre) aidée par son fils Cronos, le châtia. Une autre version la dit née d'une goutte du sang jaillissant de cette castration.Ainsi, Vénus, claire et  charmante ondine, est chargée de toute une symbolique de tragédie familiale et hantée par le crime dont elle est le fruit. Sous l'eau la plus claire, la mal fermente, comme le monde des abysses reste, pour l'homme penché sur le rivage, une source d'inquiétude et de folie imaginaire.La femme "au naturel", vue par un peintre de la Renaissance, n'offre que l'aspect lisse de ses antériorités marquées par le mal (le mythe du Paradis perdu) ou la véhémence sacrificielle des dieux.Et si la femme, dans l'intensité de sa première vérité, était l'image de cette nature, mais fardée pour le plaisir et l'oubli de nos origines calamiteuses !Botticelli gomme toute l'ombre qui pèse sur elle, et ne retient qu'une bienheureuse allégresse. Voici "Le Printemps". Femmes et arbres fleuris sont entraînés dans une danse que rien ne vient brusquer ni déranger. Même l'air qui se déplace emprunte la forme des anges pour ne pas heurter l'harmonie d'une simple fête. Il y a là ce hiératisme tranquille des tapisseries parce que c'est une peinture pour la parade et pour la fête. Une histoire qui est le miroir de ce à quoi aspire celui qui la contemple.D'avoir perdu le Paradis donne, à l'homme qui le cherche, l'envie d'en inventer de plus beaux encore. Selon ses critères, avec ses modèles. Les femmes y sont à la ressemblance de celles qu'il croise dans la réalité, et admire. C'est la femme répondant aux critères du moment. On verra bien ceux-ci évoluer et de la fine femme-fleur de Botticelli on passera, en quelques générations, à celles qui ont cette pesanteur charnelle annonçant une société d'hommes sensuels et aux plaisirs plus matériels, que Rubens célèbre en se référant aux mêmes pages de la légende. L'histoire n'a pas changé, seule, la figuration.
 


 
 
posté le 09-06-2009 à 15:59:14

Un itinéraire amoureux copié de Poliphile.

La pratique du "Grand Tour" au XVIII° siècle, plutôt réservée aux enfants des classes aisées (aristocratie et bourgeoisie ascendante), était le point final donné à une bonne éducation et une culture littéraire accomplie. On y faisait collection de ruines dans l'admiration portée à la civilisation greco-latine dont l'occident était l'héritier.Aujourd'hui c'est le tourisme qui met ses pas dans patrimoine archéologique constitué, pour l'essentiel, par des ruines soigneusement protégées et mises en valeur. Le voyage à Rome se confond souvent avec la visite du Forum qui contient, à lui seul, un résumé de la civilisation et distille, pour ceux qui le voit avec l'oeil des romantiques, un charme couramment lié à l'amour. Il devient le cadre de promenades amoureuses. On y retrouve justement la magie qui émane du "Songe de Poliphile". La ruine est une étape de la recherche de l'amour, un  jalon sur l'itinéraire qui conduit à la félicité.
 


 
 
posté le 09-06-2009 à 15:25:00

Google est un labyrinthe.

Google est un labyrinthe.Chercher une image dans google c'est s'offrir la découverte de celles qu'on n'attend pas et souvent croisent, confortent, prolongent l'idée que l'on tente de maîtriser. Nouvelle forme de labyrinthe dont ce blog est une tentative ainsi quotidiennement modifiée, portée de découverte en découverte vers d'autres horizons que ceux préalablement perçus. On pourrait imaginer un texte (de fiction ou de réflexion) ainsi conduit là où on ne l'attend pas, et lui-même enivré et vivant de cette constante et mobile errance entre des propositions nouvelles, des découvertes inattendues, des propositions alléchantes auxquelles il n'aura su se dérober.
 


 
 
posté le 09-06-2009 à 15:05:53

Le cheminement de Poliphile.

On peut voir dans l'idée de faire cheminer Poliphile dans un "champ de ruines" une image de la désolation qui plombe une société épuisée, ruinée où un survivant a droit à la vie parce qu'il est conduit (motivé) par l'amour, la recherche de la femme qui doit lui apporter félicité et sérénité.Pour y parvenir il doit subir une série d'épreuve (comme dans les légendes) et les différentes étapes de sa recherche sont chacune un temps de la vie humaine (charnelle) qui conduit à la félicité promise.Les ruines sont l'image de destins abolis ( maudits ?) de promesses trahies, d'illusions perdues et d'une suite de désenchantements.Pourtant la nature y est vive encore, et pleine de promesses. D'elle viendra la renaissance. Celle des corps et des âmes en une union salvatrice.Pour Nerval (fort amateur de ce cycle), il contient un message chiffré, il y voit un espace d'alchimie. Serait-ce le banaliser que d'aller vers des symboles plus immédiats, moins écrasés par de complexes combinaisons qui en rendent l'accès difficile pour le commun des lecteurs (dont je veux être).
 


 
 
posté le 09-06-2009 à 14:46:15

Parade pour un labyrinthe.

Redire encore que ce blog fonctionne comme un labyrinthe. Des cheminements se croisent, s'unissent parfois, radient autour du souvenir du Soleil dans la tête. On y croise des écrivains, des peintres ( dont ceux qui fréquentèrent le Soleil dans la tête) et ceux qui apparaissent au hasard des rencontres, dans le rythme du quotidien. En ce moment, grâce à la fréquentation assidue et quasi hebdomadaire des vides-grenier où l'on trouve des livres  "en surprise", tant parfois ils sont inattendus dans ce contexte; et parfois une perle parmi les ouvrages largement diffusés et plébiscités par les médias. Un exemple : un Artaud, un René Char, un Raymond Roussel, parmi les livres de Jean d'Ormesson, ou de Paul Louis Sulitzer et pire encore les mémoires d'une chanteuse ou de Loana !Un labyrinthe donc qui est reconduit de découvertes en découvertes comme le cheminement du héros du "Songe de Poliphile", qui, d'une ruine à l'autre, d'un bosquet au suivant, s'approche du but final, la rencontre avec l'amour.
 


 
 
posté le 08-06-2009 à 10:17:31

La maison de Fernand Gregh.

Cela commence comme une surprise, l'inattendu arrive. C'était au cours d'une promenade nonchalante aux alentours de la Maison de la Radio. Il y a là des coins de campagne oubliés, des retraits de l'animation de la rue, des impasses feuillues et gracieuses comme cette impasse du Ranelagh légèrement pentue et bordée de maisons bourgeoises, de styles aussi variés que devaient être ses habitants, en général des intellectuels de la fin du XIX° siècle qui venaient là aux abords de la ville pour cultiver leur singularité. La maison de Pierre Louys (toute de brique et fière) ouvrant la parade. Après un tournant on découvrait un espace qui fut un jardin, sans doute abandonné, livré aux mauvaises herbes, qui entoure une vaste maison elle-même close et rendue mystérieuse. Renseignements pris on apprenait que ce fut celle de Fernand Gregh, un académicien bien oublié qui fut de la classe de Proust à Condorcet et créa avec lui (et Daniel Halevy) la revue "Le Banquet".Suivra une production abondante dont il ne reste plus grand chose. Des titres à égrener comme fleurs des champs : La Beauté de vivre, Les Clartés humaines, L'Or des minutes, La Chaîne éternelle, La Couronne douloureuse, Couleur de la vie, La Gloire du coeur. A y regarder de près, une tonalité très "fin de siècle". Les retrouver c'est feuilleter des années perdues,  un chemin qui serpente parmi les nostalgies de l'époque. Proust voguera dans un registre plus ample.
 


 
 
posté le 07-06-2009 à 15:42:20

La poésie en revue.

La revue, même confidentielle ( et elle l'est pas nature) consacrée à la poésie revient à créer autour de celui qui la dirige, une sorte de famille, en complicité amicale en  se plaçant sous le signe de quelques aînés dont on assume l'admiration qui peut aller jusqu'au mimétisme. Toute oeuvre poétique destinée à prendre quelqu'ampleur s'amorce sur une oeuvre reconnue, dont elle tire ses premiers élans. Ainsi se créé des générations qui s'organisent par grandes familles. Dans les années 50 (et relayées par l'activité du Soleil dans la tête), c'était la gloire de Blaise Cendrars, René Char, Jacques Prévert, René Guy Cadou, Léon-Paul Fargue, André Breton, Aragon. On pouvait tracer des itinéraires s'amorçant sur ces grands aînés, la plupart encore vivants, et qui parrainaient ainsi leurs cadets se trouvant confortés dans leur rôle historique.Les jeunes revues avides de leur reconnaissance n' hésitaient pas à organiser des   numéros d'hommage et, surtout, de quêter leur collaboration. Ainsi une revue de poésie joue un peu le rôle de passeur entre deux générations.
 


 
 
posté le 06-06-2009 à 11:35:30

Cocteau au Boeuf sur le toit.

Modeste à sa création le Boeuf sur le toit va devenir, sans doute grâce à la virtuosité de Jean Wiener pianiste enjoué ( qui n'a pas rêvé de taper du piano dans un bar et celui de la Closerie des Lilas ne manque pas d'atouts ! ) un lieu incontournable pour ceux qui veulent voir le Tout Paris, et être vus.Car c'est bien dans ce va-et-viens rituel qui se construisent les réputations et se fondent les couples (qui se défont tout aussi vite). Jean Cocteau, qui est partout, ne pouvait qu'être là aussi ( et surtout là) parce qu'une permanence au Boeuf sur le toit vous donnait le ticket de la renommée que d'autres ne trouveront jamais qui s'isolent dans leur tour. La légende veut qu'il y tenait la batterie dans le petit orchestre qui animait les conversations. Du Groupe des Six à l'estrade du Boeuf sur le toit Cocteau faisait le chemin (le seul possible) qui conduit à une réputation de noceur intellectuel (ou d'intellectuel noceur, au choix).Mais le Boeuf sur le toit c'est aussi des soirées assurées de dorer les réputations de ceux qui y débattaient du monde et de la légèreté des moeurs. Ici la vie est "un long fleuve tranquille" où volent les multiples oiseaux de la galanterie et du génie.A chaque table une célébrité, on se donne la réplique et l'on brille, demain tout Paris reprendra les bons mots. Club autant que boîte d'esprit, le  Boeuf sur le toit est au coeur de la vie mondaine des Années folles. Il en est le plus étonnant et séduisant bijou.
 


 
 
posté le 05-06-2009 à 14:55:11

Baudelaire dessine Jeanne Duval.

Page arrachée au quotidien de Baudelaire, notes rapides, adresses, ces jalons de sa vie d'errance encadrent un portrait idéalisé de Jeanne Duval. Altière, impérieuse et belle à damner. Baudelaire est pris au piège. Son portrait dénonce son aveuglement.
 


 
 
posté le 05-06-2009 à 14:40:03

Jeanne Duval, l'enfer de Baudelaire.

On en revient au thème de "La femme flambée". D'abord le terrible portrait de l'atroce Jeanne Duval par Manet. C'est l'inspiratrice de Baudelaire, sa plaie vive. Des îles, elle apportait le parfum capiteux, les mystérieux silences, les voluptés cachées, mais Paris l'a blessée, vieillie avant l'âge et elle n'est plus qu'une sorte de poupée lascive, affalée sur un siège dans un désordre de mousseline, visage blafard, rongé. La mort peint sur elle ses stigmates. Elle a le regard vide de ceux qui, déjà, abordent les vertiges intérieurs. Droguée, la chronique renchérie sur les supplices qu'elle inflige au poète par sa veulerie, ses maladies qui n'en finissent pas. Son alcôve n'est plus celle du plaisir, enivrée de parfums, mais étouffée de médicamentations. Le court chemin qui mène de l'alcôve à l'hôpital est une constante de cette "fin de siècle" énervée de fièvres malignes, de pulsions vicieuses, d'évanouissements suspects. On prépare l'itinéraire initiatique de la Dame aux Camélias. L'amour serait-il infailliblement puni par un Dieu qu'il offense. Comme Eve chassée du paradis en raison d'une trop vive curiosité, la femme du XIX° siècle est chassée des plaisirs de l'amour par la maladie et la mort. Si le paradis est dans l'alcôve, l'enfer est à l'hôpital.Même dans sa fugitive splendeur Jeanne n'a jamais été qu'une Vénus de bazar. Aimée par Baudelaire comme un objet de plaisir, de curiosité. L'attrait des pays lointains, de l'Orient, de l'exotisme, entraîne ceux, qui en ont la possibilité, à exhiber comme des colifichets, esclaves soumises aux caresses professionnelles, ces  perles rares des îles qui parent les salons de la bizarrerie de leur allure, de leur couleur, de leur odeur même, qui a ces profondeurs troublantes que chante Baudelaire.Gauguin, lors d'un passage à Paris, aura sa Vénus exotique, que l'on dirait sortie d'un de ses tableaux, et Pierre Louys ornera son salon d'une dulcinée aux silences  expressifs, aux sourires ambigus, aux flexiblités suggestives.. 
 


 
 
posté le 05-06-2009 à 11:29:46

En bonne compagnie d'André Fraigneau.

Encore une rencontre manquée. J'avais Fraigneau au téléphone (suite à un article dans la Quotidien de Paris). Remerciements, potins et proposition d'un rendez vous. Il était un voisin (de la rue Saint Romain à la rue Récamier il y a une poignée de pas dans un quartier qui respire le confort et la sérénité).Accumulations de petites choses qui nourrissent le quotidien et Fraigneau meurt. Trop tard pour connaître cet être assez étrange (et sans doute séduisant) pour avoir créé une légende autour de lui. En dépit d'une "production" (l'horrible mot) littéraire modeste et une audience presque clandestine, il brillait d'une aura qui est de la nature des vrais réputations ( comme il en fut pour Julien Gracq). Encore que Fraigneau fut assez répandu, et fréquente dans sa jeunesse tous ceux qu'il fallait connaître de Cocteau à Malraux, en passant par Drieu la Rochelle, après avoir reçu l'onction de Maurice Barrès ce qui, pour un écrivain de sa génération, c'était comme être béni par le pape alors qu'on est encore un enfant de choeur. Tenu en marge de la grande avancée des gloires des années 30 il devient, sans l'avoir voulu, une sorte de gourou des écrivains qui, dans les années 50, refusent l'engagement, le militantisme politique, se détournent de Sartre et de ses lieutenants et composent ce qu'on aura baptisé "Les Hussards" (référence à Jean Giono, leur idole). Il y a là Antoine Blondin, Michel Déon, Pierre Boutang, une belle génération de flambeurs (Rogier Nimier est leur mentor). André Fraigneau écrivait clair et  presque classique mais avec quelque chose de la grâce qui donne aux mots leur azur et leur transparence. Un plaisir tranquille, innocent. Indécent quand le monde est en souffrance, peut-être.
 


 
 
posté le 04-06-2009 à 11:34:11

Ludovic Halévy, le confort bourgeois.

Descendant d'émigrés juifs venus d'Allemagne, la famille Halévy s'est, en deux générations, imposée dans le milieu bourgeois et intellectuel du XIX° siècle. Ludovic, en particulier, a fait une brillante carrière comme librettiste (en collaboration avec Henri Meilhac) pour des opérettes dont la musique était d'Offenbach (La Belle Hélène, La Vie parisienne, La Grande Duchesse de Gérolstein, aux Variétés, Froufrou, au Gymnase, Le Réveillon et la Boule, au Palais Royal). Plus sérieusement il est l'auteur de quelques ouvrages d'une piquante actualité (les Petites Cardinal, l'Abbé Constantin). Suprême honneur il entre à l'Académie française en 1884. Carrière exemplaire pour un homme de sa classe même s'il n'en reste pas grand chose au regard d'un amateur d'aujourd'hui qui voit plutôt l'incarnation d'un certain confort conventionnel que traduit bien son mode de vie. Dans la quiétude et l'opulence discrète d'un hôtel particulier de la Nouvelle Athènes qui existe toujours (rue de Douai). On est là dans les coulisses du monde de Proust qui, d'ailleurs fréquente le salon de la cousine de Ludovic, Geneviève, d'abord mariée au compositeur Bizet puis à l'homme d'affaire Srauss. Proust s'appuyant sur une observation aiguë et impitoyable de cette comédie bourgeoise teintée de culturelle et vivant en vase clos. C'est le "côté" Verdurin de la "Recherche du temps perdu", le "côté" Guermantes puisant ses sources dans le faubourg Saint Germain. On y déployait pourtant sensiblement le même décor, seuls changent les personnages.
 


 
 
posté le 04-06-2009 à 10:16:13

Baudelaire chez Nadar.

Tout le monde allait chez Nadar, pour se "faire tirer le portrait". Baudelaire en fit de surcroît un ami. De concert ils sillonnent le Paris nocturne et ses bas-fonds Baudelaire tirant de ces incursions où il gâche sa santé et ses finances, des impressions qui vont subtilement nourrir sa poésie. "Les Fleurs du Mal" sont bien celles de ce Paris marginal, avec ses figures hâves et ses sirènes maladives.Il prend volontiers la pose, se joue la comédie du décavé. Hors du monde des soumissions pragmatiques il prône l'élan vers cet idéal défini en ses formes, en ses icônes, mais il est comme l'oiseau à qui l'on aura coupé les ailes. Il n'en a que la nostalgie. Tout comme Manet, peignant sa maîtresse Jeanne Duval, souligne le caractère fatal et désenchanté d'un  modèle de complaisance, Nadar insiste sur le côté maladif de Baudelaire, il en fait une icône de cette version du romantisme "fin de siècle".
 


 
 
posté le 03-06-2009 à 09:31:07

Le Paris de Baudelaire.

Tout comme Gérard de Nerval, ou Verlaine, Baudelaire aura souvent déménagé, sort de ceux qui ne peuvent, faute de moyen, avoir un lieu fixe. Mais cette errance malheureuse entraîne une connaissance plus physique d'un Paris où ils ont de multiples adresses. Une approche au quotidien d'un Paris aux multiples visages. Voici Baudelaire dans le luxueux hôtel particulier de l'île Saint Louis, et dans un misérable bouge de la rue d'Amsterdam, Quai Voltaire et rue de Seine dans un hôtel de seconde zone. Un va et vient entre luxe et misère qui façonne sa sensibilité et donne des arêtes à sa vision des choses. Un tour de Paris qui est aussi celui du piéton, et tout dandy qu'il s'affiche, sensible aux spectacles parfois désolants de la rue.On peut le suivre à la trace, d'hôtel en hôtel, comme un errant accablé par les contraintes du quotidien, et s'interroger sur l'influence de ce mode de vie sur la création. Ce serait, dans son cas, s'égarer dans des considérations gratuites. Au delà de l'errance (qui n'est pas pittoresque mais contrainte), Baudelaire se fixe des règles de vie, et vise des objectifs qui dépassent le quotidien. L' influence de ce dernier est subtile, tout comme son art. Il ne fait que donner les couleurs à un dessin qui est à la mesure de son âme. Il évoque d'ailleurs cette dernière, et dénonce une blessure.
 


 
 
posté le 02-06-2009 à 15:38:38

Le fauteuil de Balzac.

Qui n'est pas fasciné par la contact avec les éléments constitutifs d'une entreprise aussi gigantesque que  "La Comédie humaine"" ou  La Recherche du temps perdu" ?  On ira comme à la messe contempler le lit de Proust au musée Carnavalet. Il est là dans une niche (comme les statues des saints à l'église) avec la table de nuit fameuse où Marcel gisant préparait ses fumigations pour lutter contre l'asthme, et les carnets sur lesquels il notait en phrases brèves ce qui allait dans le livre devenir parfois tout un chapitre. Du carnet des écrivains il y aurait beaucoup à dire et pourquoi pas une étude rationnelle de cet aspect peu connu de la création ?Côté Balzac c'est d'abord ce jardin découvert depuis la rue et  que l'on gagne en descendant un escalier comme creusé dans la falaise pour aboutir à la plage. C'est un jardin intime, fait pour les promenades digestives. Un banc pour rêver, des buissons pour l'odeur des essences végétales qui composent un décor de verdure, et les portes fenêtres mettant la maison au niveau de la nature, dans son intimité et ses variations climatiques. Un lieu de calme et de labeur. Il n'y manque plus que Balzac. On l'imagine entre deux chapitres, faisant quelques pas. Il est en robe de bure comme il aime quand il s'attelle à sa table de travail. Et voilà justement la table. Genre Louis XIII et surtout le fauteuil. Haute époque, Balzac aime les meubles de style et les objets trouvés chez les antiquaires. Il en subsiste quelques uns dans les alentours. Le fauteuil c'est un peu le trône de son génie. Il s'y épuise, s'y maintient, par l'abus de café, en veille quand le sommeil le gagne. Ecrire la nuit c'est aller au coeur des mots. S'y enfouir, comme en une cache pour mieux se retrouver comme dans le ventre maternel. Notons le :  le lit de Proust, le fauteuil de Balzac sont liés à la nuit, source de toutes les spéculations de l'esprit.
 


 
 
posté le 02-06-2009 à 13:46:55

L'écriture de la lenteur.

Quand l'écriture manuscrite suit la vitesse de la pensée, en traduit même parfois les frémissements, relève des traits de caractère du scripteur (d'où l'intérêt de la graphologie) l'enluminure est un produit de la lenteur, celle du copiste. En revanche elle permet d'étayer le texte par l'image qui l'accompagne, dont le texte est souvent le prolongement (à moins que ce ne soit le contraire).Texte et image font corps. La BD y trouvera l'essentiel de son mécanisme. La page est un peu l'écran d'un cinéma intérieur, avec tout ce qu'il faut de gravité, de naïveté, pour donner au texte toute sa portée quand, la plupart du temps, il relève de l'enseignement religieux. La technique de l'enluminure n'ignore pas l'humour, elle aspire à résumer la réalité de la vie et du comportement des hommes parce qu'elle a une valeur pédagogique.