posté le 30-06-2009 à 15:48:53
Bernard Delvaille et la curiosité comme emploi.
Delvaille et la curiosité comme emploi.
Ecrire
ce n'est pas que se raconter sous toutes les coutures. Se complaire
dans l'admiration de soi et les épreuves de son quotidien. Il y a
beaucoup de dignité à se taire sur soi et se donner aux autres,
autrement dit, manifester de la curiosité pour tout ce qui nous entoure
et nous séduit.
Ecrire c'est aussi lire. Liseur de qualité,
Bernard Delvaille le fut plus que tout autre, d'autant qu'il n'était
pas lecteur professionnel ( si, d'occasion, pour la commande d'un
article) mais je le soupçonne d'avoir surtout été un curieux. Un
aventurier du livre qui va à l'abordage vers des terres inconnues, des
auteurs séditieux, de préférence peu connus, et pour faire dans
l'excellence, oubliés.
Sa bibliothèque était un trésor pour
bibliophile et lettré. Je lui connaissais quelques passions ( pour
Jacques Rigaud par exemple) si l'on connaît celle qu'il affichait pour
Valery Larbaud ou Théophile Gautier. Mais il y aura aussi Blaise
Cendrars (comment y échapper ) et le si singulier Charles Albert
Cingria, une perle dans la tourmente de l'entre deux guerres. Voilà un
chapitre ouvert. Qui veut s'y engouffrer ?
posté le 30-06-2009 à 15:30:45
Restif de la Bretonne piéton de Paris.
Qu'y a-t-il au départ. Un
gamin déluré qui bouscule les bergères dans les prairies de la ferme
paternelle. Le soir on lit la Bible, mais on sait aussi suivre le
rythme des saisons, danser aux fêtes villageoises et faire le gandin
pour attirer le regard des filles. Restif sera "de la Bretonne" du nom
d'un champ de la propriété familiale et va faire ses débuts de
typographe à Auxerre où il "tombe" amoureux de la femme de son patron.
Il manie avec dextérité le plomb des lettres qui forment les phrases et
les livres ont alors cette belle allure de vieil abbé savant. Monté à
Paris Restif de la Bretonne s'installe dans le quartier qui est alors
celui des libraires, aux abords de la rue Saint Jacques. Il écrit
directement ses livres en les "composant" sur l'atelier de
l'imprimerie. Défi, audace, écriture en accord direct et immédiat avec
son médium, le plomb, le papier, la presse. Beaucoup de poètes
aujourd'hui s'en inspirent. Mais Restif est aussi un noctambule.
Hibou sur le sommet de son chapeau, il erre dans les rues, souvent à la
recherche d'une aventure, mais observateur impitoyable aussi des menus
incidents qui s'y déroulent. Paris est alors un fabuleux théâtre.
posté le 30-06-2009 à 13:44:10
Phillippe Soupault et la peinture.
-
Général
Philippe Soupault et la peinture.
D'avoir été
le chantre du douanier Rousseau lui donne à mes yeux un brevet
d'indépendance vis à vis des opinions courantes et des préjugés d'un
milieu qui veut qu'on s'attache à une tendance, une école, un courant
et que l'on méprise, voire attaque, tout ce qui ne ressort pas de ce
choix.
Il est remarquable de voir que Soupault a aussi
bien écrit sur Rousseau que sur William Blake ou Paolo Ucello ( comme
Antonin Artaud), ou encore Jean Lurçat. Mais il a
aussi attiré
l'attention de Victor Brauner, Félix Labisse, André Masson, Raoul
Ubac, Alexieff, Marc Chagall (illustration de Rose des Vents), Picabia
(illustration des Champs Magnétiques), ou à la fin de sa vie de Sergio
Ceccotti. Enfin, en juste hommage, Robert Delaunay l'a inscrit en
figure de proue de l'une de ses oeuvres majeurs.
posté le 30-06-2009 à 13:15:24
Gala Dali, une muse sulfureuse.
Gala muse sulfureuse.
Elle est née Helena Dimitrieva
Deluvina Diakonova, en 1891, elle meurt Gala Dali en 1982. Entre ceux
deux dates une vie ardente où l'amour, la séduction et l'âpreté se
conjugent entre surréalisme et mondanité, jubilation amoureuse et
marchandage avec une pointe, au final, de fébrilité sexuelle à en
croire la chronique. C'était bien la muse qu'il fallait pour "avida
dollars" comme l'avait baptisé André Breton, qui pourtant avait salué
l'arrivée de Salvador Dali dans le groupe surréalisme comme une avancée
majeure dans la constitution de sa politique d'expansion du mouvement.
C'est
sa rencontre avec Paul Eluard, au sanatorium de Clavadel (en Suisse) en
1913, qui va la propulser dans le groupe surréaliste où, au passage,
elle séduit aussi Max Ernst, figure énigmatique du surréalisme et
inventeur de quelques unes des techniques les plus enrichissantes dont
ses amis feront grand usage.
Gala est totalement associée à la
carrière de Dali dont elle appuie et soutient avec une ténacité
exemplaire la carrière, endiguant même à, en croire le peintre
lui-même, le risque de la folie qui le menace.
Muse
parmi les muses, elle en a moins la grâce qu'on leur prête (comme à
Nusch par exemple aux côtés d'Eluard), que l'énergie qui permet à un
créateur d'être lui-même.
posté le 30-06-2009 à 13:05:14
Egon Schiele précurseur de la peinture contemporaine.
Sortie des conventions académiques, la peinture affronte plus directement, et sans complexe, sans pudeur, la réalité dans ses aspects les plus intimes. Elle lève le voile sur la sexualité qui, jusqu'alors, se fardait aux fictions des mythologies et fondait les relations humaines sur des modèles littéraires, artificiels et convenus. La peinture se donnait le droit d'être inconvenante au regard des usages, des principes édictés par la société pour se protéger de tous les écarts, les débordements, les déviances que seule la littérature (clandestine) se permettait d'explorer.
L'Ecole Viennoise (sous l'égide de Gustav Klimt) aura été l'un des moteurs de cette émancipation qui va gagner le terrain d'un art international. Même si un certain accent signifie une appartenance à une culture, une tradition locale, un esprit spécifique d'une civilisation, l'esprit de liberté né dans la période "fin de siècle" va rebondir dans toutes les capitales européennes qui favorisent l'essor d'un art nouveau.
Curieusement il va véhiculer des notions nouvelles, un esprit de contestation, un pessimisme qui, lui, est international. Il devient la couleur dominante d'une production picturale qui s'épie, se copie, faisant écho par un effet de libre circulation des idées et des genres, De Vienne à Munich, de Munich à Paris de Paris à Berlin, solidifiant des séquences bien orchestrées de cette avancée dans un esprit de catastrophe qu'un artiste comme Egon Shiele annonce avec une belle assurance.
posté le 30-06-2009 à 12:12:16
Philippe Soupault dans la tourmente.
Soupault dans la tourmente.
Au lendemain de la
Grande Guerre et né au sein même des événements "dada" va croître et
fédérer des énergies artistiques et littéraires. De jeunes poètes comme
Aragon, André Breton et Philippe Soupault vont se retrouver et penser
une action collective. Ce sera le surréalisme. Breton et Soupault se
lancent dans l'écriture automatique, ce sera "Les Champs Magnétiques",
une écriture décervelée qui conduit le poète à lâcher au grand jour les
noyaux les plus secrets de son inconscient, jouant sur le lapsus, le
hasard, la spontanéité verbale, toute choses que l'on maîtrisait
jusqu'alors au nom de l'art, et qu'ils libèrent au nom d'un art
nouveau. La revue Littérature (d'où lits et ratures) va signifier cette
reconnaissance et cette avancée où se fondent des énergies nouvelles,
émergent de nouveaux talents. L'avenir est brillant dans l'absolu des
choix, des arguments, la force innocente des amitiés, la vénération de
l'amour. Un choix de vie.
posté le 30-06-2009 à 11:51:59
Jean l'Anselme le poète des marges
Jean l'Anselme. Le poète des marges.
Sans
avoir l'invective à la bouche, la hargne au ventre et jouant plutôt de
la flûte que du tambour voilà Jean L'Anselme, qui court les banlieues
de la poésie, rencontre sur son chemin Gaston Chaissac et Jean Dubuffet
( des relations dont on peut se vanter ) et qui mobilise les mots pour
dire leur vérité. Il a flirté avec ce que la poésie a de plus naturel.
Point de philosophie ( même du dimanche) et point d'épanchement à la
théâtralité douteuse.
On peut aussi aller du côté de Jean Vodaine,
le poète-imprimeur ( une race de haute qualité) qui accueille
volontiers ceux qui ne marchent pas dans les rangs et au pas cadencé
mais cherchent leur propre musique et font valser les images. Si
l'homme vous intrigue allez sur ingirum.blogspirit.com
posté le 30-06-2009 à 11:15:15
Baudelaire l'avait annoncée.
Baudelaire l'avait annoncée, à propos de son ami Manet : la peinture allait vers sa déchéance. Ce qui n'est pas la condamner mais lui donner une autre mission que celle qu'elle s'était arrogée depuis des siècles. D'exaltation du beau, en obéissant à des critères, elle devenait terrain d'exploration de ses possibilités matérielles, expression sans bornes ni contraintes d'un moi que les lois atrophient et qui trouve enfin un moyen de s'incarner. Non pour dire la beauté du monde, mais souvent dénoncer la condition humaine, un destin maudit, de multiples difficultés à communiquer autrement que par l'exaspération, la dérision, la provocation.
Le Cercle de l'Enfer visité par Dante trouve son illustration.
posté le 24-06-2009 à 11:50:31
Unica Zurn et les mots.
Un titre en forme d'énigme. On saura que le passage du "bas de case" à la capitale entre dans le jeu graphique qui excuse aussi les nombreuses "photes" d'orthographe. Pourtant le texte n'est pas de la nature de ceux que prône Dubuffet pratiquant l'orthographe phonétique, dans un ton de drôlerie totalement exclus ici où le texte, dans ses bavures, ses chutes, ses reprises bizarres, traduit plutôt un certain errement à l'intérieur de la pensée qui se projette dans le texte dans l'instant même de sa formulation, sans aucune "pudeur". Avec parfois de longues brassées verbales, dans une sorte de communion avec la mémoire, et l'instant comme prise suprême sur le réel.
Une mise à nu de la pensée. Une écriture qui colle directement à la fulgurance des images qui la traversent. Avec quelque chose de ce tremblement qui caractérise aussi le dessin d'Unica Zurn, un dessin de dentelle (et de soie). Il cerne les zones dont s'est emparée la folie, ou qu'elle se prépare à conquérir, avec un mélange de souvenirs et cette distorsion portée à la réalité jusque dans ses moindres détails. Unica Zurn est une fanatique du minuscule. Elle a l'oeil d'un microscope, se contente de la plus minuscule surface pour s'épandre. Donnant à son discours les dimensions et la couleur du murmure, comme ces divagations que l'on est parfois amené à abandonner dans le mi temps du sommeil et de l'irruption du réel. Elle a mis ses pas (son âme) dans cet entre temps qu'explorait si bien Gérard de Nerval mais sans se contraindre à une formulation claire et partageable de son intimité. Un peu comme si elle pratiquait un langage codé. Il importe de se souvenir que le français n'est pas sa langue maternelle, mais un espace qu'elle a acquis au nom de la connaissance, et qu'elle se livre à un exercice qu'elle aurait plus naturellement menée dans sa langue (l'allemand) où il aurait perdu sa saveur particulière. Inventant ce langage comme avait pu le faire Nadja, (mais plus portée sur le dessin) ou Léonora Carrington une soeur au delà du miroir.
posté le 24-06-2009 à 10:02:55
De l'alcôve au couvent.
De l'alcôve au couvent.
C'est à la cour de Louis XIV que va s'ouvrir cet étrange itinéraire qui mène la belle favorite à l'instant de sa chute, des salons lambrissés de Versailles, aux cellules froides des couvents où elle achève une vie qui fut futile dans les mortifications, les macérations et la prière.
La fraîche, naïve et sentimentale Louis de La Vallière ouvre la voie. Celle-là même qui l'y poussa y est à son tour conduite. C'est l'insolente, crâneuse et agressive Montespan. Françoise Athénais de Rochechourt, marquise de Montespan, après son éblouissante fortune auprès de Louis XIV amoureux, achève sa vie au couvent Saint Joseph qu'elle avait fondé.
Ironie du sort, et comme un subtile écho à un destin qui n'est grand que des illusions qu'il entretient, c'est la marquise du Deffand qui, à la génération suivante, occupera la même chambre, après avoir épuisé les charmes pimentés de la galanterie de ce Palais Royal que le Régent avait transformé en lupanar. Mais d'une solitude forcée, dans un cadre religieux, déchu de ses fonctions, elle va faire un Salon, un haut lieu de l'esprit du XVIIII° siècle, celui-là même qui va préparer la chute de la royauté. Comme si l'intelligence, à défaut de la piété, était une compensation à la débauche.
Le couvent comme annexe à la vanité des "grands" rendus victimes et sensibles, subitement, à ce désenchantement qui suivait de trop fortes ivresses.
Il y aura des retraites saisonnières, comme on fait une cure pour se "ressourcer", il y aura des enfermements aussi résolus que suicidaires (celui de Louise de La Vallière). Comme si, au regard de ceux qui en sont les principaux acteurs, la pénitence est la conséquence inéluctable d'une débauche trop appuyée.
Le chapelet comme médecine, après les plaisirs de l'alcôve, la solitude comme garant d'un rachat de son âme.
Pour pardonner le corps qui s'est épanché dans le bruissement de la soie, l'éclat des fêtes, l'extase des plaisirs, l'âme se retrouve dans l'antichambre du tombeau.
posté le 23-06-2009 à 14:27:32
Roissy Express en écho de Blaise Cendrars.
Il fallait à Blaise Cendrars des espaces lointains, conquis au rythme des premières locomotives à vapeur, avec le fol défilé des villes exotiques, les clochers dorés de Moscou, les steppes immenses où l'imaginaire s'évade. François Maspero a joué la carte du réduit, aux dimensions de la banlieue parisienne, empruntant le RER, ce Roissy Express qui affiche ainsi clairement ses références.
Le procédé est ingénieux. Tout possesseur de la carte orange pourrait franchir ainsi du nord au sud, d'Est en ouest, l'espace de vie et de souffrance, de saveur et d'humanité, qui ceinture un Paris que le regard du voyageur, pour une fois, évitera. La banlieue donc, dans ses diversités, sa palette étendue de races et de couleurs que Maspero aborde avec bienveillance (et patience), et pourtant il ne fait pas oeuvre de sociologue, et de poète par accrocs, presque malgré lui. Le propos est audacieux, qui demande au voyageur d'abandonner ses préjugés, ses conforts et d'aller au coeur des franges émigrés du vaste monde qui s'offre à lui.
Pourquoi emprunter le Transsibérien quand le RER vous offre le monde à portée d'objectif car la photographie entre en jeu.
Je me souviens d'une enquête collective que Jean François Kahn avait proposé à ses collaborateurs des Nouvelles Littéraires lors des élections de 1981. Chacun avait choisi sa cible, des hommes politiques. J'avais préféré proposer de traîner sur la ligne du Métro parisien reliant la Place d'Italie à la porte Dauphine (au nord par Barbès Rochechourt, au sud, par Denfert-Rochereau). Ce fut une belle ballade à la rencontre des gens.
posté le 23-06-2009 à 13:46:19
L'écriture de Gaston Chaissac.
L'écriture de Gaston Chaissac, tout autant que son dessin, s'arroge une liberté de ton qui en fait un modèle. Inimitable cependant, car toute adhésion trop étroite à un profonde originalité est condamnée avant même que de croître.
L'originalité isole celui qui l'adopte et le condamne à être adoré ou détesté selon que l'on adhère ou non à sa force propre, à l'ouverture qu'elle pratique dans le mur des préjugés, des habitudes de l'académisme. C'est bien la force des artistes marginaux que de n'être d'aucune chapelle et sans héritier direct, contrairement à un théoricien comme Marcel Duchamp qui aura précipité l'avant garde vers sa chute.
L'écriture de Gaston Chaissac trouve son rythme dans le quotidien, les cancans de village, toute une théâtrologie du ridicule innocent, des "gens de peu" (comme les qualifiait avec tendresse Pierre Sansot).
Une écriture qui, aux yeux d'un graphologue, traduit une certaine rusticité dont Chaissac fait une arme de bataille, un style, lui donnant ses lettres de noblesse.
La saveur du langage y trouve son cheminement malicieux et désinvolte, une dimension qui confine à une forme de sagesse viscérale profonde.
posté le 23-06-2009 à 12:09:48
Plaisir du Conte
Y-a-t-il une enfance heureuse sans la culture des Contes de fées ?
S'impose alors le rite charmant (et éducatif) de l'adulte qui fait partager à l'enfant le plaisir éprouvé par lui-même lorsqu'on lui fit découvrir ces récits où le merveilleux s'installe et prodigue ses fascinantes inventions qui nous font échapper aux pesanteurs du réel.
L'image y joue un rôle majeur, s'imprimant dans une mémoire encore vierge et conservant au cours des âges toute sa force, ne serait-ce que celles de retrouvailles enchantées quand, longtemps après l'avoir gravée en soi, on la redécouvre avec toute la force de l'instant de miracle qui l'avait annoncé.
C'est le phénomène de "la madeleine de Proust" qui s'avère si exact, car nul n'y échappe et y trouve une source indélébile de plaisir innocent.
Le goût du conte de fées aura conduit certains écrivains à en perpétuer la pratique, nourrissant leur oeuvre de ses ressorts (comme Charles Nodier) ou y puisant quelques fragments de l'état de merveilleux qu'ils veulent traduire (comme Gérard de Nerval) ou simplement en en affirmant la nécessité, quitte à en théoriser l'esprit (comme André Breton).
posté le 22-06-2009 à 11:52:42
Piranèse mégalomane.
Bien qu'il soit fondamentalement latin Piranèse atteint dans ses visions le caractère grandiose et sombre de Wagner dans le déploiement ostentatoire des architectures qui sont le cadre de drames sanglants, d'une féroce et ambiguë magnificence.
Outre la Rome antique qui est l'un de ses sujets de prédilection, et le souci de la montrer dans un réalisme moins objectif que pittoresque (l'adjonction de petits personnages vacant parmi les ruines est un procédé largement partagé - on retrouve également chez Hubert Robert-), il se lance dans des prospectives utopistes franchement mégalomanes. La ruine laisse place à un rêve de ville à la somptuosité vaguement inquiétante. Elle semble ne pouvoir être que le cadre de quelque tragédie à "la mesure de cette démesure". Avec lui les pierres prennent la parole : celles de tyrannie, d'une folie suicidaire. N'annonce-t-elle pas celle d'un Adolf Hitler ?
posté le 19-06-2009 à 14:48:51
Egon Schiele, une icône "fin de siècle"
Egon Schiele : une icône "fin de siècle".
Il fallait oser s'en prendre à la représentation de la femme, à l'image que l'art donne d'elle. Jusqu'alors magnifiée, idéalisée selon des critères culturels qui la liait à l'héritage greco-latin dont est faite une civilisation qui accordait à la femme un certaine type de beauté mais lui interdisait, dans le même temps, d'être elle-même, fusse dans ses faiblesses, voire ses affront aux canons classiques de la beauté.
Egon Schiele ose affronter de face le corps féminin, soulignant ce qui fait à la fois sa séduction et ses tares. Mais aller vers la femme en connaissant ce qui la distance d'un idéal fabriqué, c'est aller vers la force réelle des rapports que l'on peut attendre de l'amour, et de sa dimension physique.
Egon Schiele peint de "vrais" femmes, celles qui posent dans son atelier ne sont pas dans l'illusion mythologique. Ce ne sont pas des Vénus, des Minerve, des Diane de convention, mais une femme habitée par son histoire, ses désirs et son appétit sexuel qui n'est pas honteux.
Il ouvre le voie à une peinture qui va définitivement tourner le dos à un idéal qui rend la femme inaccessible, pour définir une présence effrontée et tangible. Basculant, du même coup, dans l'introspection qui accompagne les rapports sexuels, Freud est intervenu, qui était un contemporain d'Egon Schiele, peut-être un voisin.
posté le 19-06-2009 à 11:31:23
Monet jardinier.
Monet fera de son jardin sa plus belle palette. Ici le peintre commande le jardinier, programme des floraisons en raison des couleurs qu'elles promettent. Se promener dans le jardin de Giverny c'est se promener dans un tableau de Monet avec ses vibrations, ses scintillements, ses ardeurs végétales qui suivent le rythme des saisons.
A Ville d'Avray, Louveciennes, Argenteuil, ses précédentes étapes, il avait déjà eu ses jardins. Mais de modestes dimensions et impropres à répondre à son ambition d'en faire une oeuvre globale, comme une sorte d'horloge des saisons et conçu de telle sorte que chacune y apporte sa spécificité, y fasse croître les plantes qui s'accordent à l'évolution du climat, à ses facettes temporelles.
Aidé par plusieurs jardiniers il faisait planter les fleurs non au hasard et selon ses goûts, mais avec la certitude de ce qu'elles pourraient donner le moment venu et de telle sorte qu'il n'y ait jamais de temps mort.
Penché sur leur vivacité et leurs langueurs, il scrute la vie secrète des plantes. Dans cette croissance qui épouse les variations climatiques, les caprices de la lumière, l'ordre immuable des saisons. Il ne le fait pas en scientifique, même s'il partage leur rigueur, il y met plus de souplesse, voire une pointe de mélancolie. Voir les fleurs s'épanouir et disparaître n'est-ce pas, sans emphase, une image de la vie. Une leçon de sagesse.
Il y saisit, fragmentairement, le rythme souverain du monde, exprimé par la main scripteuse (celle du peintre) et il y retrouve une unité impossible à restituer par la description, choisissant de traduire la palpitation qui conduit le végétal de l'émergence à l'engloutissement. Le passage de la vie à la mort. Chantant la vie. Fut-elle brève. La rapidité du geste pictural en mesure la véritable dimension.
posté le 16-06-2009 à 13:57:00
Poliphile au Paradis.
Poliphile est l'espace d'un jardin qui conduit à la félicité. La Bible offre celui d'un jardin d'où l'homme et sa compagne sont chassés. Espace de la désolation.
Le Songe de Poliphile serait un retour au Paradis et la femme, toujours tentatrice, en serait l'enjeu.
Ici et là, l'homme est en mouvement. Cheminant. Voûté par la contrition quand il quitte le Paradis, ardent et résolu quand il traverse les diverses étapes d'un itinéraire d'initiation qui le conduit vers l'amour.
Le Songe de Poliphile serait la version positive du Paradis perdu. Une revanche ?
posté le 16-06-2009 à 11:34:52
Degas photographe.
Comme bien des peintres de son temps Degas était fasciné par la photographie et en faisait volontiers usage pour analyser son art.
A tout photographe on demande de "faire son portrait" ce qui est une manière aimable et parfois surprenante, d'entrer dans l'intimité de quelqu'un. Daniel Halévy n'était pas un inconnu pour Degas. Celui-ci avait son rond de serviette dans le bel hôtel particulier de la rue de Douait où toute la fratrie Halévy tenait table ouverte, salon bourdonnant et une vie sociale relevée par l'intelligence, le goût du savoir et de l'art.
Pourtant le Daniel Halévy photographié dans l'intimité de son chez soi, a quelque chose d'à la fois satisfait et tragique. Un jeu de l'ombre qui est celui de l'intimité mais aussi peut-être d'un mauvais jour.
La pose, dans sa dynamique oblique, est bien celle que pouvait inventer un peintre. Elle donne de l'accent au personnage comme l'éclat volontaire, bien affiché, de la manche de chemise qui relève l'élégance pourtant naturelle du modèle. Et si j'apprenais que je m'égarais que la photographie n'était peut-être pas de Degas (il a peint le père de Daniel, son ami Ludovic), je maintiendrais que j'y vois une familiarité avec l'art du peintre, un prolongement (ou une approche ?) significatif de son art. L'aurait-il peint qu'il n'aurait rien changé à la pose.
posté le 15-06-2009 à 11:12:03
Baudelaire à la perfection.
S'incarnant tout entier dans son oeuvre, et plaçant celle-ci au meilleur de son destin, comme une sorte de trophée de sa victoire sur la banalité de la réalité (ou de sa vie), Baudelaire court moins après la gloire qu'après la perfection de son "travail" de poète (qu'il pratique en orfèvre). S'il rassemble ses poèmes pour en faire un recueil (et jamais le terme n'aura aussi bien qualifié un ouvrage) Baudelaire pousse à l'extrême le souci du bien faire, un goût presque maladif de la perfection que traduit la rigueur de ses corrections.
Quand Balzac s'en sert comme tremplin pour rebondir dans la rédaction de ses romans, Baudelaire y apporte une touche de finalité.
La poésie s'est calée, dans une formulation excluant tout relâchement, toute gratuité. Elle est taillée comme un précieux bijou. Serait-il noir et redoutable.
posté le 15-06-2009 à 10:38:44
Ler bar de Manet.
page arrachée à "LA FEMME FLAMBEE".
Bar de nuit.
Le tumulte est considérable. Ce ne sont que mouvements de chapeaux, de capes, bousculades, accolades, mots échangés et regards sous les voilettes pour observer la foule. Une électricité passe sur les nuques et dans les yeux, un frisson secoue les rangs, le moment est à la détente, c'est l'entracte, dont le sens est souvent oublié, qui donne aux spectateurs, l'occasion de quitter une action où ils ne sont que des voyeurs, pour une action virtuelle dont ils deviennent les personnages, les proies et les victimes, les meneurs ou les stratèges des rencontres arrangées, des retrouvailles fâchées, des affrontements sans masque. Le théâtre est l'enjeu de la fiction et, paradoxalement, dans ses temps morts, ses répits, ses essoufflements, l'espace des rencontres dont parfois toute une vie dépendra, une intrigue amoureuse naîtra, une réputation se fera.
Le bar en est le pôle d'amarrage.
"Le Bar des Folies Bergère" de Manet résume à lui seul toute l'intensité d'une des grandes étapes de la vie sociale où la femme est au coeur de l'action, sinon son enjeu.
Qu'une femme soit au centre de l'oeuvre, en figure énigmatique et sans attache et si perdue qu'elle s'arrime au bar comme pour ne pas choir, distillant une sorte de pesanteur que contredit son apparence et sa fragilité, exprimée dans son regard, dit bien que la femme est l'enjeu du rite qui s'engage, et que l'homme dispose du pouvoir d'en modifier sinon pervertir le destin.
Elle est de face, muette, apprêtée comme une figure de divinité, disponible, attentive et pourtant absente. Distante comme l'est la figure qui incarne la puissance divine. Faible parce qu'offerte, mais si profondément intériorisée en sa solitude qu'elle ne peut montrer d'elle qu'une apparence. L'image qu'on en attend. Se préservant de toute conquête par l'indifférence qu'elle affiche.
Elle ne donne d'elle que l'image qu'on lui a fabriqué pour séduire.
posté le 14-06-2009 à 18:21:22
Dessin de poète, dessein du rêve.
A propos d'un dessin de Verlaine.
Le poète dessine, il ne fait qu'écrire avec une plus grande liberté. Il s'affranchit de la tyrannie des mots pour conquérir son espace. A la dimension de ses rêves, de son humeur. Parfois de son humour.
Dessiner, pour lui, c'est encore DIRE plus que MONTRER.
Le dessinateur qui précède le peintre a une vision globale des choses. Il résume le monde. Il met en scène. Il compose. Le dessinateur qui prolonge l'écriture a une vision plus immédiate des choses et parfois brouillonne, en voie d'être formulée On assiste à l'éclosion de la pensée.
Il énumère et ne résume pas, il distille et ne compose pas. Il vise moins l'harmonie que l'énoncé.
D'ailleurs son trait est plus nonchalant que celui du dessinateur professionnel. Il s'abandonne à l'instant. Souvent, pour lui, dessiner c'est errer au bord des mots. Les dessins d'écrivain sont un temps de repos dans la rédaction d'un texte, en marge, et comme un espace de respiration quand la tension a été trop forte, l'idée s'est égarée a batifolé. Il n'est pas dominé par un souci d'esthétique. Il peut même dénoncer des inaptitudes, On peut savoir écrire et non dessiner. Ecrire et dessiner procède pour l'écrivain, d'un même élan qui est si près du corps (et de la pensée) qu'aucune discipline relevant de l'esthétique n'en vient freiner la dynamique.
posté le 13-06-2009 à 16:15:16
Le Journal de Jules Renard, une leçon d'écriture.
La leçon d'écriture de Jules Renard.
N'aurait-il laissé que son "Journal" Jules Renard s'impose comme un étonnant styliste. Pourtant, tout comme Flaubert, il peine sur les mots, dans sa recherche de l'exactitude. De la perfection. Ecrire c'est aller au devant de la vérité. Des hommes, de la vie, de la réalité qu'il ne voit guère souriante. Son enfance en serait la cause. Il en naîtra plus tard Poil de Carotte qui lui donne son ticket de célébrité quand le Journal en dit bien plus sur lui.
Il est une sorte de manuel de la formule brève et cinglante : Il faut aimer les hommes malgré la boue. La peur de l'ennui est la seule excuse du travail, Le rêve c'est le luxe de la pensée. L'accent circonflexe est l'hirondelle de l'écriture, La femme est un roseau dépensant.
Une oeuvre mince, assez marginale par rapport aux grands courant de son temps, des amitiés qui signalent ses choix : Tristan Bernard, Georges Feydeau, Alphonse Allais,
Mais le Journal est un monument à placer sur sa table de chevet pour maîtriser notre appréhension devant l'ignominie du quotidien.
Charles du Bos, qui tenait le sien, peut préciser qu'il est "un Montaigne minuscule dont La Bruyère aurait affûté le style".
Une anecdote pour finir. Avec M.C. nous badinions dans cette France profonde allant de village en village, boire des piquettes locales et visiter des églises (on aimait les caquetoires qui les ceinturent). Un aimable village avec en son centre une modeste pelouse et une sorte de stèle rustique. Le chien de M.C est pris d'une subite envie de lever le patte. Contre la pierre, je m'insurge, m'approche, lit et découvre qu'on était à Chitry-les-Mines dont Jules Renard fut le maire. Il y avait passé une partie de son enfance.
posté le 12-06-2009 à 18:35:45
Dans les jardins de Poliphile.
Il fallait bien traverser cette série de jardins, la femme étant l'enjeu de la promenade qui, telles celles des légendes antiques, promettaient toujours un pan du paradis perdu au terme d'un voyage semé d'épreuves.
La femme est absence, elle est promesse. Elle est source d'ardeur. Une flamme tranquille l'habite.
La nature offre tous les visages, tous les aspects de sa complexe croissance dans l'espace, répartissant les éléments selon une architecture qui a ses secrets, ses mystères.
L'illustration du Songe de Poliphile (d'attribution discutée mais se situant dans le coeur de la grande Renaissance florentine), instaure ce trait précis mais doux, net mais gracieux, qui déroule ses splendeurs architecturales, défini ses effets de perspective, distribue, comme sur le plateau d'un théâtre, ses personnages.
Le moment est venu de faire entrer en scène, les blondes jeunes filles rêvées par Botticelli, au nom du printemps, ou pour célébrer la naissance de Vénus.
Sortant de l'onde, toute frissonnante, elle s'avance avec une calme fierté, une assurance rassurante, une séduisante audace, mais sans rien d'agressif, ni de provocateur. Comme un état de la nature. Pourtant, la légende la faite naître de l'écume des flots après que les organes sexuels d'Ouranos (le ciel) qui dévorait ses enfants, furent jetés dans la mer lorsque Gaia (la terre) aidée par son fils Cronos, le châtia. Une autre version la dit née d'une goutte du sang jaillissant de cette castration.
Ainsi, Vénus, claire et charmante ondine, est chargée de toute une symbolique de tragédie familiale et hantée par le crime dont elle est le fruit. Sous l'eau la plus claire, la mal fermente, comme le monde des abysses reste, pour l'homme penché sur le rivage, une source d'inquiétude et de folie imaginaire.
La femme "au naturel", vue par un peintre de la Renaissance, n'offre que l'aspect lisse de ses antériorités marquées par le mal (le mythe du Paradis perdu) ou la véhémence sacrificielle des dieux.
Et si la femme, dans l'intensité de sa première vérité, était l'image de cette nature, mais fardée pour le plaisir et l'oubli de nos origines calamiteuses !
Botticelli gomme toute l'ombre qui pèse sur elle, et ne retient qu'une bienheureuse allégresse. Voici "Le Printemps". Femmes et arbres fleuris sont entraînés dans une danse que rien ne vient brusquer ni déranger. Même l'air qui se déplace emprunte la forme des anges pour ne pas heurter l'harmonie d'une simple fête. Il y a là ce hiératisme tranquille des tapisseries parce que c'est une peinture pour la parade et pour la fête. Une histoire qui est le miroir de ce à quoi aspire celui qui la contemple.
D'avoir perdu le Paradis donne, à l'homme qui le cherche, l'envie d'en inventer de plus beaux encore. Selon ses critères, avec ses modèles. Les femmes y sont à la ressemblance de celles qu'il croise dans la réalité, et admire. C'est la femme répondant aux critères du moment. On verra bien ceux-ci évoluer et de la fine femme-fleur de Botticelli on passera, en quelques générations, à celles qui ont cette pesanteur charnelle annonçant une société d'hommes sensuels et aux plaisirs plus matériels, que Rubens célèbre en se référant aux mêmes pages de la légende. L'histoire n'a pas changé, seule, la figuration.
posté le 09-06-2009 à 15:59:14
Un itinéraire amoureux copié de Poliphile.
La pratique du "Grand Tour" au XVIII° siècle, plutôt réservée aux enfants des classes aisées (aristocratie et bourgeoisie ascendante), était le point final donné à une bonne éducation et une culture littéraire accomplie. On y faisait collection de ruines dans l'admiration portée à la civilisation greco-latine dont l'occident était l'héritier.
Aujourd'hui c'est le tourisme qui met ses pas dans patrimoine archéologique constitué, pour l'essentiel, par des ruines soigneusement protégées et mises en valeur. Le voyage à Rome se confond souvent avec la visite du Forum qui contient, à lui seul, un résumé de la civilisation et distille, pour ceux qui le voit avec l'oeil des romantiques, un charme couramment lié à l'amour. Il devient le cadre de promenades amoureuses. On y retrouve justement la magie qui émane du "Songe de Poliphile". La ruine est une étape de la recherche de l'amour, un jalon sur l'itinéraire qui conduit à la félicité.
posté le 09-06-2009 à 15:25:00
Google est un labyrinthe.
Google est un labyrinthe.
Chercher une image dans google c'est s'offrir la découverte de celles qu'on n'attend pas et souvent croisent, confortent, prolongent l'idée que l'on tente de maîtriser. Nouvelle forme de labyrinthe dont ce blog est une tentative ainsi quotidiennement modifiée, portée de découverte en découverte vers d'autres horizons que ceux préalablement perçus.
On pourrait imaginer un texte (de fiction ou de réflexion) ainsi conduit là où on ne l'attend pas, et lui-même enivré et vivant de cette constante et mobile errance entre des propositions nouvelles, des découvertes inattendues, des propositions alléchantes auxquelles il n'aura su se dérober.
posté le 09-06-2009 à 15:05:53
Le cheminement de Poliphile.
On peut voir dans l'idée de faire cheminer Poliphile dans un "champ de ruines" une image de la désolation qui plombe une société épuisée, ruinée où un survivant a droit à la vie parce qu'il est conduit (motivé) par l'amour, la recherche de la femme qui doit lui apporter félicité et sérénité.
Pour y parvenir il doit subir une série d'épreuve (comme dans les légendes) et les différentes étapes de sa recherche sont chacune un temps de la vie humaine (charnelle) qui conduit à la félicité promise.
Les ruines sont l'image de destins abolis ( maudits ?) de promesses trahies, d'illusions perdues et d'une suite de désenchantements.
Pourtant la nature y est vive encore, et pleine de promesses. D'elle viendra la renaissance. Celle des corps et des âmes en une union salvatrice.
Pour Nerval (fort amateur de ce cycle), il contient un message chiffré, il y voit un espace d'alchimie. Serait-ce le banaliser que d'aller vers des symboles plus immédiats, moins écrasés par de complexes combinaisons qui en rendent l'accès difficile pour le commun des lecteurs (dont je veux être).
posté le 09-06-2009 à 14:46:15
Parade pour un labyrinthe.
Redire encore que ce blog fonctionne comme un labyrinthe. Des cheminements se croisent, s'unissent parfois, radient autour du souvenir du Soleil dans la tête. On y croise des écrivains, des peintres ( dont ceux qui fréquentèrent le Soleil dans la tête) et ceux qui apparaissent au hasard des rencontres, dans le rythme du quotidien. En ce moment, grâce à la fréquentation assidue et quasi hebdomadaire des vides-grenier où l'on trouve des livres "en surprise", tant parfois ils sont inattendus dans ce contexte; et parfois une perle parmi les ouvrages largement diffusés et plébiscités par les médias. Un exemple : un Artaud, un René Char, un Raymond Roussel, parmi les livres de Jean d'Ormesson, ou de Paul Louis Sulitzer et pire encore les mémoires d'une chanteuse ou de Loana !
Un labyrinthe donc qui est reconduit de découvertes en découvertes comme le cheminement du héros du "Songe de Poliphile", qui, d'une ruine à l'autre, d'un bosquet au suivant, s'approche du but final, la rencontre avec l'amour.
posté le 08-06-2009 à 10:17:31
La maison de Fernand Gregh.
Cela commence comme une surprise, l'inattendu arrive. C'était au cours d'une promenade nonchalante aux alentours de la Maison de la Radio. Il y a là des coins de campagne oubliés, des retraits de l'animation de la rue, des impasses feuillues et gracieuses comme cette impasse du Ranelagh légèrement pentue et bordée de maisons bourgeoises, de styles aussi variés que devaient être ses habitants, en général des intellectuels de la fin du XIX° siècle qui venaient là aux abords de la ville pour cultiver leur singularité.
La maison de Pierre Louys (toute de brique et fière) ouvrant la parade. Après un tournant on découvrait un espace qui fut un jardin, sans doute abandonné, livré aux mauvaises herbes, qui entoure une vaste maison elle-même close et rendue mystérieuse.
Renseignements pris on apprenait que ce fut celle de Fernand Gregh, un académicien bien oublié qui fut de la classe de Proust à Condorcet et créa avec lui (et Daniel Halevy) la revue "Le Banquet".
Suivra une production abondante dont il ne reste plus grand chose. Des titres à égrener comme fleurs des champs : La Beauté de vivre, Les Clartés humaines, L'Or des minutes, La Chaîne éternelle, La Couronne douloureuse, Couleur de la vie, La Gloire du coeur. A y regarder de près, une tonalité très "fin de siècle".
Les retrouver c'est feuilleter des années perdues, un chemin qui serpente parmi les nostalgies de l'époque. Proust voguera dans un registre plus ample.
posté le 07-06-2009 à 15:42:20
La poésie en revue.
La revue, même confidentielle ( et elle l'est pas nature) consacrée à la poésie revient à créer autour de celui qui la dirige, une sorte de famille, en complicité amicale en se plaçant sous le signe de quelques aînés dont on assume l'admiration qui peut aller jusqu'au mimétisme. Toute oeuvre poétique destinée à prendre quelqu'ampleur s'amorce sur une oeuvre reconnue, dont elle tire ses premiers élans.
Ainsi se créé des générations qui s'organisent par grandes familles. Dans les années 50 (et relayées par l'activité du Soleil dans la tête), c'était la gloire de Blaise Cendrars, René Char, Jacques Prévert, René Guy Cadou, Léon-Paul Fargue, André Breton, Aragon.
On pouvait tracer des itinéraires s'amorçant sur ces grands aînés, la plupart encore vivants, et qui parrainaient ainsi leurs cadets se trouvant confortés dans leur rôle historique.
Les jeunes revues avides de leur reconnaissance n' hésitaient pas à organiser des numéros d'hommage et, surtout, de quêter leur collaboration. Ainsi une revue de poésie joue un peu le rôle de passeur entre deux générations.
posté le 06-06-2009 à 11:35:30
Cocteau au Boeuf sur le toit.
Modeste à sa création le Boeuf sur le toit va devenir, sans doute grâce à la virtuosité de Jean Wiener pianiste enjoué ( qui n'a pas rêvé de taper du piano dans un bar et celui de la Closerie des Lilas ne manque pas d'atouts ! ) un lieu incontournable pour ceux qui veulent voir le Tout Paris, et être vus.
Car c'est bien dans ce va-et-viens rituel qui se construisent les réputations et se fondent les couples (qui se défont tout aussi vite). Jean Cocteau, qui est partout, ne pouvait qu'être là aussi ( et surtout là) parce qu'une permanence au Boeuf sur le toit vous donnait le ticket de la renommée que d'autres ne trouveront jamais qui s'isolent dans leur tour. La légende veut qu'il y tenait la batterie dans le petit orchestre qui animait les conversations. Du Groupe des Six à l'estrade du Boeuf sur le toit Cocteau faisait le chemin (le seul possible) qui conduit à une réputation de noceur intellectuel (ou d'intellectuel noceur, au choix).
Mais le Boeuf sur le toit c'est aussi des soirées assurées de dorer les réputations de ceux qui y débattaient du monde et de la légèreté des moeurs. Ici la vie est "un long fleuve tranquille" où volent les multiples oiseaux de la galanterie et du génie.
A chaque table une célébrité, on se donne la réplique et l'on brille, demain tout Paris reprendra les bons mots. Club autant que boîte d'esprit, le Boeuf sur le toit est au coeur de la vie mondaine des Années folles. Il en est le plus étonnant et séduisant bijou.
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