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lettres de la campagne

posté le 30-11-2009 à 10:45:19

Pierrefonds et les affiches.

Longtemps, les affiches du Chemin de fer offraient un extraordinaire tremplin à la rêverie, dont celle du voyage (c'était leur rôle). En une page il fallait raconter un lieu, lui donner cette dimension particulière qui ouvre à la mythologie, aux légendes et résume autant l'Histoire dont il pouvait être le cadre que le charme qu'il pouvait offrir, soit par la qualité de son environnement naturel, soit par les monuments dont il pouvait s'enorgueillir.Nos enfances furent bercées par cette imagerie qui telle celle des livres pour la jeunesse faisait étroitement participer le texte et l'image. Offrant un tout cohérent, comme un bloc miroitant et fascinant d'une Histoire qui y était résumée. Dans ce pays encore nervalien (qui fut le mien) entre ruines médiévales et forêts enchantées (c'est notre imaginaire qui les enchantaient, alors qu'en fait elles étaient le point de rendez vous des snobs de l'endroit qui y jouaient le jeu cruel et mondain de la chasse à courre) nous avions une sorte de Livre d'Histoire à ciel ouvert, à portée de main. Nous nous y rendions en famille, en bandes joyeuses, et qui n'a pas campé au milieu des ruines d'un château seulement habité par les corbeaux ne peut en comprendre le charme étrange.
 


 
 
posté le 29-11-2009 à 10:56:44

Lindstrom dans la salle de bain.

Tel qu'il est, parmi les livres, le tableau de Lindstrom était destiné à orner une salle de bain (d'où le vernis qui recouvre le dessin). Il est passé d'appartement en appartement sans jamais trouver sa place au dessus d'une baignoire et, aujourd'hui, il me rappelle l'homme étonnant que fut ce peintre. Il est comme une marque de son amitié, et une trace forte de sa verve graphique qui fit ses éclats dans les années 70.On aimait rendre visite à ce doux géant scandinave, dans sa jolie maison ancienne restée insolite au milieu d'un groupe de tours HLM, à Savigny sur Orge. Peut-être existe-telle toujours. Là il peignait avec une audace gestuelle, une emphase déclamatoire, des  hordes de monstres gesticulants, des figures issues du folklore de son pays. Ce qui en faisait une sorte de frère d'esprit des artistes du groupe Cobra qui, eux aussi, revendiquaient l'exploration du folklore de leurs pays (la Hollande, la Belgique, le Danemark). Il exposait volontiers dans le voisinage immédiat de Christoforou, tant ces deux artistes avaient des points communs, une pratique de la peinture qui les soudaient à un héritage à la fois expressionniste et informel. Sinon que Christoforou avait tendance à dramatiser sa mise en scène, alors que Lindsrtrom manifestait une énergie plus simpliste, naturelle, voire barbare.
 


 
 
posté le 28-11-2009 à 16:03:01

René Char, le poids des mots.

Chaque génération a ses maîtres, ses modèles. Celle qui émerge dans les années 50 revendique Jacques Prévert et René Char sans qu'il s'y manifeste une contradiction entre la gouaille inspirée de l'un et l'ascèse de l'autre, portée à ses points d'incandescence. En Prévert et en Char cette génération reconnaissait la soif de liberté dont l'avait frustrée la longue épreuve de l'Occupation qui avait ses martyrs (Max Jacob, Robert Desnos), et elle s'appuyait grâce à eux sur le Surréalisme qui aura été la grande aventure poétique de l'entre deux guerres. Un Surréalisme essoufflé, qui avait perdu ses repères, et dont les artisans majeurs avaient été longtemps absents (Breton à New York), encore qu'une poignée d'irréductibles avaient tenté d'en perpétuer l'esprit (le groupe de "La Main à plume" autour de J.F.Chabrun).Mais le Surréalisme lui-même en temps que modèle avait perdu une partie de son prestige et de sa nécessité, la tragédie de l'Histoire ayant suscité de nouveaux élans qui s'incarnaient dans la poésie engagée d'Eluard, encore que celui-ci avait trop radicalement mis toute son énergie dans l'éclairage communiste qui n'était pas totalement partagé. L'émergence enfin de la pétillante Ecole de Rochefort ouvrait de nouvelles perspectives à ceux qui, dans ces années là, se revendiquaient poètes et  tentaient d'en incarner les valeurs.La place de René Char y est, pour de multiples raisons, prédominante. Il aura traversé l'aventure surréaliste, aura gagné une figure exemplaire dans la Résistance, enfin donné aux mots toute leur force dans leur concision et le poème dans son retour à l'énoncé presque hiératique de la maxime. Une creusée des mots infiniment plus fécondante que celle d'un Mallarmé qui porte à intellectualiser la poésie quand Char l'humanise.Le temps lui donne raison, et rien de ce qu'il énonce n'a perdu de sa force et de son évidence. Il sort vainqueur de cette épreuve toujours radicale qui remet les oeuvres dans une perspective toujours changeante. Pour lui que l'on dirait fixée sur l'éternité.
 


 
 
posté le 27-11-2009 à 14:43:09

La poubelle de Flaubert.

Qui n'a pas rêvé de "faire les poubelles" des grands écrivains, pour retrouver les pages refusées, les étapes d'un brouillon, et voir ainsi "sur le vif", l'évolution d'un texte, sa naissance par étapes progressives, dans la peine, les refus, les remords, l'agitation cérébrale qui accompagne l'effort de la création.Pour des méthodiques comme Balzac mais surtout Flaubert (le premier raturant pour enrichir son récit, le second pour atteindre le mot juste,) il serait intéressant de retrouver les mots refusés, bannis en quelque sorte, parce qu'impropres à la clarté du texte, et pourquoi pas, à sa  beauté même. Le mot juste est un élément qui prévaut dans la formulation d'un texte et lui donne cette "allure" par quoi on le distingue et lui accorde un brevet de perfection que dans le courant de l'écriture chaque page ne peut prétendre attendre.C'est pourquoi il est essentiel d'avoir accès aux brouillons des grands textes, pour toucher au plus près l'épreuve qui accompagne son élaboration. On pénètre ainsi dans ce fameux "laboratoire central" qu'évoquait Max Jacob.
 


 
 
posté le 27-11-2009 à 10:07:15

Le charme du musée des Monuments français.

C'était, avant qu'il ne soit victime d'un incendie, l'un des plus séduisants musées parisiens. Consacré à l'évocation des Monuments français et à une sorte d'anthologie des différentes époques qui illustrent l'essor de l'architecture, il était la conséquence des actions diverses d'Alexandre Lenoir dans le cadre de la Révolution, de Mérimée comme inspecteur des monuments sous le règne de Napoléon III et de Viollet-le-Duc qui a tant fait pour la reconnaissance du moyen--âge qui avait été négligé (traité comme barbare) après le renouveau de l'antique sous Louis XVI, et orchestré par J.L.David. Voilà pour l'histoire. Importait plus sur les lieux (au palais du Trocadéro) le climat  particulier qui régnait, fait d'austérité avec ce caractère si particulier et séduisant du cabinet d'amateur. Un amoncellement de pièces qui se répondent et tissent une sorte de paysage fantastique, de pierre, de marbre (et même ici de plâtre) rappelant les peintures pittoresques de Pannini.On se promenait parmi les portiques, les gisants, les colonnades, les stèles, et tout cet appareillage d'art "décoratifs" sur lequel passe, en ondes puissantes, les aspirations les plus secrètes des hommes, le savoir des tailleurs de pierre et la beauté de l'âme qui a pris l'aspect rigide et intemporel des statues.
 


 
 
posté le 24-11-2009 à 16:41:08

Sonia Delaunay face à la modernité.

Sonia Delaunay qui avait été, avec son mari Robert Delaunay, une amie d'Apollinaire (c'est chez eux que ce dernier rédige "Les Peintres cubistes") se montre, sur le tard (dans des conversations que j'avais avec elle pour la radio), très dubitative vis à vis d'Apollinaire, allant jusqu'à dire que s'il avait supprimé la ponctuation dans son livre" Zone", c'est sous l'influence de son mari Robert.Textuellement : "Un jour, à table, quand il habitait chez nous, Apollinaire  a demandé à Delaunay - J'ai envie d'enlever la ponctuation. Qu'est-ce-que tu en penses. Et Delaunay lui a dit - Oui...oui, il faut le faire.'"Et d'ajouter :  " Je possédais le jeu d'épreuve d'Alcools où toute la ponctuation avait été rayée. C'est celle dont Tzara fera usage par la suite pour une édition historique..."Et Cendrars.Cendrars n'a jamais joué le jeu de la modernité qui faisait les beaux jours de tant d'opportunistes. Il vivait. Sa poésie c'est le produit de sa vie. De sa souffrance. De son exaltation tant, chez lui, compte, plus que tout, l'action. Sa poésie n'est pas un produit littéraire mais un morceau sublimé de ses aventures, de sa pensée toujours en effervescence.L'amitié étroite liant les Delaunay aux deux piliers de la modernité (même si on en conteste le déroulement historique), soit Apollinaire et Cendrars, les met en position d'arbitres.A la fin de sa vie il, semblerait que Sonia considérait Cendrars comme bien plus déterminent qu'Apollinaire, bien que ce dernier fut plus complice d'elle dans ses considérations esthétiques. On sentait comme un jugement manquant d'objectivité et qui avait des allures de règlement de compte. Elle n'était pas plus tendre pour Picasso. Une vieille querelle où chacun jouait de ses cartes. C'était dans les années 1905-1914 quand naissait le mythe de la modernité.
 


 
 
posté le 23-11-2009 à 21:15:04

Rimbaud comme un ange par Valentine Hugo.

Un souvenir furtif en amorce à ce qui ne peut être un portrait et guère plus une biographie. Elle était assise, dans la fameux "fauteuil d'Emmanuelle" du Soleil dans la tête.  Droite, cheveux blancs tirés sur les tempes, tailleur gris. Une sorte d'icône. Je l'admirais depuis longtemps et regrettais qu'on assimile un peu vite son oeuvre à une peinture "féminine" (il arrive la même chose à Marie Laurencin). M'importait peu qu'elle fut femme mais grandement qu'elle fut peintre. Et pourtant, avec cette pointe de délicatesse qu'on voit mal sous la poigne d'un artiste qui affirme sa masculinité. Sortons des problèmes de sexe. J'avais en souvenir une admirable composition où elle mêlait les têtes de ses amis poètes Breton, Eluard et Crevel et c'est à propos de ce dernier que je la découvrais, femme de distinction et dont j'ignorais alors qu'elle vivait dans la plus grande pauvreté dans son grand appartement de la place Victor Hugo (sans malice).On utilisera le portrait de Crevel qui rejoindra celui, éclaté et suspendu dans l'orage, qu'avait imaginé Michel Siméon. Crevel méritait bien cet hommage. Valentine Hugo s'était fait une "spécialité" d'apporter de riches compositions nébuleuses et parfumées aux textes de ses amis (Eluard, Breton). Elle ira du côté des fantastiques (Achim d'Arnim), et naturellement s'attardera sur Rimbaud. Entretenant le mythe de l'adolescent angélique. Avec quelque chose d'inquiétant dans le regard, et cette étreinte mystérieuse avec une figure de la nuit. Un Rimbaud avec peu de ressemblance avec le modèle vivant, mais dans la perspective de cette mise en scène sacralisant sa beauté et sa fraîcheur d'adolescent.
 


 
 
posté le 23-11-2009 à 15:37:07

Le territoire de Robert Desnos

Robert Desnos est chez lui dans ce quadrilatère formé par la boulevard Sébastopol, la rue Saint Martin, les Grands Boulevards et les quais. Un Paris de vieux labeur et d'errance entre caboulots et églises largement ouvertes aux mendiants qui semblent, aujourd'hui encore, sortir de quelque gravure du moyen-âge.La rue Saint Martin largement rénovée lors de la construction du Centre Pompidou, est aussi celle de Gérard de Nerval. De sa maison il ne reste plus qu'une façade blasonnée par la plaque qui indique l'événement. Ils sont de la même race et leur enfance s'est déroulée à l'ombre de la Tour Saint Jacques l'un des monuments les plus énigmatiques de Paris et comme la figure de proue du merveilleux qui s'y diffuse à qui sait errer (comme le faisait André Breton) dans son voisinage.Desnos, une enfance de petit parisien pas loin du Gavroche et bientôt happée par la poésie à travers de précoces amitiés avec Benjamin Péret et Roger Vitrac, et, à travers eux, tout le groupe surréaliste autour de Breton.Ce sera aussi l'aventure de la rue Blomet (au 33), dans ce navire lancé en pleine nuit du rêve autour de Jacques Prévert et Marcel Duhamel et dans le voisinage d'André Masson et Joan Miro. Le territoire de Desnos est tracé. Il y flamboie. Les expériences du rêve, les poèmes loufoques se multiplient et l'amour vient couronner une vie d'aventure mentale. Ce sera Youki (la femme du peintre Foujita) qui bientôt partagera sa vie. On passe alors à ce appartement de la rue Mazarine (au 19) qui est celui de l'amitié, des fêtes jusqu'au jour où Desnos est emporté dans l'horreur des camps. D'où il ne reviendra pas.A l'en croire il trouvera "un abri" dans la poésie. C'est un réel plaisir que de l'y retrouver.
 


 
 
posté le 23-11-2009 à 10:32:54

La saveur de Flaubert.

La saveur de Flaubert.L'histoire d'une lecture est conditionnée par "l'objet-livre" et sa matérialité. Lire dans une belle édition prédispose à mieux percevoir la qualité du texte. Il se créé une liaison intime entre le livre et son contenu. C'est le cas de cette édition de "Par les Champs et par les grèves" qui fait partie des oeuvres complètes de Flaubert  publiée chez Louis Connard , Libraire-Editeur, 6 place de la Madeieine  MDCCCCXXVII. L'ouvrage est tiré sur un beau papier (Alfa ?) filigrané par la signature même de Flaubert. Un délice.Par les Champs et par les grèves est le récit d'un voyage accompli par Flaubert, jeune, en compagnie de son ami Maxime Du Camp. Ils décident de voyager "à la routard" sac à dos et d'une façon plutôt sportive. Décision est prise aussi que chacun rédigera un chapitre : les impairs par Flaubert et les pairs par Du Camp.Chaque chapitre est précédé d'une sorte de canevas qui annonce les sujets traités Etat des lieux, personnages rencontrés, descriptions des châteaux, récits des visites. Du Camp, nonchalant souvent, se contente de son canevas et on perd la saveur du récit, ce qui n'est pas la cas de  Flaubert qui donne libre cours à une sorte de verve aimable, une simplicité de ton nourrie d'observations. C'est une prose qui se délecte chargée de détails savoureux.
 


 
 
posté le 22-11-2009 à 15:27:50

Musée de Montmartre, un climat de maison bourgeoise.

C'est un des hauts lieux de la mémoire de Montmartre. Une des plus anciennes demeures de la Butte (c'était une ferme et la demeure de Roze de  Rosimond, de la compagnie de Molière). Elle a été habitée par Renoir (du temps où il peint "Le Moulin de la Galette"), Eric Satie, Raoul Dufy, Emile Bernard, Suzanne Valladon, Utrillo, Léon Bloy et transformée en musée attaché à la survivance des souvenirs de la vie culturelle et festive de la Butte. Un climat de maison de province, sentant bon la cire et dont les parquets craquent sous les pas. On a une vue unique sur Paris. Les oeuvres y sont disposées avec cette bonhomie qui est celle d'une demeure privée. De charmantes expositions y traçaient l'histoire de la Butte et de sa vie culturelle si intense à la fin du XIX° siècle.Y aller était toujours un plaisir savoureux (tout comme la maison de Balzac rue du Ranelagh). Une sorte de promenade amoureuse du dimanche matin, avec une fréquentation modeste et discrète qui permet une approche plus sérieuse avec les objets représentés. Jeanine Warnod, la fille active de l'historien de la peinture que fut André Warnod, fut très attachée à l'animation du lieu. On peut en parler au passé la devenir de ce haut lieu de la vie poétique de Paris étant menacé. A quand une résidence de luxe, entre la vigne de Montmartre et le charmant petit jardin qui dévale la colline ?
 


 
 
posté le 22-11-2009 à 11:03:28

Lecture d'enfance.

C'est encore Proust qui le remarque (dans "Contre Sainte-Beuve" ) les lectures d'enfance gravent, à tout jamais, l'objet livre qui en aura été le médium. Qui n'a pas rêvé, avec une pointe de mélancolie, sur les belles reliures (d'ordinaire rouges) qui enchâssaient les contes de fées, les récits de voyage à travers lesquels, tout jeune encore, on découvrait le monde.Si la tradition veut que la Bibliothèque rose soit réservée aux filles (et la verte aux garçons) on doit aussi compter sur le hasard des découvertes que l'on peut faire dans la bibliothèque familiale où figurent les livres de l' enfance de nos parents. La Bibliothèque rose peut ainsi, par le jeu du hasard, tomber entre les mains d'un petit garçon. La littérature, même "enfantine", n'a pas de sexe, ou on doit voir là les séquelles d'une notion largement dépassée et qui ne fut pas sans risque. Doit-on déterminer les centres d'intérêt d'un enfant, en le guidant dans des genres qui ne correspondent pas nécessairement à ses goûts les plus profonds. Les Contes de fée sont, après tout, pour tout le monde (et même les adultes). Alors gloire aux charmants volumes de la collection reliée en rouge, avec les beaux "fers" décoratifs et, surtout, les illustrations qui accompagnent (et scandent) le texte.La magie de l'image peut jouer en toute indépendance, et on peut,à partir d'elle, reconstruire tout un monde, totalement à soi, à sa ressemblance.En tout cas, Proust le fait bien remarquer, le livre de la découverte de la lecture est précieux de la virginité même de  notre regard devant ce qu'il nous révèle. Et jusqu'à sa matérialité qui porte tout ce qui entoure la lecture, et même des odeurs. Un enfermement sensuel et sensitif si fort qu'il demeure en nous et nous renvoie au delà du temps, dans nos premiers rêves. 
 


 
 
posté le 21-11-2009 à 10:31:05

Coucy le Château sur les pas de Nerval.

Gérard de Nerval, fort amateur de ruines, y vint. L'atmosphère délicate et légèrement nostalgique (à la Corot) ne pouvait que l'enchanter.Mes pas furent souvent calqués sur les siens, comme lui enfant de cette Ile de France ponctuée d'églises aux modestes clochers, de jardins pittoresques et de ruines, tant l'Histoire y a écrit là ses pages les plus ardentes, (et sanglantes).Coucy-le Château est l'une des plus impressionnantes. Quand il fut question de restaurer une ancienne forteresse Viollet le Duc hésitait entre Pierrefonds et Coucy le Château. Et Pierrefonds fut préféré.Coucy y gagna cette part de poésie si particulière qui émane des ruines où la nature reprend tous ses droits. Aux murailles à demi écroulées vient s'accrocher le lierre, les herbes folles croissent entre les dalles disjointes, tout un jeu végétal si particulier s'organise. La vie du dessus s'exalte au feu du soleil. On le voit bien (on le sent) l'été quand la chaleur fait craquer ce vieux corps d' animal blessé et qui ne peut qu'être le personnage d'une fabuleuse légende. Mais rien de terrifiant s'en dégage. Ce qui n'est pas le cas des dessous, caves, souterrains, étroits passages où suinte une étrange et visqueuse liqueur faite d'humidité, du passage d'animaux familiers de l'ombre. On pénètre dans l'espace des romans gothiques, pleins de clameurs, de pleurs et de vertus en danger. On bascule dans une autre littérature dont Nerval était friand, s'y étant lui-même essayé.
 


 
 
posté le 20-11-2009 à 10:50:45

Catulle-Mendès vu par Léon Daudet.

Il y a d'abord le portrait peu amène de Léon Daudet, ce redoutable témoin de son temps, sur tous les fronts et anti-sémite névrotique. "Lyrique et salace personnage du Saytiricon, était un type d'hébreu assimilé. Au parisianisme d'Henri Heine, panaché de maisons de rendez-vous, il joignait le jargon du parnassien et la passion de apéritifs. Je l'ai connu beau, mais déjà luisant et répandant une odeur de colle ; puis moins beau ; puis énorme et cacatoésien dans son paletot vert,  semé de taches, d'où sortaient, au soir tombant, des aphorisme essoufflés, des remarques subtiles, et des hoquets au porto et à l'éther. Le comble de sa sympathie consistait à vous prendre par le bras et à vous parler de Wagner, de Dierx ou de Villiers de l'Isle Adam, sur un ton extrêmement confidentiel...... L'érotique poivrot ne manquait pas d'éloquence, son érudition était vaste et bizarre...." Il évoque "une prodigieux capharnaüm qu'était son cerveau en rumeur". Des pages entières de cette humeur pour situer l'un des plus prolifiques auteurs de son temps. Admirateur (et héritier spirituel) de Théophile Gautier, puis bientôt son gendre il est créateur et animateur de revues qui vont jouer un rôle déterminent dans la vie culturelle de son temps.Léon Daudet encore : " Mendès refusa de prendre parti dans la grande querelle (l'affaire Dreyfus) ayant pour principe que seule la littérature importe et que les autres disputes, politiques ou religieuses, sont sans intérêt. Le pli professionnel et l'amour des lettres lui tenaient lieu de vertus. Rarement humain, hanté de quelques nobles rêves, fut aussi prompt à s'animaliser. Ce contraste faisait de sa personne quelque chose d'imprévu, de disparate, d'aventuré, une proie pour l'accident ou le suicide. Ce fut l'accident qui arriva. Il mourut broyé par un train, contre la paroi d'un tunnel, de nuit, rentrant chez lui, en banlieue, après un bon dîner, sans doute trop bon".  C'est en se rendant à Saint Germain en Laye où il demeurait que l'horrible accident arriva, le 7 février 1909.Son oeuvre abondante est tombée dans l'oubli, sans doute trop marquée par les effets esthétique du Parnasse dont il était le porte flambeau.Qui lit, aujourd'hui : Philoméla, Soirs moroses, Le Soleil de minuit, La Grive des Vignes, ou ses Contes épiques. Comme romancier on a la choix entre : Le roi vierge, L'homme tout nu, La première maîtresse, La femme enfant, Rue des Filles-Dieu ou encore nombre nouvelles saphiques.D'avoir été, de son temps, trop à la mode, le condamne à disparaître avec lui.
 


 
 
posté le 19-11-2009 à 11:58:46

Cendrars dénonce l'or.

C'est Johann August Sutter, pauvre, il est marqué par un désir d'horizons lointains et de richesse. C'est la départ du cocon familial, et l'attrait de l'Amérique (on est dans les années 1800). La ruée vers l'ouest, mais conduite par un homme déterminé et pragmatique. Le modèle ? un aventurier d'origine suisse qui fonde, en Californie "La Nouvelle Helvétie". Un  état d'utopie.Il passe par toutes les étapes d'une irrésistible ascension, jusqu'au jour désastreux et fatal pour lui où l'on découvre de l'or sur son terrain source à la fois de sa richesse mais début de sa chute. Ses terres sont envahies, dévastées par des milliers de chercheurs d'or qui saccagent tout, créent une situation de désordre, de rapine et de désastre. Sa femme, venue le rejoindre (n'est-ce pas le rêve de tout émigré) meut à son arrivée, épuisée. Sutter engage un procès sans résultat, perd ses fils et sa fille. Ce n'est plus qu'un vieillard brisé qui obtient justice. Mais trop tard.Le récit, promptement enlevé est une manière de fable.Il évoque l'attrait de l'Ouest comme dans l'Antiquité le jardin des Héspérides était  le but de toutes la aventures. L'attrait de l'or n'est pas ici métaphorique mais une réalité qui engendre la part la plus mauvaise des hommes.Le nom de Sutter curieusement n'est pas trop éloigné du nom réel de Cendrars  Frédéric Louis Sauser. On peut y voir une recherche d'identification avec l'aventurier type, Cendrars ayant lui-même choisi cette voie qui est celle de "La Vie dangereuse" (un de ses plus fameux livres).Lui-même aura "pris le large" quittant sa famille et se lançant dans une fuite éperdue du côté de Saint Pétersbourg. Ce sera ensuite la vie de bohème à Londres, New York et surtout à Paris dans l'effervescence de Montparnasse aux côtés de Chagall, Fernand Léger, les Delaunay, Modigliani La guerre survient. L'aventure se poursuit sous le signe de la mort. C'est le temps de "J'ai tué", de "la Main coupée". Cendrars  reviendra du front (en Champagne) avec une main en moins, seule la gauche survivra. Pour toute une oeuvre à venir.
 


 
 
posté le 17-11-2009 à 16:20:45

Pourquoi lire Sade ?

Pourquoi lire Sade ?Sur la longueur il est illisible, passablement ennuyeux. Ses lettres, en revanche, sont d'une belle envolée et parfois plaisantes. Elles passent de la considération pragmatique à des aveux touchants. On y trouve un homme mené par des passions ordinaires. Ses fictions sont le résultat de l'enfermement carcéral. Sont-elles le produit d'une imagination débridée, d'un corps frustré ou d'un véritable programme ?Il y invente un monde à la fois effrayant et qui fascine au stade de l'horreur. Il pose, par là même, de vrais problèmes. D'ailleurs il ne se prive pas de faire de la morale. L'époque le voulait.Son invention, c'est de vouloir dépasser les limites du corps. Jouer de celui-ci au delà de ses faiblesses, de la douleur inhérente à celui qui le met au défi.Il créé des situation qui abusent de ses habitudes, de ses craintes, de ses peurs ancestrales.Le drame de l'homme, sa punition (le châtiment promis quand il a été chassé du paradis), c'est de buter sur les limites de son anatomie et des fonctions de son corps. On le voit bien : le goût de la performance sportive n'est-il pas une version "soft" de cette ambition d'aller au delà des limites.Et par quel biais l'homme peut-il dépasser ses limites corporelles, les données de son anatomie, sinon dans la prouesse sexuelle, les déviances, qui sont une manière de le défier.Sade défiant moins la morale que notre condition. Notre enfermement anatomique qui entraîne une limitation de nos ambitions. La folie imaginaire est la seule voie pour fuir une situation qui nous étreint et nous réduit à des usages, des notions, des habitudes, des désirs limités, conditionnés par des codes qui sont autant de chaînes à la dynamique de nos instincts. Ceux-ci seraient ils sans entraves nous retrouverions l'immensité de la création. N'est-ce pas le nirvana évoqué par la sagesse orientale ?
 


 
 
posté le 17-11-2009 à 10:51:40

Balzac vu par Proust.

Balzac un temple.Il est d'usage (j'ai pu le constater) que bien des hommes de  bonne culture, par l'âge écartés de la vie active, et sentant leur mort venir, entreprenaient la lecture de l'oeuvre complète de Balzac.Ils disent : - J'entreprends la lecture de Balzac. Avec cet air résolu de ceux qui s'engagent dans un voyage long et semé d'embûches. Balzac est à lui seul un continent. (C'est aussi un temple !)Une fois plongé dans ce tumulte de la Comédie humaine, et s'étant fait des amis des personnages qui y font leur chemin, y luttent, s'affrontent ou s'aiment (l'amour n'y est pas de passion aveugle) le lecteur n'en sortira que la tête encore bruissante de ces  destins croisés, avec peut-être une nouvelle mesure de sa propre situation parmi les siens, la race humaine.Mais comment ne pas évoquer au nom de la passion qu'il suscite monsieur de Guermantes."Il a tout Balzac dans une reliure en veau doré avec une étiquette de cuir vert, de chez M. Béchet ou Werdet".Monsieur de Guermantes "court se réfugier au premier, au premier coup de timbre des visiteurs de sa femme et où on lui apporte son  sirop et ses biscuits à l'heure du goûter".Et Proust, qui n'est jamais tendre, de faire un portrait de cet amateur délicieux,, gâteux et un peu naïf. "Toutefois si M.de Guermantes trouvait charmants, c'est à dire distrayants et sans vérité, les histoires de René de Longueville ou de Félix de Vandenesse,, il appréciait, souvent, par contraste chez Balzac  l'exactitude de l'observation : "La vie des avoués", une étude, c'est tout à fait cela ; j'ai eu affaire avec ces gens là ; c'est tout à fait cela, César Birotteau et Les Employés".  Proust souligne le point de vue d'un de ses personnages, la marquise. de Villeparisis : "ce Balzac c'est un mauvais homme. Il n'y a pas de bons sentiments dans ce qu'il écrit, il n'y a pas de  bonnes natures. C'est toujours désagréable à lire, il ne voit jamais que le mauvais côté de tout. Toujours le mal...."La Comédie un temple, mais chargé de toute la contradiction de la nature humaine.
 


 
 
posté le 16-11-2009 à 11:28:07

Blaise Cendrars : "j'ai tué"

Dans sa brièveté arrogante, provocatrice, le titre situe le poète dans son désarroi. Citoyen suisse, il s'engage dans la Légion étrangère lors du conflit de 1914-1918.Il est sur le front, aux avant-postes là où la mort fait son travail. Il sait que le combat est radical, il faut tuer pour ne pas l'être. Il est au coeur du conflit et de son macabre  mécanisme. Il y apprend la fraternité, la violence, il y perd un bras. L'homme qui écrit n'aura plus que la main gauche. D'admirables pages de "La Main coupée" aborde ce drame intime. Il relate l'étonnante chute d'un bras coupé (agité encore de spasmes) venu du ciel (il y aura "Les racines du ciel"). Cendrars à venir est tout entier dans cette déchirure de son corps. Après une jeunesse aventureuse, riche en rencontres, en projets, en inventions qui feront avancer la poésie vers ces zones parcourues de frissons et emportée dans les rythmes fous de la modernité, Cendrars ne se pose pas en victime mais en figure de proue. Allant vers le risque, l'inconnu, la violence faisant partie de la réalité de son temps (elle s'est accrue depuis).Fernand Léger, son "copain" de Montparnasse, a formidablement saisi, en traits sobres, énergiques, saisissants, le visage façonné par la guerre. Un visage de combattant.
 


 
 
posté le 16-11-2009 à 10:43:47

Atget au Palais Royal.

Le Palais Royal sur les pas d'Atget.On s'est souvenu du Palais Royal de Diderot, avec ses bosquets charmants, ses statues et ses recoins où le philosophe aimait se reposer et lire quelque savant ouvrage ; il y aura celui de la galanterie quand une certaine Nicole Leguay qui ressemblait si étrangement à Marie Antoinette, devait servir d'appât (en raison de cette ressemblance) au stupide cardinal de Rohan, lors de la folle équipée du Collier de la Reine, conduite par l'ambitieuse Jeanne de Valois ; il y aura celui des premiers frissons révolutionnaires, quand Camille Desmoulins grimpant sur une table, invite les promeneurs à porter en signe de ralliement, une feuille arrachée à l'un des arbres, pour signifier leur appartenance à la Révolution qui commence à gronder ; il y aura enfin, celui des Merveilleuses, qui se promenaient presque nues sous des voilages transparents et hélaient les passants, un certain Bonaparte saura  leur résister (du moins le dira-t-il) ; et voici celui qui a traversé les générations et les événements et s'offre avec une feinte rusticité, au doux promeneur qu'est Atget. Il est venu avec son appareil photographique. Séduit par l'ampleur d'un arbre digne de la plus profonde des forêts, et si étrange en ce lieu, il l'aura saisi dans toute son opulence végétale. Au loin, le palais prend des allures irréelles.
 


 
 
posté le 14-11-2009 à 14:58:10

La forêt de Gustave Doré de notre enfance.

Les forêts profondes, il connaît. Enfant il s'y promenait, conduit par son père un raconteur d'histoires. Gustave Doré conservera profondément en sa mémoire ces moments d'émerveillement et de peur mêlés par la monstruosité des arbres qui entourent le promeneur, l'enfermant comme en  un labyrinthe peuplé de monstres redoutables. Il saura, en illustrant les contes de notre enfance, faire passer cette puissance émotionnelle, ce mélange savoureux de sensations bizarres et contradictoires où la peur rencontre l'émerveillement. Il en fait le cadre de ces Contes au fond si cruels (il n'y a qu'un pas à franchir pour gagner l'espace des romans gothiques). La femme y est victime de mauvais sort, et les princes sont leur seul recours. Dans le prince s'incarne l'homme amoureux. Nos premiers émois enfantins se nourrissent de ces histoires pleines de fées et de lutins.  Baudelaire nous a montré le chemin de cette descente dans les profondeurs de notre mémoire (ou de notre subconscient !). A feuilleter des images on retrouve des pans entiers de notre propre passé qu'elles ont imprégné de leur force poétique. On pénétre si profondément dans l'image qu'on retrouve "le temps perdu". C'est que le pouvoir de ces images est grand, abolissant le temps.
 


 
 
posté le 13-11-2009 à 11:05:23

Atget et la patience.

Un autre piéton, halluciné, va s'attarder dans ces paysages urbains. Halluciné ou plutôt obstiné. Patient. Il aurait pu croiser Rousseau (le douanier) sur son chemin. C'est un photographe : Eugène Atget.Il est de moeurs austères et de patiente forgée à la rude discipline inspirée par son souci de piéger la ville à son éveil.Tôt sur pieds, et la  boite magique à ses côtés, sur le motif. On dit qu'il fut minutieux. Son métier l'exigeait. Et qu'il l'exerce en un temps où la technique était encore balbutiante, supposait qu'il supporte des temps de pose aux lenteurs propices à la réflexion. A la rêverie. A l'observation.Nous allons vanter les charmes de la lenteur (souvenez  vous des belles pages de Pierre Sansot). Son regard à fouillé  des détails, déniché des secrets là où passent, distraits, ceux qui ne savent pas rêver. Le quotidien est plein de ces minuscules choses qui n'ont pas encore trouvées leur désignation avant qu'on ne les ait détruites. Alors on leur trouve une signification qui va jusqu'à reconstruire leur histoire. C'est qu'Atget devait se battre devant la montée des périls qui menaçaient Paris, les plans d'urbanisme du baron Haussmann, la pioche au service du pouvoir et des spéculateurs.Il est partout là où la ville suinte de sa profonde mémoire, qui remonte parfois au moyen-âge. Un  Paris de ruelles et de maisons de guingois. Un Paris du pauvre et de la tendresse. Les hommes y vivent un quotidien de labeur et de modestes fêtes. Des allures de campagne subsistent, jusque sur les hauteurs de Montmartre qui est encore aux meuniers, et  bientôt aux artistes. Rousseau ira, son violon sous le bras (comme les petits personnages de Chagall). On le fêtera dans l'atelier de Picasso, un admirateur.
 


 
 
posté le 12-11-2009 à 11:50:31

Le jardin des Plantes, un paradis en cage.

Il faut une histoire pour qu'un jardin se fasse une place dans notre quotidien.Outre que son prestige tient aussi à l'attention de ceux qui l'ont, peu à peu, au rythme des saisons, composé comme la merveilleuse tapisserie d'un rêve que l'on se passe, de génération en génération, héritage.Voici que le sagace Robin (Jean) obtient d'Henri IV quelques minces subsides pour créer un jardin d'apothicaire planté place Dauphine.  Dans le voisinage du palais des rois, abandonné depuis quelques règnes à la Justice. On voyait de ses fenêtres, s'étendre les allées rectilignes délimitant les carrés d'herbes aux vertus curatives. Robin, avec la faveur du souverain, va faire venir des plants de Hollande, et il n'hésitait pas d'offrir aux dames de la cour des fleurs, tout en gardant précieusement les bulbes. Jaloux de ses prérogatives il avait été baptisé le Dragon des Hespérides. Nous voilà dans l'espace des légendes.Il nous faut remonter le cours de la Seine, rien qu'une coudée, pour s'amarrer quai Saint Bernard. Là, sur le lieu de l'abbaye Saint Victor et son voisin la butte Coypeau (allusion aux carpeaux, autrement dit les bouchers) que balisait, côté ville, un monticule aux inclinaisons faites de gravois et d'immondices, on va dessiner un nouveau jardin. Dit "du Roy".Apparaît Nicolas Houel. Il ajoute à l'espace désormais voué à la conservation  des espèces venues de toutes les parties du monde, un jardin des simples. Ce jardin était "rempli de beaux arbres fruitiers et plantes odoriférantes rares et exquises, de diverses natures". On l'a notre jardin des Hespèrides.Le jardin des plantes fut au Roi, c'est quand celui-ci pouvait, d'un claquement de doigts, exiger les plus folles choses, dont celle d'aménager sur le bord de la Seine ce vaste territoire voué à la domestication de la nature.On  y recueillait les plantes  venues de tous les horizons quand dans les lourds cargos des explorateurs revenus au bercail, la soute remplie d'or, de richesses plus éclatantes, s'entassaient, à fond de cale, ces modestes  boutures arrachées à la forêt vierge en des horizons encore inconnus et qui faisaient la fortune de bourgeois épris de savoir.Outre qu'll est scientifique le jardin des plantes est celui d'un rêve ambitieux d'une nature sans limites géographiques. Pourtant dominée, classée, balisée par des grillages et forces étiquettes. On y énumère les plus étranges aspects d'une paradis perdu et retrouvé. Mais morcelé. Le jardin qui fut du roi est aujourd'hui à tous.On s'y promène en famille comme dans n'importe quel espace que la ville offre à ceux qui s'y délassent, y viennent respirer le  bon air et se projettent, par la pensée, en de lointains horizons qu'il n'atteindront jamais. 
 


 
 
posté le 11-11-2009 à 16:04:25

Le douanier Rousseau et ses drôles de machines.

Piéton, fonctionnaire de fantaisie, Rousseau va conquérir les espaces de son travail pour nourrir sa peinture, les retenir avec l'attention presque maniaque du rêveur qui s'en enchante et veut les conserver.Piéton, il est condamné à restreindre ses explorations aux abords immédiats de la grande cité (Paris). Ils portent, ici et là, l'empreinte furtive mais déjà bien typée de la ville industrieuse. On découvre, par surprise, ce qui fit la sagacité de l'ingénieur, la rigueur de l'urbaniste, ces héros du jour. Rousseau ne les méprise pas. Il les admire. Un jour il s'émerveillera de leurs exploits. Tel un enfant, il lance dans l'espace ces folles mécaniques, ces extravagantes machines qui défient la pesanteur, chatouillent les nuages flirtent avec les anges. Semblable à l'enfant qui largue sur le bassin du jardin public le frêle navire qui l'emporte au bout de ses rêves, il orne le ciel d'un riche bouquet de ces mécaniques qui rythment un siècle nouveau où il se sent comme un  équilibriste sur le fil tendu de son exploit. Leur accumulation dit bien son enthousiasme, c'est celle de la crédulité. A sa manière il exalte des temps nouveaux. Ses contemporains (Léger, Delaunay) le font dans la recherche d'une certaine rigueur de dessin, une formulation presque mécanique des choses. Lui envoie ses machines comme on lance des ballons gonflés dans l'espace pour marquer sa gaieté. 
 


 
 
posté le 11-11-2009 à 15:48:04

Sainte-Beuve, un alibi.

Sainte Beuve n'est qu'un prétexte. Une cible parce que sa méthode, qui suppose que l'on approche au mieux une oeuvre en cernant le caractère de son auteur, (d'où l'usage des témoins, ce qui a le risque de déplacer l'analyse sur un bouquet d'anecdotes, d'éléments qui affleurent seulement la vérité du sujet observé), semble mauvaise au jeune Proust qui se cherche encore et ébauche les grands courants de son oeuvre à venir. On y voit déjà quelques uns des détails si essentiels à la couleur même de son univers, se concentrer, trouver leur allure.Il n'est pas jusqu'aux obsessions dont la Recherche saura se nourrir, qui s'impose en notes vigoureuses, que ce soit la"race maudite" (Charlus est à l'affût), la sonorité imaginative des noms, l'emprise mémorielle des images, la pénétration des sensations comme moteur de sa démarche. On est en effet bien loin de la méthode qui souvent rate ses cibles, du bon Sainte Beuve.
 


 
 
posté le 09-11-2009 à 10:07:43

Gaston Chaissac l'art du bindonville.

Il fallait l'oser. Assembler ce qui ne semblait pas destiné à l'être, et, surtout, objets si loin de l'idée que l'on se fait de l'art qu'on les croyait  condamnés à la  décharge publique, à l'oubli. Objets maudits pour un oeil épris d'esthétisme, ravalés à des fonctions qui furent peut être utilitaires, et condamnés à disparaître une fois leur usage dépassé.Mais l'oeil de Gaston Chaissac passe outre les préjugés, les habitudes, les conventions, et retient ce qui est condamné à disparaître. C'est le principe de Marcel Duchamp (valoriser un objet du monde ordinaire- le mettre "en situation") mais au stade le plus délabré, au delà du caractère pratique qui peut, à la rigueur, lui donner quelque prestige. Le choisir à son état le plus primitif. Il retrouve d'ailleurs la saveur des "artistes primitifs" qui composent des totems avec des morceaux de bois tout juste équarris. L'assemblage est la part inventive du regard, l'avancée dans le sens donné à l'objet en dépassant sa fonction première. Mais, souvent, il se laisse porter par son instinct et finalement joue la fantaisie, le calembour plastique. Si Duchamp semble obéir à une certaine dimension intellectuelle (son art suscite une flopée de commentaires) Chaissac se laisse aller à son instinct qui est fait de saveur et de facétie, non dénuée parfois d'une touche d'inquiétude. Et c'est ce qui fait tout l'attrait de cette oeuvre à la fois drolatique et apparemment naïve.
 


 
 
posté le 08-11-2009 à 12:20:05

Brassaï et le graffiti.

Comme tout piéton urbain Brassai est sensible aux graffitis, et quand certains les notent (tel Andre Pierye de Mandiargues, sur de petits carnets, à en croire ses dires) d'autres, s'ils ont l'habitude de l'appareil photographique, en useront comme d'un carnet de note. Dans l'instant, la fraîcheur de la découverte, lui conservant toute la beauté de son graphisme propre. Sa rusticité. Parfois sa naïve noblesse.Brassai donc, appareil à l'oeil et l'oeil fureteur, déniche sur les murs ces écritures de la totale solitude, des angoisses populaires, des élans inconscients qui donnent au dessin cette force unique qu'on ne trouve que dans les dessins d'enfants ou de fous. Et tout se tient. L'intérêt de Brassai va aux uns et aux autres avec une même vélocité, une même intelligence du trait ravageur qui emporte avec lui toute l'émotion du scripteur. Sa rage aussi, parfois. Souvent. Gestes de révolte, cris d'amour, le registre est large et d'une admirable authenticité. Loin de toute spéculation intellectuelle, de toute coquetterie. On est au coeur de ce que Jean Dubuffet avait baptisé l'art brut. On est dans le voisinage des admirables lettres de Gaston Chaissac, des griffures angoissées de Wols, au coeur de l'art qui ne se remet pas en question parce qu'il n'invoque pas son histoire, mais au coeur de la détresse humaine.
 


 
 
posté le 07-11-2009 à 16:39:38

Van Dongen à Deauville.

Le monde de Fitzgerald, celui de Paul Morand ? On est France, au temps de la découverte de ses trésors, de ses sites pittoresques grâce à l'action du Touring Club de France. Un agenda édité par ce dernier offrant pour chaque semaine une image invitant ici ou là dans la diversité de terroirs avec chacun son folklore, sa cuisine (important la cuisine) et des propositions hôtelières qui  donnent l'envie à chacun de quitter son foyer pour partir sur les routes. On a en tête les pages d'une littérature à la mesure de ces appétits nouveaux, modelés à des usages qui restent mondains. On n'est plus dans ceux analysés par  Proust, (déjà dépassés) et plus volontiers ostentatoires, d'autres chroniqueurs (génie en moins ?) en proposent qui collent mieux aux statuts de la bourgeoisie, cette frange toujours agissante des impulsions collectives auxquelles elle donne leurs couleurs.Direction Deauville. Les femmes s'y exhibent, "sur les planches", en jupes culottes et que croque, narquois, un Van Dongen gagné aux  futilités du succès ; Pierre Mille, Joseph Kessel, André Maurois, Jacques Chardonne, Henri Béraud, Francis Carco, Jeanne Galzy, Irène Némirowsky, se taillent de jolis succès de plage. Des couples jouent le jeu de l'amour et du hasard en tenues taillées pour les danses vivement rythmées, donnant un vague écho aux décors de théâtre inventés par Jean Hugo ou Christian Bérard.Est-ce la France d'un bonheur taillé sur mesure avant l'orage. On a bien l'impression  que chacun joue un rôle dont il connaît la partition. N'est-ce pas le temps mesuré du bonheur entre deux cataclysmes. On parlera des "Années folles"
 


 
 
posté le 07-11-2009 à 15:50:26

Vue sur un musée lapidaire.

Le musée est la mise en théâtralité des oeuvres qu'il présente. Aujourd'hui c'est la présentation, souvent, qui "fait" l'oeuvre, dans la logique qui veut que l'objet présenté (même dérisoire) devient oeuvre d'art en fonction de cette mise en situation.C'est le musée qui fait l'oeuvre d'art, et les musées lapidaires, qui sont la survivance de ce que furent les chantiers du moyen-âge, autour des églises et cathédrales en construction, jouent le jeu de cette mise en scène avec une sorte d'innocence qui conserve tout le charme des impulsions premières du tailleur de pierre qui participe à une haute et ambitieuse mise en valeur de l'espace au nom d'un culte qui y trouve toute sa gloire et son excellence.Ce sont souvent les musées de province qui offrent des recoins subtilement agencés où sont accumulées des oeuvres de facture différentes (et de valeurs esthétiques elles aussi fort variables).On dispose des pièces de provenances variées, composant une sorte de collage-assemblage d'une étonnante saveur où chaque élément abandonne sa signification première pour devenir le personnage d'une mise en scène qui s'invente une nouvelle vie symbolique.Quelques squares, parfois, recueillent des fragments que la nature enclave dans sa vie propre. Le square Auguste Cain, derrière le musée Carnavalet, à Paris (rue Payenne) est un délicieux exemple de ce mariage heureux de la pierre et de la nature. C'est André Pieyre de Mandiargues qui avait une vue privilégiée sur le square depuis son bureau, qui m'avait fait découvrir cet endroit magique.
 


 
 
posté le 06-11-2009 à 12:09:42

le douanier Rousseau par la porte étroite.

On a pu déduire de l'enfance d'Henri Rousseau, dans une des portes de l'enceinte fortifiée de Laval, certaine attirance qu'il aura, par la suite, pour le phénomène du "seuil".  La Porte Beuchère est, en effet, la survivance de ce qui fut le  système de défense militaire médiéval que la ville avait conservé. Un signe de splendeur pour une famille qui va pourtant quitter l'endroit.Devenu douanier (gabelou en fait) Henri Rousseau portera une attention particulière aux postes de douanes qui enfermaient alors Paris dans une politique de taxes qu'il fallait payer pour l'entrée des marchandises. Rousseau était alors au coeur du système dont il était l'employé.Piéton méticuleux d'un espace qui restera urbain et timidement banlieusard Rousseau compose des paysages qui sont de son quotidien. D'où les portes d'octroi. Retour en arrière :Conséquence des ambitions puériles de son père quincaillier épris de grandeur et qui s'est lancé dans des aventures immobilières aventureuses qui vont précipiter la famille dans la faillite. N'avait-il pas choisi d'acquérir cette porte monumentale d'un Laval médiéval (la porte Beuchère) dont l'avait séduit le caractère seigneurial.Une porte donc. Etroite. Sa vocation défensive  le voulait. Elle s'inscrivait dans la clôture protectrice d'une ville alors ceinte de murailles.D'elle, par la suite, Rousseau sera conduit à faire la sentinelle dans ces petits fortins qui encadrent les passages de l'octroi parisien.Etrange et exemplaire parcours qui le place toujours aux franges de la ville, aux abords prometteurs de la nature qui se déploie avec grâce et innocence aux approches de la ville.
 


 
 
posté le 06-11-2009 à 10:50:26

Champfleury enfant de Laon.

Doit-on suivre Saint Beuve postulant pour la théorie qui veut qu'une oeuvre est étroitement liée à son auteur, et que connaître celui-ci permet de mieux comprendre celle-là. En témoigne bien Champfleury qui a nourri son oeuvre de son enfance et de sa vie parisienne dans la tranche de la bohème.Né à Laon, en 1872, dans une famille de la petite bourgeoisie (son père était fonctionnaire de la ville et sa mère avait une boutique d'épicerie et de bimbeloterie).Son enfance est solitaire et quasi "sauvage", livré à lui-même, il est le type même de provincial "monté" à Paris et découvrant la "vraie vie". Il est significatif qu'il ait rédigé une biographie d'Henri Monnier, le créateur d'un personnage type de sa génération. Ce n'est pas un personnage à la Balzac, mais son cousin,mené par une certaine fantaisie qui est celle même de Champfleury dont chacun souligne le caractère jovial et même une certaine innocence. qui débouchera, avec le  temps, sur une certaine mélancolie.  Ce qui ne l'empêche pas de créer lui-même des personnages qui sont ceux des arrières boutiques, des loges de concierge. Ce sera "La mascarade de la vie parisienne". Il portera sur ses compatriotes un regard narquois (Les bourgeois de Molinchart) annonçant là la cinglante verdeur de Jouhandeau. Son immense curiosité le conduit à se porter au secours du Naturalisme (à travers Courbet) ce qui lui vaut le titre de théoricien du naturalisme . En toute logique il s'attache aussi aux Frères Lenain "peintres laonnois" et surtout à la caricature et à la faïence. Qu'il ait enfin aimé les chats au point de leur consacrer un ouvragre le rend naturellement sympathique.
 


 
 
posté le 05-11-2009 à 12:29:48

Du musée au Salon.

La promenade au musée faisait partie des rites mondains de la bourgeoisie quand celle-ci se targuait de culture et progressait socialement grâce à elle. Elle touchait aussi le "peuple" qui, poussé par la ferveur révolutionnaire, voulait accéder à la connaissance de ce qui, jusqu'alors, avait été  le privilège des classes "supérieures". Le cabinet de curiosité de l'homme cultivé du XVIII° siècle était devenu public, ouvert à tous. On le fréquentait en général chaperonné par un aîné en mesure de donner les clefs de la signification des oeuvres qui y étaient présentées, surtout la peinture qui a toujours suscité de nombreux commentaires. On y allait en groupe, ou en couple, car porté à commenter, l'art étant le support d'une culture historique. Il raconte le passé, les légendes, les hauts faits de l'Histoire. Il est l'expression d'une recherche du beau. Voire de l'absolu (Balzac) une élévation de l'esprit qui implique qu'il est abordé comme une religion. On ne va pas au musée comme l'on va au jardin. Encore qu'un brin de coquetterie n'en soit pas totalement exclus.Parce que le musée est le label de l'excellence il implique du visiteur une attitude respectueuse, presque religieuse. C'est le Salon, dans sa version ouverte au XIX° siècle, qui va modifier l'attitude des visiteurs et faire courir le rire sur les foules comme en susciteront les avancées de la peinture (l'Impressionnisme). Le respect s'est perdu, remplacé par la critique, voire le scandale. C'est l'amorce d'un divorce profond de l'art avec son public. Il va devenir le territoire expérimental des formes mêmes d'expression, et gagner un nouveau public : celui des spéculateurs. Et, aujourd'hui, fréquenter le musée n'est pas étranger à une forme de snobisme.
 


 
 
posté le 05-11-2009 à 11:06:08

L'écriture de la colère.

C'est l'écriture de l'idée au stade premier, impulsée par l'émotion (ou la colère) un sentiment fort qui ne se pare pas des oripeaux de la représentation sociale (de l'élégance) et ne craint pas même la violence. Comme un cri qui n'a pas encore trouvé sa formulation en mots. Cheval ou poing dressé, les deux confondus, et plaqué comme une insulte, (la force incontestée du graffiti) dans un élan qui interdit toute spéculation. C'est quand il va à l'essentiel que l'art évite les détails, la tournure flatteuse, et même la maîtrise de son émotion. Ce n'est pas la maîtriser que de lui donner la priorité sur toute convention du discours. Allant à l'essentiel, l'art retrouve ses racines. N'est-il pas singulier qu'ici Picasso retrouve la force déclamatoire, intransigeante, des peintures murales de Lascaux. Hymne à la bête blessée ici, et là prise en charge de la douleur sous le signe du cheval, le compagnon le plus fidèle de l'homme dans ses combats, ses tragédies.
 


 
 
posté le 03-11-2009 à 22:27:47

Robert Denos le veilleur du Pont au Change.

La pâle Sainte Geneviève de Paul Landowski, sur le pont de Tournelles veille sur un Paris qui fut Lutèce et de ce point de vue, redoutait l'arrivée sacrilège des barbares. Elancée et pieuse, elle n'est que l'ombre de cette aventure qui a des échos d'épopée. Par le fleuve viennent les envahisseurs, l'eau est la dynamique des voyages de conquêtes.Il n'y a pas, sur le Pont au Change, de figure tutélaire pour défier l'ennemie. Simplement des mots, par un poète agencés en forme de mélopée. C'est Robert Desnos qui s'y est mis. Et avec l'ardeur de la colère, la fièvre de la foi.Voici le veilleur du Pont au Change. Une vision ample, où Desnos porte un regard sur un Paris aussi vaste que sa douleur quand l'occupant plombe les mots qui parlent d'amour et de liberté."Je suis le veilleur de la rue de Flandre.Je veille tandis que dort Paris."Et de divers coins de la grande ville surgissent des lieux d'où le veilleur assure sa mission : le Point-du-Jour, la Porte Dorée, la Poterne des Peupliers. "Au sud, au nord, à l'ouest / ce ne sont que fracas de guerre, convergeant vers Paris"Alors Robert Desnos affirme son  identité : "Je suis le veilleur du Pont au Change". Sa voix enfle et porte sur l'étendue du monde "dans les lourds relents de l'océan Pacifique" d'Alger, Honolulu, Tchoung-King, Fez, Dakar, Ajaccio, du lac Ilmen à Kief, et du Dniepr au Pripet.Moins statufié que porté par une  saine colère.Point central de cette clameur immense, le Pont au Change, qui fait partie de l'univers familier de Desnos qui a tracé entre le Châtelet, les Halles et la Tour Saint Jacques l'itinéraire de sa quête poétique.
 


 
 
posté le 03-11-2009 à 11:10:34

Dans l'atelier de l'imprimeur.

Image de la nostalgie. L'atelier de l'imprimeur était alors une sorte de laboratoire où l'on avait une connaissance profonde des matériaux entrant dans la composition du livre. Un rapport manuel avec le plomb des caractères, une approche minutieuse du texte que l'on recomposait lettre par lettre, en mesurant tout le poids de chacune d'entre elle, dans le sens donné au mot qui y prenait une valeur plus solennelle. De même, on maniait le papier, souvent de haute qualité, avec un respect profond pour ce qu'il représentait d'effort, d'ingéniosité, pour survivre au temps, valoriser le texte qui s'y imprime avec quelque chose de définitif. Le papier était "l'esprit de la nature" ( comme on dit l'esprit du vin), fait de bois et de chiffon, une quintessence et une chimie savante des matières mises à contribution.Notons que l'on pouvait parler de presse pour l'imprimerie, comme on en parlait dans la culture du vin. Presser, pour tirer l'essentiel de ce que contient la matière utilisée. N'est-il pas significatif que la survivance de cet  esprit artisanal se confond avec l'édition de la poésie. Un domaine où les mots prennent toute leur signification.
 


 
 
posté le 02-11-2009 à 12:16:37

Visite à Man Ray.

Conversation avec Man Ray, dans son atelier rue Férou.  (suite).Je venais de trouver dans la caisse d'un bouquiniste, rue de l'Odéon, en allant chez Man Ray, le petit livre qu'avait publié Georges Ribemont-Dessaignes. J'appréciais l'alliance fraternelle de ces deux esprits espiègles.  - Vous êtes un artiste qui considère qu'il n'y a pas de technique privilégiée en art. Vous en faites un principe. Ce qui compte, c'est l'idée, et peu importe le véhicule. Si  bien que vous avez fait de la peinture, de la photographie et vous composez aussi des objets, les agencez pour leur leur donner un sens au delà du problème esthétique, enfin vous avez abordé le cinéma (on en parlera une prochaine fois).-Il faut dire une chose, si j'ai plusieurs cordes à mon arc la cible est toujours la même. Je me sers du médium qui convient le mieux à mon idée. Par exemple, je peins des choses que je ne peux pas photographier (ma vision dans ma tête ou un rêve), je photographie les choses que je ne veux pas peindre. Mais je peux changer d'idée en cours de route. Par exemple préparer une nature morte (je n'aime pas le terme) pour la peindre et finalement, parce que l'effet du rendu sera meilleur, prendre mon appareil photographique. Et clic-clac, c'est dans la boite. Une anecdote pour illustrer ce propos. C'est en Amérique. une petite fille vient dans mon atelier, c'est une voisine,  Elle regarde ma peinture sur le chevalet et l'objet sur la table, que je viens de peindre. : Alors, tu aimes ma peinture ? Oh oui, elle est très jolie, mais pourquoi as-tu deux fois la même chose? " Pensez la chose comme vous voulez, ce sont souvent les enfants qui vous mettent devant les vrais problèmes.- Le cinéma ?- Oui, alors, après avoir fait tant de photos, certaines de mes compositions qu'on appelle abstraites (remarquez qu'elles ne sont pas abstraites, car tout est concret !) je voulais voir les choses en mouvement. Alors j'ai commencé à tourner, je les faisais bouger, tourner, mais ce n'étaient que de très modestes petits films.- Vous faisiez des films pour votre seul usage, un  peu pour vérifier votre travail.- En quelque sorte.- Pourtant la tentation était grande d'aller un peu plus loin. C'est comme ça qu'est né "L'Etoile de Mer". Il est passé au studio des Ursulines, un haut lieu du cinéma d'avant garde, fréquenté par les surréalistes puis au Cinéma du Vieux Colombier.- En somme il a amorcé sa carrière de film de référence. Ce qu'il est devenu.
 


 
 
posté le 01-11-2009 à 10:45:52

Rancillac sculpteur.

Rares sont les sculptures de Rancillac qui ne s'y est risqué que très prudemment. Une figure à la découpe rude, retrouvant l'esthétique de la Vénus callipyge, m'aura suivi dans mes déménagements et trouvant, parfois, l'accueil de la nature qui renforce son caractère rustique (ce fut  à Pierrefitte du temps de Sens Plastique, puis à La Celle sous Montmirail, lors de l'expérience éditoriale des "Pages du Pelais" qui publiera des textes de Dominique Fernandez, Pierre Albert Birot et naturellement le facétieux Forneret, enfin à Grandvilliers sous les hauts arbres de ce qui fut un parc). Elle prend de l'âge, la pierre (tendre) tend à s'effriter, sa chair absorbe les caprices du climat, de son environnement, au pied d'un arbre centenaire. On la dirait venue du fond des âges. Ayant acquit le caractère vénérable d'une idole.