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lettres de la campagne

posté le 28-10-2008 à 13:57:21

Le Soleil dans la tête.

Avant d'être une librairie galerie le Soleil dans la tête était un recueil de poèmes (mauvais) imprimés sur une petite presse à bras, sur un méchant papier-journal, et broché à la main. Un moyen de s'introduire dans le milieu poétique de l'époque (les années 50) qui ne fut pas insensible à cette initiative et les multiples revues qui faisaient, à l'époque, l'actualité poétique, lui furent largement ouvertes (c'était Io, La Tour de Feu). L'époque était totalement mobilisée par le succès alors phénoménal de Jacques Prévert. Le Soleil dans la tête, dont les poèmes hésitent entre le ton badin de la confession, léger de la chanson, et naturel dans un usage de mots simples, devait beaucoup à Prévert et ne s'en cachait pas.Transporté (muté ?) en librairie galerie, le Soleil dans la tête devient le "laboratoire central" de la poésie (jeune) dans les années 1955-60 avec de nombreuses signatures, expositions qui permettent aux poètes de cette génération de se mieux connaître, de se rencontrer. Des expositions soulignent le rôle joué par Pierre Albert Birot, Pierre André Benoit, Jean Rousselot, René Guy Cadou et bientôt une ouverture sur le surréalisme permet de mieux associer poésie et peinture. La revue Sens Plastique (une trentaine de numéros) va prolonger cette action.
 


 
 
posté le 26-10-2008 à 14:25:14

Souviens toi de Gérard de Nerval.

La composition d'un livre pour Gérard de Nerval procède d'un  système qui souligne que toute l'oeuvre baigne dans le même climat. Chaque livre est le morceau du "livre unique" qui est le miroir de son moi profond. On le voit, à la fin de sa vie, et peut-être parce qu'il publie dans la presse, avec ce que peut entraîner son rythme, ses exigences dans la manière même d'écrire, procéder à des assemblages de textes divers, qui n'a rien d'arbitraire que la multiplicités des orientations choisies, des "entrées" comme on dit dans un ouvrage de référence.Chaque morceau est une ouverture, une pénétration à la recherche du coeur central, là où toute une vie s'épuise à le trouver, le retrouver peut-être puisqu'écrire c'est aussi chercher le point central, le lieu de félicité perdu ( comme on a perdu le paradis).Alors, avec l'âge, une certaine précipitation s'explique. On rassemble les bribes, les morceaux épars pour sauver la maison sinon la construire quand il est encore temps.On ne veut pas laisser les efforts de toute une vie en chantier. Ne va-t-on pas scruter les cahiers, les  notes, les fiches autour d'une oeuvre achevée pour en mieux comprendre le sens. Connaître les fondations, les épreuves, les recherches et même les échecs qui l'entourent.Gérard de Nerval est exemplaire dans ce destin d'une oeuvre avec ses joyaux, ses éclats, et la mise en forme compacte de tout ce matériel d'exploration jusque dans les  arcanes de l'inconscient, de l'imaginaire. Des Filles du feu aux Petits châteaux de Bohème, des Illuminés aux Chimères, c'est tout un monde dispersé qui trouve son unité. Il construit son propre mausolée. Pour le souvenir.
 


 
 
posté le 26-10-2008 à 14:01:34

Le Livre des ruines.

On pourrait imaginer un livre qui se construirait, morceau par morceau, en suivant le dessin ( l'empreinte) d'un  champ de ruines. Avec des morceaux arrachés à des textes qui se conformeraient étroitement aux éléments de référence, à moins qu'on en imagine un, fait de lambeaux d'un texte originel que le temps aurait partiellement détruit. Avec des béances, des manques, des zones incertaines, des périodes oubliées.Comme Blaise Cendrars avait conçu certains de ses poèmes en utilisant des morceaux entiers de la prose de son ami Gustave Lerouge, auteur de manuels pratiques, et d'une littérature strictement populaire, écrite à "la va-vite" et sans recherche particulière. Dans la brutalité même d'une prose totalement éloignée de la portée de la poésie qui a pour fonction de valoriser le mot, de le mettre en valeur de lui donner ce sens absolu que cherchait tant Mallarmé. Cendrars faisant, en somme, de la poésie avec des matériaux arrachés à une prose qui lui était totalement étrangère. D'un champ de ruine on ferait son profil avec des mots.
 


 
 
posté le 23-10-2008 à 14:17:55

L'enclos de la Série Noire.

Au coeur de la bibliothèque il peut y avoir les ouvrages du "second rayon", si  bien nommé, et qu'à la Bibliothèque Nationale on a baptisé "l'enfer" (Apollinaire en faisait ses délices). Pourquoi ne pas y conserver aussi ( pour des raisons d'ordre littéraire) les titres de la Série Noire publiée par Gallimard sous les auspices de Marcel Duhamel, un survivant de l'aventure de la rue Blomet où se réfugiaient les exclus du surréalisme.Chez Marcel Arland, éminence grise de la NRF et des éditions Gallimard, les séries noires faisaient l'objet d'un rangement dans une pièce affectée à cet usage. C'était dans son joli petit château de Brinville, pas loin de Paris, dans une campagne souvent mélancolique. Cette mise à l'écart de la Série noire n'est pas un signe de mépris et guère plus une ségrégation, mais le souci de souligner l'homogénéité de cette partie de la chose écrite qui vise moins à l'effet littéraire qu'à l'efficacité du récit. Nervosité du style, emploi du mot le plus populaire, voire parfois dérives vers le langage codé des milieux condamnés à la clandestinité. Le personnage central est souvent l'enquêteur qui porte sur lui toutes les épreuves de la vie  quotidienne, et guidé parfois par l'attrait de l'amour qui n'est jamais romantique mais qui enchaîne d'ordinaire des catastrophes voire des trahisons, La Série Noire c'est un peu l'espace de la tragédie. L'écho de la tragédie grecque.
 


 
 
posté le 23-10-2008 à 11:37:06

Le principe d'incertitude.

Ce sera une manière d'aborder le "Principe d'Incertitude" qui  prend en compte tout le matériel d'images que l'on aura accumulées, pour tracer l'itinéraire (incomplet, aléatoire) d'une mémoire qu'auront nourri des moments d'exception, des rencontres furtives, des accidents de la vie qui l'enrichissent quand ils ne la détruisent pas.La décision, brutale ( à moins qu'elle ne soit prémonitoire) de fouiller les albums de famille, les boîtes dans lesquelles on aura jeté, distraitement, les photographies qui scandent les moments de notre vie, entraînant l'idée qu'il serait utile d'en retenir certaines, celles qui ont une plus riche possibilité de réveiller notre mémoire,Et pourtant, tel la madeleine de Proust (ou les fameux pavés d'un relief irrégulier de la cour de l'hôtel de Guermantes) ce sont des images si largement ouvertes autant que fortes en leur suggestion qu'on s'y égare quand on les explore, qu'on s'y vautre dans les sensations bizarres de déjà vu, alors qu'elles figent un instant banal à tout autre regard que le notre.Le principe d'incertitude évoqué tient à cette marge où l'imaginaire se substituant au souvenir on compose des images qui acquièrent leur propre histoire, qui renaissant peut-être différentes. Mais n'est-ce pas le délice de se plonger au coeur du labyrinthe !
 


 
 
posté le 22-10-2008 à 16:03:01

Coco Chanel, la mythologie des "Années folles".

Parce qu'elle habillait les femmes qui "font" la mode, donnent le ton, dirigent en sous main la vie culturelle (et politique ?) de leur temps, Gabrielle Chanel, devenue Coco pour les intimes, puis l'audience médiatique qui l'a fabriquée comme un personnage capital de son époque, va entrer dans la légende.On en connaît les détails exemplaires : d'origine plus que modeste (voire misérable) elle incarnait, au terme d'une vie de ténacité, de relations utiles, de savoir faire, de volonté impitoyable, le luxe. Une réussite sociale, l'expression d'un caractère entier, complexe, complexé, faisant son chemin à la hussarde et jouant autant de son charme que de son ambition. Des princes, des poètes l'accompagnent dans ce long fleuve (qui n'est pas tranquille) d'une vie qui en aurait tué bien d'autres qu'elle. Dans la cohorte de femmes d'exception qui jalonnent les "Années folles" (Colette, Missia Sert, Mistinguett, Marie Laurencin, Nancy Cunard, Elsa Triolet, Dora Maar, Gala) elle compose une silhouette moins attachante qu'inquiétante.
 


 
 
posté le 22-10-2008 à 12:50:28

Conrad Moricand, un personnage d'Henry Miller.

Il a beau camoufler son nom (à peine) Henry Miller fait le portait de Conrad Moricand dans "Un diable au paradis". Méchant mais sans doute juste tant l'homme fut complexe, envahissant et perdu dans la réalité qu'il fuyait en composant des horoscopes dont on disait qu'ils étaient d'une remarquable pertinence. Côté positif mais mince consolation pour la cohabitation avec un égaré qui fut, dans sa jeunesse, un moteur de la vie culturelle, recevant chez lui Picasso, Braque, Modigliani, Blaise Cendrars ou encore Max Jacob avec lequel il co-signe  un précis d'astrologie qui figure honorablement dans la bibliographie de Max Jacob.A Big Sur, sur la côté californienne où Henri Miller le recueille (au bord d'une déchéance financière angoissante) Conrad Moricand révèle les travers d'une personnalité capricieuse, habituée au luxe jusque dans la misère mal vécue. Alors il s'agite "comme un diable" et perturbe le quotidien de l'écrivain venu chercher le calme pour écrire. Lui, retiré dans sa chambre, dessine furieusement. Miller assure que ce sont des dessins d'une crudité sexuelle atroce, d'autant qu'il décrit avec force détails des supplices, torsions, dissections, étreintes étranges dans un climat de sadisme effroyable et propre à réveiller la libido de quelque dégénéré impuissant. Rien que ça. Conrad Moricand fut aussi l'illustrateur fort inspiré de ses amis poètes, dont  André Salmon.
 


 
 
posté le 21-10-2008 à 17:03:04

La bibliothèque est en ruine.

La bibliothèque est en ruine.A en croire René Char "la bibliothèque est en feu". L'énoncé poétique n'a pas valeur d'information. Il donne seulement une lumière sur la fragilité du savoir et l'immense angoisse qui peut étreindre l'homme soucieux de la préservation des acquits culturels.Une civilisation disparaît à l'heure où ses archives s'embrasent, où les bâtiments s'effondrent. Toute ruine n'existe plus que dans l'espace de l'imaginaire. On reconstruit un monde qui n'est plus, on l'invente peut-être croyant le retrouver.La fascination qu'exerce le monde des ruines sur le visiteur (le touriste prend en photo ces lambeaux d'un monde disparu) n'est pas nécessairement inspiré par la nostalgie. Il y a trop de fierté dans la ruine, une beauté qui souvent dépasse celle de la chose vivante (et quel mystère cache-t-elle ?) pour que l'on penche vers la regret, mais par un énergie cachée qu'elle éveille, elle fouette en nous la passion du savoir qui surpasse les seuls problèmes du quotidien. Bien des ruines sont, de fait, celles de lieux sacrés, et elles trouvent leur beauté dans l'esprit qui y demeure. Ne parle-t-on pas de lieux de mémoire. Elle survit, déformée mais vaillante, et au mystère de la vie attachée en dépit des modes, des évolutions sociales.La ruine de la bibliothèque, privée de ses livres, porte encore la trace d'un savoir dont elle était l'écrin.La photo est empruntée au blog lifeisbeautiful.
 


 
 
posté le 18-10-2008 à 12:28:38

Le pouvoir des mots.

Le pouvoir des mots.Les bergers, réunis sous la clémence d'un bosquet d'arbres, découvrent une tombe avec ses inscriptions énigmatiques. Celui qui sait lire déchiffre, en suivant du doigt le développement des lettres gravées dans la pierre. Lettre à lettre, un mot se forme, une phrase se développe, un monde s'ouvre.On évoquera l'allusion à un paradis perdu, une félicité dont on a la nostalgie. Mais le berger est encore au rythme des saisons, dans l'ordre d'une nature qui impose ses lois au nom de la raison. La paradis était-il raisonnable, et la raison n'est-elle pas le contraire d'une félicité largement épandue, diffuse parce que donnée et non gagnée. Quand un tableau est une énigme, chaque détail compte. La clef du paradis est-elle contenue dans les quelques lignes péniblement déchiffrées. Ce serait l'image de la quête.Ne sont-ils, pas ces bergers complices, comploteurs, comme des voleurs ( de feu, de bonheur, de vie éternelle) autour d'un coffre-fort dont ils tentent de retrouver le code ?
 


 
 
posté le 17-10-2008 à 12:28:16

La lecture sous l'arbre.

La lecture sous l'arbre.Saint Louis s'y tenait, pour rendre la justice, le poète s'y plante, pour restituer le pouvoir des mots dont il est le maître. On s'assemble, fait la ronde autour de la croissance majestueuse de l'arbre qui offre à la fois sa protection et le jeu capricieux des ombres qui viennent comme de légers papillons s'agiter furtivement sur les obstacles qu'elles rencontrent. Elles nous conduisent vers nous même. L'ombre c'est le retour sur soi, le temps de la réflexion. En lutte avec elle, (peut-être en complicité car ce serait alors un jeu) la lumière se déchire, fait des bonds, batifole. Elle est l'énergie de l'instant, la joie qui s'exprime et se diffuse par ondes grandissantes, sauts généreux. Le jeu d'ombre et de lumière c'est la parole de l'arbre. Sa musique ?Le poète s'est éclaircie la voix, et maintenant le cérémonial peut commencer. La lecture sous l'arbre c'est la promenade sur le cours nonchalant des mots. On s'y berce, on s'y laisse porter en nage libre. Attention de ne pas s'y noyer.
 


 
 
posté le 17-10-2008 à 10:19:20

Rimbaud est passé par là.

Comment, à tout instant, ne pas parler de Rimbaud ? D'ailleurs s'il hante tous les lieux voués à la poésie il est aussi passé rue de Vaugirard. C'est "le passant considérable" évoqué par André Breton. Il m'en avait parlé lui-même lors d'une visite au Soleil dans la tête. -Savez vous, disait-il, que Rimbaud est venu ici, entre deux frasques. D'ailleurs tout le quartier est marqué par son souvenir et celui, plus pathétique, de son amant Verlaine. Ce dernier avait fait un séjour dans un hôtel qui est quasi voisin du 1O de la rue de Vaugirard (hôtel de Lisbonne au 4). Au temps de sa terrible chute aux enfers. Mais Rimbaud vint ici dans le triomphe de sa jeunesse insolente. A ce carrefour de la rue de Vaugirard et de la rue Monsieur le Prince, les pavés (du moins ceux que la fièvre de Mai 68 n'a pas transformé en projectiles) sont chargés de cette histoire qui n'entre pas dans les livres mais subsiste dans les mémoires. D'où le charme des "chroniques" qui piègent l'instant comme l'appareil photographique. C'est le clic-clac du quotidien. Quand il est le théâtre d'esprits élevés, quel régal.   
 


 
 
posté le 16-10-2008 à 15:16:29

Affaire de torse.

Alors que le nu, chez la femme, tend à l'intervention de l'ornement qui le  définie dans sa nature sociale, souligne la note érotique que l'on veut lui donner, il acquière sa véritable dimension fantasmatique chez l'homme dans l'absence de tout élément étranger. Allant vers l'essentiel de l'anatomie qui étale ses atouts, valorise la virilité qu'il est censé incarner.Comme si la femme s'inscrivait dans un théâtre de l'érotisme (ce qu'il lui arrive de faire) alors que l'homme affichait une présence brutale affranchie de toute fausse pudeur, dans le mythe du stade. Il tient sa beauté de sa force, l'érotisme se branchant sur un culte du muscle. A terme, et pour autant que sauront l'explorer les sculpteurs de l'antiquité, le nu est abstractisé. On voit un dieu en lui. Il dépasse sa dimension charnelle (serait-elle si évidente et magnifiée). Il devient une image qui interdit toute approche familière. Créant une distance qui n'est pas celle du simple respect mais d'une prise de conscience qu'il existe une nature hors d'atteinte, qui invite à la célébration. Objet de culte.
 


 
 
posté le 15-10-2008 à 11:58:43

Chez Denise Colomb.

C'était un jour gris comme Paris en sécrète à l'improviste, rue de Thorigny. Passant devant le musée Picasso je pensais à la bonne marquise de Sévigné qui avait sa maison là quand sa fille partait pour le midi. On connaît la scène par les mots qui l' ont immortalisée. Une dernière étreinte, les chevaux qui piaffent, le carrosse qui s'ébranle lourdement, des mouchoirs agités. Tant de lettres vont suivre, tissant les liens d'une amour vertigineux. Le but de cette sortie : aller chez Denise Colomb qui avait été le témoin privilégié, (appareil photographique en main) des dernières sorties parisiennes d'Antonin Artaud. Julie m'accompagnait. Sautillant dans le caniveau, et soudain sage, dans le petit salon bourgeois où Denise nous recevait.J'étais assis dans un petit fauteuil "crapaud" aux lignes souples, vaguement Louis XV. Brusquement, par facétie (?) ou parce qu'elle devinait ce que pouvait avoir d'émouvant pour moi la situation, elle me demande :- Savez vous sur quoi vous êtes assis ?Devant mon silence - C'était le fauteuil sur lequel était assis Artaud quand je l'avais pris en photo. Effusion, minute de recueillement. Sur le seuil de la porte, alors que nous repartions, mission accomplie (la permission d'utiliser ses photos pour un ouvrage à paraître sur Artaud). - Elle est mignonne votre petite fille. Il faudra revenir, je ferai son portrait.Que ne suis-je revenu !
 


 
 
posté le 14-10-2008 à 16:49:53

La passion de Julien.

C'est l'histoire d'un biographe tellement entraîné dans la vie et la personnalité de son sujet qu'il perd son identité et devient le personnage qu'il dépeint. Tout biographe a le souci de s'approcher le plus possible de son "sujet". Enquêtes, lectures des écrits qui le concernent. Une approche lente et passionnante où l'on se fond dans son sujet. Julien, puisqu'il s'agit de lui, voulait faire une étude sur Marat. Une raison peut-être futile à ce choix. Il habitait rue de l'Ecole de Médecine, quartier de l'Odéon, et ses pas qui le menaient chez les commerçants du quartier, les cafés du "boul Mich", la Sorbonne où il suivait ses cours, se posaient sur ceux de Marat qui avait vécu là, dans le même périmètre réduit d'une activité purement intellectuelle. Il en avait pris conscience peu à peu, par une lente assimilation des lieux, une lecture en profondeur, une vérification par les textes. Ce fut une imprégnation profonde quoique progressive au point qu'un jour il prend la résolution d'entreprendre une biographie de Marat nullement inquiété du fait qu'il en existe des quantités. De toutes manières son propos ne serait pas celui d'un historien qu'il n'était pas, mais plutôt d'un piéton qui avait pataugé dans le territoire de celui qui allait l'habitait tout entier. Au point tel qu'il y trouvera la mort. Il rencontre un jour une jeune étudiante, venue de province ( bonne famille, esprit emporté) et en devient amoureux. Leur intrigue fut courte. Cette Charlotte un jour, dans un moment de tension extrême, prend un couteau à sa portée et poignarde celui qui n'achévera jamais l'étude sur Marat qui était devenue son seul motif de vie.
 


 
 
posté le 14-10-2008 à 15:22:07

Staudacher, la peinture de la colère.

Le geste de colère de la peinture.Il fallait le voir, accroupi, pinceaux en main (plusieurs à la fois pour changer plus vite comme le chasseur en battue dispose de plusieurs fusils), tournant autour du papier posé au sol, jetant, çà et là, avec une sorte de rage les coups de pinceaux qui s'entrecroisaient, se catapultaient comme épées à l'assaut, fouillis d'une terrible bataille.Une sorte de danse initiatique, un spectacle en soi. L'idée n'était pas neuve mais il l'a portée à ses extrêmes (peut-être étaient-ce les derniers sursauts de cette peinture gestuelle qui allait disparaître).Retour en arrière. Il y a André Masson (dans les années 30) qui couvre sa toile d'une sorte de colle et y projette, à l'aveugle, des jets de sable retenu comme une sorte de coulée tellurique ( d'ailleurs n'y a-t-il pas, à l'origine, le complexe du volcan ?) Inspiré par l'exemple surréaliste Jackson Pollock en développe toutes les possibilités. Ce sont de magnifiques odes à l'étendue sidérale, la recréation (la suggestion) des vastes espaces qui nous entourent et dont nous ne sommes qu'une infime partie prenante. On évoquera Georges Mathieu qui, lui, affrontait à la verticale la toile pour la couvrir de signes d'une altière audace. On est à dans le cousinage de cette gestualité qui revendique le droit de refuser la figure (la figuration), la réalité, et propose une autre réalité qui, d'ordinaire, nous échappe, celle de notre être entier, jusque dans les obscurités de notre inconscient.
 


 
 
posté le 11-10-2008 à 16:34:35

Le jeu de l'ornement.

La nudité a besoin d'ornements, de gestes, de décor.Mythologique, le décor excuse la nudité totale, la gestuelle signera la rôle donné à une figure de déesse (on verra pour les dieux par ailleurs). Toute une histoire dans un simple bras levé, une jambe qui s'abandonne, une tête en extase. Saisie dans l'atelier (à la manière d'un Pascin, d'un Modigliani) c'est à dire réduit à sa "simple expression", le nu deviendra rapidement inconvenant. Otez les rochers, les rideaux, les colonnes qui font de votre voisine venue poser par curiosité, une Diane, une Vénus ou une Minerve, et vous aurez l'impression de glisser l'oeil dans le trou de la serrure. Chez Pascin la voisine l'est restée, banale, sa nudité est brutale.A en déduire que le corps pour atteindre le sublime, l'élégance, fouetter l'imaginaire, a besoin de ce quelque chose en plus (fut-il discret) qui l'arrache à sa seule pesanteur de chair, et l'on conviendra que c'est l'ornement qui donne le ton, ouvre la porte à tous les fantasmes.On en comprendra la fascination que peut exercer sur la femme le bijou. Chaînes, colliers, bracelets pour aller jusqu'à imaginer un langage codé de ces derniers, comme telle chaînette qui enserre discrètement une cheville. Ce sera la folklore acidulé des sous-vêtements, accessoires divers (bottes, chapeaux) tout un catalogue de formes ajoutées, soulignant ici une courbe de chair, camouflant  là un point recherché par le regard fouetté par le désir. La messe du strip tease tient là tous ses secrets.
 


 
 
posté le 11-10-2008 à 11:56:14

L'oiseau sans plume au Père Lachaise.

L'oiseau sans plume au Père Lachaise.C'est lors d'une nonchalante balade parmi les blogs qu'un titre a soudain attiré mon attention : loiseau sans plume. L'étrangeté de l'animal cache un piéton de Paris comme je les aime. Soucieux de comprendre (et de conter) l'histoire mais aussi sensible à l'impression du moment. Par l'objectif de l'appareil photographique il retient un instant (rien qu'un instant) où le corps et l'âme ne font qu'un devant la découverte d'une beauté secrète, un aspect insolite, ce petit quelque chose qui rend une promenade miraculeuse, et enchanteur le quotidien. C'est pour cela qu'on aimait André Breton ou Aragon qui l'un et l'autre (dans "Nadja", et "Le paysans de Paris") donnaient tant de prix à la marche à pied, du moment qu'elle n'est pas un simple déplacement du corps dans l'espace pour aller d'un lieu à un autre, mais une sorte de quête pour rencontrer le merveilleux (ici, Nadja, là, le parc des Buttes Chaumont). Je classe "loiseau sans plume" dans la même catégorie, au détour d'un chemin il aura aussi peut-être rencontré Léon Paul Fargue ou Jacques Réda en somme des éveilleurs comme on les aime.
 


 
 
posté le 10-10-2008 à 14:40:37

L'écriture d'un ange.

De la manière d'écrire (de tenir la plume) on saura quel est le contenu du texte. Le Sphinx (assis mais soumis) dénonce le contremaître à qui l'on dicte des instructions pratiques. On le voit mal rédiger un poème ou une tragédie. Il est dans le sillon d'une parole donnée, d'ordre. A l'extrême, on verra Verlaine, la cul callé sur une banquette d'un bistro du Boul Mich dans le Paris "fin de siècle", sirotant une atroce boisson alcoolisée en ciselant un poème d'une grâce éperdue.Vous avez dit absinthe. Alors il y a l'écriture de l'absinthe et puis celle des anges. En voici un. Il est dans la sanctification, l'espace de la grandeur mystique. Il n'écoute que son âme ou la parole divine. N'est-ce pas la parole des anges ?Il importait que les tables de la loi fussent gravées dans la pierre et que le récipiendaire (Moïse) fut échevelé et entraîné dans un climat de tempête. Car s'ajoute à la manière d'écrire l'environnement qui y participe.J'ai le souvenir de Patricia Highsmith ne pouvant écrire que la nuit, dans sa cuisine, dans la compagnie d'une bouteille de whisky que l'on retrouvait le lendemain matin, vide, au sol, et un chapitre du roman correctement tapé sur l'underwood qui était le stylo des auteurs de roman policier.Un flash back encore. Qu'on se souvienne des films des années 5O et l'inévitable auteur de polar, un peu ivrogne, mal aimé, à moitié somnolant sur sa machine à écrire (encore une underwood mais droite et noire celle là, comme une sorte de Rolls défraîchie). L'encre et le sang se mêlent pour nos insomnies.L'écriture de l'ange nous conduit au ciel, celle du romancier vers les eaux troubles de notre inconscient.
 


 
 
posté le 07-10-2008 à 15:06:25

Jean Boullet, un dessin dandy.

Jean Boullet le dandy du dessin.Dans les années 50, et parmi le groupe d'artistes qui fréquentaient le Soleil dans la tête, Jean Boullet s'était distingué par la singularité de son comportement et l'élégance de son dessin. Il l'accordait en marge de poèmes sulfureux, il rappelait celui de Jean Cocteau, avec le même ligne sinueuse, coquine, agressive quoique souple en son développement fusse pour souligner un érotisme sans complexe.C'était un peu le monde de Jean Genet avec ses marins au torse de dieu antique, ses fesses musclées d'athlète. Il y avait aussi Raymond (ou Robert ?) Picq (un lyonnais) qui sanctifiait le voyou et en faisait un dieu moins paillard que d'une fascinante et troublante beauté. Boullet aimait aussi la science fiction et toutes les bizarreries de la nature.  C'était un dandy noir et dansant.
 


 
 
posté le 07-10-2008 à 14:49:03

Pierre Skira, le poids du silence.

Le poids du silence.C'est vers le monde des objets en voie de destruction,  marqués par l'usure du temps, des accidents, que se penche Pierre Skira. Il aura su, dans le tohu-bohu de la vie artistique contemporaine, inscrire son sillon, le baliser, donner du sens à la plus banale des réalités, la plus prenante parce qu'elle a vécu, qu'elle est encore frémissante de sa longue traversée des apparences.Marcel Duchamp avait, dans les années 20, par téléphone, depuis New York, donné à sa soeur qui vivait à Neuilly, des instructions pour tenir exposé aux intempéries un livre accroché à la balustrade de son appartement et qui enregistrait toutes les variations climatiques.Pierre Skira joue le même jeu de l'engagement dans un espace menaçant, mais le sien est le temps. On pensera à Chardin pour le caractère minutieux de la description, de la définition de l'objet dans sa présence altière et tranquille. Mais quand Chardin peignait le murmure des objets, un lieu de réflexion, Pierre Skira s'engage dans l'espace de la souffrance, de l'inquiétude, à moins que l'on puisse parler d'une sérénité crispée comme l'avait fait René Char dont il retrouve la pertinence de l'énoncé encore qu'il ne fasse pas de la peinture littéraire, toujours trop descriptive. Pierre Skira porte un regard aigu sur les choses qui sont en souffrance. La Nature morte l'est bien, cette fois.  
 


 
 
posté le 06-10-2008 à 10:24:24

Alice sisters.

Les Alice sisters.Elles sont deux, ne font qu'un. Par un mouvement naturel de fusion sur des idées, des projets, des passions, et peut-être des souvenirs d'enfance. C'est toujours dans l'enfance qu'il faut chercher les failles, les génies, les dérives, les motivations de chacun.Les voilà en de lointaines contrées (selon l'endroit où l'on se place) appareil photographique au poing, c'est une manière d'écrire son journal.Emerveillées par le déferlement des odeurs, des couleurs, des formes et des cris d'un continent si loin de leurs habitudes. Elles sont devant le miroir qu'elles aspirent à franchir. En toute personne qui se regarde dans un miroir il y a une Alice qui se cache. Le dadaïste Philippe Soupault (il  ne pouvait faire autrement) avait accroché dans une exposition un miroir nu, vers lequel chacun se penchait avant de lire l'étiquette qui définissait le sujet représenté. On pouvait alors lire : "portrait d'un imbécile". Mais il y a, dans le mouvement dada, un geste de défi, d'amertume.Un miroir dans lequel se regarde une femme est toujours une porte ouverte sur des horizons auxquels elle aspire, vers lesquels elle ira se précipitant, dans un élan instinctif pour sortir de soi, de sa pesanteur.  Photographier le miroir n'est-ce pas cliquer une porte de sortie, mettre la clef dans la serrure.Et si la photo révélait ce qu'il y a, justement, derrière le miroir !
 


 
 
posté le 05-10-2008 à 18:05:23

Le Paradis perdu.

Le Paradis perdu l'est-il définitivement ?Toute la Bible déroule son épopée en partant d'une faute originelle dont l'homme serait la victime. Une histoire de pomme, de serpent et d'une femme tentatrice. On peut tirer vers le dérisoire, vers la profanation, ce qui est, après tout, une belle quoique cruelle légende. Ne le sont-elles pas toutes ?Perdu, le paradis n'est plus qu'un regret exprimé pour chacun selon ses rêves et les moyens d'accéder à la félicité à laquelle il aspire.Ce pourrait être, au pire d'une déchéance de son concept, un dancing miteux où l'adolescent qui veut connaître la femme (donc l'amour) ira endimanché car il croira que l'accession au bonheur a besoin de ce déguisement social, quand, dans la nudité des premiers âges, l'homme le trouvait à sa portée sans aucune recherche, sinon, (à en croire la Bible) le respect de certaines consignes auxquelles il ne sût  s'assigner tant la table de la Loi n'existe que pour être brisée.Dans tout le bric-à-brac qu'on aura largement exploité (exploré) des images fortes s'imposent, qui dans la brièveté d'une scène, résument la complexité d'une situation qui met en scène des êtres toujours à la quête du sens à donner à leur vie. Vivre c'est chercher, c'est quêter. L'inertie de l'esprit ( et du corps ) n'est-ce pas l'antichambre de la mort ?
 


 
 
posté le 04-10-2008 à 16:55:54

BEN, alors.

Ben alors.C'était dans les années 60. En pleine crise de l'art. L'abstraction devenait un académisme. De nouveaux courants s'annonçaient, dont la Figuration Narrative, le le Pop Art et le Nouveau Réalisme. On était en pleine période de turbulence. Ben, venu de Nice (il faisait parti, de l'école dite "de Nice"), abreuvait généreusement le milieu artistique d'un courrier aussi pittoresque qu'insolent et tout compte fait fort salutaire car il charriait des idées saines et simples qui remettaient en cause tous les poncifs régnants. C'était de la théorie au niveau du dérisoire ou, si l'on veut ce qu'est à la philosophie les propos de comptoir. Les brèves de comptoir, ces formules à l'emporte pièce qui valent toute la vérité de leur évidence. Avec, ça et là, des regains de ce que fut le mouvement "dada" des années 20. Un véritable plaisir de l'esprit. Le temps passant, et le succès venant voilà que l'on retrouve BEN et ses formules cinglantes ornant des boîtes vendues fort chères, des parapluies, des tapis pour souris d'ordinateur et ça et là dans le grand train de la publicité. A la mode et répandu, sans doute accompagné de royalties ce qui pollue grandement l'élan primitif et celui qui nous avait tellement séduit.
 


 
 
posté le 01-10-2008 à 14:55:06

Gill Wolman : l'art scotch.

 Gill Wolman : L'information au bout des doigts.La liberté donnée de créer au delà de toutes les techniques éprouvées (et enseignées), d'accorder le titre d'oeuvre d'art au résultat de toute expérience manuelle, fut-elle la plus dérisoire, d'accorder au simple choix (la sélection effectuée par l'oeil) le même statut d'oeuvre d'art qu'à celle qui résulte d'un long travail conjugué de la main et de l'esprit, permet à des entreprises comme celle de G.Wolman d'avoir une vocation à s'inscrire dans un déroulement historique. D'autant plus justifié dans son cas qu'il a été, dans les années 45-70, au coeur du tumulte, dans les vagues successives de l'avant-garde. Toujours à la pointe d'un combat, d'une invention, et pourtant fidèle à lui-même dans le sens de l'esprit qu'il sait  donner aux entreprises qu'il assume, et dont il tire toujours une leçon, voire une audience publique qui, pour être limitée, n'en est pas moins forte. Ne sont-elles pas les plus fortes ces initiatives qui scandent l'histoire de l'art dans le secret, et versent, avec le temps, dans l'espace du mythe. Ce qui est aussi son cas, et le résultat d'une vie toute entière vouée à bousculer les habitudes intellectuelles, son confort et les préjugés.Une de ses "inventions" les plus spectaculaires c'est le "scotch art". Vous prenez un rouleau de sctoch, appliquer des bouts sur un doucement et tirez avec énergie. Vous trouverez l'empreinte de l'élément choisi. Reste à faire une composition à partir de ces extraits, morceaux choisis d'un élément de base. Gil Wolman donne volontiers dans l'humour et l'actualité. Cela nous vaut des sortes de chroniques désinvoltes et narquoises du monde tel qu'il est, tel qu'il le rêve.Ce peut être des mots, ou des images ; de la force des uns et du poids des autres.A mettre au catalogue des inventions de l'art à la portée de tous comme le frottage, le collage et  la décalcomanie . La main de l'esprit ?