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lettres de la campagne

posté le 26-05-2010 à 14:31:28

De Miller à Artaud l'itinéraire du cri.

D'Henry Miller à Antonin Artaud, l'itinéraire du cri.

Le cri va chercher ses vibrations dans les tréfonds de l'être, là où les organes jouent ce rôle d'une usine à sang, à sperme et à souffrance. La voix qui en est la modulation, mais qui en conserve l'essence vitale, fait son chemin ( c'est Miller qui le précise) "à travers la chair, les os, les humeurs (elle) transporte ce qui s'est tapie tout au fond des organes". Ce qui rappelle l'injonction d'Artaud, demandant à ses comédiens d'aller chercher dans cette sourde rumeur des organes le souffle vital, quand parler, souvent, n'est qu'à la dimension de la tête, en circuit court et sans chair.
C'est toute l'esthétique du théâtre qui en est modifiée, et la gestuelle sera en conformité avec l'émission du son. Portée aux excès, à l'intempérance, déversant ce trop-plein d'émotions, de sensations, qui gîte dans notre corps souffrant, notre corps brûlant, quand les usages de la société en interdit l'expression, en gendarme les élans.
La voix est à la dimension de ce que nous portons en nous, au plus profond de notre inconscient, c'est sans doute pourquoi le chant en donne une dimension bien plus perceptible, plus expressive.
Comme le jazz tire des instruments (saxophone, trompette) les vibrations les plus cachées en leur matière même, déjouant l'ordre voulu par les disciplines d'un solfège qui y perd son rôle d'ordonnateur, glissant vers l'improvisation.

 


Commentaires

 

1. saintsonge  le 26-05-2010 à 16:25:33  (site)

Tout à fait (vécu), l'un des tableaux que je préfère de Munch, d'ailleurs...., aussi.

 
 
 
posté le 25-05-2010 à 10:49:50

Henry Miller peint le rêve.

Peindre, pour Henry Miller, c'est rêver. Se laisser aller à son rêve. C'est donner à voir le phénomène de métamorphose dont il est le territoire idéalisé.
Dans "Big Sur" il le précise bien : "....les mondes, les créatures, les objets, les lieux, ont tous ceci en commun : ils sont perpétuellement  en cours de transformation. Le suprême bonheur du rêve réside dans ce pouvoir de transmutation. Quand la personnalité se liquéfie, pour ainsi dire, comme cela se produit merveilleusement dans le rêve, et que la nature même de son être se trouve transmuée comme une opération alchimique, quand forme et substance, temps et espace s'étirent et se rétractent à la moindre sollicitation du désir ; celui qui s'éveille de son rêve sait, sans qu'aucun doute subsiste, que l'âme impérissable qu'il nomme son âme, n'est que le véhicule de cet éternel élément de transformation".
On retrouve dans cette formulation ce qui fait tout l'attrait d'une oeuvre autrement déconcertante par l'impudeur dont elle témoigne,  et comme cet élan de fraîcheur qu'elle appelle de toutes ses forces au delà de la tourbe du réel, l'emprise diabolique du désir charnel qui ne saurait se contenter des solutions les plus primaires qu'elle dénonce quand elle les nomme.
Faisant référence à Jérome Bosch il peut encore préciser que la peinture dégage "cette réalité baignée de rêve qui nous échappe constamment et qui est la substance même de la vie."  
 Sa propre peinture, peu soucieuse de réalisme immédiat, distille cette force flottante et comme furtive (comme le rêve), mêlant tous les règnes du vivant, vie végétale, incidents mineurs et visages qui cherchent leur poids de vérité, tant la vérité dont ils témoignent est fuyante.

 


 
 
posté le 23-05-2010 à 19:39:26

Yourcenar : question maison.

De l'influence que peut avoir une maison d'écrivain sur son travail ? La question posée par Guylaine Massoutre (dans Le Devoir) a le mérite se s'appuyer sur un exemple type : la maison de Marguerite Yourcenar à Petite Plaisance, et d'en proposer une visite. Entourée de maisons de millionnaires elle paraît modeste (elle l'est). Mais c'est déjà le jardin qui nous introduit dans l'univers de l'écrivain "avec ses azalées en fleurs, son bassin de méditation, ses buissons où explosent les espèces de l'arboretum, (il) enchante. Les oiseaux y prennent leur bain : trois chiens y sont enterrés". Et d'entrer enfin dans la demeure "tout à la fois home des Flandres, avec ses théières et ses carreaux de Delft anciens, et de la Nouvelle Angleterre avec son mobilier chaleureux et disparate, 7000 livres vous accueillent sous le regard d'entrée de Pomonoe que trompe le dieu Amour, déguisé en vieille femme après avoir été repoussé" manière élégante de donner le ton de l'oeuvre qui en sortira. C'est là que Youcenar écrira Les mémoires d'Hadrien (1951) et L'Oeuvre au  noir (1968).
Outre les livres, ce sont les objets-souvenirs des nombreux voyages de part le monde qui sont comme autant de repères, non sans oublier aussi les fameuses gravures de Piranèse qui complètent le balisage du territoire de l'écriture dont la maison est le cadre domestique.
Pourtant, ici et là, dans les différentes pièces de la maison des livres soulignent le rite de la lecture : savante dans le bureau et dirigée par l'ouvrage en cours, dans les chambres à la saveur des intimités qui se construisent entre écrivains, et du devoir d'estime, comme André Gide et Thomas Mann au seuil de la nuit, parmi quelques souvenirs de famille.
Il n'en pourrait être autrement pour une oeuvre qui se construit sur l'Histoire et s'appuie sur des références culturelles dont elle n'est jamais le sévère résultat savant, mais humanisée par l'esprit qui y domine et ce goût des "visions" dont elle est faite.

 


Commentaires

 

1. Saint-songe  le 25-05-2010 à 13:04:24

Je me souviens d'un Apostrophe spécial(e) où elle reçut Bernard Pivot.... Du Savannah Bay puissance Mille - Consumation/consommation du meilleur temps qui soit....
(prévenu de cet article que ce jour, bug encore...)

 
 
 
posté le 23-05-2010 à 14:24:21

Marat, homme tronc.

Tentative pour un itinéraire parisien.

Quelques rues sont fiévreuses du côté des Cordeliers qui sont, aujourd'hui, l'antre des sciences du corps. La médecine en lieu et place des prières. Et des cris de la colère qui se cale, se brise dans le verbe porté haut, de bouche en bouche, de corps en corps, comme une immense vague déferlante sur les chapiteaux ornés et le silence sépulcrale des voûtes sacrées.
Et le sang a coulé, en rigoles, dans les allées de ce pouvoir édifié dans les cabinets secrets d'un trois pièces discret, en immeuble moyenâgeux, chez Marat. Dans un voisinage étroit de numéros, d'une rue qui fait son chemin en cahotant, le couple Simon prépare sa revanche sur l'or du pouvoir, par la cendre de la haine. En épelant des mots orduriers aux fragiles oreilles d'un enfant énervé de privations, apeuré et seul, avec Simon, au Temple, entre bidet et lit-cage, comme est en cage l'oiseau que l'on va, d'un fil étroit, étrangler pour se venger de la beauté de son chant.
Marat donc, à sa baignoire attaché, comme d'autres le sont à leur tâche. A sa tâche usé, dans le clapotis d'une eau suspecte de baigner ses plaies purulentes, à hauteur de ventre, quand la tête émerge, jaune et brûlante de toutes les fièvres, alors que la plume court sur le papier comme une guillotine qui s'affole du nombre de ses victimes.
Fièvre dans la tête folle et marquée de lèpre. Le turban l'atteste. C'est une tête blessée. Magnifiquement donnée par Antonin Artaud pour ce qu'elle n'est pas : une tête de triomphe, avec ce quelque chose de nonchalant, de voluptueux qui rappelle la tête d'un Saint Sébastien porté par les femmes comme un Christ descendu de sa croix.
Marat n'a de femme en son entourage que pour le défendre de la rue, de celle qui en monte, un couteau de boucher serré dans son corsage blanc et de dentelle normande. Le couteau est venu à bout du boucher.
Ici l'éclat d'une lame portée au nom de la pureté, et là les puanteurs d'une peau grêlée, les puanteurs d'une eau où  le sang bouillonnant va se coaguler.
Marat, homme tronc. La rue bat le pavée, tandis qu'il agonise. Les mots qui tombent de sa plume abandonnée sont des gouttes de sang.


 


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1. saintsonge  le 23-05-2010 à 17:04:46  (site)

En définitive, on peut dire que Marat est ainsi le premier des Journalistes dits de télévision, qu'on nomme : homme - tronc , non ?..
Ainsi , d'en battre le pavé !..

2. sorel  le 23-05-2010 à 19:36:27

pas mal !

 
 
 
posté le 22-05-2010 à 22:50:51

George Sand intime.

L'époque le voulait. Jamais on avait tant crayonné, dessiné, sans volonté d'en faire métier ou de l'utiliser comme une fin en soi. C'était dans un esprit de convivialité, et toujours axé sur des rapports intimes entretenus entre ceux qui y participaient.
C'était "le livre d'or" que l'on présentait au visiteur afin qu'il y mette son empreinte, le signe d'une visite, le souvenir d'un instant de complicité amicale.Le poète y inventait des rimes, le peintre y improvisait une aquarelle.
C'était l'album que l'on traînait avec soi, en tous lieux, et pour le voyageur, le support de notations :  paysages, personnages, scènes arrachées à la rue.
Le couple George Sand-Alfred de Musset a largement utilisé le dessin à des fins intimes, souvent drôles, et le trait narquois vient apporter une note intéressante, illustrant le type de regard qu'ils se portaient mutuellement. Parfois cruel. Mais à commencer pour soi-même.   
George Sand n'est guère indulgente vis à vis d'elle-même, se représentant en fumeuse au profil ingrat. En revanche elle s'entoure d'hommes, de ceux avec lesquelles elle avait des "aventures", tous ceux qui, séduits par sa généreuse hospitalité, fréquentaient aussi son refuge élégant de Nohant.
Ce sont, là, outre sa fille Solange, Arago, Charles Didier, Albert Grzymala.

 


 
 
posté le 20-05-2010 à 19:51:07

Danton impérieux, carrefour de l'Odéon.

photo Palagret.

Pour celui qui tend l'oreille de la mémoire, de sourdes rumeurs enflent qui viennent s'enrouler comme une tornade autour de la maison qui s'élevait là, où Danton avait son appartement. Il tend un doigt vengeur (accompagnant une parole de tempête) dans ce qui fut sa salle à manger. En plaisante compagnie il recevait là ses amis du club des Cordeliers (voisin, l'école de Médecine occupe son emplacement) et le peuple venait sous ses fenêtres, par vagues ardentes, pour marquer ses colères.
Il est le dieu de la colère, impétueux, fracassant, entrant tout droit dans la mythologie de la Révolution. On l'honore en lieu de place de ce qui fut le coeur de sa vie d'action politique. Tout converge vers lui. Le boyau coloré du Passage du Commerce (où Marat avait son imprimerie), la rue de l'Odéon stricte percée mettant en valeur le théâtre alors tout nouveau, la rue de Condé allant frôler le bel hôtel particulier de Beaumarchais, la rue de l'Ancienne Comédie où le Procope subsiste qui voyait Diderot, et Jean Jacques Rousseau deviser, tandis que d'Alembert jouait aux échecs. En face il y avait le théâtre de la Comédie française noyé aujourd'hui dans un immeuble banal.
Les travaux du baron Haussmann ont bouleversé ce qui fut le quartier de toutes les intrigues politiques, de toutes les passions. Les autobus, lourdement chargés font halte au pied d'un Danton impérieux. Des étudiants farceurs inscrivent des mots doux sur le socle de la statue qui ponctue le long cortège des automobiles et je vois Benjamin Péret, en compagnie d'André Breton, siroter une boisson gazeuse à la terrasse du café l'Odéon. Le beau temps est au fixe. On parle de révolution comme d'un jeu. Ou un spectacle qu'on imagine plus beau que la banalité du quotidien.

 


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1. saintsonge  le 20-05-2010 à 19:58:56  (site)

Je prendrais bien ce doigt de "Danton" pour dire aux récents voleurs des cinq toiles de maîtres (matisse, picasso, modigliani....) : allez ouste, à l'échafaud des écervelés !... Votre article sur "Paris" semble tomber à point (sur la valeur des statues, déjà)
JE HAIS les voleurs de tableaux !!!
J'ai comme un relent révolutionnaire en moi, ce soir.... Pardonnez l'écart !

 
 
 
posté le 20-05-2010 à 09:57:10

Un peuple de statues pour Paris.

Promenade dans Paris (statues).
Les plus humbles ne sont pas les moins belles. Le piéton curieux en découvre parfois d'émouvantes jusque dans leur anonymat, telle celle du square Achille Léopold, une figure de femme drapée, plaquée sur un mur dont elle est l'insolite et assez étonnante parure, d'autant que l'environnement végétal lui confère une sorte de frissonnant baroquisme.
La ville s'orne de statues autant pour rêver que pour honorer. L'invitation au rêve y est généralement meilleure inspiratrice que le souci de rendre hommage aux grands hommes. D'autant que la prédilection des encenseurs va généralement aux militaires. Et certaines statues, pour être d'allure guerrière (c'est la moindre des choses que l'on peut attendre d'elles, vu le sujet choisi), n'en sont pas moins un peu ridicules. Le pauvre maréchal Ney, dû pourtant à Rude, en sait quelque chose qui invite à la charge, carrefour de l'Observatoire, une foule de voitures qui la contournent distraitement.
La statuaire a pourtant des vedettes, les délicieuses figures drapées de Jean Goujon, sur la "Fontaine des Innocents", la Marseillaise de Rude plaquée sur "l'Arc de Triomphe de l'Etoile", la Danse de Carpeaux au sommet des marches de l'Opéra.
Elle a aussi ses chefs d'oeuvre, comme le pathétique Balzac de Rodin, un peu égaré carrefour Vavin, et les nus de Maillol qui folâtrent sur les pelouses des Tuileries. Ils apportent dans une cet espace de rigueur un peu figé dans l'Histoire, une sensualité lourde, nonchalante, qui semble inciter à plus de décontraction les amateurs de jardins. Si bien qu'on voit dans les parages, aux heures chaudes de l'été, une multiplication d'odalisques allongées dans l'herbe qui y est ici britannique quoique un peu chichement et aimablement flirteuse
Dans ses représentations les plus anciennes, la statuaire parisienne est directement liée à la célébration des grands personnages du panthéon chrétien. Notre-Dame de Paris considérablement (mais pas si malheureusement qu'on le fit) restaurée par Viollet-le Duc, offre de multiples exemples d'un art qui, pour être rude, n'en est pas moins d'une extraordinaire fécondité, d'une généreuse faconde. Tympans, voussures, et bas-reliefs, sont le grand livre ouvert de la pieuse truculence des artistes anonymes du XII° siècle qui ornaient la maison de Dieu pour le plaisir. Mais Notre-Dame c'est aussi un vaisseau. Elle a, selon Andrè Suarès, "toute la majesté de la puissance, et elle a toutes les élégances. Elle est un monde, elle est cent villages", une forêt de statues. Celles qui sont également en ses sommets dangereusement exposées : les gargouilles que chantait Victor Hugo. Ces figures monstrueuses que l'eau des orages anime, et qui semblent toujours de leur profil accusé, caricatural, si follement inventées, s'étonner du spectacle qui se déroule à leurs pieds.
Le caractère altier des figures religieuses est sans doute une tradition. On mettra toujours en situation de domination les figures que l'on veut honorer. D'où les socles.
Extrait de "Lecture de Paris " aux éditions Pierre Horay

 


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1. Saintsonge  le 20-05-2010 à 15:41:18

J'ignore pourquoi votre article me fait penser au ... Lion de Belfort, brusquement !!! Je me suis placé dans la tenue d'Adam , face à un objectif , en posture de ce Balzac de Rodin !... Ah, les pensées : "populace/de démons noirs / et de loups noirs..."..Les cariatides me plaisent aussi - un film d'agnès Varda, je crois, c'est si loin dans le souvenir de l'avoir vu !...

 
 
 
posté le 18-05-2010 à 11:21:28

Le Facteur Cheval habite ses rêves.

Habiter ses rêves, quoi de plus naturel pour celui qui saura leur donner forme.
Le Facteur Cheval aura été jusqu'au bout d'une logique qui, souvent,  nous paraît trop contraignante pour s'y résoudre. N'est ce pas le propre du rêve que de s'effacer quand notre esprit reprend le chemin du réel. Ou alors nous mène-t-il à la folie quand on tente de le poursuivre en se contentant de le contenir dans notre corps, prisonnier d'une illusion, le réel le déniant, le quotidien le repoussant.
Décevantes auront été les tentatives des poètes surréalistes qui veulent consigner par le biais des mots ces images furtives qui s'échappent et qu'ils s'obstinent à piéger en un filet dérisoire.
Le génie du Facteur Cheval tient à une volonté défiant la raison, le lâche confort du quotidien, d'aller jusqu'au bout de sa propre logique ancrée dans le rêve et auquel la pierre donne une consistance, une résistance au temps, à son travail d'usure.
Ne sont-ce pas dans les pierres que les grands bâtisseurs des civilisations passées ont confié le soin d'en perpétuer le pouvoir de fascination. Les civilisations dont les monuments témoignent ne sont plus, mais, par leur présence, ces "rêves de pierre" en portent encore la marque, sont comme des panneaux de signalisation qui balisent le champ élagué de leur vie active et quotidienne. Ce sont des monuments non plus voués à la pratique des humains, mais aux célébrations à des divinités, créées pour leur grandeur.
Et parce que le rêve est un espace éloigné des aspects pragmatiques de notre vie, et qu'il plonge dans le plus profond de notre inconscient, il ne peut que générer des formes dont la subsistance nous fascine et nous porte à les classer dans l'espace du sacré.
Le Palais Idéal du Facteur Cheval a ainsi souvent l'aspect d'un lieu de culte, il fait référence à des temples faramineux, traduits comme des citations, car ils sont empruntés à ce savoir encyclopédique dont le Facteur Cheval voulait faire usage, et, avec une certaine naïveté nous faire partager l'essence même qui est de nous hausser à la hauteur de ce que nous avons de meilleur en nous-même.

 


 
 
posté le 16-05-2010 à 22:41:00

Le Facteur Cheval en tournée.

Tout facteur n'est pas Cheval. Et il y a trop de volonté, d'ingéniosité, de ferveur devant le savoir pour ne pas faire du Facteur Cheval un être d'exception et un exemple. Proche, en cela, du douanier Rousseau qui dévore les ouvrages scientifiques, les revues savantes, pour combler son manque de culture, ayant quitté l'école trop tôt et en souffrant. C'est souvent le propre des autodidactes que d'avoir plus de respect pour la culture que ceux qui y ayant accédé jeunes, et sans effort (comme une chose naturelle, de leur éducation) n'en mesurent pas toujours le prix.
Concevant une maison (un Palais idéal) il l'a fait à la mesure de ses connaissances, accumulant les références comme pour se prouver l'étendue de son savoir, et soulignant avec une sorte de naïveté, toute la force humaine qu'elle justifie, valorise.
Le voici, durant ses tournées (à pied, et avec sa brouette), récupérant, ça et là, dans les champs, les fossés, les pierres qui vont venir s'ajouter à celles de la veille et qui, peu à peu, se métamorphosent en multiples détails ornementaux d'un palais fou, sorti tout droit de son imagination.
J'ai souvenir de Miro, me montrant dans son atelier, les bois mangés par l'eau, le soleil et le temps, ou les galets, en formes étranges jusque dans leur suaves sinuosités, et m'affirmant que c'était là son catalogue à partir duquel il réinventait un monde qui nous semble insolite et qui est pourtant à nos pieds, il suffisait de savoir le regarder.
Le regard du Facteur Cheval creuse au delà des éléments qu'il assemble, les profondeurs de son imaginaire qui est aussi sa mémoire, et le reflet de ses connaissances livresques patiemment apprises.

 


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1. saintsonge  le 17-05-2010 à 08:50:47  (site)

Tiens !.. Comme le "tour facteur" devient "tout", Le Cheval a mangé mon premier commentaire, qui n'avait rien d'un quota d'avoine !...

2. saintsonge  le 18-05-2010 à 08:05:23  (site)

Oui, juste pour rajouter que je ne fus jamais "préposé" (à la distribution, comme dit le jargon postal), mais agent de guichet, ayant en poche le concours de Receveur des Postes (reçu 1er, tout de même dans la région Nord/pas-de-calais ; et 5ème sur toute la france, y compris Dom/Tom), ce qui marque une différence, que vous m'accorderez, je présume... J'ai refusé la "place" de Receveur pour... La Littérature, qu'en dites-vous, maintenant ? Ai-je eu tort ou raison, je n'avais que 23 ans, quand j'obtins le fameux "sésame" de la Profession, que je n'exerce plus !!!

 
 
 
posté le 14-05-2010 à 10:12:15

Pierre Louys courtise Aphrodite.

Avec Aphrodite (paru en 1896) Pierre Louys s'assure une réputation qui va se couler dans le sillon d'un érotisme teinté de culture antique. Aphrodite est bien la déesse de l'amour (et du plaisir) qui a autant de visages que de célébrants et brille dans son temple des feux d'une ardeur que démultiplie la troupe de prostituées chargées de diffuser son message. Il est intéressant de remarquer combien la vision de l'écrivain moderne face à un des aspects majeurs de la culture antique, croise les élans d'un érotisme débridé et d'autant plus ardent que l'époque maintient l'hypocrisie du savoir vivre qui occulte le monde souterrain de l'érotisme , ici mythifié.
Pierre Louys aura compris qu'il était aisé de faire passer le récit le plus hardi en jouant la culture comme creuset de ses fantasmes. L'antiquité aura séduit le Flaubert de "Salambo", ii et là le sujet offre à l'écrivain la possibilité de raffiner sur le vocabulaire. Louys ne s'en prive pas (et Flaubert non plus). Mais chez Louys le parti pris érotique l'emporte dans une histoire un  peu tarabiscotée. Une courtisane (Chrysis), un sculpteur (Démétrios) qui en est amoureux et qui commet de graves larcins pour obtenir ses faveurs. Un peigne sacré, un collier de perle ornant la statue d'Aphrodite dans le temple qui lui est dédié, un miroir d'argent appartenant à une autre courtisane, un ensemble d'objets propres à valoriser le corps de celle qui les exige, d'où cette exhibition un peu folle "devant la foule sur la phare d'Alexandrie et dans la nudité d'Aphrodite". Il s'en suit une arrestation, un emprisonnement, un empoisonnement (signe de la condamnation)  et, devenue le modèle du sculpteur, Chrysis morte devra incarner la vie immortelle.
Au cours du récit Louys multiplie les scènes propres à exciter son lecteur encore naïf. D'où ces scènes d'orgie (avec crucifixion d'une esclave), des séquences saphiques. Un brin d'orientalisme pour entrer encore dans les goûts de l'époque, dont la peinture académique nous a largement abreuvé.

 


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1. Saintsonge  le 14-05-2010 à 10:24:46  (site)

"Concha s'étendit à l'orientale sur une natte"... Déjà l'orientalisme dans "Le pantin"...

 
 
 
posté le 12-05-2010 à 11:23:59

Laurence Sterne en voyage.

La mode est au journaux de voyage. Les anglais qui font "le grand tour" ne manquent pas d'en conter les étapes, les rencontres et nourrissent ainsi la curiosité des lecteurs en leur offrant, de surcroît une savante topologie des pays qu'ils traversent. Laurence Sterne n'a pas adopté ce principe, plutôt savant. Avide de rencontres insolites, curieux de caractères, il brosse de multiples portraits durant son périple, depuis le moine de Calais (amorce de son voyage) au vieillard affligé par la mort de son âne (avec lequel il avait fait le pèlerinage  à Saint Jacques de Compostelle). Mais l'homme galant qui sommeille en lui s'attarde plus volontiers sur les femmes rencontrées (et modestement, pudiquement convoitées).
La noble dame de Calais, les charmantes femmes du peuple à Paris (une mercière, une femme de chambre). Ce sont là des personnages de Marivaux, et ne manque pas le valet de comédie qui l'accompagne du nom de La Fleur. On est dans la grande tradition des romans de l'époque qui rapprochent ainsi maître et valet dans le quotidien rythmé ici au voyage. Une collection de personnages pittoresques qui évoluent dans une France dont il nous donne des tableaux charmants, sans prétentions, mais sans doute exemplaires pour illustrer le petit peuple de l'époque. A peine amorcé le chapitre italien s'ouvre à la galanterie avec une aventure (esquissée, évoquée discrètement) à Milan avec  une marquise. Inachevé, le livre ne paraîtra qu'après la mort de l'auteur.

 


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1. Fanny39  le 12-05-2010 à 12:35:25  (site)

Cet auteur a l'air bien passionnant!

2. Saintsonge  le 12-05-2010 à 12:54:26

"Through France and Italy", est-ce en ces "voyages" qu'il contracta la tuberculose ?.. "Through" Quimper , ce jour , pour moi, un signe amical de la médiathèque où le clavier m'est plus agréable que le mien, désormais banccal !!!
Médiathèque où je peux me qualifier de "sizar", si j'avais charge d'une recherche.. C'est mon propre fils qui s'inscrit de nouveau pour une Licence de marketing, en octobre... En douarnenez, ce ssont d'autres "sternes" que je vois plonger dans l'armée des flots rugissants, en ces jours-ci... Que vaut bien, désormais, le "roman moderne", je puis vous le demander, au passage...Triste Ame que la mienne de le savoir bien bas, plus que les beaux "passages" de Tristam, même !... Bonne journée...

3. Saintsonge  le 12-05-2010 à 19:40:04  (site)

Au fait, "le moine / Calais" me parle bien, étant donné que j'y passais toute mon enfance/Jeunesse, rue Blériot...la plage immense, les jardins de drague, d'autres rues, la gare aux parfums iodés, d'emblée !!!
Le moine, la remise - moins : Montreuil !..Je peux dire l'aveu de Sterne : "J'écrirai aussi longtemps que je vivrai : tel est mon dada : mon unique califourchon..." Vous aussi, non ?........... avec de magnifiques avances de publication sur moi !...Sterne, l'avant Bouvard / Pécuchet !...

 
 
 
posté le 10-05-2010 à 11:06:02

Arthur Cravan dans le bled.

Bien que mince, l'oeuvre littéraire d'Arthur Cravan va prendre une dimension mythique. On en trouve de multiples traces chez ceux qui le revendiquent, comme André Breton.  L'accès aux textes restera longtemps difficile, et la revue "Maintenant "qui en fut le support principal était introuvable.
J'en prends connaissance dans le bled  (pendant la guerre d'Algérie) entre un fusil dont je ne savais pas me servir (de toutes façons je m'y serais refusé) et la beauté stupéfiante des murailles roses de Blida. Voilà pour le décor.
"Maintenant", publié par les soins de Bernard Delvaille, par Eric Losfeld, dans les débuts de son activité, s'offre comme une suite de textes critiques (sur la peinture) et des poèmes dont le ton, le rythme, la frénésie font un peu penser à Blaise Cendrars. Une même exaltation devant la modernité, un appel du large, des stances cliquetantes et très jazz.
Les textes critiques qui ne sont pas loin du côté badin d'Apollinaire, sont portés parfois par l'invective, une agressivité très juvénile et un peu facile.
Pauvre Marie Laurencin, elle en  prend pour son grade, et madame Sonia Delaunay n'est pas moins gâtée !

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 10-05-2010 à 12:01:17  (site)

Un beau portrait de Lespoir, n'est-il pas ?... Lui doit-on le nom de la Banque actuelle, la Lloyd (puisqu'il s'agit du vrai patronyme !)
"Maintenant" : l'appel du large Littéraire !!!!!!!!!!

 
 
 
posté le 10-05-2010 à 10:11:32

Georges Bataille sur le banc.

Il peut y avoir de l'indécence (qu'il ne craint pas)  à aborder George Bataille par l'anecdote. Il échappe à toute définition, renâcle à entrer dans les cadres rassurants de la culture qui se consomme. Son oeuvre (comme celle d'Antonin Artaud) contient de la dynamite mentale. On ne peut le lire légèrement, ou en le prenant de loin, comme une curiosité. Il vous entraîne dans ses tourments. Sont-ce des modèles à vivre, sinon à mieux savoir où la vie nous entraîne. Dans le néant où notre conscience s'est noyée.
L'anecdote à deux temps.
C'est rue Gozlin, derrière la statue de Diderot, dans le plus vieux Saint Germain des Près, entre librairies (si beaucoup ont disparues il y en avait beaucoup dans les années 60) et boîte à jazz. Une boutique toute de noir tendue (comme une boîte un   peu inquiétante). Jean Jacques Pauvert y était pour quelque chose, à moins qu'il eut alors des intérêts particuliers pour cette minuscule bouquinerie où l'on ne trouvait que des livres rares, de bibliophilie revue et corrigée par le surréalisme, des textes sulfureux, et Sade qui n'était pas encore dans le commerce libre (et même en livre de poche). On y présentait aussi les précieuses, soyeuses et perverses gravures de Han Bellmer (qui venait aussi souvent au Soleil dans la tête). J'admirais cet endroit qui avait un côté cabinet des merveilles et auréolé des interdits qui planaient encore autour d'une certaine littérature complaisante avec l'érotisme et le merveilleux.
C'était un soir de pluie (nous voilà chez Apollinaire), les passants filant pour la fuir et moi entrant, comme on pénètre dans une église un peu obscure, pour buter dans l'étroite ouverture sur un homme au visage lumineux et à la chevelure claire. C'était Georges Bataille en personne. Jaillissant d'une boîte faite pour lui (il y avait tous ses livres exposés). Choc et regret alors de n'avoir pas quêté le mot que je pouvais attendre de lui. Mais n'est-ce pas toujours une illusion que de croire bénéfique la rencontre d'un créateur que l'on admire ( j'en ferai l'expérience avec Samuel Becket).
Deuxième temps.
C'est à Orléans, Avec la délicieuse Marguerite Toulouse qui partage avec quelques fidèles une passion pour l'oeuvre de son mari (disparu) Roger Toulouse qui fut le "peintre" de l'Ecole de Rochefort, l'ami de René Guy Cadou, Jean Rousselot, Michel Manoll, Jean Bouhier, on fait le projet d'aller visiter la Bibliothèque municipale logée dans un magnifique bâtiment. Et là, évoquant le souvenir d'Hélène Cadou qui y travaillait dans les années 60, j'apprends que Georges Bataille en fut le bibliothécaire. Les dernières années de sa vie alors que la maladie déjà le dévorait. Photo. Il devait mourir en 1962.
Nous nous engageons dans triste jardin qui entoure le bâtiment, et sur un banc je vois un homme à l'air défait. Tête claire, cheveux blanc. Marguerite Toulouse suit mon regard et je la sens pâlir.
- Mon dieu murmure-t-elle, ce n'est pas lui !

 


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1. Saintsonge  le 10-05-2010 à 11:57:00  (site)

Là, c'est moi qui vous jalouse !... Amusant, je relisais hier "histoire de l'oeil" (10/18, si vous l'avais, consultez la double erreur d'imprimerie ; page 93, ils ont imprimé la même phrase, l'une sur l'autre "malheureuse amie qui s'effondra" et page 96 : "quattre" ; étonnant laxisme !)... Ici, vous vouliez préciser HANS, pour Balmer, aux belles "poupées" ?.. Bataille, qui écrit le mot "cul" si librement quand j'ose à peine le dire, pensant aux interdits parentaux !!! Lui avez-vous parlé, au fait ?..

 
 
 
posté le 08-05-2010 à 19:07:29

Judith sous l'oeil de Georges Bataille.

Ce que l'actualité nous offre quotidiennement, créant une saturation qui gomme l'essentiel des effets recherchés de nous émouvoir, la peinture, alors qu'elle était le seul médium visuel propre à véhiculer des informations autant que des opinions, et donner à voir jusqu'à l'insupportable, a laissé, dans les musées, arrachés à leurs sources historiques pour n'être plus que des oeuvres à regarder (et admirer), les grandes pages de l'Histoire avec ses horreurs, ses blessures, ses crimes et ses pleurs.L'effet esthétique (ici unique) nous occulte la force parfois protestataire du sujet.
Il faut connaître la Bible, qui en est pleine, pour retrouver la force d'une action assassine dont  Judith est l'héroîne. Celle-ci, citoyenne de la ville de Béthui (en Judée) assiégée par les troupes d'Holopherne, se glisse dans la tente du général syrien et obtient le privilège d'y venir chaque jour, pour négocier les modalités mettant fin au siège de sa cité. Un soir, profitant de l'ivresse d'Holopherne, Judith lui tranche la tête qu'elle portera dans un linge jusqu'à Béthui comme preuve de son acte inspiré par le souci de sauver les siens.
Un assassinat qui se veut exemplaire. L'art de la peinture dépasse rapidement le fait historique (si fort soit-il) lui donnant une portée générale qui l'éloigne de sa source réelle. Plus encore, dans sa mise en scène, l'éclairage (déjà cinématographique) , l'oeuvre débusque des instincts contraires, complémentaires ou se mêlent volupté et crime. Dans cette grande tradition d'un art dépassant les limites du réel pour plonger dans les forces de l'inconscient collectif. Il faudra aller du côté des proses sulfureuses de Georges Bataille pour en décrypter le sens réel, qui se camoufle derrière l'allusion historique, celle-ci n'étant peut-être que simple prétexte.    

 


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1. Saintsonge  le 08-05-2010 à 22:09:02  (site)

Histoire'de l'oeil, en effet... Encore un article pour lequel je ne fus prévenu de rien... "Anxieux des choses sexuelles"...

2. Saintsonge  le 09-05-2010 à 18:23:12  (site)

Les flots comme une armée/ Les flots bleu-acier/s'abattaient sur la ville/Ils s'écumaient/dans leur force tranquille/Sur les brisants sur les rives/venus d'aucune rive/Ils rugissaient/Ils rugissaient/dans le vent incivil/du beau soir pommelé/Dedans eux en piqué/Les oiseaux /Les oiseaux/pêchaient
- Je n'avais pas d'amour, l'amour m'avait trahi/par les grands flots/venus d'aucun pays
(je vous offre ainsi l'original du poème de ce soir, face à la mer océane...!) // Trahison d'optique

 
 
 
posté le 08-05-2010 à 15:28:52

Nerval vers le Gymnase.

Tel piéton, moins savant que curieux, et connaisseur des vieilles pierres, organisera ses  sorties parisiennes comme  Xavier de Maistre dans son "Voyage autour de ma chambre". Autant pour jouir de ce qu'il y aura sélectionné pour le plaisir, que découvrir ce que le hasard lui permet de trouver et qui lui apparaît soudain avec toute la force d'une présence complice. On est, en effet, le complice des objets que nous aimons, et des lieux.
Un livre à la main (comme le propose Xavier de Maistre), et parce que le pouvoir des mots à redire les circuits, les itinéraires, les incursions que nous entreprenons, nous enchante, nous serons, tel un détective, à la poursuite des coïncidences, des traces qui nous confirment dans nos rêves de rencontrer, ici, par exemple, autour du théâtre du Gymnase, sur le boulevard Bonne Nouvelle, un Gérard de Nerval, bouquet de fleurs à la main, attendant la sortie des artistes pour déclarer sa flamme à la décevante Jenny Colon qui sera sa mauvaise fée ; à quelques pas de là, vers les Passages, croiser Lautréamont, pestant contre une agitation qui bouscule sa haute solitude voulue. Les touristes se pressent autour des vitrines vieillottes qui proposent de  gravure jaunies, des objets insolites.
On a bousculé brusquement dans le monde des fictions, à moins que nous traversions le miroir.
Il y a une Alice qui sommeille en chacun de nous.

 


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1. Saintsonge  le 08-05-2010 à 17:05:25  (site)

Tiens, j'ai dit "fée douce", à la place d' "Alice", donc oui quêtons nos "merveilles" intimistes, à l'écoute de soi ; ah oui, qu'aviez-vous à me dire d'autre, je suis très à l'écoute ?.. Vous m'aviez mis l'eau à la bouche... Je vous attends... Saviez-vous, je n'ai pas été prévenu pour ce texte-ci, un bug sans doute... J'ai cassé mon clavier aussi, je dactylographie très vite des dix doigts, en bonne "secrétaire" sans jupon, si bien que mes touches "e" et "z" sont des... trous !.. Bah tiens, le roman sans la lettre "e" fut écrit, si je peaufinais un sans le "z" ?.. Je viens aussi de faire la vaisselle, mais je ne la range pas de suite, si bien qu'à sécher seule, je gagne une tâche !!! Une anglaise m'aiderait bien... Votre photo insolite est donc une bonne "niche" où dormir auprès de "la possibilité de transformer l'échec en victoire, la tristesse en bonheur", soit la Littérature elle-même !.. Votre présence, même virtuelle, soutient efficacement un moral parfois à la baisse, merci !.. Je n'irai pas faire ainsi mon Nerval au coin d'une rue déserte !..

 
 
 
posté le 06-05-2010 à 14:26:16

la maison de Mac Orlan.

Son oeuvre est bien faite pour satisfaire toutes les exigences des lecteurs. Qu'ils soient friands d'aventure (on ira aussi du côté de Joseph Kessel, de Blaise Cendrars) ou de poésie moderne (dans le voisinage parfois d'Apollinaire) chacun y trouve pâture au plaisir de la lecture. Nos enfances furent balisées par les personnages de sa mythologie entre populisme et sa gouaille, et lointains promis aux promeneurs des ports dont il a si bien traduit le climat si fortement lié aux caprices climatiques (nul ne sait  mieux décrire les brumes, dont celles de Londres).
Habitant la vallée du Petit Morin et non loin du village de Saint Cyr qu'il a rendu célèbre, c'était un but de promenade d'aller voir sa maison, si simple au bord d'un  chemin tranquille. Y entrer (pourtant elle prétendait s'offrir à la visite) restera une épreuve digne des épopées antiques. Et un jour on apprend que tout ce qu'elle contenait se trouvait dans un musée local où le mythe Mac Orlan va se noyer dans les détails historiques de la région. Déviée de son esprit, la maison du poète n'est plus qu'une coquille vide, l'ombre d'elle-même. L'âme s'en est allée.
A longer les charmilles qui cernent le jardin on croit entendre un air d'accordéon, dont il était un chantre attentif. On peut vivre d'illusions.

 


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1. Saintsonge  le 06-05-2010 à 17:04:29  (site)

Cela me rappelle qu'on fit de même avec tout l'intérieur du 42, rue Fontaine, n'est-il pas, toute l'âme de Breton éparpillée ça et là... Savez-vous ce qu'il reste du lieu, au fait ?.. Lieu où André invita mon ami écrivain Pierre D... , une chance pour lui !...

 
 
 
posté le 06-05-2010 à 14:14:41

Bibliothèque, une mémoire en miettes.

Il n'avait de bons souvenirs que de livres. Chacun était lié à un moment fort de son quotidien. Ils étaient des miettes de sa mémoire. Les femmes n'en étaient pas exclues et souvent traversaient l'aventure de leur arrivée sur les rayonnages qu'il montait partout où il séjournait. Pas plus d'une semaine sans l'amorce d'une bibliothèque, si modeste soit-elle. Si bien qu'il en avait un peut partout, et souvent se répondant l'une-l'autre, par des livres qui relevaient de la même famille. Il arrivait qu'il reprenne un titre particulièrement chéri.
- Ce sont des doublons disaient ceux qui ne partagent pas sa passion.
-Non des preuves de constance dans l'amour que l'on porte à un livre, comme à un être cher. Et l'on  ne supporte pas son absence. Pour y remédier on en achetait une nouvelle version, car c'était souvent des ouvrages repris par divers éditeurs sous divers aspects. Et c'était un autre jeu que de comparer les divers états, les habillages souvent si divers, relevant d'une mode, d'une époque, ou de la vision que pouvait en avoir un éditeur qui, de son côté, affirmait une alliance, créait un geste d'amour vis à vis d'un texte en lui donnant l'aspect visuel qui lui convenait le mieux à ses yeux.
- Tant de livres lui disait-on, et que dire des voyages ?
- Quoi ! voyager est une chose, cela forme l'esprit (et le goût des langues et des cuisines d'ailleurs), mais il y a un engagement physique dans l'art du voyage qui peut faire redouter de les entreprendre, surtout l'âge venant et le corps ayant ses faiblesses.
Ne voyage-t-on pas aussi dans les livres. Ils vous arrachent à votre quotidien, au temps même de leur lecture on est porté à des horizons ignorés. On entre dans un livre (ou l'ensemble d'un oeuvre) comme en entre dans une maison que l'on souhaite visiter, un pays dont on aura, sur une carte, éprouvé le besoin d'y aller cueillir les fruits inconnus. Par goût de la nouveauté. D'où, conjointement, le goût des catalogues de libraires. Certains sont de véritables livres, des guides de voyage parmi les ouvrages proposés, les plus précieux, décrits, commentés. Une incitation à entreprendre leur lecture comme on entreprend un voyage. On reste dans la logique qui aura lié l'une à l'autre ces deux passions

 


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1. Saintsonge  le 06-05-2010 à 17:15:00  (site)

La vôtre, votre antre ?.. Un semblant de niche à la Perros, en moins bordélique !.. Des "doublons", j'en eus beaucoup , l'ancienne m'en ôta tous les volumes, imaginez tous mes membres "fantômes", du coup !.. La souffrance est là, comme d'être sur une île sans présence aucune , même livresque, sans autre présence que ... Dieu, seul avec Dieu, cela remplace-t-il tous les livres ?.. Ce matin : seul , face à la mer océane, et les oiseaux de mer.. Assis sur une marche d'escalier, cet escalier de pierres qui descend et plonge vers la plage du bout de ma rue... Que n'y fais-je que parler à l'Univers, la bibliothèque de l'astral (sans le Castor !), tout s'ouvre, tout est ouvert ! On forait mon front , et je sentis toute une force majeure en vrillait le troisième oeil. Etrange sensation... Oui, votre bibliothèque est appréciable, si elle est la vôtre... Là, il ne pleut pas, quoique le ciel soit très nuageusement gris...

2. Saintsonge  le 06-05-2010 à 17:16:19  (site)

Lire : en vriller.

 
 
 
posté le 06-05-2010 à 09:21:54

Sacher-Masoch chez Losfeld.

Dans son genre il était unique. Eric Losfeld (terrain vague en flamand ?) éditait les textes qu'il aimait, dont il voulait faire partager la découverte. Il fouillait dans les rayonnages des bibliothèques à la recherche de textes rares, insolites, provocateurs. Eclectique avec, cependant, un goût plus accusé pour les surréalistes et l'érotisme. On disait que Breton, alors un peu solitaire, et moins visé comme modèle que dans l'entre deux guerres, était dans les coulisses, lui soufflait des choix, cautionnait certains de ses engagements pour des oeuvres dont il applaudissait la redécouverte.
Il avait choisi le Soleil dans la tête (10, rue de Vaugirard) comme boite postale étant du genre à déménager avec désinvolture, et souvent poussé par la nécessité. Il venait régulièrement discuter affaire mais aussi rendre compte de ses investigations, dont celles qui le conduisent à explorer les archives Sade, dans le château de ses descendants et d'en sortir maints manuscrits encore inédits. Il est bien connu que l'état de prisonnier qui fut celui du malheureux marquis était particulièrement favorable à l'écriture.
Losfeld sera l'éditeur d'une première tentative d'anthologie des textes de Xavier Forneret, et celui qui, le sortant de son état de texte condamné à des éditions plus ou moins glauques et clandestines, offrira au texte majeur de Sacher Masoch : "La Vénus à la fourrure",  l'écrin élégant de séduisant qui lui donnait rang d'écrivain classique.

 


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1. Saintsonge  le 06-05-2010 à 17:31:31  (site)

Fouette-moi, attache-moi, fais-moi mal, tout masoch , quoi ! Rousseau : ce sont les hommes qui font l'état, c'est le terrain qui nourrit les hommes (Loos, ville près de Lille -un rapport direct à cet homme cité ?)

2. Saintsonge  le 06-05-2010 à 18:01:26  (site)

Je viens d'appeler ma mère, pour vous, puisqu'elle est flamande !! Elle me répond que Losfeld serait un nom de village, tout simplement intraduisible, du côté de Rubrouck, ajoutant qu'elle sait le parler sans pouvoir l'écrire car en son école, il était interdit de parler / écrire flamand (chose qu'on désire enseigner, maintenant !) sous peine de punition (sadique, déjà, non ?) Voilà, je puis en rajouter , hélas !

 
 
 
posté le 05-05-2010 à 15:38:27

Colette annonce "ces plaisirs".

Republié l'ouvrage s'intitulera "Le pur et l'impur", ce qui lui donne une dimension "morale" que dans sa version première il n'annonce pas. Colette, jeune, "lancée" dans la vie parisienne, mariée à Willy qui incarne l'homme connu du Tout Paris, et participant à sa brillante réputation, va elle-même explorer "tous les plaisirs" et trouvant pour les rapporter ce langage à la fois confidentiel et savoureux qui va donner à son oeuvre son esprit et son audience. Elle évoque, non sans une aimable impudeur, toutes les marges de la sexualité, et  le monde saphique qui ne lui est pas étranger et où elle glane quelques belles amitiés, des complicités intellectuelles autant que charnelles.
Et c'est bien le propre de son aventure qu'elle traverse tous les continents du sexe sans jamais rien perdre de son aimable juvénilité d'esprit. Il fallait à un tel texte, un accompagnement illustratif qui ne soit pas un parcours prenant son autonomie, ni provocateur (il aurait été facile qu'il le soit), on a là, une épure graphique avec des temps forts, marqués, qui sont une réussite dans le genre. Une belle aubaine dans une collection qui reste mythique et  exemplaire.

 


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1. Saintsonge  le 05-05-2010 à 16:10:47  (site)

Avez-vous vu par-dessus mon épaule ou possédez-vous un sixième sens de télépathie ?.. Suis revenu de Dinard avec... La seconde (hachette littératures)..!!!!!!!!!!!!!!!! Colette, chez fayard, mai 2004.. Ce roman rejoindra le merveilleux "Chats de colette", éditions Albin Michel de...Décembre 1949 ! Par ma jeunesse libre et livresque suis passé aussi par "le pur et l'impur"... de ces pages dont vous décrivez les approches doubles...

 
 
 
posté le 04-05-2010 à 09:20:00

Les stèles muettes de Fos.

Une version miniature de la Via Appia, mais sortie de la mer qui avait englouti, progressivement, par une lente montée des eaux,  le port de Fos, comptoir commercial phénicien puis grec qui rejoignait, par un canal, Arles. Aujourd'hui port défiguré et voué à l'acheminement du pétrole qui aura tué l'esprit du village autant que son charme. Des ancêtres habilités à en gérer la quotidien n'y ont guère laissé  de traces. Stèles muettes ou effacées par le temps (l'eau) à l'image d'une famille qui a perdu ses origines, dont la chaîne s'est brisée laissant à l'abandon une mémoire flouée, comme de n'avoir pas de père.
N'est-ce pas le comble d'une stèle que d'offrir le silence, l'effacement, et comme des remords. Il n 'y manque plus que les passants aux allures romantiques, les figurants d' amours impossibles qui s'appuient sur ce qui n'est plus que pierre à peine dégrossie. Quelques uns de ces voyageurs illuminés qui au XVIII° siècle faisaient "le grand tour" et s'abreuvaient de la sagesse antique.  Les stèles en sont les bornes, ailleurs ornées de sentences qui en soulignent les points forts, ou rendant hommage à des ancêtres qui furent valeureux, héroïques ou couverts de gloire. Ici c'est le retour aux origines obscures. Stèles muettes. Stèles d'un cimetière d'absents.

 


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1. Saintsonge  le 04-05-2010 à 22:40:25  (site)

Revenir de Dinard , accueilli par vos "stèles", c'est tout à fait symbolique !.. J'ai vu la "stèle" marine de Chateaubriand (enterré debout dans son grand Bey !), ah, Littérature d'outre-mer, tombe de tous les styles, je l'ai longtemps fixé, ce tombeau anonyme trop connu que sa dernière demeure ; autres stèles : les poèmes de Ségalen - "ceci n'est point du temps qui se mesure"...non plus !.. Bonsoir, allez-vous bien ?

 
 
 
posté le 03-05-2010 à 10:55:42

Artaud et les Cenci.

Dès le mois de février 1933 Artaud songe à donner une suite scénique à sa théorie du Théâtre de la Cruauté. Bernard Steele, l'associé de Robert Denoêl, tente de trouver des fonds, mais sans succès, ce qui amène Artaud à renoncer au projet. Il en parle à Anaïs Nin. En 1934 Gallimard envisage de publier "Le Théâtre et son double" (il ne le sera en fait qu'en 1938). Mais dès 1935 Artaud travaille sur une pièce inspirée à la fois de Shelley et de Stendhal. Le décorateur sera Balthus. Afin de trouver des subsides Artaud en fait une lecture chez son ami Jean Marie Conty. Il y a là des fidèles comme le couple Allendy, Denoël et Steele, et surtout Lady Iya Avdy fille du comte de Bradford qui s'intéresse à la pièce au point de s'y engager financièrement mais à la condition d'y avoir un rôle. Elle sera Béatrice. Cecile Denoël est également sollicitée, elle sera Lucretia. Artaud s'enthousiasme pour son rôle : "physiquement vous êtes le personnage, vous l'êtes aussi spirituellement". Et de préciser : "je ne veux plus d'acteurs, mais des êtres vivants. Si vous consentez à vivre c'est à dire à sortir la vie effervescente qui est en vous, vous jouerez ce rôle de manière grandiose". La première a lieu le 7 mai 1935 aux Folies Wagram, une salle convenant assez peu à ce spectacle, mais Artaud n'en trouve pas d'autres. La presse ne voit que Lady Iya Adby, moins pour vanter son talent que sa beauté. Qui est lumineuse. Pourtant on sent un mouvement d'hostilité que résume assez bien l'épouvantable compte rendu du critique de Comoedia (on a oublié son nom). Le ton est grinçant agressif, avec une pointe de calomnie. "Tout ce que Paris compte de snobs, de métèques, d'invertis, d'ennemis de notre clarté française, d'anarchistes de la pensée, de détraqués, de morphinomanes, cocaïnomanes, éthéromanes, faux esthètes, pseudo-nordiques, saphiques, décompositeurs de musique, Français d'importation, servants de petites chapelles et de formules obscures, écrivains de gauche et d'extrême gauche, cubistes, essayistes et autres navrants produits du gâchis international... se trouvait dans la salle" La pièce est un échec et cesse le 17 mai. Conscient de l'engagement qu'avait pris Cécile Denoël dans cette aventure Artraud lui écrit " ..seule, de toutes les actrices  des Cenci vous êtes demeurée sans dévier de la ligne de votre rôle, ne descendant pas un instant et à aucune des quinze représentations au dessous du diapason"
Les Cenci représente à la fois l'apogée et la fin de la carrière théâtrale d'Artaud. Durement éprouvé par cet échec il fait un pas fatal vers l'abus des drogues et bientôt les signes avant-coureurs de la folie se multiplient.

 


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1. Saintsonge  le 05-05-2010 à 07:29:21  (site)

Je constate que, même pour les plus illustres lettrés, être "durement éprouvé par (un) échec", on peut en perdre sa voix, donc sa confiance en soi, donc sa valeur, etc, en boule de neige... Plus la force que vous mettez dans un projet est somptueusement grande, plus dure sera la chute... J'eusse placé ce bel article le ..7 mai , justement, en Vendredi, jour de Vénus !..

 
 
 
posté le 01-05-2010 à 08:37:16

Un ancêtre de Rémy de Gourmont.

On peut voir au Louvre une oeuvre de modeste dimension sur le thème de la Nativité  sensée être l'oeuvre de Jean de Gourmont  "un obscur peintre-graveur lyonnais" et ancêtre du fabuleux Rémy de Gourmont figure centrale de la littérature "fin de siècle".
Filiation sans logique ? A s'y attarder on en trouve une, et comme quoi, de génération en génération, des germes de sensibilité, de culture, peuvent survivre, ou réapparaître.
Graveur, Jean de Gourmont s'inscrit dans une tradition familiale qui veut qu'il y ait plusieurs typographes dont celui qui, le premier, introduisit les caractères grecs dans l'imprimerie en France, et un penchant pour la culture livresque qui caractérise Rémy de Gourmont dont on connaît le repli sur soi, et parmi ses livres. Voulu, diront certains, du fait de son infirmité (un lupus facial), d'autres par tempérament quand on voit l'homme de savoir trouver son espace dans la seule pratique assidue des livres.
Vivre, ce n'est pas nécessairement expérimenter les gestes qui la nourrissent, la structurent (cela est le fait des aventuriers) mais simplement les rêver, les inventer (les inventorier). Même l'amour, l'aventure principale de toute expérience humaine, passe avec Rémy de Gourmont, par la simple correspondance entretenue avec l'être aimé. En l'occurrence Nathalie Barney. "Les Lettres à l'Amazone" devenues un manuel de l'art d'aimer qui, selon certains commentateurs, surpassent Stendhal.

 


 
 
posté le 30-04-2010 à 09:42:13

Marie de Régnier, du côté de Lesbos ?

Pour que Jacques Emile Blanche ait fait son portrait il fallait bien que Marie de Régnier (Gérard d'Houville) soit une célébrité de son temps. Fille de José Maria de Hérédia, épouse d'Henri de Régnier, elle vivra, tout enfant, dans les coulisses de la littérature, son père tenant "salon" rue Balzac où le Tout Paris des lettres et des arts se pressait. Elle saute sur les genoux de Mallarmé. Lecomte de Lisle, Anna de Noailles, Paul Valéry fréquentent la Bibliothque de l'Arsenal dont son père et le directeur (comme le fut avant Charles Nodier). C'est parmi les livres qu'elle écrit ses premiers poèmes et rapidement elle rencontre une attention d'estime auprès des milieux intellectuels avant de gagner le grand public avec une oeuvre volontiers sentimentale et d'une sensualité encore discrète. "Elle chante la solitude, la nature, son enfance, la mort et la beauté éphémère du corps de la femme" à s'interroger' sur un lesbianisme latent qui serait bien dans l'esprit de son temps, la chose étant largement partagée chez les poétesses de cette "fin de siècle" si étrangement éprise de lassitude, et du doux sentiment du péché qui a les grâces exquises de l'interdit.

 


 
 
posté le 29-04-2010 à 16:17:10

Léandre le montmartrois.

Il est de cette génération féconde qui a donné un grand nombre d'humoristes (Forain, Steinlen) et, comme eux, il s'est fait les griffes dans ces publications qui doublent et accompagnent les cabarets montmartrois comme "Le Chat noir". Il pratique le trait vif, capte ses modèles avec "les particularités ridicules d'une figure ou d'un individu" remarque Théophile Gautier. Dessinateur, lithographe, il s'est aussi essayé à l'illustration pour Maupassant, Courteline, Alexandre Dumas (Les trois mousquetaires), Gustave Flaubert  (Madame Bovary). Il est fort proche des peintres académiques sans pour autant pratiquer une peinture qui découle de leur esthétique étroite, prenant le large des conventions par la pratique de l'humour et ne dédaignant pas pour autant le paysage dans sa définition la plus naturelle (proches des naturalistes, et au plus étendu de leur propos, des impressionnistes).
Bien que d'origine normande il est indiscutablement lié à l'aventure de Montmartre, celui du XIX° siècle quand la Butte était encore campagnarde et que la fête y avait un ton enfantin et (l'humour n'est pas incompatible avec une certaine tendresse du coeur), d'ailleurs il y avait son atelier au 87 de la rue Caulaincourt (son ami Steinlen était au 73 de la même rue).

 


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1. Saintsonge  le 29-04-2010 à 17:42:17  (site)

Si je puis dire, c'est justement Maupassant qui me le fit connaître !.. De Montargis, je savais pour Girodet (sauf le musée, sauf le musée...que j'aimerais visiter, mais voici moins fortuné qu'un De Staël !)
Cependant, on m'invite cinq jours dans une villa de Dinard (je lirai Walden , Thoreau, pour m'en aller de mon blog que je termine le 2 mai, m'auscultant la vie intérieure pour un roman, j'ai déjà quelques notes, et lesquelles me portent à crier (votre Artaud tombe à pic ! Je suis dans une sorte de gueuloir mystique, plus vous touchez le nerf à vif de l'âme, plus le corps n'aime pas être aussi "dérangé", j'écris comme combattaient les Chevaliers, en ce moment, dirons-nous, et de me voir ainsi surexcité comme une "boule-à-cris", la voisine est fort surprise, qui me connaissait tout en douceur... Je vais chercher très profond mes sujets (de roman) , ce qui avait plu à POL (à çui-là, çui-là !...) A dinard, serai lecteur, prenant recul de mes écritures et du blog, donc, que je ne continuerai pas (je viendrai chez vous, enfin, ici, malgré l'aveuglement du virtuel...) De toute manière, tous mes articles et poèmes, dessins étaient suite à donner au roman accepté par POL, c'était la suite : le blog de Saint-songe (voilà, ben, il n'est pas en "papier", 877 textes pour quelques 200 pages, c'eût été un beau livre à donner... Musique en moins... J'aurai fait cette expérience de vie-là, quelque peu ..."dadaïste"-virtualiste, tiens ! Oh le mouvement, cela que j'aurais baptisé : les virtualistes dont ... vous-même en première ligne, comme de juste ! On ne peut aller plus loin dans ce cadre..

2. Saintsonge  le 29-04-2010 à 17:46:56  (site)

donc, il m'en faut ouvrir un autre !.. Le "tremblé" est aussi celui de mon âme, oui... Elle voudrait partager des moments plus précieux avec des personnes de votre curiosité (musée réel !), et doit se contenter du moment virtuel d'un blog. Bon. Celui qui est content de son sort ne connaît pas la ruine, certes, quoique cela nuise bien à l'élan facile !.. Je m'en vais demain, donc, au 5 mai ! Merci de votre soutien, vraiment... Avec l'édition prévue chez POL, non honorée donc, je ne vous aurais connu, c'est donc un bénéfice autre qui me ravit bien. Merci de vos lectures-commentaires aussi, cher, très ami des Arts et Lettres et au-delà Champêtre !

3. Saintsonge  le 29-04-2010 à 18:03:22  (site)

PS : effet de pleine lune ?.. Demain, un texte déconstruisant Onfray le déconstructeur de Freud en ce moment... Oui, car j'ai préparé le restant des textes jusqu'au 2 mai inclus, si vous y revenez, ils y seront (sans moi, là-bas, Dinardais... dans la villa d'un ami octogénaire invitant d'autres gens...dont moi. Voilà).. Quand je lisai votre "à bientôt", je pensais vous voir réellement arriver sur douarnenez-tréboul ! J'aurai ainsi prévenu ma voisine qui m'y a vu seul ... trois ans durant !... Kenavo du site... légèrement orageux aussi, extérieur/intérieur se confondant, je suis donc bien relié ! Le ciel est en ce moment du papier calque gris bleu, les oiseaux sifflent, les roucoulements de pigeons s'y mêlent et le criaillement des mouettes, itou, moins revendicatives, la pluie a cessé depuis ce midi, les quelques rayons de soleil donnent ainsi un air d'automne, saison romantique houleuse préférée de Chateaubriand !

 
 
 
posté le 29-04-2010 à 13:55:02

Antonin Artaud et le théâtre.

Le théâtre est au coeur de la vie d'Antonin Artaud, la matière vive de sa pensée créatrice qui aura tenté (mais sans succès) de donner corps à une énergie qui restera illusoire, mais génératrice, après lui, d'un des principaux courants du travail scénique dont son ami Jean Louis Barrault aura été le premier artisan.
C'est dans le grenier de la rue des Augustins (devenu par la suite l'atelier de  Picasso où fut peint Guernica) que Jean Louis Barrault faisait répéter sa troupe, et Artaud suivait avec passion cette aventure. Des liens très forts d'estime et d'amitié se seront créés entre les deux hommes. Une passionnante correspondance en marque l'esprit et les étapes. Autant que ses poèmes, ses traductions (Le Moine de Monk Lewis) et ses études, les lettres d'Artaud cernent les principaux problèmes qui le mobilisaient.

 


Commentaires

 

1. Saint-songe  le 29-04-2010 à 16:14:55

La boule -à -cris ne pourrait pas vivre ici, la vieille voisine de corridor n'en supporterait pas les aspects orageux , lui demandant de ne pas lui faire peur !.. Son théâtre-vie serait un enfer pour cette septuagénaire, par exemple !...

 
 
 
posté le 28-04-2010 à 14:46:17

Dubuffet pape de l'art brut.

Outre son génie propre Dubuffet aura su magistralement organiser son oeuvre, la dérouler selon un programme (un plan quinquennal ?) et lui donner une visibilité de lecture qui explique la formidable audience qu'il rencontre. Ouvrant l'art à des chemins jusqu'alors ignorés (ou méprisés) comme l'art des enfants, des fous, et toutes les marginalités qu'il a recensées, Dubuffet a codifié une nouvelle esthétique à laquelle il a donné droit de citée.
Sa dynamique créatrice passe aussi par la reconnaissance et la promotion d'artistes qu'il va réunir sous le label frappant "d'art brut". Il fera des expositions pour le faire connaître, à la galerie René Drouin, dans celle que Gallimard avait créé dans un pavillon de son hôtel particulier de la rue Sébastien Bottin, en rapport avec des galeries amies comme Facchetti, Craven. Dès lors le courant est lancé, il en est le conducteur sinon l'exemple. L'exploration des talents instinctifs mais aussi un rapport sans "complexe culturel" avec la réalité la plus évidente. Rejoignant ainsi, ou préfigurant, la peinture de la matière même. Le macadam au même titre que le graffiti.

 


 
 
posté le 28-04-2010 à 13:29:37

Pascin, les draps froissés.

La force de Pascin, son originalité, c'est d'avoir tourné le dos aux idées  esthétiques qui gouvernent sa génération et situent les artistes dans une logique historique qui lui est étrangère, sans doute indifférente.
Peindre, au début du XX° siècle, c'est militer pour une idée de progrès, et chanter la modernité. Trouver une grammaire nouvelle, briser les formes, tourner le dos à la tradition.
Ce militantisme l'indiffère, et plutôt que de s'inscrire dans une "école", un courant, il progresse dans son art en suivant ses instincts, sa sensibilité, et nous offre une sorte de journal de sa vie intime.
On l'aura comparé à Toulouse-Lautrec en raison de ses sujets (filles, bordels) ce qui est une manière un peu rapide et propre à fausser sa propre vision du monde qu'il aborde. Toulouse-Lautrec le fait d'une manière frontale, avec quelque chose de crâne dans le graphisme, une main qui se plaît à des raccourcis aux effets décoratifs, dans une sorte d'éclat chromatique qui le rapproche du décorateur, de l'affichiste (qu'il aura été superbement). On est loin de la manière de Pascin, toute en ondes sensuelles, en profondeur de champ pour aller dénicher les intimités d'un décor souvent glauque, dans un climat de draps froissés, où l'on à l'impression de surgir en voyeur, en indiscret. Son amour de la femme est si intense, et si "visible" qu'il parvient à nous suggérer cette fameuse "odeur" qui est  celle de la chair en émoi.
Mêmes sujets, mais relevant d'un tempérament différent, et dans un contexte esthétique lui aussi en forte variation. Toulouse-Lautrec, comme ses amis les Impressionnistes (si bien qu'on le confond avec eux), lutte contre l'académisme régnant, Pascin n'a pas à s'insurger contre le poids de cet académisme qui aura été vaincu par ses prédécesseurs, mais il participe d'un climat de liberté des moeurs qui s'affiche sans complexe, et, tout au plus fera-t-il, la nique au bourgeois, dernier bastion de la tradition allant au fond des niches à plaisir où se dilue une société qui a perdu ses illusions et se raccroche au plaisir avec une note de désenchantement.

 


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1. Saintsonge  le 28-04-2010 à 13:42:43  (site)

Cela rejoint aussi quelques postures crayonnées ...érotico-sensuelles
d'Anne-Louis Girodet de Roucy-Trioson (sympathique, donc !)

 
 
 
posté le 27-04-2010 à 11:37:14

Paris égyptien.

La mode de l'Egypte suit l'expédition de Bonaparte et toute l'époque en est imprégnée jusqu'à un style du mobilier qui deviendra "empire". Mais l'architecture n'échappe pas à la mode, et Paris, en son centre actif, en reçoit les échos.
C'est que l'Histoire se fait grandiose, et tout comme le romantisme remettra à la mode l'architecture (et le décor) gothique (c'est le style troubadour), l'Empire imposera ses lois. De la rue du Caire (une autre référence) au parc Monceau, en passant par le Palais de Justice, le souvenir égyptien laisse des traces, inspire des références qui sont entrées dans la climat parisien, et si profondément, qu'on en oublierait l'origine.
Le cinéma Louxor, au pied du métro aérien, décrépit, fut, dans l'entre deux guerres, un exemple attachant de reconstitution archéologique. On lui prédit un destin prestigieux. Il fut, dans les années 80, déchu de ses fonctions, transformé en cinéma glauque où se pratiquait la drague gay et le trafic de drogue. Un lieu enténébré et porté aux fantasmes de ceux qui, passant devant son entrée bariolée de graffitis, pouvaient imaginer les orgies "égyptiennes" dont il était le cadre.


 

 


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1. Saintsonge  le 27-04-2010 à 12:02:27  (site)

N'y suis allé, qu'en Egypte même, sur place... Impressionnant louxor !.. Drague gay, par là ?.. Ah !.. Possible, dans les sables....

 
 
 
posté le 27-04-2010 à 11:28:14

Gaston Chaissac en mots bien dans leur peau.

Le besoin d'expression qui pousse Gaston Chaissac vers la peinture (et quelle peinture) le conduit aussi à l'écriture. Et quelle écriture !
Elle ne ressemble à rien de ce qui se fait. Non qu'elle torde les mots, brouille la syntaxe, se moque de la grammaire, mais elle sautille dans la réalité qu'elle décrit avec innocence et malice à la fois aussi paradoxal que cela puisse paraître.
En fait, en totale indépendance et avec une savoureuse verdeur de la vision. Chaissac serait une sorte de Saint Simon de village, un cancanier inspiré et volontiers indiscret, mais au profit d'un vitalité rafraîchissante.
A une telle écriture (entre le conte et la lettre, et les deux à la fois) un certaine type de typographie convient mieux que celle qui régimente les mots, les discipline, les aligne jusqu'à affadir le texte.
L'art de la typographie comme le pratiquait Jean Vodaine, a le pouvoir de donner ce relief au mot, retrouvant dans l'impression cette diversité d'humeur que peut traduire la calligraphie. Il épouse (par le choix des caractères, leur mise en page), le tempo de la phrase, l'esprit du texte, en fait chanter l'âme comme le fait un instrument de musique d'une note écrite sur une portée.
Il n'est pas jusqu'au choix du papier, support de la typographie, qui a des rudesses, des rusticités, évoquant la main calleuse de l'homme des champs.
Les mots de Chaissac sont, là, dans leur peau. Et bien.

 


 
 
posté le 26-04-2010 à 10:37:33

Pierre Louys érotomane.

Pierre Louys érotomane distingué.

On ne peut aborder l'oeuvre de Pierre Louys sans passer par la case "intimitié". Connaître ses complexes relations avec sa femme  et la soeur de celle ci, Marie,
(photo, la future Gérard d'Houville) que son père José Maria de Hérédia a marié à Henri de Regnier, le cocu de l'histoire. Il aura d'elle un fils, lui même étant le fils de celui qui passait pour son frère.
S'il développe dans son oeuvre une large érudition marquée par la fascination de l'Antiquité, il est sans doute significatif qu'il ait fait une entrée dans les lettres avec un texte censé être l'oeuvre d'un autre (en cela comme son ami Gide avec "les Cahiers, d'André Walter"). "Les Chansons de Bilitis" sont en effet un faux que Pierre Louys lance avec un réel succès. C'est l'histoire d'une poétesse grecque, sorte de concurrente de Sapho, et comme elle attachée à la célébration d'une sensualité raffinée. Elle conte l'histoire de son amitié pour une jeune fille du nom de Mnasidika dont elle partage la vie, célébrant son corps délicieux, sa grâce et ses voluptés innocentes. Des textes brefs, lumineux, d'une sensualité qui se veut naturaliste et ne manquent ni de charme, ni de séduction, annonçant une sexualité sans complexe et détachée du sens judéo-chretien du péché.
Pour "Bilitis" Pierre Louys s'était inspiré d'une liaison passagère, à Constantine, en 1887, avec une jeune prostituée du nom de Meryem ben Ali qui aura aussi été la première maîtresse du jeune André Gide venu en Algérie pour se déniaiser.
Au soir de sa vie Pierre Louys développe encore plus cette curiosité pour la littérature érotique, il est un grand amateur de "curiosa" et son immense bibliothèque sera une mine pour les chercheurs. Jean Paul Goujon est l'incontournable spécialiste dans ce domaine.

 


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1. Saintsonge  le 26-04-2010 à 12:21:46  (site)

Vous me donnez l'occasion de relire, plus que la "confession sexuelle d'un anonyme russe", le beau "La femme et le Pantin" (que vous connaissez par coeur, sûrement , je vous mets l'eau à la bouche, si je puis dire ?..I / Comment un mot écrit sur une coquille d'oeuf tint lieu de deux billets tour à tour...//Ces filles sont impudiques comme des femmes honnêtes...//Hélas! les seins que je mis à nu en ouvrant ce corsage gonflé étaient des fruits de Terre Promise...) Beau, n'est-il pas ?.. Ma mère a presque tout jeter mon trésor de littérature érotique, puis mon ancienne, qui en fut jalouse... Terrible, n'est-il pas ?.. Donc, je lis encore Pierre Louÿs , en cachette, comme un jeune homme de... 52 ans !Chuttttttttt, itou ! Merci à vous...Un très bel album d'homo art me dévoile aussi de somptueuses gravures de... Delville, de Caravaggio, d'Annibale-Carracci, et... d'Oscar Wilde , Cocteau (une création of Adam fort étrange !), de Michelangelo et du très osé Kitagawa Utamaro ! L'érotique Saint Sébastien d'Il Perugino s'y trouve aussi, oh, je vais passer un Lundi plus cocasse que je ne l'avais prévu, via votre main tendue... Verlaine et Louÿs, vous avez fait fort, tout de même, aussi !... Merci !

2. Saintsonge  le 26-04-2010 à 12:23:08  (site)

lire : tout jeté

 
 
 
 

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