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lettres de la campagne

posté le 08-08-2009 à 15:11:07

Le Cabinet de curiosité d'André Breton.

Max Jacob (un vagabond) avait baptisé le "Laboratoire Central" le lieu de la création, mais il passera d'une chambre d'hôtel à Montmartre jusqu'à la simple cellule de moine à Saint Benoit sur Loire.
Pour André Breton, ce sera la Cabinet de curiosité. Un lieu relativement stable, 42 rue Fontaine, qui est étroitement lié à l'aventure du surréalisme. Lieu de création, espace de rêverie et bibliothèque où aux livres se mêlent les objets. Plus encore que chez Apollinaire (qui annonce la chose), les fétiches océaniens et nègres côtoient les tableaux des amis ( Chirico, Tanguy, Masson, Picabia, Arp...) André Breton "navigue" en lieu clos.
Lui, piéton de Paris, se fait, dans sa bibliothèque, piéton de tous les rêves qu'elle propose, qu'elle consigne, qu'elle génère.
On a toujours une bibliothèque à sa ressemblance. Elle est bien le portrait de celui qui l'a conçue, la fait vivre et dont il vit. Etroite complicité qui nourrie la vie, l'enrichie, lui donne ses portées pour échapper au quotidien. C'est le refuge "contre tout le machinal du monde".

 


 
 
posté le 08-08-2009 à 14:23:52

André Breton face au miroir.

Celui qui se regarde dans la glace, (Izis à appuyé sur le déclencheur) a cet air effaré de celui qui se découvre. Angoisse ou prise de conscience que le temps fait son travail, et que les invectives de la jeunesse s'engloutissent dans le savoir, la diffusion et la banalisation. Faut-il militer pour l'exceptionnel, le singulier, l'inabordable, l'impossible. Pour ceux qui découvraient Breton, dans les années 50, et avaient l'âge de toutes les promesses, de tous les espoirs, de toutes les angoisses, chaque mot du "Manifeste", de ses livres difficilement trouvés (et Nadja était un mythe), avait valeur de clef. Pour ouvrir la porte du Graal.
On s'épuisait de banalité, trépignait sur d'absurdes versions latines, apprenait que Gide venait de mourir (encore un guide de la jeunesse, mais celle de nos aînés). Alors on s'accrochait à des livres, et j'admirerai, un peu après, le peintre Hantaï qui avait décidé de se coucher sur le paillasson de l'appartement de Breton, 42 rue Fontaine, pour être certain d'être reçu par lui. De le voir, d'entendre les mots que l'on attendait. Bien après je le rencontrais parfois, par hasard, dans des cafés, et la conversation ne dépassait pas les banalités d'usage. Au Soleil dans la tête, où il lui arrivait de s'arrêter (pour saluer un exposant qu'il connaissait par exemple), il prenait ce ton docte qui créait la distance obligatoire entre le maître et le disciple. Et je n'étais même pas un disciple, un de ces petits jeunes qui gravitaient autour de lui, dans les années 60, pour se donner du lustre, et se dire "surréaliste" officiel.

 


 
 
posté le 07-08-2009 à 14:17:09

Le château de Lacoste et Sade.

Qui n'a pas affronté, depuis le village de Lacoste, en l'abordant pas sa base, le puissant château de Lacoste ne peut comprendre l'esprit et la pensée de Sade au souvenir duquel il est si étroitement mêlé. Ce fut, dans les années 50, un amas formidable de pierre, dans les broussailles qu'un professeur de l'endroit (de Carpentras je crois) avait entrepris d'extraire pour tenter de le sauver. Depuis il est devenu un centre culturel animé par Pierre Cardin, une sorte de relais provençal de la "jet-set" bien loin de la poétique initiale.
Je me souviens d'une photographie d'André Breton assis dans l'herbe sauvage de la prairie qui, sur le plateau, prolonge le château. Il était proche d'une statue grandement endommagée ce qui donnait à la vision quelque chose de pathétique et de mystérieux. Le lieu fut un but de pèlerinage pour le surréalistes. René Char, un voisin, encore jeune, avait erré en l'endroit et écrit quelques pages exemplaires sur Sade. C'était le début d'un formidable "culte" rendu au "divin marquis" et qui éclaire le surréalisme  comme ces torches légendaires (qui ont pour nom Jarry, Lautréamont, Forneret, Roussel), brandies au nom de la liberté du non-conformisme, d'un monde meilleur.

 


 
 
posté le 07-08-2009 à 11:01:08

Robert de Monstesquiou.

Personnage complexe et très controversé, Robert de Montesqiou, qui fut le modèle de Des Esseintes pour J.K Huysmans et surtout le ridicule et insupportable baron Charlus de Proust, a laissé une oeuvre multiforme, ampoulée et à jamais datée mais que l'on peut cueillir comme un des fruits vénéneux de cette "fin de siècle" dont il est un des personnages clefs, un de ceux qui en illustrent avec le plus de magnificence l'éclat et la désolante fatuité. Des vers très travaillés mais qui n'atteignent jamais la densité cristalline de Mallarmé, et flirtent dangereusement avec la préciosité. Le "Chef des odeurs suaves" aura été victime de sa trop grande fortune et de ses succès mondains. Toutes considérations qui donne encore plus de prix à des accents furtifs (trop peu nombreux) d'une certaine fraîcheur de regard comme en témoigne cet étrange portrait "Garçon à la toque"

 


 
 
posté le 07-08-2009 à 10:32:58

Souvenirs de vacances.

L'image est celle de la nostalgie. Tel il fut ce modeste château comme la province française en offre tant. La première guerre mondiale l'a rasé et l'on a reconstruit à sa place une demeure de conte de fées, un mélange de style art-déco et pseudo- médiéval propre à faire rêver. Des amis y venaient pour des vacances comme on les représente dans les films des années 50.  Innocentes et soumises à des rites exigeants où la découverte de l'amour se faisait par petites touches et puériles approches. Une ferme dépendant de la propriété vivait comme au XIX° siècle, au rythme des saisons. On y rencontrait les animaux qui meublent les Histoires de Benjamin Rabier. Plus tard, une femme se piquant de culture, y avait, dans une des tours (de modestes dimensions), entreposés tous ses volumes de la collection de la Pléïade de chez Gallimard. C'était, pour elle, le summum de la culture et du bon goût. Mais aucun livre ne traînait sur les meubles dépareillés qui donnaient à l'endroit un faux air de pension de famille. Alentours, les bois avaient des sauvageries de forêt et quelques chemins tracés par les sangliers conduisaient dans de mystérieuses clairières où les galopins du village conduisaient des filles effarouchées par les légendes qui couraient et dotaient les hêtraies de quelques histoires que l'on se rapportait à la veillée. On vivait comme au XIX° siècle.

 


 
 
posté le 06-08-2009 à 12:10:20

Proust au square.

Celui qui hante les salons les plus huppés (les plus snobs), qui brille par sa conversation, qui adore frôler les jupes des duchesses, n'est en fait qu'un formidable solitaire. Il se traîne dans les stations thermales qui sont le purgatoire de toutes les solitudes. Le voici, emmitouflé comme s'il devait affronter les grands froids, le regard bien posé pour répondre à la demande du photographe. Poseur, jusque dans la manière de s'asseoir pour donner un ton de nonchalance à sa présence. Insolite à y bien réfléchir, la floraison d'un jardin public devait agresser son asthme lattant. Mais n'y-a-t-il pas aussi une once de mélancolie (de désenchantement ?). Familier des squares urbains je connais ces solitudes qui laissent glisser le temps, ne souhaitant même pas de fécondes rencontres, la conversation sur le banc public se résumant, la plupart du temps, en banalités.
Soucieux de préserver sa solitude il a négligé le banc pour traîner une chaise sans doute bien inconfortable sur laquelle il s'est "tassé". Comme une bête traquée.
L'homme des villes, qui en a l'uniforme conventionnel, est ce monument de mots qui crépitent en sa tête, comme autant de feux qui veillent. Que restera-t-il de cet instant de pose dans un jardin de ville d'eau ?

 


 
 
posté le 06-08-2009 à 11:24:22

Cécile Miguel dessine les arbres.

D'une main assurée, mais ferme sans être brutale ni sèche, d'un oeil énivré d'espace et de toute la magie des parfums qui y circulent, s'accrochent, comme les oiseaux, aux ramures, Cécile Miguel dessine avec des minuties d'orfèvre, des élégances élégiaques de chantre médiéval, les paysages qu'elle rencontre. Elle va vers eux comme vers des personnes dont elle quête l'âme, car ce sont des paysages habités, quoique modestes en leur comportement. Nul éclat, ni rien de cette emphase romantique qui dramatise le moindre arbre dont la mémoire ne peut qu'être celle de catastrophes. Les siens ont une sorte de tendresse fraternelle qui invite à une douce rêverie. Il y a là la manière des anciens créateurs de carton de tapisserie qui déclinent les splendeurs de la nature comme si elle était en prière. Rêveuse, tendre et bienveillante. Il n'y manque plus que ces animaux arrachés au bestiaire du fantastique (mais une biche au naturel, l'est déjà), mais elle craint la miévrerie qui en découlerait. Alors elle préfère  que l'imagination du spectateur remplisse ce décor, l'anime à sa convenance L'air circule librement, le blanc du support (le papier) est comme une respiration. Euphorique mais en douceur.

 


 
 
posté le 06-08-2009 à 10:29:22

Rimbaud tête en l'air.

Les rapports que nous entretenons avec les manuscrits de ceux que nous admirons (dont nous sommes, par l'habitude de la culture, imprégnés) relèvent sans doute plus du fétichisme que d'une juste et rationnelle appréciation des choses. Un poème, même médiocre, "copié" de la main de Rimbaud, aura le pouvoir de nous émouvoir.
Rimbaud n'échappe pas à la règle d'autant qu'il subsiste un rien de l'enfance dans une graphie plutôt laborieuse et banale.
L'enfant, il le reste, qui ajoute au texte des griffonnages dans les marges, une prétention au dessin. On connaît ce besoin qu'éprouve l'écrivain, de s'épancher par le dessin quand le texte l'aura contraint. C'est une sorte de rêverie spontanée. On devine le scripteur, la tête levée, le regard vague, quêtant quelque fantaisie, une diversion. Alors la plume abandonne le territoire des mots (qui nous imposent leur indiscrète présence) et s'invente ses propres vagabondages. L'humour souvent prend place sinon le rêve, mais se moquer, persifler c'est aussi une manière de s'échapper de soi-même. D'être "l'autre".

 


 
 
posté le 05-08-2009 à 15:04:03

Lucien Coutaud, érotomane ?

Lucien Coutaud n'a pas eu la chance de son ami Felix Labisse sur qui des écrivains prestigieux ont écrit (dont Robert Desnos). Hormis un essai (fort conventionnel) de Pierre Masars, celui qui portait la littérature au degré premier de son univers n'a pas encore inspiré de "grandes plumes". Illustrateur fameux et inspiré, on ne lui a pas rendu un juste retour d'intérêt et sa prise de distance avec le surréalisme orthodoxe l'a privé d'un engagement qui aurait apporté un éclairage sur son travail et qu'on pouvait attendre d'un Gilbert Lely qu'il a pourtant splendidement illustré. Ni Jean Blanzat qui fut de ses amis intimes, ni Marc Bernard qui le connaît jeune encore, ni André Fraigneau dont on pouvait attendre une étude sur celui qu'il appréciait pourtant grandement, ni Eluard qui afficha nettement son admiration, n'ont capturés les mots qui eussent apporté un nouvel éclairage sur ce monde halluciné et fascinant.
Un jeune poète fort prolixe (Christophe Dauphin) s'est attelé à la tâche avec beaucoup de bonne volonté et une pieuse attention qui rachète partiellement cette pénurie dénoncée.
Il a choisi de placer son modèle sous le signe de l'érotisme. Ce qui n'explique peut-être pas totalement la démarche de l'artiste si elle lui donne en revanche un séduisant relief. Voici, en attendant l'ouvrage vivement inspiré qui collerait totalement à l'oeuvre, une approche sympathique et bien utile.

 


 
 
posté le 05-08-2009 à 12:04:48

Photo de famille, les surréalistes belges.

Il y a là tout le gratin du groupe surréaliste belge,  de René Magritte à Irène Hamoir en passant par Camille Goémans, Georgette Magritte (modèle préférèe de son peintre de mari), E.L.T Mesens (agitateur et créateur de mots en forme de collages), Louis Scutenaire (l'incomparable auteur de "Mes inscriptions", une des oeuvres les plus singulière de sa génération), Paul Colinet, Marcel Marien (aux mémoires savoureuses). Tous, ou presque, fréquentaient le Soleil dans la tête et y apportaient leur humour encore un peu collégien, leur faconde de bourgeois frondeurs en goguette, et une bonne humeur qui se concrétisait par des ripailles homériques dans les brasseries du boul'mich. On vivait, au quotidien, la farce et la légende. C'était la rencontre de Rabelais et de Paul Eluard. Une version très particulière de la poésie.

 


 
 
posté le 05-08-2009 à 11:38:21

Les Lèvres nues et l'humour belge.

Dans la grande tradition des revues surréalistes, Les Lèvres nues (ainsi que Phantomas , Temps Mêlés et Daily Bul) venaient, bouche ouverte et prometteuse, de Belgique. Dans les années 50-60 il s'était créé une véritable effervescence poétique et picturale qui perpétuait les valeurs provocatrices du surréalisme alors que Paris s'était entièrement donné aux philosophes "saintgermanotropins" dont Jean Paul Sartre, à son corps défendant, était devenu le gourou de référence.
Bruxelles affichait des courants qui se croisaient, s'opposaient et parfois se fondaient dans une action libératrice alors que le règne de l'argent pointait déjà du nez. L'humour (et ne nous moquons pas de l'humour belge) y dominait dont on voyait dans Magritte le chantre le plus accompli. Il parraine d'ailleurs plus ou moins toutes ces publications et reçoit d'elles hommages et reconnaissance.
On était, au Soleil dans la tête, un peu "le bureau" largement ouvert de toutes ces publication qui recrutaient pratiquement les mêmes collaborateurs tant français que belges. Il y aurait toute une histoire de ces revues à entreprendre. Elle révélerait la formidable volonté de sortir de l'ornière d'une modernité trompeuse, de valeurs commerciales qu'elles défiaient. A suivre.

 


 
 
posté le 04-08-2009 à 15:44:59

Les reliques d'André Breton.

Il est difficile d'imaginer ce que pouvait être pour un adolescent de l'après-guerre la découverte (surtout en province) d'André Breton dans sa vie et dans son oeuvre. C'était à Laon, où l'on traînait notre ennui, du lycée où Jean Paul Sartre avait professé quelques années auparavant (alors qu'il écrivait La Nausée), et la vieille ville qui déroulait ses rues aux pavés irréguliers depuis la cathédrale

jusqu'aux remparts d'où l'on avait une vue superbe sur une France qui se souvenait de ses batailles. Un décor propre à susciter les vocations les plus inspirées.
Sans succès, longtemps après, j'ai tenté de le reconstituer dans Le Palais de Diolcétien dont personne n'a voulu, qui conduisait de ce Laon fantomatique à Spilt, dans les plis du palais de l'empereur qui voulait dominer le monde. Une sombre histoire si compliquée qu'en l'écrivant je m'étais perdu. Mais Breton était dans l'ombre, dont nous avions découvert (grâce à Maurice Nadeau) les termes décisifs du Manifeste du Surréalisme dont chaque mot portait à vouloir changer de vie, secouer notre inertie et notre confort petit bourgeois. Rencontré après, à maintes reprises, André Breton n'était plus qu'une représentation de lui-même. Onctueux et péremptoire. Inspirant une sorte de respect, de celui qu'on avait alors pour les maîtres, avec une aura de gloire qui les statufiait. D'ailleurs leurs écrits sont devenus l'objet d'un culte et ont rôle de reliques.
Lit-on une relique, si on la vénère ?
 


 
 
posté le 04-08-2009 à 15:19:30

Flaubert, dernières heures.

Il est du tourisme culturel ce qu'il est des rêves dont on a tant de mal à reconstituer le déroulement qui nous enchanta dans l'inertie physique du sommeil. Parce que sans doute, notre mémoire ne retient pas la globalité de ce que nous avons découvert et qu'on aura eu le tord de contempler avec la ferveur un peu naïve du militant, allant au devant de ceux qu'il admire et s'imprégnant ( croyant s'imprégner) de l'environnement qui fut celui d'une oeuvre qu'on aura admiré, regardant le lieu à l'aune de celle-ci et n'y trouvant le plus souvent que les marchands du temple.
Flaubert c'est Croisset. Son havre, il n'avait de cesse, même voyageur, de s'y retrouver dans le confort d'une vie familiale assez bourgeoise. Qu'en est-il de ce qui fut sa maison. Un jardin où l'on cherchera la fameux "gueuloir" où il mettait à l'épreuves ses pages à peine écrites.
Un pavillon, comme il en existe souvent dans les propriétés bourgeoises, et qui donnait directement sur le chemin de halage au bord duquel était construire la maison, à la charge de restituer un climat qui pourrait être celui de son cabinet de travail.
Suivons Julian Barnes qui y va de son pèlerinage narquois autant que scrupuleux : "..on est touché au hasard par les objets exposés, étalés avec insouciance. Des portraits, des photographies, un buste en argile ; des pipes, un pot à tabac, un coupe-papier ; un encrier en forme de crapaud avec une bouche grande ouverte ; le bouddha d'or qui était posé sur le bureau de l'écrivain et qui ne l'a jamais irrité ; une boucle de cheveux, plus blonds évidemment que sur les photos. Deux objets, exposés dans un cabinet, sont faciles à rater : un petit gobelet dans lequel Flaubert a bu de l'eau pour la dernière fois, quelques instants avant de mourir ; et un mouchoir blanc roulé en  boule avec lequel il s'est épongé le front, ce qui a peut-être été le dernier geste de sa vie"

 


 
 
posté le 04-08-2009 à 12:18:28

L'oncle Marcel (Proust).

L'oncle Marcel.

La photographie (le portrait), telle qu'on la pratique jusqu'à la guerre de 1914 définie bien cette société qui, ayant découvert cet art de la ressemblance (et de la durée), impose un certain type humain à la fois dans l'ostentation de sa bienséance et son auto-satisfaction. Proust n'y échappe pas, son milieu l'aura conduit à préserver des gestes, des choix, des attitudes qui n'annoncent rien de son génie propre. Il est largement tributaire de sa classe (même s'il vise "plus haut") et définitivement marqué par les moeurs bourgeoises qui sont le vernis derrière lequel germe l'homme des échappées dans l'écriture et l'abandon aux affres de la maladie qui sans doute, dans son cas, devient un élément positif pour l'engager dans une voie qui n'était pas celle que le passage chez le photographe pour se faire tirer le portrait  prévoyait, annonçait.
Jeune encore, et mondain, il a là l'élégance nonchalance de celui que  la vie a relativement gâté et qui hante, en usant de tout son charme, les salons des duchesses dont il va tirer les plus cruels portraits, comme Saint-Simon jetait du venin sur les jabots des ducs de Versailles.
Ce pourrait être le gentil tonton qui nous sort le dimanche et nous emmène au bois pour goûter, à la "Marquise de  Sévigné".
Qui n'a pas eu le sien, tiré à quatre épingles, et dont on vantait le train de vie fastueux ?

 


 
 
posté le 04-08-2009 à 11:41:54

Watteau et la mort.

A la recherche de Watteau.

Peut-on comprendre dans toute l'étendue des fantasmes qu'elle véhicule la Révolution française et tout ce qui l'entoure si on ne va pas du côté de celui qui annonçait sa venue. Non par des démonstrations intempestives, des faits avérés, mais en donnant toute sa théâtralité à cette société qui courait vers sa perte en dansant. C'est bien le propre de l'Histoire, et la preuve de sa logique, que toute période de fébrilité érotique, de charme et de volupté, annonce les grandes catastrophes. Un simple regard sur le passé, et la chute des civilisations, pour voir qu'elle s'annonce toujours par la culture de plaisirs, teintée de cette mélancolie qui témoigne de l'instinct de celui qui s'aventure vers sa propre perte, le sait et ne fait rien pour s'en sauver.
Watteau annonce Fragonard, il le fait par petites touches, avec cette légèreté élégante de celui qui reste, toutefois, complice de ce qu'il montre. Il ne le dénonce pas, peut-être est-il aussi si compromis dans ce qu'il montre qu'il ne peut que s'exposer à l'instant même où on pouvait attendre de sa lucidité qu'il s'en écarte. Watteau n'est pas un peintre pamphlétaire, il ne fustige pas la société, il en célèbre la douceur, la futilité, peut-être la mélancolie qui s'en dégage qui est aussi la sienne. De trop bien voir on s'alarme. On se plonge dans le plaisir pour oublier  la tempête qui s'annonce, comme on s'y plonge pour oublier la mort. Et pourtant la mort est dans les bosquets. Tapie, vaillante, elle attend son heure.

 


 
 
posté le 03-08-2009 à 14:39:26

Le Facteur Cheval, des rêves de pierre.

Pierres à pierres, transportées dans un simple brouette de jardinier, sa tournée de facteur terminée, il les accumule, les assemble, construit comme dessiné par un poètes pris de folie, une construction étrange, pleine de circonvolutions, de cavités, d'excroissances bizarres

, et bientôt dominées par une forêt de tourelles, cheminées, miradors à rendre jaloux le château de Chambord, mais comme lui répondant à un rêve dément. Ici d'un  roi qui avait le pouvoir de le commanditer, là d'un presque manant mettant la main au coeur de son projet et y sacrifiant sa vie.
Tout comme le douanier Rousseau (mais il est un peu son frère en architecture), il met dans son oeuvre la foisonnement de rêves qui l'habitent et qui s'alimentent, faute de voyages, de la consultation à la veillée de ces formidables publications qui, à la fin du XIX° siècle, apportent, dans les foyers, toute l'émotion du voyage, les images fabuleuses d'un exotisme encore vierge de toute exploitation commerciale et de congés payés. Des lointains fabuleux mais aussi porteurs de culture. Il est significatif de voir que le facteur Cheval, tout comme le douanier Rousseau, autodidactes, sont soucieux de parfaire leur culture, d'élargir leur horizon quotidien par ces constructions maniaques, minutieuses, ces agencements de formes empruntés au Magasin Pittoresque et qui deviennent des oeuvres originales, à la mesure de leur personnalité, à la fois discrète, écrasée par les contraintes d'une réalité qu'ils refusent, qu'ils défient, qu'ils contournent, qu'ils provoquent. Offrant leur réalité, et nous invitant avec insistance à les partager. Ce sont, paradoxalement, à la fois des oeuvres profondément  personnelles, et ouvertes. Témoignant d'un souci tenace, presque maladif, de communiquer la puissance de leurs rêves.
 


 
 
posté le 03-08-2009 à 12:28:05

Artaud et la beauté du diable.

Le terme dans sa circulation populaire stigmatise la beauté et lui donne une connotation historique et religieuse. Le diable associé à la beauté, c'est dénier à celle-ci tout autre pouvoir que de nous perdre. A la revendiquer, à la célébrer.
Elle est l'élan naturel d'un mal annoncé, dénoncé, porteur d'une malédiction qui sera le terme de son triomphe.
Triomphe-t-on d'être beau. Notre société en fait un usage commercial, érotique, jamais sacré. Ou plutôt dans une position diamétralement opposée et comme son contraire maléfique.
L'aventure physique d'Antonin Artaud a ceci d'exemplaire, qu'il incarne dans sa jeunesse flamboyante la beauté, et qu'il se métamorphose, avec le temps, en la figure damnée du vieillard dans sa déchéance.
Son visage, si bien exploité par les cinéastes qui font appel à ses qualités de comédien (tragique plutôt), sera le territoire de toutes les blessures que la vie, la souffrance, la drogue peuvent apporter, le marquant irrémédiablement.
Il se façonne un visage de souffrance. La diable est vaincu ? 

 


 
 
posté le 03-08-2009 à 12:07:21

Lautréamont fidèle du Passage Verdeau

On peut imaginer que Lautréamont, en "riverain", l'empruntait chaque jour. Il lui suffisait de traverser la rue du faubourg Montmartre où il demeurait  au 32 (en 1869     et au 7 en 1870 ) pour s'engouffrer dans les entrailles de cet étrange animal urbain, tout en mystères, suggestions imprévues, curiosités en tous genres, avec, prédominant, les boutiques de libraires. Boutiques tant par leurs dimensions modestes, et une unique ouverture sur le passage, sans quoi elles n'auraient pas d''existence sociale. Elles sont plutôt des cavités que de vastes espaces, et intimes en leur atmosphère, avec, tant pour agrandir leur espace d'exploitation commerciale qu'inviter le promeneur à s'y arrêter, des "caisses" disposées sur leur façade, suscitant l'envie, signifiant le style des "productions" que l'on peut y trouver. Et ce sont, bien plus que partout ailleurs, des relais où l'on s'intéresse à la littérature dans ses aspects les plus nobles.  
Les passages sont fréquentés par une faune bien différente de celle qui circule d'abondance sur les grands boulevards tout proches. Ceux ci sont les fleuves tourmentés et rudes des foules, ceux-là de modestes ruisselets où s'attardent ceux qui s'y engagent. On y croise ceux qui optent pour la flânerie
Tout l'art de la promenade c'est de choisir des itinéraires à son humeur, souvent à sa ressemblance.
Lautréamont, donc, musardant dans cette lumière glauque d'aquarium qui fait le charme et l'étrangeté de ces artères  échappant ainsi aux rumeurs et violences de la rue pour enfermer ceux qui les fréquentent dans leur propre fantaisie, leur intimité juste frôlée par ce qu'ils y rencontrent, y découvrent.
On n'y viole pas le regard ni la sensibilité du passant, on lui murmure des charmes inconnus, furtifs. Ne sont-ce pas nos modernes sirènes tant redoutées par Ulysse ?

 


 
 
posté le 03-08-2009 à 11:50:31

Jean Pierre Brazs chez Epicure.

Jean Pierre Brazs "vient" de la peinture, il s'y maintient juste le temps d'en éprouver les limites et de s'en lasser. Par le dessin, une exploration instinctive, sans but anecdotique ou représentatif, il y découvre un nouvel espace à meubler de ses rêves. Du dessin (la feuille de papier, support), il passe à la réalité de l'espace qui s'offre à lui, sinon qu'il est déjà habité (par des monuments, des fonctions, des habitants). Tout son problème sera de l'aborder sans nier ce qui y est.
C'était le propre des barbares de détruire dans leur conquête ;  une approche bienveillante permet des mariages, des associations, un enrichissement réciproque.
Il va alors composer un événement moins spontané que réfléchi selon les données admises. Il va à la rencontre du paysage sans en être pour autant la victime.
C'est bien le problème des grands jardiniers de l'Histoire d'avoir choisi : soit l'emprise totale de leur volonté sur la nature (Le Notre, à  Versailles), soit d'avoir tenté une mise en forme de l'espace en s'accordant à ce qu'il proposait (le jardin anglais : Méréville, Retz, Ermenonville, Maupertuiis, presque tous depuis déformés, et retourné à la brutalité d'une nature presque sauvage).
Jean Pierre Brazs intervient avec tact, et curieusement il retrouve parfois ce que la nature aurait pu faire, sans intervention humaine. Le vent, le temps, le cours des saisons sont aussi des artistes qui jouent sur l'environnement.

Photon jardin Epicure. Voir site Jean Pierre Brazs.

 


 
 
posté le 01-08-2009 à 15:56:07

Lits et ratures, c'est l'humour de Picabia.

Il fallait aux jeunes André Breton, Philippe Soupault, Aragon, et leurs nouveaux amis, un "organe de presse", une publication qui signale leur alliance autour d'idées communes. Ce qui n'est après tout qu'une tradition du genre. Chaque génération a ses revues et chaque groupe littéraire la sienne. Littérature s'annonce d'abord comme une revue répondant à son titre dans la neutralité qui augure d'une bonne conduite sociale et d'une référence aux aînés.
Pour les futurs surréalistes qui n'échappent pas à la règle, c'est une reconnaissance aux maîtres du moment, et Valery n'est pas loin. Lequel n'est pas hostile à l'humour, aux bons mots et à une certaine forme de provocation qui va s'amplifier au cours des mois et devenir une manière de penser, de s'imposer. L'apport de Picabia comme graphiste et dessinateur de la couverture offre l'ultime étape de ce déchaînement qui radicalise l'action  et la mise en orbite des jeunes poètes ralliés (ou en voie de l'être) au surréalisme. L'esprit "dada", cause de tant de malentendus et de querelles intestines, subsiste, dont Breton tendra de se désolidariser avec le temps, lorsque le temps de l'onction protectrice interviendra et le posera comme le "pape" du mouvement.
Picabia est un formidable inventeur de calembours, mots à tiroir, décervelage dans la tradition d'Alfred Jarry ( qui, avec Lautréamont et Rimbaud) sera une manière de parrain, de référence absolue. Il transpose, dans le monde du dessin, l'humour qu'il sait aussi manier par la verbe, dans des poèmes qui relèvent parfois de l'almanach Vermot mais constituent une matière durable pour la persistance de l'esprit dada dans une oeuvre qui à elle seule, est un monde. Scintillant et porteur d'une sorte de philosophie désenchantée. Qu'il sera toujours sain de retrouver.

 


Commentaires

 

1. minouche145  le 02-08-2009 à 12:29:59  (site)


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Bonjour, c'est moi la pluie !
Je voudrais répliquer à la campagne
de dénigrement que vous menez à mon égard...
Je sais que vous me détestez depuis toujours,
Et encore plus que jamais...
Ben, savez-vous quoi ?
Je suis encore plus tannée de vous autres
que vous n'êtes de moi.
C'est fort, ça fait 400 ans que j'endure ;
aujourd'hui, je déborde !!!
Je ne suis plus capable de vous entendre
vous plaindre de moi...
« ah ! pas encore la pluie ! maudite pluie !
y fait pas beau ! «
C'est quoi ça il ne fait pas beau ?
Pourquoi le soleil, c'est du beau temps
et la pluie du mauvais temps ?
Vous irez en Ethiopie, au 100 ème jour
de sécheresse, voir s'ils trouvent qu'il fait beau
Laissez-moi vous dire que,
lorsque j'arrive là-bas, le beau temps
c'est moi ! Pourquoi êtes-vous en adoration
devant le soleil ? Le soleil vous brûle,
vous donne le cancer et vous tue...
Vous êtes absurdes,
vous vous déshabillez quand il fait soleil
et vous vous habillez quand il pleut !
Gros bêtas, c'est le contraire qu'il faut faire !
Le soleil c'est du feu, la pluie c'est de l'eau !
vous habillez-vous pour prendre votre douche ?
Votre peau aime l'eau, votre peau hait le feu,
vivez en harmonie avec votre corps
Quand il pleut, au lieu de vous couvrir
et de vous réfugier dans la maison,
Enfilez votre maillot et venez dehors .
Pas besoin de crèmes et d'indice de protection.
Vous n'êtes jamais autant en sécurité dehors
que lorsqu'il pleut !
Bien sûr, un éclair peut venir vous chatouiller un peu,
mais là, franchement, pas besoin d'avoir peur !!!
Avez-vous déjà gagné à Loto-Québec ? non ?
ben vous ne serez pas foudroyé non plus.
J'ai un cœur moi aussi,
Comment pensez-vous que je me sens
quand j'entends quelqu'un dire ;
« on a une saison pourrie, il pleut tout le temps ? «
C'est pas parce qu'il pleut qu'on ne peut pas avoir une saison merveilleuse.
Que fait l'homme quand il fait soleil ? il joue au golf
Que fait l'homme quand il pleut ? il fait l'amour.
Messieurs, ne venez pas me dire que vous préférez
jouer au golf plutôt que faire l'amour à votre femme ?
Et vous mesdames, n'allez pas dire
que vous préférez que votre mari
joue au golf plutôt qu'il vous fasse l'amour ?
Il n'y a rien de plus romantique, de sensuel que moi.
Quand on tombe amoureux,
on dit qu'on a le coup de foudre,
pas un coup de soleil !!!
Le coup de soleil, ça vous rend
comme un homard, puis vous pelez
pendant deux semaines.
Le coup de foudre vous rend
heureux et léger.
Pourtant, vous chantez le soleil ;
« soleil ! soleil ! »
Vos grands poètes écrivent même des odes
à la neige ;« ah ! que la neige a neigé»
« Mon pays c'est l'hiver.. »
Pour moi ? rien !! a part une toune de vilain pingouin,
rien pour remonter un égo.
Voulez-vous bien me dire ce que je vous ai fait
pour que vous aimiez même la neige plus que moi ?
C'est du racisme... Après que je suis tombée,
vous n'avez rien à faire.
Vous allez dehors et vous sifflez.
Pas de pelletage, pas de millions à dépenser
pour tout ramasser avec des camions.
Niet, votre gazon est plus beau,
et l'air sent meilleur.
Mais pas le moindre merci, pas la moindre poésie.
Je suis tannée des petits météorologues
qui parlent de moi comme si j'étais la peste
Ou Ben La den ; « on ne vous dira pas
ce qui s'en vient pour la fin de semaine... »
Faut surtout pas que vous soyez fâché contre moi, je n'y suis pour rien !
La pluie est un effet spécial qu'aucun Stephen Spielberg n'est capable de reproduire.
Au cinéma, parfois,
ils font pleuvoir sur un coin de rue,
et ça leur coûte un bras !
Wow ! moi , je suis capable de pleuvoir
de Gaspé à Gatineau ! pour pas un cent !!!
Profitez-en au lieu de gueuler !!!
Y a juste Gene Kelly qui a compris
qu'on peut avoir du fun sous la pluie !
Si toutes les filles se promenaient en maillot
de bain quand il pleut,
Il y aurait plus de gars sur les terrasses
les jours de pluie que les jours de soleil
Quand il pleut , c'est le temps de laver votre char,
ça ne peut pas être plus écologique.
C'est vrai, vous n'arrêtez pas de dire
que l'eau c'est rare, qu'il faut l'économiser,
Il y a même des policiers pour surveiller
ce que le voisin fait avec son boyau !
Et quand cette manne vous tombe du ciel,
arrose vos jardins, nettoie vos trottoirs, gratis,
vous trouvez le moyen de râler ...
Ça va faire ! le monde change,
ben vous aller changer.
Le virage vert, vous allez le prendre pour vrai.
Vous n'arrêtez pas de dire que vous êtes verts
et vous déprimez quand il pleut C'est logique.
Qu'est-ce qui rend la planète verte ?
Moi ; la pluie !!!
le soleil la rend jaune caca.
Le réchauffement de la planète,
ce ne sera pas ma faute à moi,
ça va être la faute au soleil que vous aimez tant.
Vous allez disparaître à cause du soleil,
pas à cause de la pluie !!!
Avant, vous aimiez le soleil,
maintenant vous allez aimer la pluie.
Le beau temps ça va être moi,
le mauvais temps ça va être le soleil !!!
Sinon je m'en vais ! Ou plutôt, je reste !
Avez-vous compris une fois pour toutes !

Je l’ai reçu s’une amie
Et je l’ai trouvé amusant
Et en même temps très juste
Alors je te l’offre à mon tout
Bonne journée
Bisous

 
 
 
posté le 31-07-2009 à 14:20:17

Philippe Soupault découvre Lautréamont.

Inconnu de son vivant, condamné à la publication de ses textes par le principe du "compte d'auteur" (l'infamie suprême de l'écrivain) Lautréamont va connaître une gloire posthume aussi singulière que tenace et propre à rassurer tout poète tenu dans le dédain par ses proches et un public futile, porté à célébrer ce qui l'est déjà, jamais assez curieux pour dénicher des curiosités esthétiques ou littéraires de sa génération, laissant ce soin à quelques érudits curieux, rats de bibliothèques ou esprits assez libres pour défier l'opinion en affichant des admirations qui ne sont pas de mise. Rémy de Gourmont (ce sédentaire, cet érudit en chambre) aura été l'un de ceux qui surent deviner l'importance des textes d'Isidore Ducasse qui va devenir le Lautréamont de la légende. Figure emblématique de la modernité, une sorte de saint célébré par le surréalisme comme figure d'ancêtre (avec Forneret, Sade, Rimbaud, Jarry ).
Soupault, digne successeur de Rémy de Gourmont, va soigneusement copier à la  Bibliothèque Nationale les fameuses Poésies qui sont une sorte de contre-point (contre-chant) aux Chants de Maldoror. Chants, et d'une portée musicale singulière, sans aucune mesure avec ce qui se fait autour de lui, encore qu'il s'appuie constamment sur un héritage littéraire pour y poser des mines, des explosifs. Plagiaire dans les Chants, il est  pamphlétaire dans les Poésies.  Naviguer dans cette oeuvre c'est ouvrir toutes les perspectives de la pensée moderne aux yeux des surréalistes. A voir d'un peu près.

 


 
 
posté le 31-07-2009 à 11:43:59

L'Héliogabale d'Artaud annonce son théâtre.

C'est un ouvrage de commande. D'ailleurs pour le mener à bien Artaud use de l'aide d'un certain Auffret que lui "procure" son éditeur Denoël. Ce dernier consulte les ouvrages de référence dans les bibliothèque, donne à Artaud les éléments d'une riche bibliographie ce qui peut assurer d'un travail mené avec la rigueur du chercheur. De l'historien. Hors Artaud, par tempérament n'est ni l'un, ni l'autre, et attelé à l'histoire d'Héliogabale il reste Artaud. Il utilise son sujet (un personnage hors mesure) pour fortifier ses propres convictions, notions et croyances qui le définissent dans son orgueilleuse et périlleuse singularité.
Héliogabale empereur furtif et télé-commandé par une bande de femelles enragées (Artaud les voit ainsi) devient un personnage de la théâtralogie intime d'Artaud. Un adolescent étincellant et pervers dont la mort signe l'infâmie de la vie
"S'il y a autour du cadavre d'Héliogabale, mort sans tombeau, et égorgé dans les latrines de son palais, une immense circulation de sang et d'excréments, il y a autour de son berceau, une immense circulation de sperme." Le ton est donné, et tout procède de la même fureur provocatrice.
Menant son récit Artaud révèle, au fur et à mesure quelques unes de ses obsessions qui vont trouver cohérence à propos du théâtre, ce Théâtre de la Cruauté où il promulgue des règles depuis largement suivies par les metteurs en scène les plus audacieux. Intervention de la voix qui vient des entrailles et non plus de la tête, et qui est la "musique" de nos instincts les plus forts les plus brutaux. Et de donner à la poésie la force d'une arme capable de bouleverser l'ordre du monde (d'où le thème de l'anarchiste qu'Héliogabale illustre exemplairement). Dans sa folie logique il transforme son règne en une cérémonie sacrée (et éprouvante, et sexuée à l'outrance) et la scène du théâtre est agrandie à la réalité qu'il magnifie en splendides fêtes orgiaques, dépassement de soi, agression constante de toute tempérance confortable. Perturbateur insupportable il étonne, exalte, effrayant au final une foule lasse de ses splendeurs et turpitudes sacrées. Précipité vers la mort la plus ignoble. Artaud en donne une description hallucinée.
L'ouvrage, publié par Denoël en 1934 est tiré à quinze cents exemplaires (plus quelques exemplaires "de tête"). Il en restait encore en 1946 quand le galeriste Pierre Loeb organise une vente pour subvenir aux besoins d'un Artaud réduit à la misère à sa sortie de l'asile de Rodez.

 


 
 
posté le 30-07-2009 à 17:42:38

Gengenbach un Satan de pacotille.

Né en 1903, mort en 1979, Gengenbach traverse le Surréalisme sans lui apporter autre chose que ses fantaisies vestimentaires (la manie de s'habiller en prêtre), ses scandales, et une pointe d'anticonformisme qui n'est que la partie superficielle de ce que pouvait être un "acte surréaliste". Il amuse "la galerie" mais n'apporte pas à André Breton, grand quêteur de talents nouveaux, une force créatrice capable de rivaliser avec la prodigieuse  poussée artistique et littéraire qu'il fédérait autour de lui.
Les quelques livres (2 ou 3) qu'il a publié ne sont que des relations auto-biographiques, largement fantasmées. Une littérature qui relève presque du second rayon, mais pittoresque et propre à pimenter l'aura culturelle que le surréalisme entendait structurer sans s'effaroucher des scandales, surtout s'ils relèvent des moeurs. C'était une manière de renforcer le caractère scandaleux qu'il ne répugnait pas de revendiquer.
Ernest de Gengenbach fréquentait Le Soleil dans la tête, apparemment flatté d'y voir figurer ses livres à côté de ceux de surréalistes reconnus comme tels. Il se donnait des allures vaguement démoniaques. On l'aurait bien vu dans un film de Jean Rollin où il aurait été plus à sa place que dans les réunions de la place Blanche où se décidait la stratégie du groupe surréaliste.

 


 
 
posté le 30-07-2009 à 17:27:26

Molinier l'obscène.

Dans son développement la peinture surréalisme transgresse les articulations historiques qui traitent l'art comme un long fleuve tranquille où chaque découverte enclenche son développement ou son opposition, mais dans une unité, une sorte de complicité de chaque génération qui se regroupe autour d'un principe esthétique dominant. A l'heure de l'abstraction (de ses précurseurs -1910- à sa tyrannie -abstraction géométrique et lyrique- des années 1950) le surréalisme récupère des artistes fidèles à la figuration mais lui apportant cette force de provocation, d'investigation dans l'inconscient, qui est au coeur de sa raison d'être. D'une facture assez neutre (voire conventionnelle) Pierre Molinier passe d'ailleurs à la photographie comme quoi peindre pour lui était surtout montrer et non
chercher à l'intérieur de sa technique des sources nouvelles, peut-être un nouvel élan.
Y domine, en constante reprise, l'exploration du corps démultiplié, un peu comme l'avait montré Bellmer dans sa série des "poupées". Le corps falsifié pour mieux exprimer la sensualité qu'il contient, la force de suggestion de certains détails anatomiques et, plus encore, de leur mise en situation par additions, croisements, déformations qui défient l'anatomie. Avec quelque chose de nocturne, de secret, de soyeux, propre à séduire un poète plus soucieux du contenu d'une oeuvre que de son expression. André Breton cautionne son travail en le révélant dans les années 50, lui assurant une audience que le caractère violemment érotique dont elle se targue la place dans une situation ambiguë entre curiosité esthétique et simple pornographie.

 


 
 
posté le 30-07-2009 à 12:15:45

Lecture, au féminin.

La lecture est un art féminin.

Tout comme la pratique du piano, largement représentée par les peintres (Renoir, Van Gogh, Maurice Denis, Degas, Cézanne), celle de la lecture associe souvent la femme en position de conteuse, à moins que le peintre la représente seule, "penchée" sur la lecture, absorbée par elle, en rapport d'intimité qui l'arrache à la réalité et lui donne cet aspect angélique, aérien, absent, qui la fait belle du rêve qui l'habite. Car lire, alors est une quête du rêve, son tremplin. La peinture se fait douce, murmurante, confidentielle pour dire ce petit miracle intime.
voir lorgonmelancolique.blog.lemonde.fr

 


 
 
posté le 29-07-2009 à 12:26:36

La peinture sémantique de Lattanzi.

11h53 - Lattanzi, la peinture sémantique. - Général
Cathédrales englouties, falaises convulsives, villes en dérive, telles sont les scènes que figurent les dessins de Lattanzi qui sont constitués par un entassement obstiné d'éléments baroques, de signes fermés sur eux-mêmes. A son propos on parlera de peinture sémantique. C'est un écheveau de gestes-signes dont chacun est signifiant en lui même mais trouve dans la gestualité de son inscription sur la toile la dynamique qui dit la vie, la rencontre, la pluralité. Il faut imaginer une foule faite de mille personnalités autonomes, chacune ayant sa force.

 


 
 
posté le 29-07-2009 à 12:03:25

Les aventures du manuscrit des 120 journées de Sodome.

L'histoire du manuscrit des 120 journées de Sodome de Sade semble relever de la légende. C'est lors de son emprisonnement à la Bastille que Sade rédige ce texte sulfureux en collant les différentes pages du manuscrit pour constituer un rouleau, à seul fin de camoufler celui-ci dans les anfractuosités de la muraille de sa cellule.
L'avant-veille du jour de la prise de la Bastille, et parce qu'il avait participé aux premiers frissons insurrectionnels qui annonçaient le 14 juillet, il est transféré à Vincennes sans avoir pu reprendre le précieux manuscrit ainsi livré aux désordres et saccages qui suivent la prise victorieuse par la populace du sinistre bâtiment.
Un miracle a voulu qu'il échappe à l'infamie d'une disparition dont il était si fortement menacé. Il va passer de mains en mains, entre celles de spéculateurs et de bibliophiles avertis qui assurent sa survie, jusqu'à la publication du texte par les soins du spécialiste Maurice Heine et sa mise en orbite quasi légendaire par les surréaslites ( ces révélateurs de tant de textes essentiels).
Il met en lumière le problème rencontré par des prisonniers auxquels il est interdit de pouvoir écrire et qui se livrent à des subterfuges incroyables pour y parvenir (en particulier pour les prisonniers politiques). Mais la force du verbe l'emporte toujours sur la malignité des bourreaux. On peut en tirer une parabole. L' histoire du manuscrit des 120 journées de Sodome en est la figure emblématique.

 


 
 
posté le 28-07-2009 à 15:12:57

André Martel analyse La Fontaine.

Parlons d'édition.

C'était, lorsqu'on créa Le Soleil dans la tête, le bureau des éditions Palimugre une initiative de Jean Jacques Pauvert. Il sortait de tout petits livres avec des signatures prestigieuses ( Sartre, Albert Camus etc...) . Grande était la tentation de conduire une action éditoriale, encore fallait-il  en avoir les moyens (financiers et structure administrative). On se contentera de labeliser des ouvrages dont on appréciait le contenu mais dont les auteurs étaient sans éditeur officiel. Il y aura quelques tentatives dont celle engagée avec un personnage hors norme, défendu par Jean Dubuffet, et qui pratiquait une écriture totalement réinventée, dans le voisinage du lettrisme ( on abordera un jour l'histoire de ce phénomène littéraire qui fut, dans les années 50, particulièrement vivace). C'était André Martel qui proposera dans sa collection du "paralloïdre" un essai : La Fontaine n'est pas un imbécile. L'écriture en était claire, ce qui n'était pas en contradiction avec ses recherches langagières par ailleurs fort risquées.

 


 
 
posté le 28-07-2009 à 14:54:14

Les boîtes de Waydelich

 Waydelich, l'invention d'un personnage.

S'il pratique l'art de la "mise en boite" d'objets un peu dans l'esprit du reliquaire, Waydelich le fait dans un esprit littéraire autant que plastique. Il assemble, ajuste des objets, compose une sorte de mémoire à travers les miettes d'une histoire qu'il reconstitue parfois avec une tendresse mélancolique et souvent beaucoup d'humour. Il a été une véritable révélation dans le contexte d'un programme d'expositions qui voulaient justement associer art et littérature.
Son personnage, Lydia Jacob, est venu à lui par l'intermédiaire du  journal de cette couturière rejetée dans l'oubli et l'anonymat et qu'il découvre sur un marché aux puces de Strasbourg. Partant d'une mémoire, il recompose une vie, et ses oeuvres en sont les étapes, les séquences dont il peut varier à l'infini les versions.
Archiviste de son personnage, huissier de ses biens imaginaire, Waydelich ne se contente pas, toutefois, du simple état des lieux, de la nomenclature, de l'inventaire, il pratique à l'égard de ce matériel, mis à contribution au nom de la mémoire, un travail assez semblable à celui de l'archéologue qui jalonne un  terrain, le balise, avant d'y prélever ces fragments d'une vie dont, de toutes manières on ne peut avoir que des miettes.


 


 
 
posté le 28-07-2009 à 12:27:51

Marcel Marien, un pont franco-belge.

Marcel Marien est un des grands surréalistes de la Belgique toujours si féconde en talents artistiques et littéraires. Jetons un pont entre le Quartier Latin du Paris de Francis Carco et des Surréalistes, et Bruxelles la fascinante. Marien en fut (avec tant d'autres vers lesquels on ira le moment venu, comme Scutenaire, Paul Nougé, Magritte, Jane Graverol) un des héros à la fois tonitruant et illuminé. Il faut lire ses mémoires si savoureuses. Les poèmes sont dans la lignée des chercheurs d'or dans les mots. A triple sens parfois, car l'humour n'est pas loin. Rêvons d'un monde tenu par des tels hommes.

 


 
 
 

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