Dire l'importance de l'arbre dans notre vie !
Outre ses connaissance médicales qu'il mettait au service de son métier de médecin de campagne, mon père avait une vive curiosité pour la mythologie et la botanique. On parlait à la table familiale des dieux de l'antiquité comme s'il s'agissait de voisins. On avait ainsi Jupiter, Venus et Diane à portée de nos couverts. J'imagine parfois Gaston Chaissac à la table de l'Olympe. Lui, cette commère de village, inspiré, aurait fait des merveilles.
La botanique donc entrait aussi dans nos petites manies. On m'avait offert, pour m'initier un ouvrage qui s'intitulait, joliment : "Comment s'appelle donc cet arbre ?"
Je n'en n'ai pas tiré tout le profit qu'on pouvait en attendre, mais les leçons de la mythologie sont restées.
Et puis, maintenant, je pense aux énoncés inspirés de Remy de Gourmont :
Chêne, fleuve de gloire épanoui vers les dieux morts, barbare aux pieds formidables, pierre de lumière et de sang....
ou encore
Frêne aux reins nus, songe impur sorti des ronces...
Bouleau, frisson de la baigneuse dans l'océan des herbes folles.
Et ainsi toute la forêt y passe. C'est une manière bien originale d'en goûter tous les charmes. Et Poliphile n'est pas loin.
Poliphile à la recherche de Polia (et la quête de l'amour) a pour cadre un jardin merveilleux mais plein de pièges. C'est un jardin symbolique, et codé selon les références donnés au texte par l'auteur, ce mystérieux Francesco Colonna, abbé ou puissant seigneur s'adonnant aux lettres comme il était d'usage dans cette renaissance italienne qui fut celle de toutes les cultures. L'image même de l'arbre a son importance et il ne saurait être sa seule réalité. La mythologie greco-latine, dont nous sommes les héritiers, voulait que chaque arbre soit un humain ainsi statufié au terme d'histoires variées qui peuvent aller de l'affront fait aux dieux (alors c'est une punition) jusqu'à une protection contre les dangers de la vie, alors c'est une métamorphose qui peut s'inverser.
Désormais devant chaque arbre rencontré ou sous la protection duquel nous nous plaçons, disons nous qu' ll y a peut-être une personne. Il ne faut pas l'oublier.
Dormir sous un arbre c'est peut-être dormir sous la protection d'un dieu qui irrita Jupiter et qui le transforma par punition. D'où, alors, le danger pris de se placer sous ses branches lors d'un orage.
La lecture sous l'arbre qui est une sorte de messe des mots partagés, c'est peut-être la rencontre avec quelques déesses bienveillantes.
Ainsi avec cette idée de l'arbre faisons nous de la forêt le plus passionnant cortège descendu de l'Olympe, venu des vallées caillouteuses d'une Grèce de légende. Mais on peut récréer la légende au coeur de nos forêts familières. Ne jamais y errer sans y penser. Il n'y a pas que du gibier dans les fourrés, On y rencontre aussi nos semblables. Divinisés.
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