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lettres de la campagne

posté le 05-10-2009 à 13:47:28

Champfleury caricaturé.

On se fait une idée des  personnages du passé dont l'oeuvre est affichée, consultable et souvent finement étudiée par les spécialistes, par l'entremise d'une iconographie plus ou moins fidèle, et parfois de pure invention (ce fut longtemps le cas de Lautréamont). Champfleury aura l'avantage de côtoyer des peintres qui l'appréciaient (il s'engageait pour eux) et se sont attachés à retenir son visage, parfois en le mettant en situation, l'introduisant dans leur oeuvre. Ce que fera Courbet (de même que pour Baudelaire). Champfleury, militant pour le réalisme prendra des risques, s'imposera sur la scène journalistique, donnera de la voix.
Mais il sera aussi un historien de la caricature (Baudelaire aussi). En juste retour des choses il aura son portrait caricaturé.

 


 
 
posté le 05-10-2009 à 12:20:21

Colette saisie par la photographie.

Entre la vieille dame couverte d'honneurs du Palais Royal à Paris, et la jeune fille émancipée (ou qui souhaitait l'être) de son enfance (dans le jardin de Sido)  il y a toute une vie d'aventures amoureuses, de création, voire de mondanité et de scandale qui participe grandement au mouvement d'émancipation de la femme qui va traverser le XX° siècle et lui donner enfin un statut jusqu'alors interdit par de stupides préjugés, des habitudes culturelles totalement dépassées.
Colette est grande dans son rôle civique, elle est attachante dans son oeuvre qui reste éminemment féminine, c'est à dire, au plus près de la sensation, à fleur de peau, et éloignée de toute spéculation intellectuelle.
La photographie a le pouvoir de fixer non seulement un instant, mais les traits spécifiques d'une époque, un environnement qui en dit long sur le climat social et intellectuel de celui (ou celle) qui y est portraituré, tant la photographie a aussi cette mission. Donner l'essentiel de l'esprit du modèle (sinon de son âme) ce que, jusqu'alors la peinture prétendait pouvoir faire.

 


 
 
posté le 03-10-2009 à 11:22:56

Gisèle Prassinos entrée des medium.

Comme il y avait l'entrée des médiums, il y aura l'entrée de la femme dans le sein du surréalisme. On y cultive l'amour et l'érotisme, on y désigne des muses. Certaines, la plupart, sont dans l'ombre des hommes qui les fêtent. Inspiratrices, vénérées, adulées, souvent dénudées par la magie de la photographie de Man Ray qui accompagne les poètes dans leurs incursions verbales. Mais jamais entrée fut plus stupéfiante que celle de Gisèle Prassinos.  Elle fut d'emblée l'égale des hommes qui la célèbrent. Emettrice d'images ourlées dans le plus noir humour et dotées d'un pouvoir de fascination qui donnait raison à toutes les espérances formulées par ceux qui croyaient au miracle par la femme, "elle n'avait que quatorze ans quand fut donné de l'entendre pour la première fois, et c'était aussi la reine Mab, la sage femme entre les fées, comme on ne sait pas traduire" dira André Breton, lorsqu'il la placera dans la prestigieuse sélection de l'Anthologie de l'Humour noir, aux côtés des plus retentissants pourfendeurs de la logique rationnelle, ciment de notre civilisation occidentale ; entre le marquis de Sade et le turbulent Jarry, et pas loin d'Apollinaire qui est bien le parrain le plus aimable pour un voyage en fantaisie comme celui que nous propose Gisèle Prassinos. Une petite soeur d'Alice qu'aurait aimé Lewis Caroll quand il n'était que le vénérable Charles Laugthon.
Une légendaire photographie éternise une intronisation dans le groupe. C'est l'une des photos historiques qui ponctuent la vie collective du surréalisme, cette flamme de complicité, qui génère les talents offerts à son incandescence renouvelée et les reconduit vers de nouveaux et fabuleux horizons.
Gisèle Prassinos apportait l'ambiguïté séduisante de sa juvénilité physique et l'étonnante verdeur imaginative de sa poésie, une réponse foudroyante, et comme électrisante, aux ambitions jamais épuisées d'une incursion dans le verbe qui échappe à tout contrôle, et qui, jusqu'alors, n'avait été résolue et appréhendée que par la technique de l'écriture automatique ou les "sommeils". Des méthodes qui exigeaient que l'on se mette en condition, alors qu'innocemment une fillette encore en socquettes, apportait la fusion verbale et les éclats étincelants, crépitants, et parfois inquiétants, d'une poésie qui émanait naturellement d'une plume encore appliquée à la formulation du graphisme (qui se cherche), à la maîtrise des lettres et comme le produit le plus direct, le plus superlatif, de cette magie interne à la quête de laquelle aspirait toute l'oeuvre surréaliste.

Extrait un ouvrage en collaboration avec Jean Pierre Biondi : Les oubliés du surréalisme.

 


 
 
posté le 03-10-2009 à 10:40:00

Pierre Mabille et le merveilleux.

Médecin et chirurgien de renom il porte un vif intérêt au domaine du merveilleux et du fantastique, s'ouvrant ainsi tout naturellement à l'aventure surréaliste qui explore (surtout avec André Breton) un domaine encombré mais séduisant où il puise des éléments propres à fortifier sa recherche de "beau insolite".
Il collabore à la revue Minotaure organe dominé par les surréalistes mais nullement attaché à leur promotion, et largement ouvert à tous les domaines qui sont en fait des marges du surréalisme. Des voies majeures aussi de son développement. "Le Miroir du merveilleux" est un  formidable traité d'un sujet qui traverse l'histoire de la peinture et celle de la poésie.

 


Commentaires

 

1. Mistigris  le 03-10-2009 à 11:42:51  (site)

Bravo çà donne envie d'acheter le livre.
Bon week-end

2. Alain Paire  le 26-05-2010 à 07:03:36  (site)

Page 211 de "Roue libre" de Pierre Alechinsky. "Pendant l'hiver 1952, aux obsèques de Pierre Mabille, j'aperçus à nouveau Breton. Il baisait une rose, l'envoyait dans la fosse. Je revois son geste, la juste trajectoire de cette rose".

 
 
 
posté le 02-10-2009 à 15:01:51

Wols dans le souvenir.

Il est des rencontres qu'on n'aura jamais pu faire et qui auraient peut-être modifié notre vie. Lui auraient donné un autre sens. D'avoir "raté" Wols compte parmi les grands regrets d'une jeunesse qui fut avide de découvertes et  devra se contenter de ces miettes qu'un créateur laisse derrière lui. Le quartier de Saint Germain des Près était, dans les années 50, encore marqué par le passage de ces deux passants considérables que furent Artaud et Wols, morts tous les deux.
On trouvait encore des livres du premier et des oeuvres du second à des prix abordables, ainsi que des "microbes" de Max Ernst (des empreintes minuscules chatoyantes et si proches de cet art automatique alors en faveur) dont je me souviens certains cartons de galerie étaient fort bien garnis.
Un affrontement avec Grety Wols (une veuve abusive) faillit me coûter ma place de critique dans un journal où je débutais. L'orage passera et ma passion pour Wols se concrétisera bien plus tard avec un petit livre à lui consacré qui tente de faire le tour de cette oeuvre à la fois frénétique et si fine et si près du murmure graphique qu'elle témoigne d'un tempérament rêveur et doux, angoissé surtout.
On est là dans le voisinage d'Henri Michaux, parfois des débuts de Zao Wou Ki, mais avec une charge supplémentaire de fièvre, une sorte d'électricité qui passe dans la main projetant  sur le papier toute l'ardeur des sensations, ou encore cette quête suicidaire des vertiges.

 


 
 
posté le 02-10-2009 à 11:05:02

Artaud le dessin d'urgence.

S'il est courant que le poète dessine dans les marges de ses poèmes, Artaud lui confère une importance telle qu'il devient autonome et le place dans la catégorie des  grands dessinateurs. Où se voit le travail même et les étapes de sa quête (tout comme chez Giacometti) chargeant le dessin à mesure qu'il s'y enfonce, comme à la recherche d'une vérité qui n'est pas au bout du crayon mais dans la texture même du support (le papier).  D'où une certaine violence graphique qui ira jusqu'à la déchirure du support comme il lui arrive de la pratiquer.
Il fait, d'ordinaire, les portraits de ses familiers, de ceux qui l'approchent ou partagent sa vie (les Loeb, Paule Thevenin, Marcel Bisiaux), parvenant jusqu'à la ressemblance visuelle, mais bousculant celle-ci par des accidents des incises graphiques qui lui font comme une sorte de couronne où se tassent toutes les angoisses du modèle conjuguées  aux siennes.
Ce sont comme des morceaux d'un éclat sidéral qui agressent une présence humaine. Précipitant ainsi le portait dans un espace qui n'est plus celui d'une simple ressemblance (somme toute rassurante) mais dans un climat d'urgence qui le transfigure, à moins qu'il ne le condamne.

 


 
 
posté le 01-10-2009 à 17:23:04

Man Ray et la modernité.

Plus que dans sa peinture Man Ray signifie son appartenance à la modernité dans la photographie. En inventant de nouvelles techniques, ou encore dans le sujet lui-même. Jouant sur la danse lumineuse des enseignes et retrouvant là (dans la superposition de divers clichés, une addition de visions) le dynamisme de la peinture futuriste, ou le déchaînement graphique venu des recherches entreprises sur la typographie par les artistes "dada", Dans le voisinage d'un Fernand Léger (qui reprendra certains de ses projets cinématographiques) et usera, lui aussi, de la lettre comme élément distributeur d'un paysage moderne.
Piéton de la nuit il s'enivre de cette poésie survoltée qui vient aussi bien des Calligrammes d'Apollinaire que des poèmes de Blaise Cendrars. Il est au coeur d'un monde de néon, de jazz et de cette folie festive qui marque si fortement les Années folles.

 


Commentaires

 

1. Les merveilleux lutins et la fee Plume  le 02-10-2009 à 08:06:55  (site)

Cliquez ici pour voir mon imageIl y a des gens qui vous inondent
de joie de vie et de sourires
je passe parcourir ton univers
passe une très belle journée , tendresse et bisoux tes amis Adamas* Adelino* Adnane*Adïel*Adriël* Agustin*Ahïam* Aitor* Akmal* Ambroise*Ambrose* Americo* Andromaque* Angel* Angelus* Angus* Anice* Anthonin* Archange* Cambyse* Camerino* Candide* Cantien* Carleson* Célien* Ceydric* Chabane*Charlain* Chicco* Chidi* Cristobal* Damabiah* Dayane* Domingos*Dristan* Drystan* Elijah* Enes* Fercos* Fergal*Fergie* Filippo* Gavino* Gerhard*Ghaïs* gonzague* Gonzalo* Grichka* Griskka* Guerric* Guildwen* GuillaumeZ* GuillaumeE* Gwendall*Heidi*Icare* Iban* Imad* Inca* Israel* Ivica* Jaad* Javier* Jamys* Javier* Jillian* Joanis* Juanito* Julian* Juliano* Kilane* Lasko*Lissandro* Loban*Logan* Lohann* Loïs* Lucano* Lucay* Lucco* Lucio*Ludivin* Macire* Madhis* Madog* Madris* Majoric* Mathéis*Mason* Matthew* Matthias* Matti* Maxillien* Maylor* Michelangelo* Mikka* Misha*Moise* Mose* Naveen* Navid* Nayad* Nicolaï* Novica*Pacco* Pacific*Pacome*Paulien* Petia* Pierrick* Princy*L'ange Priska*Ramiro* Redane*Rodéric* Rodrigue* Rodriguez* Roméo* Sabien* Sabria* Safir* Sajana* sanjay* Sarah* Savino* Sebastiano* Seigo* Sevastian* suliac* sulien* Sulio* Tacha* Tahar*L'ange Terisse* Thyago* Tiago* Tician* Tobias* Tobya* Tuncay* Valentin* Valentino* Victoric* VincentD* VincentL* Zvika* Williams

 
 
 
posté le 01-10-2009 à 16:30:25

Wols illustre Kafka.

Ce sont des formes furtives et dansantes, dans une sorte d'échappée qui bientôt rendra la page blanche, Wols, pour illustrer Kafka, aura choisi la forme la plus furtive, et comme prise de panique devant le regard. Comme un dessin qui s'échapperait, honteux, à moins que, sa danse accomplie, il  retourne au néant d'où il aura surgit comme un cortège de désolation, avec ses figures décharnées, sa chorégraphie de déroute et de crainte.
Et si illustrer Kafka était une ultime épreuve pour l'image si forte dans les mots qu'elle se sent comme une intruse, ou ayant risqué le pari de s'y affronter, prenait le parti de n'en pas plomber la force propre, l'essence cérébrale, car la souffrance qu'exprime Kafka est surtout celle de l'esprit.

 


 
 
posté le 30-09-2009 à 15:01:01

L'orage intérieur.

De ne pas savoir formuler sa pensée éloigne un homme de ses congénères. L'isole dans son angoisse. L'orage qui l'habite ne parvient pas à s'échapper de sa cage  thoracique, il y fait des dégâts, bouscule l'ordre anatomique, creuse une profonde blessure qui fait vaciller celui qui la porte comme une malédiction.
Dire c'est être, exprimer c'est comprendre, parler c'est partager. Alors le silence plombe celui qui s'arme d'une défense qui le brise.
Les mots se fondent sur des images (des souvenirs). Ce qui ne peut se définir subsiste en lambeau, s'étiole sans vraiment disparaître. Alors en l'absence des mots la mort mentale fait ses ravages. Elle enferme celui qui s'abstient de participer au forum commun. On le retrouvera, parlant seul, et de lui seul compris, devant un verre jusqu'à ce que l'alcool aura eu raison de lui. L'abattant comme un arbre qui a perdu sa sève, s'est détaché de ses racines.
Ou encore sur les bords des routes (ce système sanguin de la vie sociale) des chemins de campagne, plus habitué des fossés que des places villageoises où on échange, discutaille, s'affronte pour y voir plus clair en soi.
La solitude est avant tout une affaire de langage.

 


 
 
posté le 30-09-2009 à 14:41:46

Proust au château de Réveillon.

Marcel Proust y venait, du temps qu'il fréquentait le salon de Madeleine Lemaire et c'est dans les allées du parc qu'il découvre son amour pour Reynaldo Hahn. Il s'en souviendra quand il écrira Jean Santeuil (une première version de la Recherche du temps perdu). Souvenir si tenace qu'il créera un personnage qui porte le nom de Réveillon.
Un jour d'un printemps encore timide nous y allions Jean Pierre Biondi, A... et moi-même, se risquant dans un parc qui avait des allures de terrain vague avec le château en fond comme sur une scène de théâtre. Il était alors habité par un délicieux couple de vieillards qui faisant visiter les lieux, dans un état de délabrement inquiétant, annonçait un chantier de restauration qu'il ne mettra jamais en route. J'ai appris (par google) que la propriété a été reprise par un couple entreprenant qui a pu sauver la bâtisse alors voguant vers sa chute finale.
Pathétique était l'endroit, ouvert à tous les vents, et les boiseries de la chapelle de Versailles (qui se trouvaient là sans qu'on sache comment) exposées aux intempéries. J'ai encore le souvenir fixé comme une photographie de ce qui avait été (et devait redevenir) une bibliothèque. Le ciel et ses menaces faisant courir ses nuages et donnant une sorte de version tragique de la bibliothèque à ciel ouvert qui est le comble de la désolation.
C'était une sorte d'image frémissante de la menace qui pèse sur un projet qui fut grandiose et une mémoire qui allait disparaître si les mots d'un livre n'en garantissaient par la survivance.
Devenu un lieu de visite (avec ses horaires, ses tarifs et sans doute ses produits dérivés) il a chassé le souvenir de Proust.
Jeanine Huas dans son étude (fort séduisante) sur "Proust et les femmes" de relater ces heures si délicieuses pour l'écrivain.
"Hahn raconte qu'en 1894, venant d'arriver à Réveillon il se promenait dans le parc et discutait avec Marcel. Soudain ils passèrent devant une bordure de rosiers rouges du Bengale. Proust s'arrêta, considéra les fleurs et se mit à rêver. Au bout d'un moment il demanda de sa voix douce : Est-ce que ça ne vous fâcherait pas   que je reste un  peu en arrière ? Reynaldo reprit sa marche. Il revient mais Marcel ne l'entendit pas. Il repartit à nouveau. Proust sortit alors de sa médiation et le rejoignit en courant, les yeux brillants. Les jeunes gens continuèrent leur promenade comme s'il ne s'était rien passé. L'incident est repris dans Jean Santeuil. Jean admire des gueules-de-loup...."

 


 
 
posté le 30-09-2009 à 10:31:03

Le salon de Madeleine Lemaire.

Sans beauté, quand il en fallait tant pour se faire reconnaître, Madeleine Lemaire avait pour elle le "savoir mondain" et recevoir en sa maison  du 31 de la rue de Monceau, dont le jardin planté de lilas embaumait les soirs de concert quand la maîtresse de maison réunissait chez elle le "meilleur monde" où se croisaient écrivains lorgnant du côté de l'Académie française, peintre fêtés au Salon et duchesses aux prétentions culturelles.
"Ce sont des artistes : Edouard Detaille, Puvis de Chavannes, Bonnat, Georges Clairin dit Jujotte ou Chochotte, parce qu'il bavarde sans cesse, Jean Béraud qui peint surtout des scènes de la vie mondaine... Au groupe s'associent bientôt des médecins et des écrivains. Tous viennent chez Madeleine Lemaire continuer la discussion commencée à un vernissage, à une réception, à un déjeuner chez Ledoyen. Alexandre Dumas fils est l'astre de l'atelier....  Peu à peu le cercle s'élargit Anatole France, la princesse d'Arfemberg, la princesse Mathilde prennent le chemin du 31 rue de Monceau" (Jeanine Huas). Ce sont des réunions sans prétention et, curieusement, ce public si friand de prérogatives, de hiérarchie, se laisse gentiment bousculer, voire tancer par une maîtresse de maison qui aura gagné une certaine réputation comme "peintre de fleurs".
Proust fera son miel dans ce creuset à la fois titré, talentueux parfois, cancanier, où
se font les réputations et les carrières. La sienne justement y débute.

 


 
 
posté le 29-09-2009 à 10:53:45

Zola photographe.

Il l'affirme d'emblée : "A mon avis vous ne pouvez pas dire que vous avez vu quelque chose si vous n'en avez pas pris une photographie révélant un tas de détails qui, autrement, ne pourraient pas être discernés".
C'est, en usant d'une technique différente, donner un éclairage sur sa manière même d'écrire. On l'a vu, allant "sur le terrain", prenant des notes comme un reporter, constituant des dossiers pour, alors, se plonger dans un espace dont il connaît parfaitement les moindres détails.
Il aborde la photographie  lorsqu'il a terminé le cycle des Rougon-Macquarf (1894).
Ne faisant pas les choses à moitié il acquiert huit appareils (de format différents) et installe un laboratoire pour tirer lui-même ses clichés (à Medan et à Paris). Il laissera quelque 7000 clichés qui embrassent de multiples sujets. Portraits des siens (Alexandrine, sa femme, Jeanne la mère de ses enfants), ses amis, les nombreuses escapades à vélo (qu'il pratique avec ferveur) et se mettant souvent lui-même en scène,  enfin la ville dont le fascine la vie multiple et qui fut déjà le terrain de ses explorations littéraires.
Il atteint rapidement les qualités techniques d'un professionnel. L'influence de ses amis photographes (Carjat, Nadar) n'est pas étrangère à sa décision.
A cette boulimie d'images traduisant une "passion visuelle" s'ajoute l'intensité qu'il sait donner à ses clichés. Ils imposent une présence. La part importante accordée à sa vie de famille avec ses deux enfants souligne combien comptait dans sa vie personnelle cette chaleur qui en émane. Quand on se plaît à confronter l'oeuvre d'un peintre avec sa pratique de la photographie (chez Degas, chez Bonnard) on veut y voir des relations au stade de la création. Passant d'une technique à une autre est-il fidèle à sa manière ? Chez Zola, et même si la comparaison est plus subtile (de l'image aux mots), elle révèle une continuité. Dans la précision et une vigueur d'expression n'excluant jamais une pointe de poésie. La Naturalisme n'y perd pas ses principes. Il y gagne une dose d'humanité.

 


Commentaires

 

1. oups007  le 29-09-2009 à 10:57:54  (site)

Image hébergée par Casimages.com : votre hébergeur d images simple et gratuitpetit passage en douceur dans ton joli monde pour te souhaiter une douce journée et te faire de gros bisouxxxxxxxxxxx tendresse la fée Plume et ses merveilleux lutins, nous fêtons ce jour notre premier anniversaire de blog, on partage notre bonheur avec tout le monde! tendresse

 
 
 
posté le 28-09-2009 à 14:13:11

Le Paris de Proust.

Le cadre parisien de la Recherche du temps perdu est spécialement laid et dépourvu de tout charme. C'est celui que le baron Haussmann aura conçu sous la dictée de Napoléon III, autant à des fins urbanistiques que militaires. Il s'est modelé étroitement aux moeurs de la société bourgeoise qui y voyait son rêve de modernité. Curieusement, le gotha que Proust y fait vivre (plus à sa place dans le select faubourg Saint Germain) y prend rapidement des allures de nouveaux riches. Et ses membres les plus éminents (Greffulhe, Chevigné) ne sont pas tellement éloignés de ces bourgeois cossus qu'ils snobent, donnant plus volontiers de la particule pour vanter de lointains ancêtres qui guerroyaient au Croisades.
C'est d'ailleurs la fascination du nom qui prévaut chez Proust, la modèle souvent décevant tant il est difficile d'en être digne.
Le quartier Saint Augustin avec la montée du boulevard Malesherbes (vers le parc Monceau) sera l'adresse privilégiée de Proust dans plusieurs étapes de sa vie. Ses amis les plus proches en sont aussi les riverains. C'est toute une population, qui se déverse sur les Champs Elysées ou le Bois de Boulogne pour se montrer dans la splendeur de ses apparences et le jeu subtil et vaguement pervers de la galanterie qui y déploie ses fastes et ses vanités. C'est le quartier des "horizontales" la version mondaine de la lorette, celle-ci plutôt versée vers le monde des artistes et celle-là dans les alcôves des ducs décatis.  

 


 
 
posté le 28-09-2009 à 11:09:37

Proust se serait marié....

Elle sera l'une des composantes de Rachel dans La Recherche du temps perdu. Elle monte sur les planches sous un nom de noblesse de fantaisie : Louisa de Mornand. Elle s'appelle en réalité Louise Montaud, native de Lyon (en 1884). Sa soeur est également actrice sous le nom de Jane Moriane et se produit aux Bouffes Parisiens dans des pièces de Maurice Donnay.
Louise était d'une grande beauté : mince, le visage ouvert, la démarche souple, et quand elle débute aux Mathurins en 1903 elle devient la maîtresse de Louis d'Albufera un jeune dandy que Proust se plaît à fréquenter et qui fait parti du petit cercle de noceurs où l'on retrouve également Léon Radziwill, de Guiches (le demi-frère d'Elizabeth de Gramont qui laissera des souvenirs documentés sur son époque), Bertrand de Salignac-Fénelon, les Bibesco, Constantin de Bancovan (frère d'Anna de Noailles).
Louise se laisse entretenir par Albufera qui est très amoureux d'elle mais elle n'est pas une "horizontale" comme l'époque en compte tant. Soucieuse de faire carrière au théâtre elle dose savamment ses relations avec Albufera (qui la servent) et les engagements qui se font timides.
Marcel Proust est très séduit pas son charme et une espèce de gentille qu'elle lui dispense sans jamais dépasser de furtives tentations. Proust, en dépit de son homosexualité,  aurait bien envisagé de l'épouser. Mais Louisa mesure les risques et son attachement à Albufera comprend un mélange d'intérêt et de sinciérité. Proust devra se contenter d'une galanterie verbale et la distance (équivoque) qui sert finalement la constitution du personnage de Rachel dans lequel on la retrouve ainsi que des moments de leurs relations.
"O toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais".
Un vers de Baudelaire en forme de dédicace sur un exemplaire de "Sésanne et les Lys" seconde traduction de Ruskin que Proust lui offrira, donne la lumière chargée de mélancolie qui scelle leur étrange relation.

 


 
 
posté le 26-09-2009 à 11:59:31

La drague d'André Breton.

Henry de Montherlant y allait, depuis le quai Voltaire où il résidait, en fin d'après midi. Le boulevard Bonne Nouvelle, aux voisinages de la Porte Saint Denis était son terrain de chasse préféré, à la recherche de petits minets complaisants. Quelques salles de cinéma au velours décati, y offraient de complaisants refuges pour de hâtives caresses.
A l'en croire, André Breton y flânait plutôt en souvenir de Gérard de Nerval qui attendait la fin du spectacle au théâtre du Gymase, pour courtiser la médiocre Jenny Colon pour laquelle il se ruinera.
"On peut, en attendant, être sûr de me rencontrer dans Paris, de ne pas passer plus de trois jours sans me voir aller et venir, vers la fin de l'après-midi, boulevard Bonne Nouvelle, entre l'imprimerie du Matin et le boulevard de Strasbourg. Je ne sais pourquoi c'est là, en effet, que mes pas me portent, que je me rends presque toujours sans but déterminé, sans rien de décidant que cette donnée obscure  à savoir que c'est là que se passera celà (?)". L'aveu est donné dans Nadja.
Voilà le lieu défini dans sa force d'attraction, et le plaisir, l'inconnu, la rencontre au rendez-vous. Et Breton ne savait s'en extraire.
Il suffit encore de penser que Baudelaire, dans son errance parisienne, y fit escale au numéro 11. Les pèlerins n'y affluent pas. D'ailleurs ce sont les marchands de fripes (venus d'Afrique du Nord et ayant conservé les moeurs bavardes et languides de leurs origines) qui investissent l'endroit avec des vêtements toujours "en solde"et les rues en pente douce filent doucement vers le centre de Paris et son ventre des Halles. Breton allait plutôt du côté altier et de très vieilles histoires qui font le charme de Paris et sa mélancolie. Entre le faubourg Poissonnière et la rue d'Hauteville. D'autres poètes y firent leur nid. Il n'y en a plus le souvenir que dans des livres.

 


 
 
posté le 25-09-2009 à 10:41:53

André Breton et les Pas perdus.

De l'ambiguïté du titre l'ouvrage tire son attrait. On y songe à quelque salle sonore où des foules piétinent dans un temps d'attente, ou encore, plus dynamique, imagine la vision négative qu'aurait un piéton impénitent qui ferait le bilan de ses pérégrinations. Mais perdre ses pas c'est aussi avoir beaucoup voyagé. André Breton a sillonné le siècle, engrangé des amitiés, noté des rencontres capitales, médité sur des oeuvres phare. Il les assemble comme on fait un bilan, ou compose un bouquet, ou une anthologie, et fait passer au fil de ses admirations tout un panthéon de ceux qui ont façonné notre manière de vivre et de penser. Ils sont là, miroitant et frémissant de mémoire et de colère (car c'est l'élan de la révolte qui les unit) Guillaume Apollinaire, Alfred Jarry, Lautréamont, Max Ernst, Chirico, Freud, André Gide, Marcel Duchamp, Françis Picabia, et en place d'honneur Jacques Vaché, sous le signe de la  confession dédaigneuse.
Certains de ces textes ont jalonné l'aventure du surréalisme, pointé du doigt les tares de notre époque, dénoncé l'inanité de notre monde, nous conviant au festin des dieux qui manient la poésie comme arme de combat.

 


 
 
posté le 25-09-2009 à 10:28:24

Renoir et le lecture.

Peignant volontiers son entourage immédiat, familial, Renoir saisit les instants du quotidien dans sa miraculeuse fraîcheur. Il se délecte du jeu de la lumière sur les visages (ou les corps quand il aborde le nue), leur donnant une présence tendre et rêveuse. Ici ce seront des jeunes filles au piano, là des enfants "à la lecture".
Et de l'art de lire il tire une leçon. Elle accompagne la découverte du monde chez les jeunes, elle sert de lien aussi dans le compagnonnage et se glisse dans l'univers du jeu la faisant une sorte d'ouverture sur le monde. D'où l'attention, la pose tranquille de ses personnages abordant le monde des mots  comme ils abordent celui de la nature : comme une notion de plaisir.
A l'habituelle sensualité qui colore ses compositions Renoir a préféré distiller une sorte de tendresse qui se pose sur les visages leur donne cette concentration, ce détachement de leur environnement pour se projeter tout entier dans l'espace réduit du livre qui est, en fait, l'immensité du monde. Il montre bien cette prise de distance qu'à le lecteur vis à vis de ses proches quand il foule à grandes enjambées mentales l'espace que lui  offre le livre ouvert.

 


 
 
posté le 24-09-2009 à 15:23:49

Alphonse Lemerre et Céline au Passage Choiseul.

A suivre Céline quand il l'évoque c'est l'enfer : " Il faut avouer que le Passage, c'est pas croyable comme croupissure. C'est fait pour qu'on crève, lentement mais à coup sûr, entre l'urine des petits clebs, la crotte, les glaviots, le gaz qui fuit.  C'est plus infect qu'un dedans de prison. Sous le vitrail, en bas, le soleil arrive si moche qu'on l'éclipse avec une bougie. Tout le monde s'est mis à suffoquer ! On ne parlait plus que de campagne, de monts, de vallées et merveilles..."(Mort à crédit).
Céline passe son enfance au 67 puis au 64.
Au 67 sont installées maintenant les loges des comédiens du théâtre des Bouffes Parisiens, et au 64 on vend des fringues. Au terme d'un escalier en tire bouchon des bureaux, là où furent les pièces sombres et sinistres où il marmonnait sa rage.
Changement de décor (et d'époque) au 23, qui fut le siège des éditions d'Alphonse Lemerre. C'était le centre des Parnassiens. On y croisait Théophile Gautier, Théodore de Banville, Catulle Mendès qui  en étaient les plus fidèles aux réunions informelles qui se tenaient  "dans une sorte de mezzanine" au dessus de la boutique elle-même de taille réduite. Lemerre (précédemment vendeur dans la librairie religieuse qu'il racheta pour y établir ses propres éditions) y publiera les premiers poèmes de Verlaine. Et  il édite "Le Parnasse Contemporain" qui rassemble toute une génération où s'affirme Sully Prud'homme et Lecontre de Lisle, militants pour une poésie de grande rigueur. Le catalogue s'étend jusqu'aux débuts d'Anatole France et de Barbey d'Aurevilly.
Un souvenir (fort vague et lointain). M'être rendu dans la légendaire boutique (dans les années 60) à la recherche des éditions alors négligées de Raymond Roussel qui y publiera ses livres, à compte d'auteur. Il y en avait encore, précieux dans l'indifférence qui les entourait. La boutique avait des allures provinciales et mélancoliques qui la faisait séduisante comme une vieille dame qui a beaucoup vécue et vous raconte sa vie si riche de rencontres. L'atelier d' une artiste peintre a remplacé les rayonnages soigneusement polis où dormaient dans une poussière respectueuse de leur oubli, ces livres qu'ornait la figurine de l'homme à la bêche.

 


 
 
posté le 24-09-2009 à 15:12:12

Monet sur la ligne de flottaison.

Avec lui la peinture va jusqu'au bout de ses limites. Encore attachée à la réalité elle n'en donne pas une image de convention (prétendue réaliste) mais une exploration visuelle pour atteindre la vie élémentaire, les frissons de la vie dans le moindre coin de nature encadré par la toile comme un moment d'exception c'est à dire de jouissance. Car peindre c'est dire le plaisir d'adhérer à son sujet jusqu'à s'y fondre. C'est moins "montrer" que "dire" en se faisant soi-même le contenu de son sujet. C'est donner à celui-ci une présence ardente, totale, comme celle d'un individu, ou quand il s'agit de la nature, la faire si proche de nos sens qu'on s'y assimile, s'y perd.
Ce serait le rêve d'Ophélie, de faire corps avec l'eau. Monet, au terme d'une longue vie d'expérience et de défis, a longuement tourné autour d'un simple bassin, planté de nymphéas (à Giverny) et avec une obstination qui se donne en exemple, interrogé ce morceau de nature qui s'active d'une vie continue, multiple et parfois mystérieuse. Dans ce jeu subtil entre lumière du ciel et le miroir des eaux animées par une végétation surgissante. Image du dynamisme de la vie (presque invisible à l'oeil nu) et de la lenteur. Oh temps, suspends ton vol !
Conduire la peinture à cette extrémité de la réalité c'est la condamner à devenir elle-même le principal personnage de l'aventure dont la toile est la scène. Disant la réalité elle s'expose elle-même pour ce qu'elle est. Un vigoureux coup de pinceau, une coulée languissante, des taches qui se catapultent, un déchaînement de propositions graphiques qui envahissent la toile, perdant peu à peu leur identité croit-on, et, de fait, allant de plus en plus en profondeur dans ce qu'elles montrent. Elles nous forcent à voir différemment, avec plus d'attention, en allant au coeur du réel et non en restant en surface comme on en a l'habitude.

 


 
 
posté le 24-09-2009 à 12:31:00

Brassaï au bordel.

Comme Degas, Toulouse-Lautrec ou Pascin,  Brassai a fréquenté les bordels pour en tirer des images qui ne sont ni vulgaires ni critiques. Elles donnent la juste mesure d'une ambiance qui fut celle de ces établissements quand la loi les autorisait encore.
 Un regard distancié, voyant la femme exposé, devenue objet de désir, dans une neutralité qui est moins celle de l'amateur (ou du voyeur) que de l'artiste qui absorbe toutes les facettes de la réalité pour en dire l'essence même.
Il est à la fois sensible à la "tournure du corps", sa mise en situation, sa théâtralité professionnelle, mais aussi au décor capiteux et poussiéreux qui en est l'accompagnement d'office. Brassaï est une piéton de la nuit, des lieux insolites de la ville dans ses coulisses, ses fantasmes et ses trésors d'humanité, car, dans cette intrusion dans une maison close il reste lui-même. Humain et fraternel.

 


 
 
posté le 23-09-2009 à 11:55:36

Une Sapho tranquille.

Le portait imaginaire de Sapho est le pendant de l'énigmatique "Scribe accroupi" de l'art égyptien. Figure étroitement liée à l'écriture et à elle dévouée. Servante des mots fussent-ils ceux de l'amour, Sapho ayant gagné son éternité à la culture savante de la poésie qu'elle placera sous le signe de l'amour  (du désir).
Ici en quiétude, rêverie et une douceur attentive, elle inspire une iconographie infiniment plus exaltée, où le mystère fait alors place aux signe extérieurs de la volupté. Toute représentation de personnage dont on ne peut qu'imaginer le visage, prend alors en charge l'idée que l'on s'en fait. On la sculpte, la peint, la révèle à notre image. Elle est le réservoir de toutes les déviances, de tous les excès.
Dans sa tranquille assurance Sapho telle qu'elle est vue par la peinture romaine, qui créé déjà une distance temporaire avec son modèle, ressemble plus à une bourgeoise qui fait ses comptes. 

 


 
 
posté le 19-09-2009 à 11:40:16

Un douanier Rousseau pour cent francs.

Ainsi, "Combat de jaguar et cheval" coûte, en 1910, cent francs. Et le douanier Rousseau devait être bien content de recevoir de l'argent pour son art qui en dehors d'une petite élite de connaisseurs ne rencontrait que mépris et moqueries. Ses voisins qu'il réunissait pour d'innocentes petites fêtes où l'on jouait des charades et du violon aimaient l'homme qui vivait à leur façon et sans façon, avec seulement quelques petites manies qui marquent les hommes égarés dans leur quotidien. Dans une solitude un peu hautaine il poursuit une oeuvre que sa singularité même écartait de toute large audience.
Un modeste bout de papier, légalement timbré pour avoir effet, raconte le début d'une longue histoire : celle du tableau lui-même.
Y songe-t-on quand on admire une peinture (dans un musée) qu'elle a, comme tout individu a sa fiche à la police (du moins le dit-on) , un dossier qui raconte l'aventure d'un simple objet, devenu mythique par notre besoin de sacraliser, et la part de rêve qu'il peut susciter chez celui qui l'admire (le vénère).
De même que l'envers de chaque tableau raconte ses voyages, ses étapes de prestige dans les grandes capitales, car un tableau a une vie de star.
Notre amour de l'art ne serait-il pas une version "culturelle" de notre appétit de people.

 


 
 
posté le 18-09-2009 à 12:43:42

Ernest La Jeunesse, roi du Boulevard.

La Jeunesse, roi du Boulevard.

Si l'itinéraire des Grands Boulevards était, en cette "fin de siècle", celui de la gloire et des maquerelles, il fut aussi celui de l'intelligence et du talent quand il est spontané, bruyant, peut-être futile mais si brillant qu'il séduit et donne une idée assez juste de ce siècle à la fois vulgaire et pressé, et en raison de cette vulgarité porté à tous les raffinements de la décadence.
Il fallait aux Boulevards, ce fabuleux théâtre, un personnage qui l'incarne et en soit une manière de roi. C'est Ernest La Jeunesse. Un être quasiment diforme, proie privilégiée des caricaturistes, et qui, jusque dans le verbe, portait loin ses bons mots, ses cinglantes critiques, car il avait la plume vacharde et le ton à la mesure de sa cruauté. Il en fera un "fond de commerce" culturel, en se lançant dans le journalisme, ce broyeur de tous les talents. Si bien que son oeuvre reste, côté littérature, plutôt mince et encore marquée par ce don de la saillie, de la satire, du portait qui fait mouche.
Et pourtant, à la lumière de ces modestes incursions dans le verbe qui s'appuie non sur l'écume des jours mais une conscience aigue des choses, on imagine qu'il aurait pu donner le meilleur de lui-même dans des romans qu'il n'aura ni le temps  ni la force de laisser. Il y aura cependant :  "Les nuits, les ennuis et les âmes de nos plus notoires contemporains, ", "L'Imitation de notre maître Napoléon", mais surtout "L'Holocauste", "Sérénissime", "Demi-Volupté", "Cinq ans chez les sauvages", "Le Boulevard", "Le Forçat honoraire". ¨
Passant de la chronique à la fiction  il épouse les frissons de l'époque, la fièvre ardente qui passe du théâtre à la machine romanesque

 


 
 
posté le 18-09-2009 à 12:31:46

Commérages chez Goncourt.

Le grenier des Goncourt (en fait celui d'Edmond, son frère Jules étant mort) est un des hauts lieux de la vie culturelle fin de siècle, et le laboratoire d'un commérage littéraire que conduisent quelques personnages complices dans leurs ambitions et leurs buts de créateur.
Pourtant il apparaît aussi aux yeux de certains témoins comme le cadre d'un rite conventionnel et plutôt négatif. Il s'en dégageait un ennui insupportable à en croire Robert Baldick. Et Huysmans  fait à son  ami Guiches une confidence : "Encore, si on pouvait y expédier ses dévotions en quelques minutes et filer dare-dare. Mais ce n'était pas possible, il faut rester jusqu'au bout.... chaque greniériste sait que s'il était assez imprudent, assez fou pour s'en aller avant que tout le monde soit parti, la porte à peine fermée, les demeurants se jetteraient sur son oeuvre, et qu'en un rien de temps, elle serait dépecée, déchiquetée, dévorée jusqu'à ce qu'il n'en restât plus un lambeau, une miette ! Alors, pour éviter d'être mangé, on tient bon, on reste. Et Goncourt qui ne remonte jamais jusqu'aux causes, que seuls les effets intéressent, se plaît à proclamer que sa maison est trop petite et ne peut contenir tant d'amis".
Un ami de Huysmans (Guiches) avouera après une visite avoir été impressionné par le cadre : les livres rares, les gravures du XVIII°, les estampes japonaises composaient un décor fastueux et  raffiné. Abordant l'allure du maître de maison il remarque : Goncourt lui-même, très droit, la tête couronnée de cheveux blancs, trônait à un bout du grenier, le cou entouré d'un foulard de soie blanche, tordant nerveusement entre ses doigts délicats, un vieux chapeau de feutre auquel il imprimait des formes étranges.
Il souligne l'ennui qui se dégage de cette assemblée très formelle, narrant sa manière feutrée d'esquisser une fuite au milieu d'un nuage épais de la fumée des cigarettes.
C'est pourtant dans ce climat de complot que se prépare la création de l'Académie Goncourt qui rassemble ses ultimes amis. Il y avait là : Alphonse Daudet,, Huysmans, Octave Mirbeau, les frères Rosny, Léon Hennique, Paul Margueritte et Gustave Geffroy. La vie de l'Académie Goncourt va peu à peu dominer la vie littéraire et créer une course au prix qui en fausse totalement la véritable valeur. 

 


 
 
posté le 17-09-2009 à 14:54:42

La hargne flamboyante de J.K.Huysmans.

La hargne flamboyante de J.K.Huysmans.

Comment ne pas se réjouir devant cette hargne qu'exprime Huysmans devant la médiocrité de ses contemporains.
Lors de l'exposition universelle de 1889 qui attire les foules à Paris, il va jusqu'à envier le sort de Verlaine, alors en traitement à l'hôpital Broussais : "Vous avez au moins une veine, en restant clos, celle de ne pas voir une ville conquise par les rastaquouères et les Anglais. C'est à vomir pour l'instant ; ce que les spermatozoïdes étrangers enfantent de boules affreuses, hilares et dodues, c'est incroyable ! Les supplices du Saint-Office avaient certainement du bon ! ", et encore : " Ici (à Paris), c'est pestilentiel et ignoble. Les rues foisonnent de provinciaux, traînant des femmes éperdues et des enfants qui pleurent. Tout cela nez en l'air, regardant les toits, lisant des noms de rues. Le besoin des égorgements se fait sentir. Mais enfin, qu'est ce qu'ils veulent, tous ces gens là ! Il y en avait, hier, au musée du Louvre ; ils sentaient le chien mouillé, souillaient les tableaux de leur haleine. L'un d'eux, chauve et obèse, expliquait les sujets des toiles à une abominable femme fagotée Dieu sait comme, et celle-là, roulait des yeux en gomme liquide et, les pattes sur le ventre, murmurait - C'est vieux ces tableaux, c'est vieux, vieux ! Des massacres."
Une rage rejouissante

 


 
 
posté le 17-09-2009 à 11:15:35

Sapho, sage ou amoureuse ?

Pourquoi Sapho? 

Ne peut-on y voir simplement la figure de la sagesse, de la rêverie ?
Celle qui a marqué l'Histoire était "maîtresse" d'école et on a pu comparer son comportement avec les jeunes filles à celui de Socrate cultivant, à l'ombre de la philosophie, de chastes amours, fussent-elles ardentes, avec des garçons.
L'amour en mot (en poème), Sapho en a produit presqu'une dizaine de volumes et s'ils connaissent de son vivant une audience importante, l'emprise moraliste de l'Eglise va longtemps les maintenir dans l'ombre (et l'interdit). Ils sont d'une facture plutôt simple mais portés par l'ardeur amoureuse, ce qui leur donne ce caractère de "scandale".
On sait peu de chose d'elle, et on va même jusqu'à contester la véracité de ses pseudo-portraits. Alors en l'imaginant telle, et si charmante, et si discrète, on peut y voir la volonté de lui donner l'allure rassurante, et paisible, de la sagesse. Une connaissance qu'on est prêt à partager, autant que l'amour qui y pousse.

 

 


 
 
posté le 17-09-2009 à 11:02:07

Alphonse Daudet sous l'emprise de Sapho.

Alphonse Daudet abordant là sa période "parisienne" se soumet aux règles du roman d'initiation, offrant l'exemple d'un jeune (et beau) provincial qui fréquente les hauts lieux de la bohème et tombe sous le charme (et l'emprise) d'une femme "légère" dont le plaisir est le métier. Il s'y épanouie sexuellement mais bientôt éprouve durement le poids d'une liaison qui va d'ailleurs le gâter physiquement (Daudet lui même souffrira douloureusement des suites de la syphilis qu'il contracte lors de sa jeunesse bohème).
Le thème, le décor, sont conventionnels et seule l'écriture toute de fluidité du texte lui donne son réel attrait. Plus significatif est le choix du prénom de la femme faite de volupté et de contrainte sexuelle.
On pensera à Jeanne Duval d'abord aimée par Baudelaire et qui fut son calvaire. Sapho incarne la sexualité bestiale, dominant les élans du corps où se perd celui qui s'y complaît. 

 


 
 
posté le 16-09-2009 à 14:51:57

Huysmans chez les sodomites.

Evoquant les établissements de bain (de la rue de l'Aracade) où il se rend volontiers, Proust le fait sans fausse honte avec une sorte de lucidité qui correspond assez mal avec l'hypocrisie d'Albertine qui camoufle son amour pour son chauffeur (Alfred Agostinelli). Huysmans, dans une identique fréquentation de lieux qu'il juge glauque, suffoque d'indignation, trahissant ce sentiment équivoque et partagé qu'il aura toujours avec la dimension du péché.
Une lettre en souligne toute l'ambiguité.
"Le monde des sodomites, votre livre, votre lettre me font revivre d'effrayantes soirées que je passai dans ce monde là où j'étais conduit par un garçon de talent dont les joies déviées ne sont un mystère pour personne. J'y passai quelques jours puis l'on s'aperçut que j'étais un faux frère et je parvins, après avoir manqué d'être assommé, à m'en tirer....Un soir, dans un cabaret de la rue des Vertus, occupé par ce monde-là, et où des tapettes de soixante ans, fardées comme de vieux acteurs, opèrent derrière un rideau, je vis entrer un théâtrier connu. Il allait lever dans ce rendez-vous. Jamais je ne vis quelque chose de plus sinistre. La tête de cet homme, livide, d'une tristesse à faire pleurer, fouetté par son vice, comme poussé dans le dos et se dégoûtant, et se rebiffant évidemment, et y allant quand même, avec le collet de son paletot relevé ! Quand on a vu cela on peut vraiment remercier le ciel de ne pas vous avoir donné des goûts pareils".
Etrange missive, d'autant que Huysmans, après avoir analysé les tares et les folies d'un décadent, va se replier sur un mysticisme étroit que l'on dirait inspiré par la peur, faisant penser à ces cocottes qui vivent la folie du grand monde et de la galanterie et finissent dans la dévotion et le regard porté sur la croix.

 


 
 
posté le 16-09-2009 à 10:45:09

Zola, les goûts d'un nouveau riche.

Zola "nouveau riche".
 Quand il s'installe à Médan  Zola dévoile tout le mauvais goût d'un nouveau riche. S'il déclare à Flaubert qu'il s'agit d'un "modeste asile champêtre", très rapidement, et au rythme des parutions de ses ouvrages qui lui rapportent beaucoup d'argent, Zola transforme sa demeure. "La maison avait pris les proportions et l'aspect typiquement hideux du domaine que tout bon bourgeois français rêvait alors de posséder et des tourelles massives avaient même été ajoutées à la construction primitive pour y abriter les monceaux de bric-à-brac et les douteuses antiquités que Zola achetait à Paris à de peu recommandables mercantis. Les fenêtres étaient garnies de vitraux et l'on avait édifié des écuries et des étables munies d'un balcon intérieur, du haut duquel Zola pouvait étudier les moeurs de son cheptel. Dans son cabinet de travail, le maître avait installé une immense table-bureau en chêne sculpté derrière laquelle se dressait une vaste cathèdre assortie ; une immense cheminée portait la devise Nulla dies sine linea, et les plantes vertes foisonnaient dans les cache pot. Dans cet intérieur tout exprimait la vanité et la vulgarité, mais les amis de Zola continuaient à trouver auprès de lui le même accueil, sincèrement amical et sans affectation."  Et c'est autour de l'écrivain, tâcheron génial d'une oeuvre qui avait la prétention d'englober toute une époque (et le destin humain) que se réunissaient les jeunes écrivains qui allaient signifier leur adhésion en composant "Les soirées de Médan".  Manière de souligner l'affection  qu'ils portaient à celui qui devenait chef de file d'un mouvement dont il sera bientôt le seul  artisan. Le Naturalisme trouvera rapidement ses limites. Mais dans les frontières d'un genre qu'il a magistralement exposé, Zola construira une oeuvre qui reste un formidable témoignage d'une époque. Comme sa maison. Chef d'oeuvre de mauvais goût, mais vaisseau d'une aventure exaltante.

 


 
 
posté le 15-09-2009 à 10:40:01

Georgette Leblanc regarde Maeterlinck.

C'est l'histoire classique de la fascination exercée par un meneur de mots (un écrivain ?) sur un esprit exalté. Et, cette fois, l'attrait exercé par le jeune Maurice Maeterlinck sur Georgette Leblanc, apprentie comédienne.
Elle en fait la matière de ses "Souvenirs" d'ailleurs assez bien écrits et qui en disent long sur les rapports entretenus entre une jeune femme brillante (mondaine) et un "ours", un intellectuel assez mal dégrossi et qui ne la suit que timidement dans son cheminement de caprices et d'éclat, tout en mise en scène de ses sentiments quand, par nature, il est réservé, voire légèrement décalé par rapport au brillant des "salons" qui font les réputations. On est partagé entre le désir de la mieux connaître elle, qui ne manque ni de charme ni d'attrait intellectuel, et à travers elle, de trouver le coeur de l'écrivain qui est l'objet de sa dévotion. Naturellement la vie se charge d'altérer la qualité de ces rapports  aussi délicats que profonds. On suit Maetelinck dans l'intimité (en particulier dans les fastes  austères de Saint Wandrille où ils s'installent un moment).
Georgette Leblanc y gagne l'estime du lecteur qui la découvre. Son charme devait être grand.

 


 
 
 

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