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lettres de la campagne

posté le 22-09-2008 à 15:06:08

Nue sur un divan : Modigliani.

Modigliani et le divan.

Les peintres d'un passé historique, qui aimaient se référer à la mythologie pour étaler avec une certaine complaisance des modèles sur la "couche de l'amour", s'entouraient de tout un décor qui non seulement justifiait l'allusion anecdotique, mais semblait excuser l'audace de la nudité qui, pourtant, à en croire les chroniques de l'époque, ne choquait personne. Parce qu'avant de voir un nue on voyait une figure convenue : Vénus, Junon, Diane et quelqu'autre de ces féminités chargées d'incarner des grands concepts universels, les facettes d'une histoire merveilleuse.
La modernité de la peinture gomme progressivement les atours qui excusent, et affichent avec une belle insolence la nudité pour ce qu'elle est.
On l'aura vu avec les peintres de l'école Viennoise (dont en particulier un Egon Schiele) et parmi les nombreux peintres du XX° siècle Modigliani.
On peut imaginer la modèle allongé sur un modeste (voire sordide) divan. Le peintre, avec ses pinceaux capte (et caresse) la volupté du corps. Le photographe prendra sa place. Le clic-clac n'est pas hostile à la volupté.


 


 
 
posté le 22-09-2008 à 14:41:43

La belle mort ?

Le théâtre de la mort.

Sénèque offert à la mort. Condamné. L'ordre de Néron (qui lui doit pourtant son éducation, la rédaction de ses discours, la logique de sa politique) l'a contraint au geste fatal (il y en a d'autres : Socrate). Mais il fallait à une mort aussi injuste, scandaleuse, une revanche. Celle de l'exemplarité. Mourant, Sénèque donne priorité à la parole. Et au geste qui l'accompagne.
Etrange similitude avec la mort de Socrate buvant le poison avec la fermeté du philosophe qui fait se sa vie un enseignement.
Sujet idéal pour une peinture déclamatoire, volontiers chargée de sagesse et de grandeur. Qu'on se souvienne des gesticulations, déplorations et gémissements autour du Christ en croix. Bras levés, vêtements en désordre (qui épousent le caractère ostentatoire de la gestuelle des corps). On est là en plein drame d'opéra.

 


Commentaires

 

1. Saintsonge  le 22-12-2009 à 17:10:31  (site)

D'où l'on sait, désormais, que philosopher c'est "apprendre à mourir"..................... !

 
 
 
posté le 22-09-2008 à 11:14:42

L'art à la campagne.

L'art à la campagne.

Mortagne (Orne) aura été, durant l'occupation (1940-44), un foyer artistique grâce au peintre Manessier (à droite) qui y avait une maison de famille et a incité ses amis (de gauche à droit Singier, Bertholle, Etienne-Martin, Le Moal) à venir se réfugier à la campagne. Divers mouvements de migration marquent souvent les années de conflit (sur la Côte d'Azur ce sera Arp, Magnelli) et jouent dans l'évolution des peintres qui les vivent. Un contact plus intense, un regroupement par "familles d'esprit", un retour sur la réflexion favorisé par les événements et le climat local sont autant d'éléments qu'on avait tenté de souligner par une exposition rétrospective dans les années 70. Ce fut un retour fraternel (et nullement nostalgique) sur des complicités qui avaient depuis nourries les oeuvres de chacun d'entre eux.
Pourrait-on parler d'une Ecole de Mortagne. Les historiens du futur nous le diront.


 


 
 
posté le 20-09-2008 à 15:46:59

Krajsberg au coeur de la forêt.

Krajsberg.

Le mystère de la forêt.

Son passage à Paris, dans les années 70, s'imprimait dans une peinture qui annonçait ce qu'il allait entreprendre, au coeur de la forêt amazonienne où il est désormais. Dans la fusion végétale qu'il maîtrise, ordonne, défie pour recréer la force de la montée de la sève, l'enlacement des espèces qui se fondent dans un grand hymne végétal. Des documentaires à la télévision le suivent dans cette quête que l'esprit écologique récupère tant elle témoigne d'une angoisse humaine devant la majesté de l'arbre menacé, de la terre violée.
Ne voit-on pas poindre cette pensée dans une peinture qui ose le relief, se  gonfle comme une pâte sous l'action du feu, se fissure, craquelée comme sous l'usure du temps, un phénomène qu'elle dénonce. La terre serait-elle un grand corps malade, une boursouflure prête à éclater. Germes et pustules.
Il circule sous la matière un étrange frisson qui anime la matière autant qu'il la brise, la blesse, comme un corps sous l'action d'une fièvre qui annonce son déclin.

 


 
 
posté le 19-09-2008 à 11:35:33

Bellmer au placard.

Un dessin à histoire.

Bellmer était un ami de ma famille. Il exposait ses dessins au Soleil dans la tête dans une demi clandestinité tant ils pouvaient choquer des âmes délicates ou portées à entretenir des stupides préjugés. Il m'intimidait pas sa prestance, ses silences, le mystère qui l'entourait. Il n'était pas toujours avare de gestes amicaux comme en témoigne un étonnant dessin qu'il m'avait envoyé quand j'étais "sous les drapeaux" devinant la dureté de l'épreuve à laquelle rien ne m'avait préparé et surtout pas le désert culturel qui accompagnait l'intimité (pourtant parfois chaleureuse) avec les "bidasses" d'une chambrée de seconde classe.
L'usage voulait que chacun, pour se donner du courage, s'éloigner de la grisaille ambiante, orne la porte de son armoire d'une image de pin-up arrachée à un magasine de charme (on était alors encore relativement prude). Pour jouer le jeu j'avais collé le dessin de Bellmer qui se trouvait ainsi mêlé à la vie militaire où il faisait tache. La violence de l'érotisme qu'il traduit était bien éloignée de l'innocente impudeur des croupes de jeunes femmes aguichantes et souriantes.  Bellmer ouvre les portes de cet enfer de l'érotisme que son ami Georges Bataille a si bien exploré.

 


 
 
posté le 18-09-2008 à 15:08:18

Que la guerre est jolie (Apollinaire).

On a beau aimer Guillaume Apollinaire on ne peut adhérer à un poème qui exalte la guerre (qui est "belle") mais sans doute le gentil poète confondait bombardement et feu d'artifice. Chaque génération aura eu la sienne. Pour les plus jeunes (ils ne le sont plus !) ce fut celle d'Algérie quand, pour une mauvaise cause, on sacrifiait des jeunes gens des deux côtés d'une bataille qui ne s'avouait pas et conduisait à des abus de toutes sortes. Notre génération a découvert l'exotisme fusil en bandoulière.
Souvenirs de balades parfumées et douces dans les ruines de Tipasa, en relisant Albert Camus ;  ou Blida,  Tlemcen, Alger,  sur les pas d'André Gide de Delacroix et de Fromentin.
La mort avait les couleurs du plaisir, et les parfums lourds de fleurs bourdonnantes d'abeilles qui les butinaient. Il devait en sortir un texte qui ne fut jamais achevé, c'était "L'Eté absolu" où des femmes mystérieusement voilées passaient, avec la lenteur d'une procession, parmi les pierres romaines d'un palais dévasté.


On prenait le thé avec de gentils arabes qui riaient de notre accoutrement et l'on fraternisait au nom d'un soleil de plomb, de crépuscules d'opéra, de matins tristes dans la nostalgie de foyers lointains. Seules les chèvres, d'un pas ferme, défiaient les oueds où roule la rocaille.
 


Commentaires

 

1. rimesoudeprime  le 18-09-2008 à 15:41:09  (site)

si tu aimes les poémes fais passer l'adresse de mon blog.
merci d'avance.

 
 
 
posté le 17-09-2008 à 14:25:57

Voici Sorel.

Pour suivre un homme dans les déambulations de son esprit aventureux, ses déboires, ses conquêtes, ses renoncements, ses angoisses, il faut inventer une figure censée incarner celui qui lui donne la parole, le faire vivre à travers les mots.
L'auto satisfaction est une épreuve car elle ouvre la porte à tous les fantasmes qui nous habitent et nous dérangent. On croit les libérer dans l'écriture, on ne fait que les explorer, tourner autour, parfois tirer parti de leur étrangeté, mais quel orgueil cela illustre-t-il !
La pudeur suppose l'invention d'une figure qui se compose à la fois des souvenirs, des rêves et des dérives mentales de celui qui l'anime pas le pouvoir des mots, la fiction. Ecrire c'est masquer ses déviances, ses craintes et ses ambitions.
Voici Sorel dont je veux conduire le "journal" qui est une manière de suivre à la trace, au jour le jour, les divagations mentales, les rêves et le poids de la mémoire qui l'a construit (peut-être détruit).
Il en résulte une écriture labyrinthique, qui peut paraître décousue, elle n'est qu'à l'image de la vie, du quotidien qui s'infiltre dans la corps de chacun, ici d'un personnage porteur d'une oeuvre potentielle, qui ne s'avoue pas, par pudeur.


 


 
 
posté le 17-09-2008 à 12:14:24

Profession écrivain.

Ecrire est une chose naturelle. C'est une sorte de respiration qui engage le corps autant que l'esprit (il serait pédant de dire l'âme). Pourtant, faire oeuvre d'écriture n'est pas sans danger, voire ridicule. Rien de plus pédant, gênant (pour l'entourage), que de faire oeuvre d'écrivain, s'afficher comme tel.
La lecture du savoureux journal de la "petite dame",  Maria (Théo) Van Rysselberghe, qui se dévoue à André Gide, dénonce, sous la parure des souvenirs, des notations quotidiennes, la fatuité de l'écrivain qui ne vivant que pour son écriture entraîne autour de lui une soif de dévotion, d'admiration, sans quoi l'oeuvre ne fonctionne plus. Que son oeuvre l'occupe tout entier serait justifié, qu'il fasse subir à son entourage une sorte de culte (souvent quotidien) autour des affres de sa création témoigne d'un égocentrisme irritant. Montaigne ne parle que de lui, s'entoure de lui-même pour alimenter ses "essais", il ne semble pas qu'il se soit cru autorisé à mobiliser tout son entourage pour partager le miracle (et le supplice) de la création.
J'ai de la tendresse ( peut-être de l'admiration) pour les oeuvres littéraires qui se font en marge de la vie (quitte à l'engager, la dérouter, la vivifier, la magnifier dans la magie des mots). Un tel, qui s'affiche "homme de lettres", va faire carrière derrière ses livres. Aujourd'hui un Jean d'Ormesson, par exemple, pourtant sympathique, mais n'est-il pas la caricature de son milieu ? Et de la même veine tous ces "écrivains" qui font les plateaux de la télévision, et mobilisent l'attention du public sous la prestigieuse étiquette d'écrivain célèbre.  Une oeuvre est alors un "fond de commerce". C'est un phénomène contemporain, accéléré par les médias, la puissance de la télévision qui fabrique des vedettes, cautionne des choix souvent contestables.
Vivre en littérature ce n'est pas y faire carrière. Un  Marcel Proust y laisse sa vie, s'y crucifiant, s'engloutissant dans la lave incandescente du verbe qu'il maîtrise, et voici dans la lignée flamboyante, un James Joyce, un Joe Bousquet, une Katherine Mansfield, une Virginia Woolf, et bien d'autres encore, qui ne sont pas des faiseurs de littérature mais habités par elle.


 


Commentaires

 

1. ooz  le 17-09-2008 à 22:04:08  (site)

c'est tellement vrai, et pas seulement dans le milieu de la littérature ♥ ♥ ♥
Donnez-nous s'il-vous plaît des nouvelles de Hans-Christian Anderssen à bientôt ♪♫♫

 
 
 
posté le 16-09-2008 à 14:41:22

Portiques pour le souvenir.

Comment ne pas concevoir toute promenade (surtout dans un contexte archéologique ou dans le voisinage de monuments chargés de mémoire) comme un chemin initiatique. Surtout si elle est de nature amoureuse. Pourquoi le touriste le plus classique (dira-t-on ordinaire) multiplie les photographies des monuments qu'il visite en aimable compagnie. Moins pour garder le souvenir du lieu visité (les cartes postales sont un  meilleur document ) que pour marquer d'une empreinte personnelle la qualité d'un  instant partagé. Ce sont les bornes d'un balisage sentimental.
A titre documentaire, de gauche à droite et de haut en bas : le pavillon de Claude Nicolas Ledoux au parc Monceau à Paris ;  la maison du directeur aux Salines d'Arc et Senans ;  une arche du palais des Tuileries cachée dans les bosquets du jardin du Trocadéro à Paris ;  la porte d'entrée de la Saline d'Arc et Senans ;  la Villa d'Hadrien ;  une porte cochère à Paris vue par Serge Birga ;  encore la villa d'Hadrien ; un dieu antique sur une place de Rome.

 


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1. ooz  le 17-09-2008 à 22:07:10  (site)

c'est pourquoi je jalouse en secret untel ou machinchose qui, en retrait du groupe, dresse une esquisse du paysage -au lieu de prendre une photo- et me l'offre, enjolivée de son autographe ♥ ♥ ♥ ♪♪♫

 
 
 
posté le 16-09-2008 à 14:03:00

K, comme une bouteille à la mer.

Sous l'enseigne de K ce fut, dans les années 50, l'une des plus audacieuses et les plus inventives revue en une époque où elle se multipliaient, dans une sorte de fébrilité créatrice qui entraînait la reconnaissance des avant-gardes et, dans le même temps, récupérait dans les oeuvres du passé, négligées, des "perles" tant un travail de récupération, de réhabilitation, s'avère enrichissant, soulignant des alliances d'esprit par delà les frontières du temps.
Entre Antonin Artaud, Aimé Césaire,  Camille Bryen, Jean Arp, Kurt Schwitters et beaucoup d'autres de ceux qui vont façonner l'esprit de modernité, la revue K distille un esprit aigu, percutant, fouineur et ravageur. Toutes qualités propres à justifier qu'on se trouve une tribune pour le diffuser, trouver des complices. C'est aussi, souvent le propos des blogs qui jettent des bouteilles à la mer, dans un océan d'indifférence mais avec la possibilité d'un rivage capable d'en recueillir les miettes.
 


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1. Cybel  le 16-09-2008 à 14:58:43

j'ai entendu dire que les sirènes se parent de nos bouteilles jetées, en boucles d'oreilles ou pendentif, sans lire les messages contenus (elles ne savent pas lire notre langue)

 
 
 
posté le 16-09-2008 à 14:00:46

K, comme une bouteille à la mer.

 


 
 
posté le 12-09-2008 à 12:45:33

L'écriture verticale.

Tant écrire que lire peut dépendre de la position du scripteur. A voir "le Scribe accroupi" on comprend qu'il est dans l'état du secrétaire (serviteur ?) à l'écoute et qu'il a adopté (forcé?) la raideur de celui qui cherche à se donner une dignité dans l'état de sa condition. A moins que celle-ci soit l'effet de celle-là.
Ecrire, pense-t-on, implique un petit rituel, des instruments et un climat. L'écrivain à sa table de travail, c'est Paul Valery, alors que l'aube se lève à peine, installé dans son cagibi, parmi ses papiers, dossiers, carnets, et la plume à la main l'esprit en éveil, vagabondant, les mots épousant le cours de la pensée, à moins qu'ils ne se concentrent, comme les rayons d'une lumière convergente vers l'acuité d'une "idée". On ne peut négliger un comportement autre, comme celui de D.H. Lawrence qui écrit "sur ses genoux, sous une arbre" c'est ainsi qu'il compose l'admirable "Amant de Lady Chatterlay". On est là dans l'esprit d'une adhésion étroite, panthéiste, avec la nature.
On appellera écriture horizontale celle qui s'inscrit (et se développe) dans cet ordre et cet espace qui est donné à la réflexion ici, à l'émotion là.
Pour l'écriture "à l'ordinateur" je propose l'image de l'écriture verticale. Elle se déroule sur l'écran, rendant invisible la partie achevée quand on avance, alors que la page papier s'offre toute entière à la vue.
Cette avancée "à tâtons" dans l'écriture (donc dans la lecture), ne va pas sans quelque désagrément et gâche un peu le plaisir ( ainsi que celui du graphisme car écrire c'est aussi dessiner). En revanche, la méthode offre

l'avantage de lire immédiatement dans le temps même de l'écriture. Ce qui permet de prendre sa distance,  peut-être de devenir juge et partie en même temps.
 


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1. ooz  le 13-09-2008 à 14:46:56  (site)

j'aime la solemnité de l'écriture par ordinateur, assis, le dos bien droit, comme pour jouer du piano
j'aime surtout la distance, le recul que l'on doit prendre en écrivant, ou après avoir écrit : cela me sauvergarde du geste impatient qui me fait arracher la page, la froisser et la jeter sur le bureau ; ne pas reconnaître mon écriture m'oblige à un certain respect de ce que j'ai fait ...

 
 
 
posté le 02-09-2008 à 16:02:05

Un rêve troubadour.

Souvenirs troubadours

On se le traînait dans la famille, encombrant et inutile, un trône (sic) de style troubadour qui servait à ranger les chiffons du ménage, et de cache pour nos jeux d'enfant.
Pourtant, avec son décor flamboyant, il a nourri ma jeunesse et m'a donné le goût de la chose médiévale. Plus tard, Georges Ribemont-Dessaignes, m'a fait découvrir ces merveilleux poètes qui, allant de château en château, célébraient la beauté des princesses et leur inaccessibilité. C'était le chemin qui menait à des reconstitutions idéalement rêvées comme le château de Pïerrefonds ou la cité de Carcasonne. Dans les environs on avait, à portée de main, des ruines ravagées par la végétation (Coucy le Château, Sepmonts, La Ferté-Milon) coins de cache et de mystère qui construisent un monde qui rejoint celui des contes de fée. Gustave Doré leur a donné ses meilleures traductions en image. Voilà tout un monde construit sur des chimères. Construire un château troubadour (comme le fera Louis II de Bavière) c'est concrétiser un rêve d'enfant. La femme y a cette grâce un peu pincée qui est celle de leur dignité alors que les hommes ne peuvent qu'y être chevalier, et l'épée au poing, conquérants. On me disait que j'avais de lointains ancêtres de cette race hargneuse, qui balisaient un territoire encore vierge en principautés. Pour asseoir leur soif de pouvoir. On hérite de leurs chimères.


 


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1. ooz  le 06-09-2008 à 21:56:43  (site)

toujours très heureuse de me baigner de cette atmosphère diffuse, où le temps semble couler entre deux eaux

 
 
 
posté le 01-09-2008 à 15:19:25

En compagnie d'Apollinaire.

Gabrielle Buffet-Picabia.

Dans un endroit retiré, presque provincial, derrière les Champs Elysées, Gabrielle Buffet Picabia habitait une sorte de résidence évoquant vaguement Londres du XIX° siècle. Une cour où des arbres s'alignent sagement, des petits immeubles directoire. Son appartement était glacé, marqué par une pauvreté digne et discrète. Elle-même ramassée sur  elle-même mais ayant conservé quelque chose de sa beauté juvénile. Dans le regard, une certaine vivacité, une souriante curiosité et une vivacité dans la voix, l'évocation des souvenirs. Je venais, un micro en main, pour recueillir ses souvenirs pour la radio. Elle avait était étroitement mêlée à l'aventure formidable du XX° siècle  naissant. Ses amis étaient Marcel Duchamp, Hans Arp, Guillaume Apollinaire et bien entendu Picabia qui devient son compagnon. J'avais en mémoire la carte postale griffonnée où on la devine, beauté des "années folles", en compagnie de Picabia et Apollinaire. C'était pour un voyage en Angleterre.
On se forme ainsi une idée des personnages à travers des documents parfois dérisoires. Je voulais la connaître au delà de cette image qui est presqu'une icône aujourd'hui. On avait décidé de se revoir, mais sans micro. Simplement pour le plaisir. J'ai trop tardé. L'âge l'avait terrassée avant que je ne reprenne le chemin de la villa Chateaubriand (c'est, je crois, le nom de la résidence). Il me reste la carte postale.

 


 
 
posté le 31-08-2008 à 17:32:21

Vuillard intime avec Annette Vaillant.

Le Paris de Bonnard (entre le place Blanche et les Grands Boulevards) , celui de Vuillard (autour de la place Vintimille), celui de Proust (du côté de la Madeleine) se  mirait dans les eaux encore immaculées des plages normandes. Tout ce Paris de la bourgeoisie lettrée, de l'aristocratie frelatée, se retrouvait entre villas à colombages et hôtel des Roches où l'on jouait au bridge le soir sur les terrasses rougies par le soleil couchant.
Un brin de mélancolie atteint ceux qui s'en souviennent et distillent de touchantes, notes de mémoire tant le bonheur qu'ils évoquent n'est pas d'un bloc mais fait de minuscules choses, de rencontres aussi, car on avait l'art de se trouver, de s'unir (parfois pour des mariages mondains, parfois au nom de l'amour) et il en résultait une étonnante généalogie de l'intelligence et du talent, où le pouvoir de l'argent n'était qu'un agréable moyen de se donner tout à soi et à ses passions.
On ira s'égarer (il y a tant de personnages à découvrir) du côté des pages foisonnantes de Jacques Porel ("Fils de Réjane") ou dans la prose exquise d'Annette Vaillant ("Le pain polka"), un regard tendre, savoureux et parfois impitoyable sur tout cette faune bigarrée.
Annette Vaillant (du "clan" Nathanson, les créateurs de la Revue Blanche) porte une attention particulière à Vuillard (qui a fait son portrait). Il est bien l'homme de la situation, le représentant de cette génération rêveuse et hédoniste. D'où chez lui le plaisir évident de peindre. Ce qui donne à son oeuvre une saveur particulière.
Les écrivains et les peintres de cette époque inspirée avaient trouvé le bonheur (dont celui de créer, de s'apprécier), ils laissent le bonheur de les découvrir dans toute la fraîcheur de leur enthousiasme. Sommes-nous vraiment les petits-enfants d'une génération  aussi féconde et émerveillée ?



 


 
 
posté le 25-08-2008 à 16:28:01

L'Etre de la campagne.

L'Etre de la campagne.

Risquons un jeu de mot facile. Les lettres de la campagne sont celle de l'Etre de la campagne. Et pourquoi :  l'être ? On s'est souvenu de "l'Etre suprême" et son cortège feuillu et agreste. Un Robespierre serré dans sa petite redingote, portant, tel un cierge, un bouquet de fleurs séchées. Il y perdra son crédit, il s'y dessina une silhouette pathétique empruntée au vieux Jean Jacques Rousseau herborisant à Ermenonville.
L'Etre de la campagne c'est un peu en figure de fable : le rat des champs face au rat des villes. On est là dans la sillage du bon Jean de La Fontaine, philosophant dans les bois dont il avait la charge et rimant des histoires d'animaux bien avant Jules Renard et en gardant un oeil sur la volière du château de Versailles avec ses perruches, ses loups et ses paons.
Citadin réfugié à la campagne (pourquoi réfugié ?) je me sens une âme de poète aux champs et porté à m'émerveiller des stances des saisons, des lumières qui frisent dans les bosquets, des odeurs fortes d'herbe à l'heure de l'orage, et après avoir aimé André Breton et Blaise Cendrars, trouver un grand charme à René Guy Cadou et Gaston Chaissac. Ceci n'est qu'une introduction à d'autres découvertes, d'autres rêveries. D'autres promenades "solitaires".

 


 
 
posté le 24-08-2008 à 16:57:52

Guy Debord et l'errance parisienne.

C'était, dans le petit milieu universitaire qui fréquentait Le Soleil dans la tête, le sujet de bien des conversations. Il était secret, et, furtivement, il était passé, sans décliner son nom, mais on l'avait reconnu, c' était Guy Debord. Un voisin. On distribuait sa revue l'International Situationniste avec ses couvertures aux couleurs métallisées et sa typographie serrée, austère. Elle se trouvait au coeur de bien des "mouvements" actifs de l'époque, entre le lettrisme, la queue du surréalisme et l'activité situationniste qui va naître sous les auspices de personnalités  bien différentes. On y trouvait aussi  bien des égarés du surréalisme comme Max Bucaille que des artisans de l'activité culturelle qui va de Cobra (Asger Jorn) au "mouvement nucléaire" italien (avec Baj en figure de proue). Guy Debord était le moteur d'une action radicale bientôt plus politique que poétique. Le fut-elle, sinon par abus de nouveauté et une sève particulière qui faisait dévier les vieilles notions de l'errance urbaine par exemple. C'était l'aspect qui m'avait le plus touché. Un exemple : Déambuler dans une ville en se fiant au plan d'une autre. Absurde ? Non, significatif qu'il fallait se soumettre à tous les accidents de parcours, les dérives, car telle était l'ambition de ce projet utopique autant qu'apparrement ridicule. C'était, porté à ses zones vertigineuses d'insolite, la manie que nous avions, encore écoliers, de se donner des itinéraires sur la carte lumineuse du Métro parisien. Appuyant au hasard sur l'un des bouton et se soumettant au programme proposé. Que de découvertes alors et de merveilles urbaines. C'est au usant de toutes les ressources de la ville (en l'occurrence Paris), qu'on se réveillait et sortait de nos habitudes.
Guy Debord compose, en partant de cette idée, un livre d'une rare beauté et audace typographique. Les pages striées de dessins, de graphisme, de collages, et distribuant des morceaux de typographie comme des affichettes dans un rythme haché ( Blaise Cendrars, Pierre Albert Birot, les futuristes et les dadaistes avaient déjà expérimenté la chose) réinventent un itinéraire poétique. C'est une sorte de cartographie du rêve, un manuel de l'errance.

 


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1. Cybel  le 25-08-2008 à 16:56:46

le panneau lumineux au métro Etoile... Je devais descendre à Passy, je n'avais qu'une couleur.
Des gens venaient, appuyaient sur des touches qui faisaient apparaître vert, rouge, bleu. Quel mystère pour moi qui n'osais m'aventurer plus loin que le trajet précalculé par Maman

2. ooz  le 29-08-2008 à 19:02:39  (site)

Ensuite (quand j'étais plus grande) je descendais à Bir-Hakheim, et je traversais la Seine, il fallait que je fasse le tour de la statue équestre, (c'était ça mon jeu du jeudi)

3. durireauxlarmes  le 29-10-2008 à 01:37:53  (site)

Bonsoir,
J'adore cet article. Voir autrement, changer les paramètres, ré-inventer la Vie, bousculer les habitudes pour ne pas se fossiliser, comme les deux étudiants du livre d'Alexandro Jodorovski dans "La danse de la réalité". C'est tout à fait mon délire.
Très cordialement, durireauxlarmes.

 
 
 
posté le 23-08-2008 à 15:54:53

La femme selon la Revue Blanche.

Souvenirs de la Revue Blanche.

Elle résume toute une époque, et, surtout, tout un art de vivre dans un petit cercle de poètes et de peintres qui, autour de Missia Sert, des Nathanson, va cultiver l'amitié et l'art le plus exquis sans être le plus futile. On est sur cette "fin de siècle" qui s'ébat dans la luxure et le clinquant, la misère sociale accrue et l'argent facile, la provocation et les complexes qui vont nourrir la réflexion de monsieur Freud dans cette Vienne, plus que tout autre ville-métropole, saisie de cette stupeur qui inspire l'art le plus suave en même temps que le plus cruel car il dénonce le plaisir sans frein et l'angoisse métaphysique qui l'accompagne.
Paris modère cette fièvre sans l'ignorer, il lui donne une élégance plus bourgeoise, mais tous les arts en sont marqués, du théâtre à la peinture, en passant par la poésie.
On est à cheval sur deux siècles dont le nouveau se veut riche de promesses quand le XIX° flamboie dans la décadence.
On a hérité de la femme longiligne inventée par les symbolises, mais on lui donne plus de tempérament, une force intérieure quand elle était serrée dans le seul type de la rêverie. Femme aux ardeurs sensuelles et séductrice car elle tient plus de la femme de théâtre que de la muse saisie dans l'intimité de l'atelier. Toulouse-Lautrec est passé par là, inventant la femme gouailleuse, provocante, dévoreuse d'homme.
C'est parce qu'ils puisent leurs modèles dans l'intimité du foyer, à leurs côtés, que Bonnard de Vuillard donnent vie à des femmes plus rassurantes, elles sont de notre quotidien. Mais Jules Renard sait  être acide, Félix Fénéon sans complaisance et Alfred Jarry provocateur, on retrouve Messaline.
De ce formidable brassage va naître une femme nouvelle. Encore quelques métamorphoses, quelques générations et va surgir la femme moderne.


 


Commentaires

 

1. durireauxlarmes  le 25-08-2008 à 02:32:11

Et que penses-tu de Clorinde dans "Son excellence Eugène Rougon" d'Emile Zola? Adolescente, je rêvais de m'identifier à cette femme et ... Je suis devenue mère! Une mère louve qui a tout abandonné pour garder ses petits près d'elle ! Quelle dualité!!
Tu excelles dans cette analyse !
Amitiés, durireauxlarmes.

 
 
 
posté le 21-08-2008 à 15:51:24

Bruno Schultz au coeur de sa ville : Drohobycz

La ville noyau d'une oeuvre.

On ne peut comprendre James Joyce sans Dubin ou Kafka sans Prague. Ce sont des villes qui façonnent ceux qui en font le terreau de leur oeuvre. Pour Bruno Schultz c'est Drohobycz, un nom étrange à nos oreilles, et presque indéchiffrable à nos yeux. Réel pourtant, là bas, aux confins de la Pologne (aujourd'hui en Ukraine)  où Bruno Schultz va naître en 1893, dans un milieu petit bourgeois et où il va mourir sous les balles d'un barbare nazi en 1942. Personnage étrange, qui se dessine difforme, car il est aussi dessinateur (professeur de dessin dans sa ville natale), et laisse une oeuvre littéraire mince mais saisissante.
Drohobycz en toile de fond. et sa famille avec la figure dominante du Père (une sorte de foudre bavarde que l'on dirait sortie de la Bible) et des femmes tentatrices qui ridiculisent les hommes et les mettent à leurs pieds. Il y a un côté masochiste chez Schultz, avec une grandiloquence, une théâtralité qui font toute la splendeur de cette prose chatoyante, ourlée de fantaisie et plongeant dans les émois de l'inconscient. Baroque mais expressionniste aussi. Forçant le trait, multipliant les références naturalistes, les  passages vertigineux d'une forme à une autre, dans un jeu constant de métamorphoses.
La ville en ses variations climatiques, les lourdes chaleurs du plein été, les nuits constellées d'étoiles et la neige, le neige omniprésente, qui dessine ses calligraphies, ourle ses ondoiements, tant on passe promptement d'un règne à un autre, dans un monde halluciné et tentateur.
"Les Boutiques de Cannelle" est une série de petits textes que relie un fil conducteur tenu par un Père omniprésent et surtout Drohobycz avec son architecture que l'on dirait inventée par Chagall.
 


 
 
posté le 19-08-2008 à 17:38:48

La patience de l'arbre.

Encore une proposition pour un jardin.

Ou on le conçoit, l'ayant rêvé, alors il faut se mettre au rythme de la fleur, disposé à la patiente devant la majesté à venir de l'arbre.  Mais on s'en fait un puissant et fidèle compagnon.
Ou on en hérite. On le découvre, le désire et s'y glisse l'ayant enfin à soi. C'est la rencontre qui nous épargne les longues attentes, et excuse l'impatience, peut-être la favorise. Le travail n'est plus celui de la création (abstraite) à partir du plan.
Un jardin peut naître d'abord sur un papier. J'imagine le bon Le Notre présentant ses plans à l'impérieux Louis XIV, et voilà, déployée sur parchemin, la splendeur végétale et aquatique que nous promet le génie du grand homme, la prodigalité du roi fastueux.
Le jardin découvert, c'est celui d'un rêve enfin vécu, on le reconnaît. on l'attendait (comme le grand amour). Souvent on y retrouve son enfance. Combien d'enfances se sont nourries, façonnées à l'ombre d'un jardin touffu (comme on dit dans les annonces : arboré). Alors sa richesse se confond avec sa densité. C'est à la mesure des caches qu'il propose, des circuits qu'il s'invente, qu'il nous donne l'illusion de l'aventure. En est le cadre. D'aventures à notre mesure.
Les rapports avec lui ne sont plus de l'ordre du temps, mais de la longue rêverie qu'il favorise, dont il est aussi le cadre. On s'immerge en lui comme en eaux profondes. Il a ses profondeurs abyssales. Ses menaces aussi. Il rejoint le mystère de la forêt, le caractère impénétrable des hêtraies médiévales. On s'émerveille de l'âge de l'arbre comme si de tant d'années sa présence lui donnait le prestige de la mémoire. Celle des saisons, des éléments qui se sont déchaînés sur lui, le sculptant parfois. Il n'y a pas de plus émouvante aventure végétale que celle de l'arbre que le vent à fait fléchir, comme l'âge courbe l'homme le plus vaillant
Toute épopée ne passe-t-elle pas par la forêt. On risque d'y rencontrer le loup, on a la chance d' y réveiller une princesse endormie.

 


 
 
posté le 19-08-2008 à 11:36:15

Théroigne de Méricourt. l'expérience du cachot.

Elle naissait, il y a juste 246 ans, dans un petit village du Luxembourg, Marcourt, qu'elle va un jour, en le déformant légèrement, associer à son nom : Théroigne. C'est ainsi que l'on se fabrique des apparence de noblesse, serait-on né dans la sillon comme c'est son cas. Il y a des problèmes dans la famille, de l'ordre du banal, comme la mort qui la fait orpheline de mère. On la dirige sur une tante qui l'éduque puis l'exploite alors que le père refait sa vie avec une "jeunette". Théroigne (ça lui servira de prénom, encore qu'elle s'appelle Anne-Josèphe) quitte un foyer où pleurnichent 10 enfants. Elle se fait vachère puis retrouve un emploi, le perd, se fait adopter par une dame charitable, une anglaise, qui l'emmène dans ses terres. Une liaison ratée avec un aventurier, un dédommagement financier, et Théroigne gagne sa liberté. Une tentative malheureuse de reformer sa famille échouant elle part en Italie avec ses frères (qui l'exploitent) tente une carrière dans la chanson et semble se livrer à la débauche (version contestée par ses biographes).
C'est l'actualité qui la ramène en France et les bruits prometteurs de la Révolution où elle va trouver un territoire à sa mesure.
Son action est d'abord celle d'une dame tenant "salon" que fréquentent des idéologues : Camille Desmoulins, Fabre d'Eglantine, Brissot (des idéologues ou des aventuriers ?). Elle même se perd dans les vicissitudes de la Révolution, s'y confond, y gagne une sorte de légende alors qu'il est bien difficile de cerner exactement son action, et l'impact qu'elle peut avoir sur les évènements.
Lasse du désordre, elle tente un nouvel ancrage dans son pays d'origine. Y achète une maison, veut jouer les bergères. On la soupçonne d'être une envoyée des révolutionnaires. On l'arrête. On l'enferme au château de Kufstein. La voilà sous son nouveau visage. Martyre d'une cause où elle flamboyait. Conduite à jouer de son charme. C'est une version soft (?) d'une nouvelle du marquis de Sade. Le décor est là. On est à l'époque des "romans terrifiants" inventés par des romancières anglaises où le château menaçant joue un rôle de premier plan. L'enfermement se confirme  lorsque Théroigne, devenue folle,

est logée à la Salpétrière. Un nouveau personnage apparait. Versant du côté de l'horreur, un corps (qui fut beau, désiré) devenu une loque ;  un comportement, qui était galant, se confondant avec l'infamie. Est-on encore chez Sade ?
 


 
 
posté le 18-08-2008 à 15:49:41

Gertrude Stein n'est qu'un portrait.

Gertude Stein ou du pouvoir d'un portrait.

Sans le portrait que fit d'elle Picasso, et qui est l'une de ses oeuvres les plus importantes, Gertrude Stein serait-elle aussi légendaire ? Elle laisse une oeuvre abondante (parfois, souvent illisible) mais publiée par le jeu des relations et de l'argent, qui faisaient d'elle un "amateur", encore qu'on lui reconnaît quelques influences sur le développement de l'avant-garde, allant jusqu'à penser que James Joyce ne fut pas indifférent à son parcours !
Femme de tête, d'énergie, et fort consciente de son pouvoir acquit pas ce mélange de provocation, d'aisance financière, d'effronterie intellectuelle ( il est difficile de la contredire à en croire ceux qui l'ont connue) Gertrude Stein obtient une audience avec, en figure de proue, ce portrait de Picasso qui est un peu la Joconde de l'avant-garde.
Elle pose le problème de l'influence que peut exercer quelqu'un qui a obtenu une audience publique par les voies parallèles des relations, ce qui est l'équivalent d'un certain "bagout" abandonné à de plus égarés qu'elle.
 Issue de la riche bourgeoisie juive américaine, elle s'impose pour des raisons étrangères à la valeur réelle de ce qu'elle a créé. D'autres, encore, sont dans le même cas. Il faudrait revoir l'importance d'une Nathalie Clifford-Barney, une autre américaine qui a conquit le tout Paris par son "salon".
Dépoussiéré de toute sa surface frelatée et futile, une génération de créateurs abandonne au domaine du pittoresque, de l'anecdote, voire de la légende, ces personnages qui participent effectivement à l'essor d'une vie culturelle, mais n'en sont que des rouages promotionnels, certainement pas des artisans essentiels.
Gertrude Stein a gagné son statut culturel grâce au portrait que fit d'elle Picasso.


 


 
 
posté le 15-08-2008 à 17:35:59

Igor Delmas : les propos de l'archiviste.

Ce fut une expérience restée sans suite. Le photographe Igor Delmas avait créé une série de photos travaillées par le temps, l'usure, les accidents, et comme sorties de quelque désastre (inondation, incendie, bombardement). C'était mené de concert avec Olivire Brice qui, de son côté, avait réinventé un musée des antiques. On avait, pour lui et cette tendance artistique qui était alors en plein essor, évoqué "Le complexe de Pompéi" (il y aura un livre publié au éditions Horay, des expositions, des articles).
Versant littéraire de ce courant qui invoquait l'archéologie, la mémoire et le goût des archives :  "Les propos de l'archiviste" que j'avais entrepris aussi bien avec Olivier Brice qu'Igor Delmas. Le premier à partir d'empreintes, le second en s'appuyant sur les photographies les plus quelconques, de sa vie privée.
Il en résultera un album à petit tirage, et le souvenir d'une expérience bien captivante.

 


Commentaires

 

1. ooz  le 16-08-2008 à 01:24:50  (site)

ma nonchalente promenade autour du mystère. en éternelle exclue de l'expérience captivante. frustrations, amputations de soi qui mènent aux chemins magiques de la quête d'un hier à construire, à recomposer, à faire revivre avec une emphase colorée de phénomènes cataclysmiques, cycliques, inéluctables, à l'usage des plus jeunes générations d'archivistes, ces visionnaires du temps passé

 
 
 
posté le 14-08-2008 à 15:59:12

Toujours à propos de jardins.

C'est tout un art que de décliner dans un espace végétal ses rêves de fantaisie, d'ordre et de faste, car un jardin orné suppose des fêtes, les provoque, y invite autant qu'il fait allusion à l'amour et s'appuie souvent sur le catalogue des mythologies (en occident la mythologie greco-latine). Enfant, et parce que la pension où je me languissais sur les versions latines et les alphabets grecs était installée dans un château de la région parisienne ( à Brétigny sur Orge), nous pouvions, depuis la salle où l'on donnait les cours, admirer la belle perspective ponctuée d'un large bassin et qui, naturellement, était "à la La Notre". Des allées bordées de buis, un échantillonnage de statues à la manière antique, prolongeaient les leçons d'Histoire et des  langues censées nous ouvrir à une large culture. On y prenait goût pour une nature qui était disciplinée par l'intelligence du jardinier et le savoir de l'architecte. Pourtant par la suite, ma préférence allait aux jardins marqués par un léger abandon, qui allaient sur la pente d'une sauvagerie retrouvée. Un retour à la nature qui osait des fantaisies surprenantes encore que spontanées et qui obéissaient surtout aux variations climatiques.
Ici un jardin théâtre, codé, là l'inclinaison naturelle des saisons, le territoire de l'animal qui y retrouvait ses pistes, ses caches et ses aventures. Un jardin pour donner libre cours aux fantaisies de monsieur de La Fontaine qui peuplait la nature d'une étrange animalerie si proche de celle qu'il voyait à Versailles, quand il s'y égarait, et dans ce Paris à demi populaire, à demi bourgeois, qu'il fréquenait en piéton inspiré, (comme le fera Restif de la Bretonne mais ce dernier allant directement à l'espèce humaine et la croquant avec verve et malice).
On était dans l'art des jardins et nous voilà sur le pavé parisien. La nature n'y apparaît que timidement, mais quel délice que la surprise d'un square, d'un jardin secret. Ce sont souvent, aussi, comme les jardins ornementés, le cadre d'une recherche amoureuse.

 


Commentaires

 

1. jmdamien  le 14-08-2008 à 16:36:45  (site)

Salut, juste un petit bonjour sur ton blog que je viens de découvrir.

2. durireauxlarmes  le 19-08-2008 à 00:46:29

Tout à fait d'accord. Pour moi, visiter une région, un pays, c'est d'abord découvrir ses jardins et ses parcs où mon âme communie plus volontiers que dans une cathédrale.
Tout comme dans un jardin, je prendrai tout mon temps pour flaner dans ton blog avec délice. A bientôt.
Amitiés, durireauxlarmes.

 
 
 
posté le 12-08-2008 à 16:00:44

James Lord et les mondanités.

C'est un très vague souvenir, et sans que je puisse le situer dans le temps ni en quelle circonstance. Je me trouvais à la même table que lui chez Maxim's (invité par je ne sais plus quel organisme qui faisait sa promotion). Un homme grand, distingué, parlant avec un fort accent américain, c'était John Lord. A l'époque je ne le situais pas très bien. Il tenait une certaine réputation dans les milieux intellectuels pour avoir écrit un essai sur Giacometti. C'était mince. Je viens de trouver un livre de lui qui rassemble des portraits-souvenirs de quelques unes de ces femmes qui "font" la vie culturelle ; Gertrude Stein, Marie Laure de Noailles, et surtout de sa mère, ce qui nous vaut des souvenirs de jeunesse donnant un juste éclairage sur sa personnalité.
Marie Laure de Noailles y apparaît dans toute sa folie mondaine, ses caprices, ses foucades et ses amants. L'un d''eux, le peintre Dominguez est, au passage, croqué avec une rare férocité, ce qui discrédite une oeuvre autrement tout à fait honorable si elle n'atteint pas les "sommets" que l'on reconnaît à celui qui était son modèle : Picasso.
James Lord n'évite pas les dérapages de commères et une admiration un peu naïve pour tout ce qui est "le grand monde". Une fascination pour les célébrités, le goût du luxe mais avec une certaine humilité qui le met en situation de perpétuel invité. Il est du propre, souvent, pour ceux qui affichent leur homosexualité (et pourquoi pas ?) de jouer les hommes de compagnie, de confident. Les vieilles dames adorant ces hommes dont elles ne craignent ni les assauts, ni une virile tentation.
L'écriture  de ce livre  est gracieuse, parfois élégante et riche de détails savoureux, soutenue par un humour discret. On est là au niveau de la mémoire d'une histoire qui se fait entre mondanité et création. Les "salons" ont toujours joué un rôle essentiel dans la vie culturelle (et parfois peuvent être la matière même d'une oeuvre, voir Proust !) James Lord en est une sorte de Saint Simon agréable et distrayant. 


 


 
 
posté le 12-08-2008 à 14:58:25

Pierre-Jean Remy et le roman de gare.

Pierre-Jean Rémy et le roman de gare.

On attendait plus de celui qui avait écrit "le Sac du Palais d'Eté", fort roman initiatique où planait l'ombre de Victor Segalen. Construction audacieuse, effets de tiroirs, coins secrets, fil conducteur ingénieux. C'était une belle construction, d'une langue souple, inventive et séduisante. Et puis voilà une version romanesque que l'on dirait écrite pour "Voici". Très people et bien faite pour séduire les femmes au foyer de moins de cinquante ans. Tous les poncifs sont au rendez-vous. Du luxe (bing-bing), des femmes fatales, des aventuriers sortis de bandes dessinées, des décors pour épater la galerie. On traîne dans un succédané de Maurice Dekobra ou  Guy Des Cars, la madone des sleeping  version 2000. L'action sectionnée en séquences ayant chaque fois une femme pour héros principal, retient pourtant l'attention.  Elle entraîne le lecteur dans un catalogue de situations romanesques assez conventionnelles. L'écriture se contente d'accumuler des détails qui font chic et choc, les aventures emballées dans du sentiment comme on l'exaltait dans les feuilletons. On imagine bien la version que pourrait en tirer la télévision, mais où est la littérature là dedans ? Du social (?) en toile de fond, mais si schématique qu'il perd de sa force, des personnages typés

  mais chacun enfermé dans la caricature. La jeune journaliste, le vieux diplomate. Parce que toutes ces intrigues se déroulent dans les marges du monde diplomatique qui est celui de Pïerre Jean Remy qui n'est pas Claudel pour autant.
 


Commentaires

 

1. ooz  le 16-08-2008 à 01:35:46  (site)

j'aime cette photo du train bleu, avec le groom à boutons dorés, ganté de blanc

 
 
 
posté le 12-08-2008 à 14:17:29

Dali sans panache.

Dali et son panache.

Peu d'artistes ont suscité autant que lui des haines féroces. On ne pouvait invoquer son nom en présence d'André Breton (c'est lui qui avait inventé le si brillant anagramme "avida dollars") sans s'attirer alors des insultes, et Philippe Soupault n'était pas en reste, y ajoutant un mépris tout aussi virulent à l'égard de Cocteau. Il m'avait publiquement félicité dans une émission de télévision d'avoir osé, dans un article du journal "Arts", traîner dans la boue ce faciste guignolesque et dont le "génie", que nul ne contestait, n'excusait pas qu'il donne au public une image décadente de l'artiste, voire irritante et provocante. Ce qui ouvrait la porte à toutes les mystifications (à l'égal de Duchamp dont, en revanche, le caractère acétique jouait tout entier pour sa crédibilité). Nombreux furent ceux qui confondant excentricité et talent, jouèrent sur le registre de la provocation gratuite, la mise en marge d'un comportement comme expression d'un talent, et bientôt, comme simple justification de l'acte artistique. Ce sont de telles attitudes qui ont précipité l'art dans l'état de décadence dans laquelle il se trouve aujourd'hui. Dali par l'intervention du personnage et sa substitution à l'oeuvre, et Duchamp ( à son corps défendant) en pensant qu'il suffit d'avoir la même attitude de refus qui fut la sienne pour enrichir l'évolution de l'art actuel. Ce qui était vrai pour lui ne l'étant pas pour un suiveur. D'ailleurs la force même de ses choix (de ses attitudes) conduisent l'art à une impasse. Quant à Dali il a privilégié le panache à la réflexion, et la provocation à la création, étouffant celle-ci sous celle-là. Et tout le monde n'a pas l'habileté du peintre Dali dont on peut apprécier l'oeuvre en négligeant la personnage.

 


Commentaires

 

1. jmdamien  le 12-08-2008 à 14:22:08  (site)

Très bonne reflexion, où en est l'art aujourd'hui ? Dans les mains des marchands ? Bon, bonne journée, Damien

 
 
 
posté le 09-08-2008 à 16:34:36

La Cicciolina, modernes icônes.

Modernes icônes.

Aux temps de la puissance de l'Eglise qui contrôle tout et surtout la diffusion des images, procédant à celles qu'elle veut privilégier, aura succédé l'ère des fantasmes qui règnent sur la pensée des foules et motivent ses choix.
On aura remplacé l'omniprésence de la Vierge Marie, sainte et protectrice, par des figures hardies qui excitent notre désir  de consommation et entretiennent une toute nouvelle idée de la femme puisqu'elle domine massivement les moyens de communications mis en oeuvre pour favoriser la dynamique économique.
On aura noté que l'on utilise des femmes pour vanter aussi bien les bienfaits de la consommation de laitage que l'esthétique d'une voiture liée à l'idée de voyage : de fuite. Figure de proue du charme ( et parfois plus encore) la femme règne sans partage dans la publicité elle devient un alibi à la fois flamboyant et motivé par d'obscurs désirs.
Dans la course à la séduction exercée par l'imagerie moderne, s'infiltrant comme objet de concupiscence, l'image de la femme bascule vite dans l'érotisme à laquelle elle est systématiquement associée.
La morale étroite exercée par la société bourgeoise du XIX° siècle éclate sous la poussée d'une mise en place de la femme sur-exposée, enfermant la féminité dans l'espace largement ouvert de tous les fantasmes, la faisant esclave de sa propre séduction. A débattre !
Le propos s'inscrit dans un ouvrage en préparation : " La femme flambée de la Sainte Vierge à Brigitte Lahaie".

 


 
 
posté le 08-08-2008 à 17:05:32

Apollinaire, si proche de la presse.

Il y a du graphomane chez Guillaume Apollinaire, comme chez tous les écrivains qui ont abordé le journalisme. Où situer la frontière entre l'écriture de "création" et celle qui repose sur un sujet qui peut lui être extérieur et dont elle donne une version, une vision. L'art étant alors au niveau de qualité de cette vision qui peut en dire autant sur son sujet que sur celui qui l'a traité.
Critique d'art, Apollinaire absorbe tout, le pire et le meilleur, ce qui peut parfois nuire à l'idée que l'on se fait, et du critique et du poète prenant la plume pour conter le monde qui l'entoure. D'ailleurs, critique il l'est autant que piéton, ou, si l'on veut  : "piéton critique", un titre qu'il conviendrait de retenir tant il correspond à une certaine manière de travailler qu'ont les écrivains abordant la critique d'art comme un espace d'écriture où ils se donnent à entendre comme ils donnent à voir la peinture (ou sculpture) qu'ils commentent. Nul narcissisme en la méthode mais une approche plus sensible que scientifique (peut-elle l'être quand il s'agit d'art?). D'ailleurs elle tient moins compte de "l'histoire de l'art" que de la sensation, de l'émotion ressentie à la vision. On explique moins le mécanisme de l'oeuvre que l'effet produit par elle sur la rétine qui conduit directement à la sensibilité (la sensualité de la vision !)
On tiendra tous les écrits d'Apollinaire pour mériter de passer à la postérité via leur publication. On ressortira des textes "oubliés" retrouvés, et l'enthousiasme éditorial ira jusqu'à publier des textes contestables, voire des copies douteuses, peut-être des faux.  Que faire ? C'est la rançon de la gloire.

 


 
 
posté le 08-08-2008 à 16:47:28

Jacques Brenner au Flore.

Il avait benoîtement franchi la porte du Soleil dans la tête. De taille moyenne, mais arrondi par un penchant naturel et sans doute un goût prononcé pour la table Jacques Brenner offrait alors l'image du puissant manipulateur dont le monde de l'édition se targuait d'utiliser les dons de voyance pour dénicher les jeune talents.
Il usait de la pipe comme d'autres se servent d'un crayon pour se donner une contenance, peut-être désigner l'objet subit de leur curiosité toujours en éveil. Car en dépit de sa jeune corpulence Brenner dégageait une impression d'agilité. Du moins était-elle intellectuelle. Il y avait aussi beaucoup de jeunesse dans son sourire. Et un rien de malice. Nous fûmes, sur son invite, de concert, vers le Flore qui était son quartier général. On s'installe à la table de Francis Ponge. Présentation (je suis rien, l'inconnu) il incarne pour moi une certaine force de la poésie qui se cherchait alors, dans l'insistance du regard (en profondeur) une approche de la réalité (de l'objet) qui passait par la rêverie à laquelle nous avait familiarisé Gaston Bachelard. Avec quelque chose de plus aigu, de plus énigmatique aussi. Un rien de singularité qui pouvait être une forme délicate d'humour. Mais, s'hiverner dans l'objet, c'est aussi se découvrir.
Il y eut une courte escale chez Julliard (rue de l'Université) qui avait le front de s'installer juste en face de l'empire Gallimard. Mais la couverture à l'encadrement d'un vert tonique avait alors la cote chez les libraires.
Un texte fort court, et sans doute peu recommandable, fut soumis à un prestigieux lecteur de la maison (c'était, je crois me souvenir, Christian Bourgois qui a depuis fondé la collection "10/18"). Un refus intempestif devait me remettre à ma place. C'est ainsi que, parfois, sous les meilleurs ailes, on est mouillé.

 


 
 
 

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